- Inscrit
- 11/10/22
- Messages
- 5 127
J’ai lu beaucoup de retours qui parlent de la 2f-DCK comme d’un dissociatif « plat », « superficiel », « manquant de profondeur ». Sans nier cette sensation, que j’ai pu partger, j’ai également eu des expériences marquantes avec ce produit.
Ces mois-ci, comme l’usage de 2f-DCK se répand, plein de gens se questionnent dessus, et dans les réponses qui leur sont apporté, on a souvent l’impression que ce produit peut être pris à la légère. Ça me donne l’impression qu’un contre-exemple est nécessaire, et que la chronique de mes piètres expériences pourrait se rendre utile.
Voici donc le récit de deux trips à la fois nuls et marquants. Ils ont en commun de se dérouler dans un mauvais contexte : je suis déprimé, fatigué ou endolori. L’autre point commun, c’est que j’ai ignoré l’importance du contexte en me disant que la 2f-DCK était un produit relativement inoffensif, ce qui s’est révélé une erreur. Comme il s’agit de trips désagréables, ça ne sera pas forcément agréable à lire pour les personnes qui tiennent à moi.
Premier trip : les tocards sylvestres
et non pas les clochards célestes
Contexte :
Deux jours avant, j’avais croisé, à la sortie d’un concert, des colocataires et des potes de mon ex, Blaireau. J’aimais bien ces gens, et je regrettais d’avoir perdu contact avec eux en même temps qu’avec Blaireau, cinq mois auparavant.
Évidemment ça m’avait perturbé, genre : alors il aurait pu être là ce soir, est-ce que je l’ai raté d’autres fois, est-ce que je risque de le croiser plus tard ? Vont-iels lui rapporter cette rencontre, et en quels termes, et il va en penser quoi ? Et puis je pensais à lui, tout simplement, et ça me rendait triste.
Le jour du trip, je faisais des courses en ville. Il faisait chaud, je n’avais que des vêtements légers. Je me suis arrêté pour admirer d’éblouissants cumulonimbus, mais du gris déferlait dans le ciel comme de l’encre sur l’eau. J’en restais bouche bée quand les premières gouttes sont tombées, discrètes. Quelqu’un a dit : « Regarde les nuages, comme ils vont vite ! » et soudain ça a été la douche. Des seaux d’eau jetés dans les rues. Les gens criaient, riaient, couraient s’abriter dans les bars. L’horizon est devenu opaque, le sol s’est couvert d’un tapis de pluie, dans lequel le vent faisait des vagues. Un homme a dit : « Hé bien tant pis, j’irai en caleçon ». Je me suis aventuré dans l’averse, quasiment à poil dans mes vêtements d’été. Le temps de rentrer chez moi, le ciel était lavé et le soleil, sur le départ. De ma fenêtre je voyais, dorés dans le couchant, des filaments étranges, comme essorés et oubliés là.
Après ça est venu le second orage, neurologique. Le brusque changement de température a déclenché dans mon crâne une violente migraine. J’ai sorti l’arsenal habituel : de l’ibuprofène, puis du lormétazépam, puis de la codéine, ça n’allait pas, ça empirait. J’ai alors pris un triptan et au lit.
Pour celleux qui (bienheureuxes) l’ignorent, les triptans sont des tryptamines ultra cheloues qui agissent sur certains récepteurs sérotoninergiques pour contracter les vaisseaux sanguins du cerveau, ce qui en fait un traitement ponctuel de la migraine. Y’a pas d’effet psychédélique mais ça produit quand même des sensations étranges.
Donc je prends cette horreur et alors la douleur explose. Je me sens mal dans tout mon corps et je n’arrive pas à dormir. Je commence à pleurer, à parler tout seul, à tourner en rond, en pensant à Blaireau et ses potes, je débloque quoi.
Prise :
Vers 2h30 du matin (ça fait déjà six heures que j’ai mal), dans un sursaut je me rappelle que j’ai de la 2f-DCK au frigo. Hé mais c’est un anesthésiant ça, non ? En plus c’est léger et euphorique comme produit, super, exactement ce dont j’ai besoin. Allez hop, juste une petite trace pour faire passer la douleur.
