Zeek a dit:
Oh ce n'est pas ça qui va m'arrêter =) je pense juste qu'on se comprend mal.
Tu parles de rituel chamanique, moi je te parle de régime alimentaire, il y a un gap entre les deux. Il en faut beaucoup des champignons pour vivre un vrai trip, et il n'y avait pas que ça dans leur ration alimentaire. Quelques champignons dans un repas peuvent passer inaperçus. Pourtant sur le long terme ils auront bien un effet. Combien de temps il leur a fallu pour isoler certains champignons comme responsables d'hallucinations ?
[...]
Ce que je pense, c'est que n'est devenu exclusif aux chamanes qu'à partir du moment où c'est sorti de leur alimentation, lorsqu'ils ont pu mettre en parallèle le champignon et l'hallucination qui, comme tu le dis, était dangereuse pour eux, et c'est peut-être le début du chamanisme puisque justement le chamanisme trouve ses sources dès le paléolithique. Le chamane c'est celui qui prend les risques pour sa tribu, encore faut-il avoir connaissance de ces risques.
Je ne vois vraiment pas ce qu'elle a de si farfelue cette hypothèse.
Au contraire, il en faut pas beaucoup des champignons pour ressentir un effet, et je ne pense aucun animal suffisamment con pour pas reconnaitre ce qu'il bouffe et s'il a des effets sur lui.
Ensuite j'aimerais vraiment clarifier un point: la consommation de champignons hallucinogènes n'est en aucun cas avérée, il n'y a pas de preuve, c'est juste une idée qu'a balancé McKenna. Alors en consommer quotidiennement, indépendamment les saisons, des changements climatiques et de l'endroit, ça me parait bien fantaisiste, donc je t'invite de prendre davantage de précaution oratoire.
Ensuite, consommer des champignons quotidiennement, si tu connais les lois de la biologie tu n'es pas sensé ignorer que l'évolution se décompose en 4 dynamiques. D'une part: mutation (échelle individuelle), dérive génétique (échelle populationnelle), et sélection naturelle & sexuelle (les deux précédents + la pression de sélection de l'environnement...), et d'autre part on a la migration et ses flux de gènes.
Dans ce cadre explique moi comment est-il possible, qu'une consommation qui ne concerne que les chamans (si on prends ton dernier message), pourrait expliquer une évolution pour l'ensemble de l'espèce humaine. Plus prosaïquement même, pour qu'un caractère se transmette d'une génération à une autre, il faut que la mutation concerne les cellules germinales (càd les gamètes). Admettons que les champignons ont un potentiel mutagène qui développe les capacités cérébrales, et bien si un adulte en fait l'usage, ce caractère sera un trait d'histoire de vie qui ne se retrouvera pas dans sa descendance. C'est comme si on décidait de lui couper un bras.
Après pour illustrer un peu comment fonctionne l'évolution (ce que peu de gens comprenne en réalité), je vais répondre une de tes affirmations (à la quelle j'avais je crois oublié de te répondre). Figure toi que l'alcool était consommé bien avant les champignons. En effet l'alcool ne se fabrique pas par l'homme, c'est juste un processus de fermentation des sucres qui est utilisé par l'homme pour réaliser des breuvages, mais en réalité un fruit resté trop longtemps à terre et qui commence à pourrir contient de l'alcool. A ce titre, l'homme a développer une résistance à la toxicité de l'alcool par sélection naturelle. En effet étant donné que parfois il s'est retrouvé dans des situations où la nourriture venait à manquer et qu'il s'est retrouvé dans la nécessité de manger des fruits tombés depuis trop longtemps des arbres, les individus qui ne disposaient pas d'une résistance à l'alcool (en réalité il s'agit d'une enzyme) ont peu à peu été contre-sélectionné. A l'inverse ceux dans leur génotype qui ont eu la chance d'avoir une mutation qui a créer cette enzyme ont été sélectionné. Dans l'histoire de l'humanité on a la même chose pour le lactose contenu dans le lait, et comme cette adaptation est beaucoup plus récente, on a encore une bonne partie de la population mondiale qui ne digère pas le lactose et qui donc ne peut pas boire de lait une fois adulte.
