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De la perte de repères

psychotrique

Holofractale de l'hypervérité
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12 Nov 2013
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Je demanderais à la communauté psychonautique de ne pas me blâmer pour cet énième pavé 8)

Pris dans un flot de belles paroles de perchés (dont le sujet m’échappe encore), on se détache peu à peu de la scène, le décor s’efface et la dernière goutte de lucidité s’échappe.
Le trip se déroule depuis environ 2h, on sort tout juste de la tempête candy-flipée, les motifs MDM’esques se confondent avec les déformations acidulées, les couleurs se cristallisent en de fins traits fluorescents, les pensées se clarifient, une énième vague de présence nous submerge, et la conversation reprend.
Nous sommes 3 protagonistes, compagnons de voyage, assis dans un espace clos, nos esprits suffoquent de ce confinement mais nous nous imposons le rituel, presque inconsciemment.
Tandis que les paroles s’envolent, la dichotomie apparaît, comme à son habitude. Ce n’est plus seulement moi qui regarde. On prend conscience du flux d’énergie omniprésent que chacun s’approprie de par sa parole, de par sa pensée.
Lorsque X parle et que je l’écoute avec attention, ses paroles lui appartiennent. Tout ce qui sort de sa bouche semble venir de lui-même. Pris par un élan d’inspiration, on le sent partir dans une prose acidulée, et le flux semble comme monopolisé par sa parole. La boucle fatigue/forme de mon attention en arrive au climax, et je perds peu à peu le fil de son discours. Mes pensées se re-présentent à moi, je reprends mon monologue mental habituel, et dans une simultanéité quasi parfaite, X sent ses mots lui échapper, comme influencé par ma pensée. L’assurance dont il faisait preuve se dissipe peu à peu au profit d’un état amorphe, il phase, comme dans la lune.
Et je m’approprie à mon tour ce flux. Comme si la cohabitation de nos 2 êtres n’était pas possible, comme si ma pensée était liée à la sienne, comme si sans mon silence sa parole ne pouvait prendre sa place.
L’échange, la conversation. Comme le centre de l’évolution, ce temps qui ne passe que lorsque nous cohabitons, partageons. Ce contact sans lequel rien de tout ça n’existerait.
La dichotomie se généralise, pris dans une trance qui nous hypnotise, nous devenons chacun observateur de ce jeu qui prend place dans la voiture, tout en y prenant part. Comme si le référentiel changeait, que nous devenions conscients de notre être inconscient et inconscient de notre être conscient :)Oo:). L’un apres l’autre, nous nous rapprochons de ce flux d’énergie. Le jeu devient plus subtile, et ce ne sont plus nos paroles qui influent sur ce flux, mais nos pensées. Les paroles ne sont plus échangées dans un plan concret, mais plus abstrait. Nous communiquons, mais par quel moyen ? Comme si nos pensées se liaient les unes aux autres, au moyen de ce flux que nous partageons.

Je sens le poids de mes mots sur X, tandis qu’Y, attentif, se tait. Je me sens comme possédé, je ne contrôle plus vraiment ce que je dis, comme un coké trop inspiré qui se lance dans un monologue incompréhensible (Van damme m’voyez).

Et là, la tuerie s’installe. Je sens comme une présence s’installer en moi, mes pensées disparaissent, comme dans un état de méditation, et cette présence prend la parole, à travers moi.
Dans un élan de dernière lucidité, je lance à X, sur un ton que je ne me connais pas, entre la terreur et l’illumination :

« X, prépare toi, je rentre en communication avec toi ».

X sort de son état léthargique à cet instant précis, me regarde avec des yeux très différents de ceux qu’il possède dans cet état, comme s’il était possédé lui aussi.


« X tu m’entends ? Est-ce que tu m’entends ? »

Y tire une tête plus qu’étonné, tandis que je cherche un semblant d’explication à ce qui se passe. X a entendu ce que j’ai dis, et tous deux ont perçu que ce n’était pas vraiment moi qui en était l’auteur. Je ne saurais pas comment le décrire, mais mon identité s’est trouvée démantelée à ce moment précis. Je n’étais plus, au sens subjectif du terme, rendu au simple état d’observateur de moi-même, étranger à moi-même.
L’échange se poursuit, indépendamment de notre volonté. C’était comme si deux être séparés par une frontière que je me suis moi-même imposé comme étant mon égo, se retrouvaient mêlés l’espace d’un instant.