Et fatalement, une fois dissocié, je n’ai pas su m’arrêter. La 2f-DCK tenait la douleur à distance mais ne l’effaçait pas. J’ai bingé, aligné les traces, m’engouffrant dans de brefs répits de flottaison musicale, avant de retrouver un profond malaise dont je ne saisissais plus le sens. Je nous hallucinais, Blaireau et moi, comme deux branches du même arbre, pareillement ligneux. Je contemplais ébahi son étrange et lente croissance végétale, et je souffrais comme l’arbre amputé d’un tronc jumeau, d’un membre de sa famille. Je l’ai appelé à haute voix, en pleurant, en m’étouffant dans ma morve. J’me sentais dingue, j’étais paumé.
Deuxième trip : le rameau stérile
Contexte
Deux mois plus tard. Depuis quelques jours je suis très déprimé, à cause de la lecture d’un livre qui m’a fait prendre conscience de trucs assez durs à propos de ma relation avec Blaireau. J’ai l’impression de toujours tomber dans les mêmes schémas, de toujours faire les mêmes erreurs, d’être condamné à toujours souffrir de la même manière, bref d’être un vieux torchon mouillé et raté. Je suis à fleur de peau et je pleure tous les jours. Mais là, c’est la fin d’un chouette week-end de musique et de défonce avec des proches. Chez moi, il n’y a plus que mon copain Niglo, et Tobias, un vieil ami que j’héberge dans le salon. Le retour à la sobriété n’est pas bienvenu, et chacun à notre manière, on le repousse en jonglant avec nos goûts et nos tolérances respectives.
Prise :
Pour ma part, j’ai toujours au frigo ce maudit pochon de 2f-DCK. Je crois que c’était un pochon de 500mg, parce la première fois qu’on en a pris, on n’avait pas de balance et dans mon souvenir, pour viser 25mg, on en a fait une longue ligne qu’on a divisé en vingt. Là, je vois qu’il n’en reste plus beaucoup, et donc si mes calculs sont bon, ça ne devrait pas faire plus de 100mg, grand max.
Je me rappelle, lors du premier trip (voir plus haut), m’être fait de grosses traces dans un brouillard de douleur, et j’ai donc l’impression de pouvoir gérer sans balance la quantité restante. De toute façon c’est superficiel ce prod, non ? Dans un sursaut de prudence un peu ironique, je divise quand même la dose en deux. Je crois que c’était en oral.
La première prise ne me fait pas grand-chose, j’ai pas masse de trucs à en dire.
Donc, qques heures plus tard, j’avale la deuxième moitié ; sauf qu’en fait, c’était pas une moitié. Bah oui patate, les balances c’est pas pour faire joli. Ça plonge ; ça plonge ; moi je rate des marches dans ma tête, je tiens plus debout, j’ai besoin d’une pause, tout est si difficile, j’arrive pas à suivre, trop d’interactions... je me jette dans le lit préparé pour Tobias et rabats la couette sur moi. Je disparais.
Niglo et Tobias, après m’avoir regardé tituber et m’effondrer, un peu perplexes, continuent tranquillement leur discussion à laquelle je comprenais plus rien, et se passent des musiques qu’ils apprécient. Je n’aurais pas su distinguer une fanfare du chant d’un oiseau, mais à ce qu’il paraît ils ont passé du black metal et je pense que ça a quand même influencé mon trip.
En effet je suis tout de suite parti dans quelque-chose de difficile. Au début je me suis juste vu, espèce de shlag entortillé dans un vieux matelas parce qu’il dose à l’œil après deux jours de défonce, bah bravo, au lieu de travailler sérieusement pour mon avenir, qu’en penserait mon patron qui croit tellement en moi ? Mais je sais bien que je ne suis qu’un imposteur, je me sens si nu, exposé au jugement omniscient du Réel qui voit tout. Le quotidien s’effondre, mes victoires ne sont que des écrans de fumée pour cacher mes échecs, mon inadéquation au monde qui m’a porté, nourri et élevé. Je continue à plonger en moi-même, perdant au passage les guenilles de mon identité personnelle. Alors j’hallucine mon enfance, mon héritage : tout ce qu’on m’a appris à aimer mais que dans mon ardeur de me distinguer, j’ai repoussé jusqu’à ne plus pouvoir le perpétuer. J’ai trahi ma race, ma classe, mon clan, et qu’y ai-je gagné ? Monstre contrefait, rameau stérile. Je suis si seul et si perdu !
