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L'aléatoire

Sorence

zolpinaute de la sapience
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11 Oct 2022
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Est-ce qu'il est mathématiquement possible de créer quelque-chose de vraiment aléatoire (et pas seulement très très compliqué) ?
 

Bobbyjoe

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Il me semble que c'est le point même de la mécanique quantique qui opposait Albert Einstein et Niels Bohr, d'où la réplique d'Einstein : "Dieu ne joue pas aux dés." Et Niels Bohr de répondre "Mais qui êtes vous pour dire à Dieu ce qu'il doit faire?". Je laisse aux gens plus instruits que moi développer en quoi Dieu jouerait ou non aux dés d'après la physique quantique.

Cf le débat Einstein-Bohr sur wiki:


En relisant ta question je me rends compte que j'ai un peu ignoré sa dimension créative. Qu'entends tu par créer quelque chose d'aléatoire? Est ce au sens d'une création non déterminée par des causes qui la précédent? Ou une création, au sens d'objet physique, qui ne serait pas descriptible mathématiquement ? Dans un cas comme dans l'autre ça me semble compliqué.
 
Dernière édition:

Beya

Neurotransmetteur
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26 Mai 2022
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Mathématiquement on peut TOUT créer. On définit les variables aléatoires mais c'est pas vraiment "spéciale". C'est juste des fonctions qui ont des bonnes propriétés. En soit, des éléments \omega d'un univers \Omega qui associe à des trucs x. Et tu associes des nombres entre 0 et 1 pour créer ce qu'on va appeler une proba.
fig1.png


Par exemple , tiré d'un cours de seconde:
Exemple :
Soit l'expérience aléatoire : « On lance un dé à six faces et on regarde le résultat. »
L'ensemble de toutes les issues E (\Omega dans l'image ci-dessus) = {1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6} s'appelle l'univers des possibles.
On considère le jeu suivant :
• Si le résultat est 5 ou 6, on gagne 2 €.
• Sinon, on perd 1 €.
On peut définir ainsi une variable aléatoire X sur E = {1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6} qui donne le gain et
qui peut prendre les valeurs 2 ou –1.
Pour les issues 5 et 6, on a : X = 2
Pour les issues 1, 2, 3 et 4, on a : X = –1.

Définition : Une variable aléatoire X associe un nombre réel à chaque issue de l’univers des
possibles.
Mathématiquement, on a juste dis : on lace un dé à six faces. On peut associer des proba, aux sorties du dé. Dire que P(X=1)=1/6, P(X=2)=1/6...
Et j'ai crée une description d'un phénomène aléatoire uniforme (chaque sortie à la même proba que les autres d'arriver), c'est pas très satisfaisant par rapport à ta question, parce que je n'ai rien créer de physique ?

Peut-être qu'alors c'est créer du pseudo-aléatoire/ vrai-aléatoire la question ? Il y a plein de générateurs pseudo-aléatoires, de nombres, de mouvement, cryptographiques sûrs... Il y a un vrai théorie mathématique/informatique théorique qui s'intéresse à distinguer l'aléatoire. Et le plus but c'est d'avoir un pseudo-aléatoire (i.e déterministe) qui ressemble vraiment à du vrai aléatoire (mathématique défini comme avec le lancer de dés).
Si ça intéresse des gens dans ce domaine : https://membres-ljk.imag.fr/Pierre.Karpman/tea.html avec les deux cours sur les distinguisher et les partages de secrets.


Pour avoir des bonnes fonctions pseudo-aléatoires, on fait souvent des trucs compliqués. Mais, on peut aussi se servir de système chaotique (déterministe toujours mais imprévisible) pour générer du hasard : le double pendule c'est simple, c'est chaotique.
1709636162886.gif

Comme le dit @Bobbyjoe, il faut regarder de la mécanique quantique pour sortir du monde déterministe. Et tu peux créer des générateurs d'aléatoires à partir de système quantique puisqu'ils sont non-déterministes. Et ils ne semblent pas que ça soit qu'une vue de l'esprit (qui ne comprend pas la complexité comme dans le cas des systèmes pseudo-aléatoires ou chaotiques) puisque le débat, théorique et philosophique, sur la nature des phénomènes quantiques a reçu des réponses expérimentales. On peut notamment parler des inégalités de Bell et des expériences d'Alain Aspect (AKA PAS DE VARIABLES CACHEEES CACHALOT🐳🐳🐳🐳)

Deux vidéos bien intéressantes sur ces expériences :
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
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11 Oct 2022
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créer du pseudo-aléatoire/ vrai-aléatoire la question ?
Oui c'était ça, merci pour la clarification Beya ! (et pour ta réponse, Bobbyjoe)

on peut aussi se servir de système chaotique (déterministe toujours mais imprévisible)
Est-ce que c'est imprévisible parce qu'on n'a pas les moyens de le prévoir, ou parce que c'est par nature imprévisible ?


il faut regarder de la mécanique quantique pour sortir du monde déterministe.
Est-ce que cette indétermination peut dire quelque-chose à propos de la détermination à notre échelle, ou est-ce que ce sont deux mondes étanches ?
 

Canin

le Hutin (EEEEEHeh)
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3 Avr 2020
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Est-ce que cette indétermination peut dire quelque-chose à propos de la détermination à notre échelle, ou est-ce que ce sont deux mondes étanches ?

C'est pas vraiment étanche car ça participe à la formation du même réel.
Cependant il y a clairement des problèmes de continuité, qu'on va observer en voulant naviguer d'une échelle à l'autre.
C'est exactement ce que voulait montrer Schrödinger avec l'expérience du chat : on est dans le réel et à notre échelle (un chat bien vivant avec des poils) mais le résultat de l'expérience est déterminé par une réaction à l'échelle quantique, donc incertaine. D'où le fait qu'on a pas de réponse à notre question (il est vivant le chat ?) avant d'ouvrir la boite.
C'est aussi ce qui est étudié dans la notion de réduction du paquet d'ondes :

la question globalement c'est le lien entre nature aléatoire et multiple, et mesure bien précise et réel d'un état donné. Alors qu'on parle du même objet à chaque fois.