Je sens peu à peu le contrôle me revenir, je reprends la narration en cours de route. A ce moment, ma pensée se mêle à celle de X, nous nous côtoyons, et le ressentons tous deux.
Lorsque j’ai complètement repris place dans mon corps, et lui dans le sien, l’envie d’intervenir se fait sentir, et dans un élan commun à X et moi, nous prenons la parole.

Mais aucun son de sort, un blanc magistral prend place tandis que nous constatons l’ampleur qu’a pris ce délire. Comme si nous avions voulu reprendre la parole en même temps, comme si nous nous étions précipités vers la porte qui amène une idée abstraite dans le monde du concret. Arrêtés devant la porte, hésitant à laisser passer l’autre en premier, nous prenons conscience de cette simultanéité mystique, comme si nos deux paroles ne pouvaient se confondre, comme s’il fallait attendre son tour, et faire le choix de se taire pour laisser parler l’autre. Comme si nous parlions au moyen d'une même bouche. Je ressens au fond de moi le doute le plus intense qu’il m’ait été donné de croiser, et la portée de la leçon que je m’offre à moi même.
Nous nous regardons, effarés. Tout s’est déroulé sans qu’à aucun moment ce doute ne se dissipe. Il n’y avait aucune certitude, aucune idée de ce qu’il se passait objectivement.
Mais tous trois avons ressentis, imaginés, vécus la même chose. Comme si nous étions complètement sorti du déterminisme habituel, comme si nous avions vécu cet instant présent unique, où tout se côtoie, y compris notre être le plus fondamental.
Cette perte de repère a pour moi été un tournant décisif dans le déroulement de la soirée. Bloquant sur cette hallucination de groupe, je cherche à me l’expliquer, mais le maelstrom reprend place, et les réponses ne m’appartiennent plus.

S’en suivent un ensemble de coïncidences particulières, mon intention se retrouve malmenée. Mes mots se détachent de ma volonté, et chacune de mes interventions est une épreuve pour ceux qui m’entourent.

Moi : « C’est quoi comme Rhum que t’a mis là dedans ?
Z : Oh j’sais plus, du Saint James ou autre.
- Arf ça va, t’aurais pu te la mettre au Charrette
- Putin j’crois que c’est ce que j’ai mis dedans … »

J’ai ressenti à cet instant toute la déception dans son regard, la terrible mélancolie d’un jeune homme qui semblait implicitement avoir de grands soucis d’intégration, de reconnaissance. Un autre tripé qui avait perdu notion du moi. Je me sentais comme dénigrant la valeur de cette personne sous prétexte qu’elle utilisait un Rhum bon marché.

(Bon accessoirement j’me tarte un we sur 2 au charrette, c’est dire le plane paranoïde dans lequel j’étais).

J’éprouvais régulièrement le besoin de revenir sur l’incident précédent, comme pour me rappeler de mémoriser cet instant magique durant lequel nous avons vécu ce paradoxe indescriptible, de peur de redescendre amnésique
Peu à peu, mes interventions finissaient par déranger X, qui me mettait en garde (d’une voix qui semblait plus venir de moi-même que de lui) de ne pas chercher trop loin, de ne pas creuser, sous peine de perdre pied.
La paranoïa s’installait au fur et à mesure que je re-pensais cet instant, que j’essayais de me le représenter. J’avais l’impression de faire quelque chose pour laquelle mon cerveau n’était pas programmé. Vivre ce paradoxe a été comme un coup de marteau à mon équilibre psychologique, j’ai senti la démence à quelques pas de moi, je prononçais son nom : folie.
Je voyais ce lien (composé de toutes ces capacités impalpables qui nous permettent le contact) existant entre nous tous, et mon être profond. Je voyais cette frontière entre ma bouche, mes oreilles et mes pensées. Je me la représentais comme un point acupuncture du cerveau du grand Soi.
Comme si au dela de mon être, derrière le voile, se cachait un cerveau, plus grand, plus fondamental, le grand cerveau.

