Sorence
zolpinaute de la sapience
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Salut ! Vous avez sûrement entendu parler de cette super exposition sur l'Ayahuasca au Quai Branly. Dépêchez-vous, c'est jusqu'au 26 Mai !
Son curateur (la personne qui organise) s'appelle David Dupuis et elle est également sociologue. Lors d'une journée d'étude sur les hallucinations, elle a présenté une partie de son travail et j'ai trouvé ça tellement intéressant que je vous en parle aujourd'hui.
Pour son travail de thèse, Dupuis est allé au fameux centre Takiwasi pour observer les rituels d'ayahuasca organisés par Mabit. Comme c'est un sociologue, il a bien évidemment repéré que les trips et leurs interprétations étaient influencés par le cadre social. C'est une chose que nous savons bien. Mais ce qui est vraiment passionnant, c'est que Dupuis décrit comment le cadre façonne l'expérience.
Par exemple : il montre comment les moments d'intégration sont organisés de telle sorte que le "chaman" est en position centrale pour se saisir des témoignages et les ordonner selon son cadre d'analyse (démons VS l'ayahuasca). Ces discussions viennent ensuite façonner les expériences suivantes, et on constate que les témoignages, au début disparates, tendent à s'homogénéiser dans le temps, les gens voyant des choses similaires et les interprétant spontanément avec le cadre proposé par Mabit.
Je vous invite donc à lire d'abord cet article qui développe sur les matériaux d'enquête et propose une première réflexion :
L’ayahuasca et son ombre. L’apprentissage de la possession dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne
Puis ce deuxième article, qui reprend les fondements pour approfondir la réflexion sur comment sont socialisées les hallucinations :
Apprendre à voir l’invisible. Pédagogie visionnaire et socialisation des hallucinations dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne
Et s'il vous reste du temps de cerveau disponible, cet article en anglais plus récent qui reprend ce que nous avons déjà vu pour proposer des réflexions plus abouties sur les hallucinations et le mysticisme en général :
The socialization of hallucinations: Cultural priors, social interactions, and contextual factors in the use of psychedelics
Pour l'anecdote : à l'époque, la MILDECA avait l'ayahuasca dans le viseur et Dupuis au centre. Il était en gros soupçonné de, par son travail, favoriser des dérives sectaires etc. Dans le même temps, Mabit soupçonnait Dupuis d'être un agent de l'establishment venu décrédibiliser son œuvre. Bien sûr, Mabit n'a pas aimé les résultats produits par Dupuis. Retenez ça : si vous croyez à ce que vous faites, n'invitez pas de sociologue. Bien qu'elle ne se prononce jamais sur la valeur ontologique de ce qu'elle étudie, la sociologie tend à désenchanter le monde. Beaucoup auront le seum de réaliser qu'il y a, oui, toujours une grande part d'horizontalité humaine dans nos expériences les plus transcendantes. Mais je trouve qu'il y a un beau défi à saisir cette magie malgré tout.
Son curateur (la personne qui organise) s'appelle David Dupuis et elle est également sociologue. Lors d'une journée d'étude sur les hallucinations, elle a présenté une partie de son travail et j'ai trouvé ça tellement intéressant que je vous en parle aujourd'hui.
Pour son travail de thèse, Dupuis est allé au fameux centre Takiwasi pour observer les rituels d'ayahuasca organisés par Mabit. Comme c'est un sociologue, il a bien évidemment repéré que les trips et leurs interprétations étaient influencés par le cadre social. C'est une chose que nous savons bien. Mais ce qui est vraiment passionnant, c'est que Dupuis décrit comment le cadre façonne l'expérience.
Par exemple : il montre comment les moments d'intégration sont organisés de telle sorte que le "chaman" est en position centrale pour se saisir des témoignages et les ordonner selon son cadre d'analyse (démons VS l'ayahuasca). Ces discussions viennent ensuite façonner les expériences suivantes, et on constate que les témoignages, au début disparates, tendent à s'homogénéiser dans le temps, les gens voyant des choses similaires et les interprétant spontanément avec le cadre proposé par Mabit.
Je vous invite donc à lire d'abord cet article qui développe sur les matériaux d'enquête et propose une première réflexion :
L’ayahuasca et son ombre. L’apprentissage de la possession dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne
Puis ce deuxième article, qui reprend les fondements pour approfondir la réflexion sur comment sont socialisées les hallucinations :
Apprendre à voir l’invisible. Pédagogie visionnaire et socialisation des hallucinations dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne
Et s'il vous reste du temps de cerveau disponible, cet article en anglais plus récent qui reprend ce que nous avons déjà vu pour proposer des réflexions plus abouties sur les hallucinations et le mysticisme en général :
The socialization of hallucinations: Cultural priors, social interactions, and contextual factors in the use of psychedelics
Pour l'anecdote : à l'époque, la MILDECA avait l'ayahuasca dans le viseur et Dupuis au centre. Il était en gros soupçonné de, par son travail, favoriser des dérives sectaires etc. Dans le même temps, Mabit soupçonnait Dupuis d'être un agent de l'establishment venu décrédibiliser son œuvre. Bien sûr, Mabit n'a pas aimé les résultats produits par Dupuis. Retenez ça : si vous croyez à ce que vous faites, n'invitez pas de sociologue. Bien qu'elle ne se prononce jamais sur la valeur ontologique de ce qu'elle étudie, la sociologie tend à désenchanter le monde. Beaucoup auront le seum de réaliser qu'il y a, oui, toujours une grande part d'horizontalité humaine dans nos expériences les plus transcendantes. Mais je trouve qu'il y a un beau défi à saisir cette magie malgré tout.