En ça l'expérience de Schrödinger elle pourrait t'aider à avoir du réellement aléatoire : on attend un certain temps que la réaction ai lieu ou non, on ouvre/on mesure, et on note le résultat, puis on peut réitérer. De par la nature aléatoire du phénomène à une échelle quantique, dont dépend l'expérience, on obtient une suite de résultats aléatoires. On peut le faire avec autre chose qu'un chat qui meurt pour avoir autre chose que des oui/non traduisibles en 0/1.
Mais en fait tout ça, ça revient à lancer des dés dans un monde parfait où il ne sont pas pipés et il n'y a pas de vent.
 
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Les réactions: Beya

Beya

Neurotransmetteur
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26 Mai 2022
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Est-ce que c'est imprévisible parce qu'on n'a pas les moyens de le prévoir, ou parce que c'est par nature imprévisible ?
Haha j'ai l'impression que c'est soit A soit A là. J'ai compris ce que tu voulais dire : non c'est pas des systèmes comme en mécanique quantique (déterministe ou non).
On pourrait, en théorie i.e. avec une puissance de calcul, une précision infinies..., calculer le mouvement du double pendule. D'ailleurs leur nature imprévisible peut quand même être étudié. Ça rejoint un peu ta question sur la différence macro/micro. On peut énoncer des propriétés des systèmes chaotiques même s'ils sont "imprévisibles".

Par exemple dans le double pendule, je connais déjà deux positions d'équilibre : tout en bas et c'est stable, tout en haut et c'est instable (comme dans un pendule normal). Je sais aussi que le chemin décrit ne va pas dépasser la longueur du pendule ; c'est des évidences là, mais on peut dire des trucs cools sur ces questions de stabilité, où je me balade etc...

Il y a un site cool et simple d'accès sur le chaos : https://www.chaos-math.org/fr/chaos-i-mouvement-et-déterminisme.html Plusieurs chapitres bien découpés avec des vidéos. Je pense qu'un bon exemple (le chapitre 7), pour bien comprendre cette différence avec "on pourra pas calculer" et "ontologiquement aléatoire" :
https://www.chaos-math.org/fr/chaos-vii-attracteurs-étranges.html avec la vidéo à la fin mais on peut commencer par ça aussi ;
et la première directement sur la question du déterminisme avec des boules de billard :
hop des slides gentilles et un cours moins gentil

Je pense que le chaos et cette différence macro/micro permet aussi de comprendre les phénomènes aléatoires en général car on a les deux points de vue sur un même système. Pour la description qu'on fait, il peut-être plus aisé de traiter un sujet sans l'autre, de simplifier : on peut aussi raisonner en se disant : qu'un petit mouvement (micro) à droite va statistiquement être plus ou moins compensé par un petit mouvement (micro) à droite de façon que le grand mouvement (macro) ne soit pas significativement (pour ce qu'on veut faire) affecté.

Est-ce que cette indétermination peut dire quelque-chose à propos de la détermination à notre échelle, ou est-ce que ce sont deux mondes étanches ?
Comme le dit Canin, c'est pas étanche et le chat c'est l'irruption directe dans notre monde macro. Ah et un autre phénomène qui fait qu'on est là. La fusion nucléaire au centre des étoiles, sans phénomène quantique, aléatoire pas de fusion, le pov Soleil est pas assez chaud :'( voir à ce minutage de la vidéo ci-dessous :

Donc déjà ça a un impact, le monde non-déterministe du monde quantique c'est la réalité. C'est pas non plus parce qu'un système est quantique qu'on ne peut pas l'étudier. Sur la page wiki de déterminisme : (je sais pas qui a écrit ça mais c'est un peu l'idée que je veux passer)
Il serait néanmoins faux d'en conclure que la théorie quantique est complètement indéterministe. L'équation de Schrödinger qui commande l'évolution dynamique du paquet d'onde est, elle, parfaitement déterministe. Cela signifie que l'évolution des probabilités des valeurs des paramètres est déterministe. L'articulation entre l'évolution déterministe de la fonction d'onde et le caractère fondamentalement aléatoire de son effondrement est mal comprise et constitue le problème de la mesure quantique.

En fait, je suis plutôt dans un déterminisme dur et ça me dérange pas du tout cet aspect probabiliste. Je n'ai aucune prise dessus non plus, je peux juste l'observer et en tirer des lois si possibles (ça ferait presque empiriste, inférenciste, IAiste). Je crois pas que l'aléatoire, ou la mécanique quantique (qui me soigne tous les jours grâce au MedBed gratuit), autorise spécialement le libre arbitre.

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Biquette

Modo vache qui rend chèvre
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Ca me surprend, mais j'ai pas vraiment trouvé d'oeuvres d'art qui emploient l'aléatoire quantique, alors que des types pompeux qui ont exploité l'aléatoire informatique y en a eu plein. C'est ptet pas plus mal que ça n'existe pas cela dit
 

xyzt_

Mlle je-fais-tout
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Je répondrais peut être plus tard que la question d'aléatoire, mais à la lecture des messages de @Beya, @Canin, @Bobbyjoe, j'avais envie de me lancer dans un tunnel sur la mécanique quantique.

Ahcktually...​

Pour être sûr qu'on parle bien toustes de la même chose je me permets de souligner certains points :

🦦 - Tous les états, y compris les états (très malheureusement) nommés "superposés", c'est à dire toutes les combinaisons linéaires des αi*|ei> sont des états quantiques "de plein droit". Aucun vecteur de l'espace des états n'est a priori privilégié, il suffit d'opérer un changement de base sur l'espace des états pour s'en rentre compte. Je prend un état |e> que vous nommez "état superposé" dans l'espace des états engrangé par la base (|e1>, |e2>), je note donc |e> = α|e1> + β|e2>. Mais attention, je peux aussi dire que |e1> = 1/α|e> - β/α|e2>. Alors, qui est un état "propre", qui est un état "superposé" ?
C'est une erreur aussi courante que regrettable de penser que |e> est une superposition de |e1> et |e2> qui eux ne seraient pas superposés, """purs""".