Dans un remous du tourbillon, j’entends à nouveau les voix de Tobias et Niglo. Mais oui, je suis entouré de gens que j’aime et qui m’aiment ! Si je leur demande, ils vont être gentils avec moi, non ? Malgré mes doutes, je réunis toute mon énergie, toutes mes forces, pour les appeler, crier au secours !
Les gars m’ont plus tard raconté avoir entendu, lors d’un blanc, une espèce de miaulement étouffé. Ils se sont demandés si c’était volontaire et si j’avais besoin d’aide, mais en l’absence de manifestation supplémentaire, ont simplement repris leur conversation.
Pour ma part, complètement épuisé par l’effort, je cesse de lutter et me laisse porter à la surface du dissocéan. Je reprends progressivement conscience. Oui, je suis allongé. Non, je ne suis pas dans la mémoire omnisciente du Réel, mais chez moi, un dimanche soir. Oui j’ai fait de la merde, mais non ce n’est pas grave. Mon monde tient toujours debout. Ça y est, je peux bouger. J’ouvre les yeux. Je me redresse. Encore très confus, je tombe au milieu d’une conversation complètement lunaire. Tobias est en train d’expliquer à Niglo le fonctionnement d’une arnaque qu’un personnage raconte à un autre dans un livre de fantasy. Il y a trois niveaux de narration, je n’arrive pas à les combiner et je me sens complètement débile.
Pour ajouter à ma confusion, avant qu’on se sépare, Tobias m’a fait un énorme câlin et une jolie déclaration. Je sais pas si ça m’a fait du bien ou si ça m’a encore plus perturbé. En tous cas, ce jour-là, je me suis dit que la vie et les émotions sont déjà assez compliquées et trépidantes pour qu’on s’abstienne d’y ajouter des perturbateurs chimiques dosés à la louche.
Ces mois-ci, comme l’usage de 2f-DCK se répand, plein de gens se questionnent dessus, et dans les réponses qui leur sont apporté, on a souvent l’impression que ce produit peut être pris à la légère. Ça me donne l’impression qu’un contre-exemple est nécessaire, et que la chronique de mes piètres expériences pourrait se rendre utile.
Voici donc le récit de deux trips à la fois nuls et marquants. Ils ont en commun de se dérouler dans un mauvais contexte : je suis déprimé, fatigué ou endolori. L’autre point commun, c’est que j’ai ignoré l’importance du contexte en me disant que la 2f-DCK était un produit relativement inoffensif, ce qui s’est révélé une erreur. Comme il s’agit de trips désagréables, ça ne sera pas forcément agréable à lire pour les personnes qui tiennent à moi.
Premier trip : les tocards sylvestres
et non pas les clochards célestes
Contexte :
Deux jours avant, j’avais croisé, à la sortie d’un concert, des colocataires et des potes de mon ex, Blaireau. J’aimais bien ces gens, et je regrettais d’avoir perdu contact avec eux en même temps qu’avec Blaireau, cinq mois auparavant.
Évidemment ça m’avait perturbé, genre : alors il aurait pu être là ce soir, est-ce que je l’ai raté d’autres fois, est-ce que je risque de le croiser plus tard ? Vont-iels lui rapporter cette rencontre, et en quels termes, et il va en penser quoi ? Et puis je pensais à lui, tout simplement, et ça me rendait triste.
Le jour du trip, je faisais des courses en ville. Il faisait chaud, je n’avais que des vêtements légers. Je me suis arrêté pour admirer d’éblouissants cumulonimbus, mais du gris déferlait dans le ciel comme de l’encre sur l’eau. J’en restais bouche bée quand les premières gouttes sont tombées, discrètes. Quelqu’un a dit : « Regarde les nuages, comme ils vont vite ! » et soudain ça a été la douche. Des seaux d’eau jetés dans les rues. Les gens criaient, riaient, couraient s’abriter dans les bars. L’horizon est devenu opaque, le sol s’est couvert d’un tapis de pluie, dans lequel le vent faisait des vagues. Un homme a dit : « Hé bien tant pis, j’irai en caleçon ». Je me suis aventuré dans l’averse, quasiment à poil dans mes vêtements d’été. Le temps de rentrer chez moi, le ciel était lavé et le soleil, sur le départ. De ma fenêtre je voyais, dorés dans le couchant, des filaments étranges, comme essorés et oubliés là.