Et comme si dans la psychologie de ce cerveau, de ce grand Soi, des nœuds existaient. Comme des contractures musculaires nécessitant qu’on les masse, mais au niveau de la psyché, du cerveau. Et c’est l’Homme qui opère, en chirurgien, et qui au moyen de ces points acupuncture accède à ces nœuds, et les démêle.
C’est comme si l’Homme s’était pour se faire instaurer ces frontières. Elles lui permettent d’être partie du grand tout, et dans appréhender les autres parties. Ce zoom holographique lui permet de se rapprocher du détail, minutieux, que présente un nœud. Et de par sa parole, ses actes, il agit dessus.
Et la démence schyzophréne prend alors un sens tout nouveau. Qu’est-ce que folie, si ce n’est la perte de ces frontières, empêchant de fait l’Homme d’intervenir sur ces nœuds ?
En cet instant nous avons accédé à un nœud tout particulier, vieux et très serré. En cet instant nos être se sont confondus, je n’étais plus moi, petite personne particulière se sentant si spéciale, mais un tout comprenant chacune de ses parties.
J’ai cru perdre pied, mais ai tenu bon, non sans galérer. Ne m’attardant pas sur mes excès de parano, je garde la tête « froide », en mode bourrin-trop-fait, tant pis pour mon équilibre, on verra demain.
La fin de soirée se déroule sans accroc, cette expérience reste le point le plus haut du trip, la suite n’aura été que redescente progressive vers les étapes suivantes.

Je résumerais les différentes étapes de mon trip lysergique (de manière générale) de cette façon :
1 : Montée, confusion croissante.
2 : Climax de la montée, maelstrom et confusion max.
3 : Emergence du brouillard psychédélique, reprise de conscience.
4 : Début du plateau, évolution du trip dépendante de ma volonté, début du « dialogue ».
5 : Augmentation de l’intensité du trip, les hallus se mêlent à ma pensée, on se rapproche de la frontière entre équilibre/déséquilibre mental (paradoxes de plus en plus WTF).
6 : Dépassement de la frontière, prise de conscience, emballement du trip, perte de contrôle progressive (fatigue).

Je me suis rendu compte de la dangerosité de s’attarder sur certains détails … parfois, le silence est la plus belle des interventions =)
 

Pâtisserie

Elfe Mécanique
Inscrit
20 Déc 2013
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476
Ça me parle énormément ce que tu as écrit. Je revis ce qu'il s'est passé dans mon dernier trip au LSA. Au maximum de la montée je contrôlais tellement plus mes pensées que chaque idée était accompagnée d'une multitude de répercussions négatives. J'ai eu l'impression (et même la certitude quand je vivais le moment.) que chaque sensation, chaque regard, chaque mouvement, même sans parler trahit cette multitude de répercussions négatives à mon co-trippeur et inversement. Et quand on essaye de parler c'est encore pire.
Mais au final cette pseudo télépathie n'est qu'une certitude fausse qu'on éprouve trippé. Et on ne peut pas s'en sortir si tous les trippeurs sont dans le même état. Il faut attendre que la tempête se calme et rester conscient que c'est jute une sensation mais c'est difficile. Je n'ai pas réussi sur le coup.
Puis vient l'évocation de la "folie", quand on se rend compte de tout ça mais qu'on est déjà piégés dans le trip. Ça fait froid dans le dos de penser qu'un schizophrène peut vivre ça quotidiennement.

Mais quel est l'élément déclenchant du bordel ? Comment on passe des fous-rires de tirades lysergiques sans queue ni tête à cet état ? C'est juste une question de puissance de montée ? Est-ce que certains d'entre vous ont déjà réussi à se sortir de cette merde sans être pour autant redescendus un minimum ? Ça vous est déjà arrivé en trippant seul(e) ? Est-ce qu'un sitter sobre qui connait le principe du bordel est capable de l'arrêter ?

vous avez 4h. :ninja:
 
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