🦭 - En revanche, ce qu'on peut dire, c'est que pour un système quantique, tous les états ne sont pas associés à des grandeurs physiques bien définies. En fait, seule une minorité d'états l'est. Et souvent, on prend cet ensemble d'états associés à des grandeurs bien définies comme base canonique de l'espace des états, mais ça n'a vraiment rien de fondamental, j'y reviens plus bas.

🐈 - Toute mesure est une interaction. Un système mesuré, un l'appareil de mesure, un observateur sont intriqués lorsqu'ils interagissent. Dans le formalisme de la mq on représente cette intrication par l'opérateur ⊗. Mathématiquement c'est un produit tensoriel entre les vecteurs d'état, mais on s'en fiche un peu tant qu'on ne veut pas donner de valeurs numériques aux choses.

🐘 - Déso, c'est un peu lourdingue, mais plus loin j'ai besoin d'expliciter comment la mq formalise le fait de "faire une mesure" :
  • J'ai un système S dans un état |e>.
  • Je fais une mesure de cet état avec un appareil de mesure M, je note l'état de l'appareil de mesure |M(e)>. Comme toute mesure est une interaction, pour décrire le système, je ne peux plus m'arrêter à décrire S, je dois décrire S∪M. Ce système global est alors un état |e>⊗|M(e)>.
  • Je, l'observateur O, observe le résultat. Similairement il y a intrication, je dois maintenant décrire S∪M∪O, ce système sera dans l'état |e>⊗|M(e)>⊗|O(e)>.
  • De là, deux possibilités :
    • L'état |e> est associé à une grandeur bien définie, mettons "le spin de l'électron est tartanpion".
      • L'état final est |"le spin de l'électron est tartanpion">⊗|"l'appareil a mesuré tartanpion">⊗|"j'ai vu tartanpion sur l'écran de l'appareil"> et tout va bien.
    • Le système est dans un état pour lequel aucune grandeur bien définie n'est associée.
      • Je décompose cette état dans une base d'états associés à des grandeurs biens définies, par exemple α|"le spin de l'électron est tartanpion"> + β|"le spin de l'électron est gluurps">.
      • On note ça α|tartanpion> + β|gluurps>. L'état final sera (α|tartanpion> + β|gluurps>)⊗M(α|tartanpion> + β|gluurps>)⊗O(α|tartanpion> + β|gluurps>).
      • Or le principe de linéarité de la mq dit que M et O sont des opérateurs linéaires, je peux donc réécrire l'état final α|tartanpion>⊗|M(tartanpion)>⊗|O(tartanpion)> + β|gluurps>⊗|M(gluurps)>⊗|O(gluurps)>.
🐲 - La théorie de la décohérence ne résoud pas le problème de la mesure. Penser le contraire est selon moi une incompréhension fondamentale de ce que décrit cette théorie, j'y reviens plus loin.

sa marche mais c fau​

Globalement, j'ai l'impression qu'il y a ici un mélange entre la mq elle même et l'interprétation de Copenhague, mais cette inteprétation, même si elle est efficace pour se faire une idée rapide du comportement de certains systèmes, a des bugs indépassables au niveau fondamental.

À l'échelle quantique plein de choses interagissent en permanence et du principe de linéarité de la mq (plus précisément du caractère linéaire de l'opérateur d'évolution unitaire sur l'espace des états) découle que les combinaisons linéaires sont préservées lors de ces interactions.

Maintenant, voilà ce qu'on observe au sens strict : après la mesure d'un Σαi|ei>, tout ce qu'on observera du réel par la suite se comportera comme si toutes les composantes sauf une avaient été subitement anéanties.

L'interprétation de copenhague postule qu'il n'y a que lors d'une interaction avec un instrument de mesure que les choses se comportent différemment. Ça pose une énorme montagne de problèmes : principe de linéarité (fondement de la mq) est contredit, la structure hermitienne associée à l'espace des états s'effondre, la réversibilité de la physique disparaît.

Mais le plus gros problème est un problème de continuité : qu'est-ce qui rend spécial par nature un instrument de mesure ? Ou, dans d'autres variations de l'interprétation, la conscience humaine ?

L'interprétation de Copenhague contredit les principes de la mq. Il y a donc deux issues possibles :
  • La mq est fausse. Problème, les innombrables manips visant à la mettre en défaut ont jusqu'à maintenant échoué. D'un pdv épistemologique il est d'ailleurs remarquable qu'une théorie se soit montrée si juste dans sa description du réel.
  • L'interprétation de Copenhague est fausse. Et ça ce n'est vraiment pas difficile à admettre : la question de n'importe quelle personne après avoir été confronté à cette interprétation c'est "pourquoi ?".
Pour autant, l'interprétation de Copenhague est une simplification très utile. Car tout se passe exactement comme si elle était vraie. C'est donc un outil très pratique pour prédire le réel, mais c'est vraiment ou outil éclaté au sol pour expliquer le réel.

À noter qu'on peut très bien se dire que le but d'une théorie c'est de prédire, pas d'expliquer ; et on peut donc très bien se contenter de l'interprétation de Copenhague. À titre personnel, je ne trouve pas cet état de fait satisfaisant, mais Bohr et Hawkins le font bien alors...

Virgin nilhs bohr vs chad everett

On semble ici dans une impasse. Heureusement le chad Everett arrive à la rescousse dans les années 60, et propose une interprétation alternative.