Après ça est venu le second orage, neurologique. Le brusque changement de température a déclenché dans mon crâne une violente migraine. J’ai sorti l’arsenal habituel : de l’ibuprofène, puis du lormétazépam, puis de la codéine, ça n’allait pas, ça empirait. J’ai alors pris un triptan et au lit.
Pour celleux qui (bienheureuxes) l’ignorent, les triptans sont des tryptamines ultra cheloues qui agissent sur certains récepteurs sérotoninergiques pour contracter les vaisseaux sanguins du cerveau, ce qui en fait un traitement ponctuel de la migraine. Y’a pas d’effet psychédélique mais ça produit quand même des sensations étranges.
Donc je prends cette horreur et alors la douleur explose. Je me sens mal dans tout mon corps et je n’arrive pas à dormir. Je commence à pleurer, à parler tout seul, à tourner en rond, en pensant à Blaireau et ses potes, je débloque quoi.
Prise :
Vers 2h30 du matin (ça fait déjà six heures que j’ai mal), dans un sursaut je me rappelle que j’ai de la 2f-DCK au frigo. Hé mais c’est un anesthésiant ça, non ? En plus c’est léger et euphorique comme produit, super, exactement ce dont j’ai besoin. Allez hop, juste une petite trace pour faire passer la douleur.
Et fatalement, une fois dissocié, je n’ai pas su m’arrêter. La 2f-DCK tenait la douleur à distance mais ne l’effaçait pas. J’ai bingé, aligné les traces, m’engouffrant dans de brefs répits de flottaison musicale, avant de retrouver un profond malaise dont je ne saisissais plus le sens. Je nous hallucinais, Blaireau et moi, comme deux branches du même arbre, pareillement ligneux. Je contemplais ébahi son étrange et lente croissance végétale, et je souffrais comme l’arbre amputé d’un tronc jumeau, d’un membre de sa famille. Je l’ai appelé à haute voix, en pleurant, en m’étouffant dans ma morve. J’me sentais dingue, j’étais paumé.
J’ai repris mes esprits vers 7h du matin. Je n’avais plus l’énergie d’avoir mal. Je me suis connecté à un réseau social pour retrouver prise avec la réalité. Et là, l’univers m’a fait un dernier doigt : l’ultra-discret Blaireau y avait posté un long message dans la nuit. Je l’ai lu plusieurs fois, avec un sentiment de profond mindfuck. Ça avait dû être posté pendant que je balbutiais dans le silence. Est-ce que la vie se foutait de ma gueule ? Ou avions-nous eu, d’une façon détournée, un contact dans le dissocéan ?Thiefaine a dit:Les dingues et les paumés se cherchent sous la pluie / en se faisant boire le sang de leurs visions perdues.
Les dingues et les paumés sacrifient Don Quichotte / sur l’autel enfumé de leurs fibres nerveuses.
Deuxième trip : le rameau stérile
Contexte
Deux mois plus tard. Depuis quelques jours je suis très déprimé, à cause de la lecture d’un livre qui m’a fait prendre conscience de trucs assez durs à propos de ma relation avec Blaireau. J’ai l’impression de toujours tomber dans les mêmes schémas, de toujours faire les mêmes erreurs, d’être condamné à toujours souffrir de la même manière, bref d’être un vieux torchon mouillé et raté. Je suis à fleur de peau et je pleure tous les jours. Mais là, c’est la fin d’un chouette week-end de musique et de défonce avec des proches. Chez moi, il n’y a plus que mon copain Niglo, et Tobias, un vieil ami que j’héberge dans le salon. Le retour à la sobriété n’est pas bienvenu, et chacun à notre manière, on le repousse en jonglant avec nos goûts et nos tolérances respectives.
Prise :
Pour ma part, j’ai toujours au frigo ce maudit pochon de 2f-DCK. Je crois que c’était un pochon de 500mg, parce la première fois qu’on en a pris, on n’avait pas de balance et dans mon souvenir, pour viser 25mg, on en a fait une longue ligne qu’on a divisé en vingt. Là, je vois qu’il n’en reste plus beaucoup, et donc si mes calculs sont bon, ça ne devrait pas faire plus de 100mg, grand max.
