Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

En vous enregistrant, vous pourrez discuter de psychotropes, écrire vos meilleurs trip-reports et mieux connaitre la communauté

Je m'inscris!

[champis 3g] Fée bon thé

cermunos

Neurotransmetteur
Inscrit
3 Nov 2022
Messages
34
Mont des Castors, en foret, avec ma meilleur amie.
3g de champi secs pris en bon thé. (180, 80 kg).
Vendredi soir début de weekend, détendu.


Clefs sur le cœur, c’est un bon endroit pour se retrouver. Le chemin est léger et grave à la fois, cette fois-ci nous sommes deux, le terrain est un peu connu, mais l’imprévisible est à prévoir. Sommes-nous prêts ? Sac sur le dos, nous avançons au lieu de notre dînette. Comme des enfants, peaux de loup et de mouton sous les fesses, nous échangeons avec un bon thé de champi. Bavardages et contemplation nous font patienter jusqu’à la danse des arbres. Les troncs se tressent en pulsations avec le bleu de l’horizon, ma colonne se tend. C’est le moment de prendre le chemin qui mène à la petite clairière.

Nous marchons assez droits et le chemin est facile. Les souvenirs m’assaillent. Au fond de moi, je redoute la vision de la crypte noire. J’avance, je fais l’homme assuré, c’est moi qui endosse le rôle du guide. C’est ce que je redoute dans les expériences à deux : la distribution des rôles, j’ai tant de mal à y échapper. J’essaye de ne pas trop porter le costume… Le chemin est toujours accueillant, le chant des oiseaux nous accompagne, par moment la réalité devient froide et difficile en contraste avec les couleurs profondes et nuancées de la minute précédente.

Je cherche l’eau de la déesse révélée la dernière fois. Je ne la retrouve pas, c’est un nouveau voyage. Tu traverses le cercle d’arbre sans soucis et tu t’installes là où je pensai aller la dernière nuit. L’ivresse me prend, elle est plus forte que ce qu’avais imaginé. Les arbres se tressent et vibrent, les troncs aux langues de bœuf à bordure blanches ressortent plus vifs : solidarités des champis. J’ai la nausée et j’ai du mal à me poser. Tu as pris la peau de loup et tu fermes les yeux bien sagement. Je devrai essayer de faire comme toi. Je m’allonge, la tête me tourne, mes idées s’entrechoquent.

Je bouge, mes jambes lancent des coups de pied, j’ai dû tenir une minute avant de dire "je vais faire un tour". Tu comprends, et tu es déjà partie. Je descends un peu plus bas, je m’éloigne du cercle d'arbres qui cache la crypte noire. Je marche sur les feuilles rouges, les bruits m’alertent, je piste les crottes de chevreuil, je me sens à la fois chasseur et chassé, prédateur et gibier, prêt à dominer ou a fuir en fonction du rapport de force qui apparaîtra le plus favorable. Je hume l’air, je respire avec plaisir en essayant de capter les odeurs. Finalement, je suis heureux d’être seul, pas de combat à livrer, de change à donner.
Une violence et une souffrance naissent en moi. Je les contiens en marchant. Mes pieds me brûlent et je déchausse, le sol couvert de feuilles est doux, moelleux et accueillant, chaque pas est un délice. Je chemine, ma pensée rebondit comme une image entre deux miroirs. Ma peine est immense, ma bête est là, souffrante. Elle voudrait ne plus être en cage et demande sa liberté. Pour moi, elle doit être contenue, je ne peux rien lui laisser. Elle éprouve une souffrance et plaide sa cause me montrant sa peine, l’injustice que je lui fais subir, son droit à la présomption d’innocence. Je l’écoute plein d’empathie, je souffre avec elle et comme elle: elle est en moi. Elle me montre ma cruauté, ma sévérité d’homme civilisé, elle est très convaincante, une fois de plus mes pensées se reflétent à l’infini, il n’y a pas d’issues. Il faut être sévère avec la cruauté et se donner une règle. Je pense à la violence de Saint François d’Assise, ses jeûnes, son intransigeance, la discipline de fer qu’il a mené, la cruauté qu’il a eue contre lui-même. J’imagine aussi qu’il a dû tenir compagnie à sa bête, en prendre soin, entretenir une relation compassionnelle avec sa prisonnière. Ne disait-il pas qu’il faut nourrir son loup ? Je médite sur l’extrême violence des doux. Je tourne en rond, je vois un matériel de mesure que les collègues ont posé, j’aimerais le défoncer pour que l’endroit reste naturel, ne soit plus un objet d’étude, mais reste un lieu sacré.
J'imagine que tu m’entends fureter comme une bête et que le bruit de ma présence a dû te rassurer. Je m’appuie sur un arbre, il se met à grincer, plusieurs fois… Entendu, je continue ma route.
J’arrive sur une pente douce, le sol est particulièrement moelleux et une place accueillante est dégagée. Je m’allonge, les branches nues sont belles, les oiseux sont là. J’ouvre la bouche pour recevoir quelque chose, c’est bon d’ouvrir très grand la bouche. Je ne tiens toujours pas en place, une minute après je m’assois, mes pensées vagabondent. Je pense que personne ne peut être prêt pour vivre ça. Il est juste possible de se rendre disponible, comme le font les prêtres. Une personne vient de mourir, il n’est pas prêt, mais il sait se rendre disponible immédiatement… savoir être là pour une cause, c’est ça être prêt… Je reviens à moi, je me vois avec des tatouages géométriques sur les mains. Je regarde entre mes genoux, un bourdon vient d’apparaître. Il titube, et se déplace maladroitement sur une feuille. J’aperçois une petite chose, est-ce un vers ou une antenne… j’imagine qu’il est parasité. Cette pensée me renvoie sur le sens de cette image: qui es-tu ? L’enveloppe, ou ce qu’il y a dedans, qui es-tu en train de servir, quel est le vrai toi? Ce qui importe est plus à l’intérieur ou à l'extérieur? Tu as de la peine pour l’enveloppe elle semble plus légitime, elle était là avant, ce qui est dedans est peut plus grand et encore plus légitime.... À force de tituber, le bourdon monte sur ma jambe gauche. Je pense à mon péroné cassé l’année dernière. Il symbolise l’attachement. Le bourdon me fait penser à papa, il lui ressemble... D’un coup, il part directement au ciel vers les plus hautes branches, je ne le vois plus. De faiblard il est devenu maître de la gravité. Il me fait penser à la disparition brutale de papa.

Tu es encore là bas soeurette et je dois retourner. Je ne sais plus bien où je suis, mais la pente du terrain me guide, c’est infaillible, il suffit de remonter, car c’est plus haut et je ne reconnais rien. Je marche nu-pieds entre les houx. Le choix des pas me fait redescendre ici, je redeviens presque clair. Le monde a changé et je reviens d’où je ne suis pas parti. Je te retrouve tête en bas contre le pied moussu d’un petit être. Tu me vois, tu es rouge et tu me dis que ce n’est pas terminer pour toi. Mes pieds me disent de filer à la roche au Lézard, mais je reste ici, je contemple la pente, j’essaye de prendre du repos, mais mon esprit s’emballe, je discerne une tache bleue… ce sont les premières jacinthes… j’ai envie de marcher encore…
 
Haut