Je reprends mon spin tartanpion - gluurps de ma petite introduction. On avait montré que l'état final était

α|tartanpion>⊗|M(tartanpion)>⊗|O(tartanpion)> + β|gluurps>⊗|M(gluurps)>⊗|O(gluurps)>​

  • Selon l'école de Copenhague, lors de l'observation, les α|tartanpion... ou les β|gluurps... sont anéantis. Le système S∪M∪O prend alors l'état |tartanpion>⊗|M(tartanpion)>⊗|O(tartanpion)>OU |gluurps>⊗|M(gluurps)>⊗|O(gluurps)>.
  • Selon Everett, lors de l'observation, RIEN NE CHANGE. L'état du système EST TOUJOURS α|tartanpion>⊗|M(tartanpion)>⊗|O(tartanpion)> + β|gluurps>⊗|M(gluurps)>⊗|O(gluurps)>.
Ce qui est remarquable dans le formalisme de la MQ et la raison pour laquelle j'ai tapé ces calculs lourdingues, c'est que la linéarité induit que les deux branches α|tartanpion... et β|gluurps... sont toutes deux en parfaite cohérence interne. À aucun moment je n'ai un |tartanpion>⊗|O(gluurps) par exemple. 1

En conséquence, il y a souvent des interprétations d'Everett comme "théorie des univers multiples" ou "théorie des consciences multiples". Là c'est plus philo, mais je n'aime pas du tout ces images. Ce que dit Everett c'est simplement que moi, l'observateur O, suis maintenant dans un état "superposé" après avoir interagi avec le système. Mais par définition, si je suis dans la ""branche"" |O(tartanpion)> (avec des mots "j'ai observé tartanpion"), mon "état de conscience" ne me donnne accès qu'à |M(tartanpion)> ("l'appareil affiche tartanpion") et |tartanpion> ("le spin de l'électron est tartanpion"). On peut aussi le formuler différemment, c'est à dire que si l'état de S est |tartanpion> je n'ai pas d'autre choix que d'être dans l'état |O(tartanpion)>. ²

Tout cela est très satisfaisant mais pose quand même un problème. Pourquoi cette "séparation" (en réalité rien ne se sépare mais je ne trouve pas d'autre mot) s'opère entre le vecteur d'état |tartanpion> et le vecteur d'état |gluurps>, alors qu'on a dit qu'aucun vecteur d'état n'était privilégié ? Pourquoi cette séparation ne s'opère pas entre une combinaison linéaire quelconque de ces vecteurs ?
C'est un problème historique de la physique quantique, très justemment nommé problème de la base privilégiée. Et à cela on a un élément de réponse qui se dessine : la théorie de la décohérence.

siissiii jeeejj trèèèè cohéreeentre​

Je vais commencer par dire ce que n'est pas la théorique de la décohérence. Sur le net (et probablement dans les bouquins aussi) on peut souvent lire des trucs qui donnent une image fausee de la chose, personellement ça ne m'a amené qu'à avoir des idées erronées sur la mq.

La décohérence n'est pas une explication justifiant l'indéterminisme de la mesure. En d'autres termes, la décohérence n'explique absolument pas pourquoi quand on mesure, on a l'impression que le système "choisit" aléatoirement une branche en excluant toutes les autres.

On peut parfois lire des trucs du style :
L'instrument de mesure étant nécessairement un gros machin, le fait que ce gros machin (un détecteur, notre oeil...) soit un énorme ensemble de sous-systèmes interagissant fortement avec le système le perturbe. La complexité des interactions fait que le système semble "prendre" un état aléatoire.
Que le machin qui mesure soit gros ne change strictement rien en ce qui relève de l'indéterminisme, ça n'a pas de sens. Quand on mesure, toutes les composantes sauf une se font tej. Quand on mesure pas, toutes les composantes sont conservées (ça reste linéaire). Il y a un problème de continuité.

La décohérence explique que la réduction du paquet d'ondes est progressive (bien que rapide), et qu'elle dépend en gros de la complexité / de l'activité de l'environnement (mathématiquement de son nombre de degrés de liberté). Elle n'apporte aucune explication conceptuelle au fait qu'il semble ne subsister qu'une branche une fois l'observation effectuée, et n'explique pas non plus pourquoi telle ou telle branche serait sélectionnée lors de la réalisation d'une mesure précise.

Les αi des Σαi|ei> et les probabilités |αi|²/Σ|ai|² d'obtenir tel ou tel résultat à la mesure de l'état final ne suivent pas une évolution continue au gré de la taille du détecteur ou de la complexité de l'environnement, c'est une interprétation erronée. On ne peut pas synthétiser d'environnement complexe suceptible de déstabiliser les probabilités.

Ce qu'explique la décohérence, c'est pourquoi les états macroscopiques finaux sont les vecteurs d'une base particulière, celle ou les états sont tous associées à des grandeurs bien définies. La décohérence n'explique pas pourquoi lors de l'observation un système semble "prendre" une valeur, elle explique en quoi quand le système semble avoir cette étrange comportement, les valeurs qu'il prend sont particulières.

Dans le cas du chat dans l'état α|mort> + β|vivant>, elle explique pourquoi à force d'interagir avec un tas de trucs il devient statistiquement impossible que α et β ne soient pas orthogonaux, c'est à dire mutuellement exclusifs (la composante de |mort> sur |vivant> est nulle et réciproquement). Mais elle n'explique pas pourquoi le caractère mort OU vivant observé en pratique suit une loi aléatoire.

Si on exprime l'état du système dans la matrice densité au lieu d'un Σαi|ei>, on voit clairement qu'à la limite on a une matrice diagonale de trace unitaire. Ça traduit bien le caractère mutuellement exclusif des états.

Si la théorie de décohérence expliquait le caractère non déterministe, on aurait à la limite une matrice nulle partout avec un coef valant 1.

Ceci étant, il reste des choses pas claires. On a toujours pas vraiment compris en quoi la base de l'espace des états dans laquelle est exprimée la matrice densité serait particulière. En l'état, un changement de base transforme notre belle matrice diagonale en une matrice quelconque et nous voilà de retour au point de départ.

La folie des grandeurs​

Pour bien essayer de comprendre les relations entre le petit monde quantique et le monde classique il faut interroger les notions de grandeur et de mesure.