Si on reprends l'exemple des champignons, si les hommes s'étaient retrouvés dans une situation similaire, alors ils auraient développer une résistance aux toxines (hallucinogènes), puisqu'elle a tendance à baisser leur taux de survie. C'est le cas par exemple des lapins, qui sont capables de digérer les amanites phalloïdes, tout simplement parce que dans leur histoire évolutive, ils ont été beaucoup plus à même de consommer des amanites, ce qui n'est pas notre cas. D'ailleurs on dit souvent que trouver des traces de morsure d'animaux sur un champignon est signe qu'on peut le manger, maintenant vous aurez l'exemple du contraire ^^
Zeek a dit:
Comme tu le dis Wasson et McKenna n'étaient pas des scientifiques, mais ces personnes ont en commun une expérience que peu ont de nos jours : celle de consommer des champignons quotidiennement dans une moindre mesure que celle nécessaire pour déclencher un trip. Tu n'es certainement pas sans savoir que le champignon entraîne une tolérance immédiate et relativement durable, et donc dans ces conditions tu pourrais en consommer un peu tous les jours sans jamais vivre une expérience significativement forte. Je ne défends pas particulièrement la théorie de McKenna, que je trouve un peu trop extrême, en revanche je pense qu'il en connaissait bien plus sur la conscience que le psychologue moyen. Simplement parce qu'en faisant l'expérience d'états de conscience altérés tu définis à chaque fois un peu mieux ce qu'elle est.
Comment peut-on se dire expert de la conscience si on ne joue pas un minimum avec, en la regardant au loin sans jamais oser s'en approcher ? Il faut la mettre en pièces pour comprendre comment ces pièces s'assemblent.
Déjà des psychologues et psychiatres qui se sont intéressés aux psychédéliques (et qui en ont fait le tour), il y en a eu beaucoup. Je profite au passage pour informer Ubik que des lysergamides et d'autres drogues ont été par le passé étudié et commercialiser, ce sont leurs dangers qui les a écartés de la liste des substances autorisées. Bien que certains dérivés de l'ergot de seigle soit encore utilisé en médecine humaine et vétérinaire aujourd'hui.
Ensuite pour te répondre plus directement Zeek, je ne suis pas d'accord avec toi sur le fond de l'histoire. La réalité, si elle existe, est un ensemble de phénomène intersubjectif. Faire une expérience subjective et en tirer des conclusions générales (sur le fonctionnement de la conscience) ça n'a rien de sérieux. D'autant plus que l'expérience psychédélique fonctionne justement par la résurgence de tout un tas de symboles, de souvenirs et d'opinions inconscients qui se conjuguent avec des effets émotionnels physiques pour former un nœud dont la compréhension est inextricable.
Les scientifiques se doivent donc de calmer leurs ardeurs et d'étudier de la manière la plus neutre que possible leur sujet, c'est à dire la conscience d'autres individus. Leurs données doivent être ensuite traités de manière statistique (c'est à dire donc recueillir pas une expérience unique mais un gros corpus de témoignage) pour en dégager quelques observations, et pas des certitudes.
Zeek a dit:
Je ne défends pas particulièrement la théorie de McKenna, que je trouve un peu trop extrême, en revanche je pense qu'il en connaissait bien plus sur la conscience que le psychologue moyen
Lorsqu'on balance des jugements comme ça, le minimum est de les étayer, parce que j'ai plus l'impression que tu t'intéresse à McKenna qu'à la psychologie. C'est comme si je disais : les scénaristes de Prison Break connaissent bien mieux la situation carcérale que les sociologues spécialistes du sujet.
Au passage bravo, belle exemple de prétérition.
Tridimensionnel a dit:
Ce n'est pas un raisonnement, c'est une constatation. Dès qu'un truc est interdit, un autre vient le remplacer, quasiment non testé, aucun feed-back, aucune idée des side-effect, et ce sont les consommateurs les cobayes. Au bout de quelques années on finit par avoir une idée à peu près claire de ce qui est safe ou non, mais si le rythme s'accélère, il y a moins d'expérience et plus d'accidents. Donc c'est une très mauvaise nouvelle sur le plan sanitaire (sans parler du plan récréatif).
C'est une constatation à valeur prédictive.....
D'autant plus que comme la relevé Ubik, ce n'est pas parce qu'un produit est interdit qu'il n'est plus disponible sur ces sites. D'autre part j'ajouterais qu'ils n'attendent pas que leurs molécules soient interdites pour en créer de nouvelles. Enfin je pense que rien ne garantit a priori qu'ils se soucient de la toxicité de leurs molécules, de fait rien ne garantit que la nouvelle molécule soit plus toxique que l'ancienne. Quand bien même, sur le plan sanitaire, je doute que les consommateurs de RCs se soucient réellement du caractère safe sur le long-terme de leur consommation, ça fait 10 ans qu'on connait les risques de certains RCs, certains ont même été développés et interdits le siècle dernier.
Après oui de fait sur une nouvelle molécule on a moins temporairement moins de feedback que sur une ancienne, mais ça ne garantit pas la validité de ta constatation. Surtout que je voulais mettre en avant que c'est quand même aux institutions publiques de prendre leur décision, et à mon sens elles ne doivent pas céder à ce genre de pression. Par exemple, je suis carrément pour l'interdiction du fentanyl et de ses dérivés, et je considère pas qu'on devrait les laisser en dehors de toute législation sous prétexte que les méchants RC shops risquent de nous pondre des molécules encore pires.