Je me rappelle, lors du premier trip (voir plus haut), m’être fait de grosses traces dans un brouillard de douleur, et j’ai donc l’impression de pouvoir gérer sans balance la quantité restante. De toute façon c’est superficiel ce prod, non ? Dans un sursaut de prudence un peu ironique, je divise quand même la dose en deux. Je crois que c’était en oral.
La première prise ne me fait pas grand-chose, j’ai pas masse de trucs à en dire.
Donc, qques heures plus tard, j’avale la deuxième moitié ; sauf qu’en fait, c’était pas une moitié. Bah oui patate, les balances c’est pas pour faire joli. Ça plonge ; ça plonge ; moi je rate des marches dans ma tête, je tiens plus debout, j’ai besoin d’une pause, tout est si difficile, j’arrive pas à suivre, trop d’interactions... je me jette dans le lit préparé pour Tobias et rabats la couette sur moi. Je disparais.
Niglo et Tobias, après m’avoir regardé tituber et m’effondrer, un peu perplexes, continuent tranquillement leur discussion à laquelle je comprenais plus rien, et se passent des musiques qu’ils apprécient. Je n’aurais pas su distinguer une fanfare du chant d’un oiseau, mais à ce qu’il paraît ils ont passé du black metal et je pense que ça a quand même influencé mon trip.
En effet je suis tout de suite parti dans quelque-chose de difficile. Au début je me suis juste vu, espèce de shlag entortillé dans un vieux matelas parce qu’il dose à l’œil après deux jours de défonce, bah bravo, au lieu de travailler sérieusement pour mon avenir, qu’en penserait mon patron qui croit tellement en moi ? Mais je sais bien que je ne suis qu’un imposteur, je me sens si nu, exposé au jugement omniscient du Réel qui voit tout. Le quotidien s’effondre, mes victoires ne sont que des écrans de fumée pour cacher mes échecs, mon inadéquation au monde qui m’a porté, nourri et élevé. Je continue à plonger en moi-même, perdant au passage les guenilles de mon identité personnelle. Alors j’hallucine mon enfance, mon héritage : tout ce qu’on m’a appris à aimer mais que dans mon ardeur de me distinguer, j’ai repoussé jusqu’à ne plus pouvoir le perpétuer. J’ai trahi ma race, ma classe, mon clan, et qu’y ai-je gagné ? Monstre contrefait, rameau stérile. Je suis si seul et si perdu !
Dans un remous du tourbillon, j’entends à nouveau les voix de Tobias et Niglo. Mais oui, je suis entouré de gens que j’aime et qui m’aiment ! Si je leur demande, ils vont être gentils avec moi, non ? Malgré mes doutes, je réunis toute mon énergie, toutes mes forces, pour les appeler, crier au secours !
Les gars m’ont plus tard raconté avoir entendu, lors d’un blanc, une espèce de miaulement étouffé. Ils se sont demandés si c’était volontaire et si j’avais besoin d’aide, mais en l’absence de manifestation supplémentaire, ont simplement repris leur conversation.
Pour ma part, complètement épuisé par l’effort, je cesse de lutter et me laisse porter à la surface du dissocéan. Je reprends progressivement conscience. Oui, je suis allongé. Non, je ne suis pas dans la mémoire omnisciente du Réel, mais chez moi, un dimanche soir. Oui j’ai fait de la merde, mais non ce n’est pas grave. Mon monde tient toujours debout. Ça y est, je peux bouger. J’ouvre les yeux. Je me redresse. Encore très confus, je tombe au milieu d’une conversation complètement lunaire. Tobias est en train d’expliquer à Niglo le fonctionnement d’une arnaque qu’un personnage raconte à un autre dans un livre de fantasy. Il y a trois niveaux de narration, je n’arrive pas à les combiner et je me sens complètement débile.
Pour ajouter à ma confusion, avant qu’on se sépare, Tobias m’a fait un énorme câlin et une jolie déclaration. Je sais pas si ça m’a fait du bien ou si ça m’a encore plus perturbé. En tous cas, ce jour-là, je me suis dit que la vie et les émotions sont déjà assez compliquées et trépidantes pour qu’on s’abstienne d’y ajouter des perturbateurs chimiques dosés à la louche.