De fait, nous ne savons pas mesurer les états des systèmes, y compris les systèmes de la mécanique classique. En revanche, nous savons dénombrer, comparer des grandeurs, donner un sens au fait que quelque chose paraît deux fois plus long qu'une autre, qu'un instant semble trois fois plus court qu'un autre, qu'un objet ait l'air dix fois plus lourd qu'un autre.

La métrologie est un domaine abyssal, les questions comme "c'est quoi un nombre", "c'est quoi une grandeur" sont des sujets très délicats qu'honnêtement je maîtrise très mal. Plutot que de faire un tunnel dans le tunnel, un exermple : on est littéralement incapable de mesurer la température. Mais on peut observer que le liquide dans le thermomètre change de volume lorsqu'elle varie, c'est à dire compter le nombre de graduations, ou encore comparer la longueur que prend le liquide dans le tube avec une longueur de référence.
On peut aussi faire ça avec d'autres phénomènes physiques, mesurer la température avec des courants électriques ou des tas de systèmes compliqués mais on ne mesure pas l'état du système : on observe quelque chose qui en dérive (un observable), on le quantifie par rapport a une autre chose (une unité de référence), on en déduit une valeur (une grandeur physique).

Nous ne devrions donc pas être surpris.es qu'on soit dans l'incapacité de mesurer directement les états physiques. En mécanique quantique, on ne sait pas mesurer directement les vecteurs de l'espace des états, mais on voir bien qu'en mécanique classique c'est exactement pareil.

Toutefois, à l'échelle macroscopique, on voit bien qu'il y a des choses qu'on arrive assez bien à quantifier : l'intensité du courant électrique, la vitesse, la position, l'énergie... Ces grandeurs, de fait, sont particulières pour nous, dans notre monde macroscopique. Nos instruments savent les mesurer (même de manière indirecte et imprécise). En mécanique classique la valeur de ces grandeurs suffit à caractériser de manière univoque le système puisque chaque état a des valeurs bien définies. Mais ce n'est pas le cas en MQ.

Imaginons qu'on mesure une certaine grandeur G.

Si le système mesuré est dans un état pour lequel une valeur de G est bien définie, la mesure révèle alors cette valeur.
Si le système est dans un état pour lequel une valeur de G n'est pas bien définie, alors par définition la mesure ne pourra pas révéler cette valeur.

Il y a donc bien des états privilégiés du système, ceux pour lesquels la mesure de G révèle une valeur propre à l'état.

Si nous mesurions maintenant une autre grandeur G' sur le même système, il est évident que ce que nous apellerons les états privilégiés du système changeront pour devenir ceux pour lesquels G' est bien définie.

On voit que la base d'états privilégiée n'est pas intrinsèque au système, mais dépendante des grandeurs que nous y mesurons.

Mais il y a un problème épistemologique de taille : dans le monde macroscopique on ne sait pas construire d'instrument de mesure capable de mesurer n'importe quelle grandeur. Peut-être savons nous construire quelque chose capable de mesurer G, mais on est pas capables de fabriquer quelque chose pour mesurer G'. En mq, les bases privilégiées et les états """purs""" n'ont rien de fondamentales, on voit bien qu'elles dépendent simplement de la mesure.

Quand le système est simple, très isolé, il est possible de construire des systèmes de mesures pour mesurer n'importe quelle grandeur. Par exemple, plutôt que de mesurer l'état du chat dans la base (|mort>, |vivant>) on pourrait construire quelque chose capable de mesurer dans (0.5|mort> + 0.5|vivant>, |vivant>). 3 L'appareil de mesure afficherait alors sur son écran "le chat est moitié mort, moitier vivant" ou "le chat est vivant". Dans un tel contexte, l'état qu'on note |mort> n'aurait plus de valeur bien définie associée, si on tente mesurer cet état en répétant l'expérience plusieurs fois, l'appareil affichera 4/5 du temps "moitié mort, moitié vivant" et 1/5 du temps "vivant" !

|mort> = 2(0.5|mort> + 0.5|vivant>) - |vivant>
𝒫(0.5|mort> + 0.5|vivant>) = |2|²/|2|²+|-1|² = 4/5
𝒫(|vivant>) = |-1|²/|2|²+|-1|² = 1/5​

Mais pour un système assez complexe ou en forte interaction, on ne peut pas construire ce genre de chose. L'univers entier devient l'équivalent d'un instrument de mesure. Pour mesurer n'importe quelle grandeur de n'importe quel système, il faudrait contrôller la totalité de l'environnement.

Evidemment, ce n'est pas possible, et l'univers macroscopique autour de nous détermine "de facto" une base des états privilégiée pour lesquels les grandeurs sont bien définies.





1 : Ce qui fait fondre mon cerveau dans la sérotonine c'est qu'on arrive à ce résultat d'une manière extrêmement élégante, avec un ensemble extrêmement restreint de suppositions : la physique est linéaire, et on autorise un système à être dans toute combinaison linéaire d'autres états. Je pense vraiment que la physique quantique est une des plus belles qu'il nous ait été donné de formaliser.

2 : La mq n'explique en rien ce qu'est un état mental ou ce qu'est la conscience. De fait on suppose ici qu'il existe des états mentaux "j'ai vu X" ou "j'ai vu Y", car intuitivement on voit bien de quoi on parle. On ne dit rien sur la nature de ces états, c'est quelque chose qui sort du spectre de la mq.

3 : En fait on pourrait pas avec le chat, c'est une expérience de pensée. Mais on peut faire pour de vrai pour mesurer des spins non entiers par exemple.
 

Canin

le Hutin (EEEEEHeh)
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Bon en vrai j'ai pas tout lu, je le ferai a tête reposée, mais oui je crois qu'on a oublié un point important là : ce que j'ai répondu, et Beya aussi, est basé sur l'interprétation de Copenhague. Et celle ci pose pas mal de problèmes théoriques.
Et oui l'expérience du chat c'est une expérience de pensée, mais qui est restée car elle met très bien en évidence ce qui n'est pas intuitif et un problème tout de même fondamental : le lien entre un réel déterministe (la mécanique de Newton elle marche c'est un fait) et sa composition a une plus petite échelle par des phénomènes non déterministes (mécanique quantique qui marche aussi)
 

Sandman

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Mathématiquement on peut TOUT créer.
Voila, j'arrive en retard mais c'est ce que j'aurais dit de base.

Après le topic est partie en full vulga et ça me plaît beaucoup. Merci @Sorence grâce à ta question Psychonaut a enfin un topic sur la physique ^^

Mathématiquement c'est un produit tensoriel entre les vecteurs d'état, mais on s'en fiche un peu tant qu'on ne veut pas donner de valeurs numériques aux choses.

Waaa j'aimerais tellement comprendre ça mais c'est clairement pas de mon niveau. Vivement dans 10 ans quand j'aurais dépassé le niveau lycée en maths et dans 20 ans quand j'en serais aux tenseurs haha ^^
 
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xyzt_

Mlle je-fais-tout
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En première approche, tu peux regarder ce qu'est le produit de Kronecker sur l'espace des matrices et te dire que le produit tensoriel c'est ça en n-dim.

Ça se généralise pour les espaces de dimension infinie et donc ça permet de représenter les composées d'applications linéaires quelconques
 

Sandman

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C'est trop haut level pour moi malheureusement. Je ne veux pas seulement comprendre l'idée mais aussi les calculs. J'ai commencé les matrices et je n'en suis qu'aux opérations de bases.

Par contre j'aimerais bien que tu m'explique quelque chose : Comment sais t'on que le mq est fondamentalement non-déterministe et que nous ne souffrons pas simplement de lacunes pour comprendre et qu'une nouvelle théorie, ou découverte comme ce fut le cas pour le boson de Higgs ne nous éclaire ?

J'ai cherché cette info sur le net et dans des bouquins mais soit c'était trop compliqué pour que je comprenne, soit les explications n'étaient pas suffisamment intuitives et explicites.

Merci d'avance si tu prend le temps de me répondre @xyzt_ (t'as l'air de prendre du plaisir à expliquer donc jme permet hihi ^^).

edit : tu l'as peut-être déjà explicité dans ton post précèdent, toutes mes excuses si c'est le cas. C'est juste que c'est un peu complexe pour moi tout ça et avec mon traitement j'ai d'énormes difficultés de concentration.
 
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xyzt_

Mlle je-fais-tout
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J'ai commencé les matrices et je n'en suis qu'aux opérations de bases.
Le produit de Kronecker ce n'est vraiment pas compliqué, tu peux deja regarder ça sur les matrices tranquillement et tu verras plus tard pour la généralisation n-dim.


Comment sais t'on que le mq est fondamentalement non-déterministe et que nous ne souffrons pas simplement de lacunes pour comprendre et qu'une nouvelle théorie, ou découverte comme ce fut le cas pour le boson de Higgs ne nous éclaire ?
C'est une question plus profonde qu'il n'y paraît. Mais c'est super que tu la poses car ça va permettre de renouer un peu avec le sujet.


Comment sait-on que la MQ est non déterministe ?


- Tu ne poses pas la question, mais on sait qu'il existe des états superposés en faisant des manipulations expérimentales impliquant des interférences. je ne vais pas détailler mais tu peux chercher sur le net, certaines manips sont assez faciles a comprendre.

- Expérimentalement, si on synthétise un grand nombre de systèmes superposés indépendants et qu'on les mesure, les resultats des mesures semblent suivre une loi probabiliste.
Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement ?

Retour au sujet initial : Qu'est-ce qu'un système probabiliste ?​

Et question sous-jacente : peut on vraiment créer une machine vraiment chaotique dans monde déterministe ?

Comme l'a très bien dit Beya, en maths on peut créer ce qu'on veut, et on a bien le droit d'imaginer un système dont, par hypothèse, rien ne permet de prédire la valeur exacte à l'avance. En revanche, on peut doter un tel système d'une loi décrivant la fréquence à laquelle on observe tel ou tel événement quand on réalise un grand nombre d'expériences.

J'imagine un système abstrait supposé simuler un pile ou face.
Je le dote d'une loi de probabilité stipulant que, si je fais une infinité d'itérations de l'expérience, j'obtiens exactement 50% de pile, 50% de face, 0% de gloubiboulga, 0% de tramadol, 0% de quoi-que-ce-soit-d'autre (mathématiquement on dit que je dote le système d'un espace probabilisé).
Je fixe par hypothèse que rien ne me permet de savoir à l'avance quelle sera l'issue exacte d'une expérience. En d'autres termes, que je n'ai aucun autre moyen de savoir quelle est la prochaine valeur que le machin va renvoyer que d'effectivement aller regarder le résultat de l'expérience.
Et voilà, j'ai conceptualisé un système qu'on pourrait qualifier de complètement aléatoire.

Au sens strict, dire qu'un système du monde réel a un comportement aléatoire c'est dire que les valeurs du système qu'on mesure sont semblables à des valeurs qui viendraient d'un système aléatoire conceptuel.

Ça pose deux questions :

1 - Pour faire la comparaison entre les valeurs que je mesure dans le vrai monde et les valeurs du système conceptuel, j'ai besoin d'une implémentation physique de mon système aléatoire conceptuel. Est-ce que je peux vraiment fabriquer un tel truc en pratique ?

1' - Il y a une question sous-jacente directe : comment être sûr que mon implémentation physique correspond effectivement à mon cahier des charges, puisque pour mettre a l'épreuve mon implémentation physique j'ai besoin... D'une implémentation physique du cahier des charges pour comparer les valeurs ?

2 - Comment je peux comparer les valeurs de deux systèmes dont je suppose (ou j'aimerais) qu'ils soient aléatoires ? On voit bien qu'une approche statistique est insuffisante : si mon générateur pile ou face renvoie une fois sur deux pile, une fois sur deux face, j'ai bien une moyenne cohérente avec mon cahier des charges mais mon aleatoire est tout pourri car il devient super simple de prédire qu'elle sera la prochaine valeur. On peut montrer qu'il est possible de construire des générateurs aléatoires tout pourris validant un grand nombre de grandeurs statistiques par rapport à leurs homologues vraiment aléatoires : moyenne, écart type, probabilité d'obtenir n fois d'affilée le même résultat...

Ce sont des questions délicates, qui trouvent des ramifications très profondes dans et au-delà des mathématiques.
Si on a pas de réponse définitive à ces questions et leurs implications (qui relèvent plus de la philo et de l'épistémologie que des maths), nous ne sommes pas totalement démunis pour autant.

La théorie de l'information à la rescousse​

Étant donné une suite de valeurs quelconque, qui peut être issue de mesures physiques ou d'une boite-noire-tentative-d'implémenter-une-machinerie-a produire-de-l'aléatoire, on peut se demander quelle est la taille du plus petit algorithme possible permettant de fabriquer une machine produisant cette liste de valeur.

Je reprends ma machine pile ou face une fois sur deux toute pourrie de tout a l'heure. Je lui fais générer 100000 valeurs. L'algorithme décrivant cette machine est tout petit, beaucoup plus petit que ma liste de 100000 valeurs. Ça "prouve" que ma machine aléatoire est toute pourrie.

Maintenant j'imagine que j'ai un vrai biniou aléatoire qui sort 100000 valeurs de pile ou face.
Je vais avoir beau chercher de toutes mes forces, le plus petit algorithme que je vais trouver susceptible de retourner exactement cette liste va être méga compliqué. En fait, il sera probablement aussi gros que la liste elle même, il est même probable que l'algorithme contienne la liste de valeur plus ou moins directement.

Une manière de le dire c'est que les séquences pseudoaléatoires ou aléatoires sont par essence difficiles (resp. impossibles) à compresser (au sens informatique du terme).

Implications de tout ceci​

Notons que cette définition permet efficacement de faire la disjonction entre les machines pseudoaléatoires qu'on sait construire, et les vraies machines aléatoires conceptuelles. Beya a bien expliqué comment fonctionnent les machines qu'on arrive a construire dans le monde macroscopique (ou a simuler sur des ordinateurs), à base de théorie du chaos et d'extrême sensibilité aux conditions initiales, donc je ne vais pas revenir dessus. Le fait est que dans le cas de ces machines, comme il existe un petit algorithme permettant de générer de grandes suites de nombres pseudoaléatoires, alors ces suites ne sont pas de vraies suites aléatoires.

Lea lecteurice avisée aura donc compris que la définition d'une séquence aléatoire devient troublante : une séquence est aléatoire si on ne sait pas construire une machine pour la générer. Voilà qui réduit a néant nos espoirs de créer du vrai aléatoire : si on arrive a créer un algorithme plus petit que la séquence pour la générer, alors par définition la séquence n'est plus aléatoire !

A ce stade il s'agit bien de noter que cela ne dévalorise pas nos machines pseudoaléatoires, on sait construire des sources de chaos d'une très grande qualité, qui vérifient avec une très grande précision l'ensemble des propriétés d'un vrai phénomène aléatoire ou presque. La distinction que nous faisons ici est de nature conceptuelle, pas fonctionnelle.

D'ailleurs en pratique cela ne nous aide pas du tout : pour juger de la qualité de l'aléatoire, notre définition suppose de trouver le plus petit algorithme décrivant une séquence. Mais il existe une infinité d'algorithmes, on ne peut pas les tester tous, donc on ne peut jamais être sûrs qu'un petit algorithme tout bête n'existe pas pour décrire une séquence qui paraît méga complexe ! Avec cette définition on ne peut pas décider de manière définitive si quelque chose est de nature aléatoire. En revanche, on peut montrer que certains systèmes ne sont pas de nature aléatoire.

Retour à la mécanique quantique​

Bon, j'en reviens à la MQ. On a dit que les observations d'états composites semblaient se comporter comme des variables aléatoires (au sens de tout ce que j'ai décrit avant, ie on arrive jamais a prédire le résultat des mesures avec un algorithme). Donc à ce stade l'observation qu'on peut faire c'est que la MQ est chaotique, c'est à dire sensible aux conditions initiales et difficile à prédire, un peu comme nos générateurs pseudoaléatoires ou le double pendule de Beya.

Là il y a deux conclusions possibles :
- La mesure quantique est par nature vraiment aléatoire, c'est a dire non déterministe et définitivement impredictible puisque ne dépendant de rien.
- Mais après tout, peut être qu'il existe cet algorithme capable de prédire le résultat. Et si le résultat des mesures quantiques était déterminé à l'avance, avant la mesure et pas lors de celle ci, si on ne faisait tout simplement pas les mesures correctement ? Peut être qu'un paramètre nous échappe, peut être existe il des variables dans le système quantique qui, si on les mesurait, permettraient de connaître le résultat à l'avance ?

Le fait que la nature profonde du réel paraisse random a bien sûr fait couler l'encre comme jaja chez les chads peres fondateurs de la MQ.

Je n' ai pas la deter pour me lancer dans un tunnel sur les expériences EPR, les violations de symétrie, les inégalités de Bell, l'expérience d'Aspect et consorts, mais ce qui nous intéresse ici c'est qu'à force de se creuser la tête, on a trouvé une manip permettant de déterminer expérimentalement si la théorie déterministe des variables cachées est possible ou non dans le cadre de la MQ.

Et la réponse de cette expérience, effectuée 50 ans après les batailles sanglantes entre les physiciens pour savoir si dieu joue aux dés ou non ; manip quasi miraculeuse a son époque et aujourd'hui couramment répliquée... C'est que non, l'existence des variables cachées n'est pas cohérente avec la MQ. Ça veut dire que si on accepte la MQ, il faut accepter que les variables cachées n'existent pas.

Si tu veux creuser le truc, par exemple comment fonctionne la manip permettant de soumettre ce genre de chose à l'expérience, cherche "expériences EPR", je suis sûre qu'il y a plein plein de trucs sur le net.

Pour la seconde partie de ta question maintenant, ça va aller beaucoup plus vite :

Nous ne souffrons pas simplement de lacunes pour comprendre et qu'une nouvelle théorie, ou découverte (...) ne nous éclaire ?

On sait pas, et on espère toustes qu'on trouvera un jour un gros bug dans la MQ qui nous fasse jeter la théorie à la benne pour la remplacer ou la compléter avec une autre théorie encore plus stylée.
 
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Sandman

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@xyzt_ Merci pour l'explication, elle complète d'une manière différente celle donnée par mon frère quand je lui ai posé la question hier soir.

On a parlé de la théorie de Copenhague, des inégalité de Bell, de la théorie d'Everett avec les fameuses variables cachées dont tu parles. Je comprend bien mieux le débat maintenant. (d'ailleurs la théorie d'Everett à fait implosé mon cerveau. Mon intuition à été poussé dans ses retranchement. J'étais quasiment déréalisé après notre discussion ^^).

Je m'en vais de ce pas regarder l'interview d'Alain Aspect proposé par Beya, qui m'a d'ailleurs été proposé aussi par mon frère.

Si tu veux creuser le truc, cherche "expériences EPR" je suis sûre qu'il y a plein de trucs sur le net.

Yep ce soir je vais me bouffer des vidéos à ce propos.
 

xyzt_

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la théorie d'Everett avec les fameuses variables cachées dont tu parles
Attention, l'existence ou non de variables cachées et l'interprétation d'Everett sont deux choses très différentes. La première on a une preuve expérimentale qui l'infirme, la seconde est une interprétation par nature impossible à soumettre à l'expérience (puisque nous sommes dans la branche |machin s'est produit>⊗|l'appareil a mesuré machin>⊗|j'ai vu machin>⊗|l'univers entier autour de moi semble avoir vu machin>).


la théorie d'Everett à fait implosé mon cerveau. Mon intuition à été poussé dans ses retranchement. J'étais quasiment déréalisé après notre discussion ^^
Pinaillage mais je pense qu'on ne devrait pas parler de théorie mais plutôt d'interprétation.

Si tu veux voir une expérience qui montre la pertinence de penser "à la Everett" plutôt que de penser "à la Bohr", et qui personnellement m'a bien retourné le crâne : je te présente le delayed choice quantum eraser.


Sinon j'en ai profité pour remettre en forme et expliciter qq trucs dans mon dernier message. Hésite pas si y'a des trucs pas clairs, il y a quelques raccourcis mariokart.


en effet on se demande si les intervenants ne sont pas commandités pour assurer une présence des pseudos au nom des vrais inscrits en mode off...
xyzt_gpt
 
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Sandman

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Attention, l'existence ou non de variables cachées et l'interprétation d'Everett sont deux choses très différentes. La première on a une preuve expérimentale qui l'infirme, la seconde est une interprétation par nature impossible à soumettre à l'expérience (puisque nous somems dans la branche |machin s'est produit>⊗|l'appareil a mesuré machin>⊗|j'ai vu machin>⊗|l'univers entier autour de moi semble avoir vu machin>.

Yes je sais tkt je me suis mélangé.

C'est ces histoire de multivers ça m'a retourné le cerveau.

Sinon j'en ai profité pour remettre en forme et expliciter qq trucs dans mon dernier message. Hésite pas si y'a des trucs pas clairs, il y a quelques raccourcis mariokart.

Merci vraiment 💜
 

Biquette

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Tout cela est très satisfaisant mais pose quand même un problème. Pourquoi cette "séparation" (en réalité rien ne se sépare mais je ne trouve pas d'autre mot) s'opère entre le vecteur d'état |tartanpion> et le vecteur d'état |gluurps>, alors qu'on a dit qu'aucun vecteur d'état n'était privilégié ? Pourquoi cette séparation ne s'opère pas entre une combinaison linéaire quelconque de ces vecteurs ?
Je suis pas vraiment équipé des skills mathématiques pour retranscrire les arguments de tête, mais il me semble que l'interprétation de Coleman résoud ce problème de façon simple et élégante, non ? On se met bien moins les neurones en tire-bouchon qu'avec l'interprétation d'Everett : il suffit de traiter l'appareil de mesure (et l'observateur) comme des objets quantiques, qui vont donc s'intriquer avec l'objet de la mesure, et la question de l'effondrement de la fonction d'onde ne se pose plus.

Plutôt que de faire le perroquet, je laisse ici l'exposé de Coleman, qui est très éclairant en plus d'être une lecture très divertissante : https://arxiv.org/pdf/2011.12671.pdf

Dans l'ouvrage intitulé "L'homme et le monde", il y a une anecdote sur le philosophe Ludwig Wittgenstein. Je ne sais pas s'il s'agit d'une histoire vraie
ou d'une histoire populaire de Cambridge. Quoi qu'il en soit, l'anecdote est la suivante :

Un ami se promène dans Cambridge et voit Wittgenstein au coin d'une rue, perdu dans ses pensées,
et lui dit : "Qu'est-ce qui te tracasse, Ludwig ?"
Wittgenstein répond : "Je me demandais simplement pourquoi les gens disaient qu'il était naturel de croire que le soleil tournait autour de la terre plutôt que l'inverse".
L'ami répond : "Eh bien, c'est parce qu'on a l'impression que le soleil tourne autour de la terre plutôt que le contraire."
Wittgenstein réfléchit un instant et dit : "Dites-moi : A quoi cela aurait-il ressemblé, si ça avait eu l'air d'être le contraire ?"

Aujourd'hui, on dit que la réduction du paquet d'ondes se produit parce qu'il semble que la réduction du paquet d'ondes se produit. Ce que je vous demande dans la deuxième partie de cette conférence, c'est de considérer sérieusement à quoi cela ressemblerait si c'était l'inverse - si tout ce qui se produisait était une évolution causale selon la mécanique quantique.
Ce dont j'ai essayé de vous convaincre que cela ressemble juste à la vie ordinaire.
Bienvenue chez vous. Je vous remercie de votre patience.
 
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