J'ai toujours eu une grande radicalité envers moi-même et j'ai toujours été très exigeant envers mes principes. De fait je sais qu'il y a une multitude de choses auxquelles je suis plus fragile, notamment en ce qui concerne l'addiction. J'ai jusqu'ici résisté aux réseaux sociaux, à la cigarette, peut-être parce que j'ai toujours eu la force et la condition d'y résister. Mais ce n'a pas toujours été le cas.
J'avais 14 ans. A l'époque, tout foutait le camp dans ma vie. Entre ceux qui manquait de mourir, ma situation sociale qui se précarisait encore plus, des embrouilles auprès de mes plus proches. Bref, j'ai fait une dépression, et l'honneur et les responsabilités que j'avais, m'interdisais de le montrer. A l'époque il faisait froid, mes amis auxquelles je me rapprochais à ce moment fumaient du cannabis depuis plus d'1 an, mais j'avais toujours été catégorique, je ne voulais pas essayer, même pas une clope. A cette époque je buvais de temps en temps en soirée, et je commençais à y prendre gout. Le souci c'est qu'il faisait froid, cette année-là (et c'était la dernière) on avait eu de la neige pour halloween, et je n'avais pas de manteau. Il m'arrivait donc de me réchauffer le matin, à coup de verre de whisky, pur, cul sec. Je me rappel que l'image que ça m'évoquait, c'était le débouchage de la tuyauterie comme dans la pub Calgon. Ça ne posait pas trop de problème, je séchais bien les premiers cours, mais alors que l'hiver approchait, je sentais que ça ne pouvait pas durer éternellement, surtout que cette situation et tout ce silence dans lequel je me terrais sur mes problèmes, était difficile à vivre.
Heureusement j'étais de plus en plus proche avec différents groupes d'amis, d'autre classe sociale, mais également tous fumeurs, et un beau jour j'ai failli à mes principes. On a organisé une petite séance rapido, j'ai fumé pour la première fois sur un joint de vieux shit dégueulasse. Puis on a même fait deux soufflettes. Je n'ai pas toussé, et à vrai dire, je n'ai rien ressenti. C'est surement ça qui a attisé ma curiosité, et qui a alimenter ma volonté d'être cool.
La semaine qui suivit on a programmé une séance de rattrapage. Au programme deux purs de weed, j'ai également fait des soufflettes et une indienne, autant dire que je suis tout de suite parti dans l'hyperespace. La composante sociale ("de transition" de groupe) a été importante dans la manière dont la fumette s'est imposé à moi, mais rétrospectivement, le cannabis en lui même m'a été salvateur également. Il m'a permis de soigner mes insomnies, mes sérieuses pertes d’appétit, il m'a aussi permis de connaitre une embellie dans mes relations sociale, de connaitre de nouveaux milieux, un nouveau vocabulaire, de nouveaux rituels, bref une nouvelle culture. Chaque pause dans les cours était l'occasion de se vider la tête et de se la remplir de nouvelles choses.
Le joint a pourtant bien des vices, qu'ils viennent du cannabis soit, mais aussi et surtout du tabac. Je suis tombé dans une grosse addiction, heureusement j'avais toujours des principes que je respectais plus ou moins (ne pas fumer seul etc), mais tous les soirs j'étais comme anesthésié. J'arrivais souvent à 10 joints par jour (avec un groupe flottant de 2 à 6 personnes), les soirées on atteignait parfois la 15aine de joints. Bref c'était trop, c'était toxique. J'avais pris le poids qu'il me manquait, j'avais moins froids, j'avais arrêté l'alcool, je ne ressentais plus ce spleen qui me minait, mais j'ai commencé a avoir de plus en plus de pertes de mémoires, j'avais mis encore plus de distances avec d'autres cercles sociaux, notamment ma famille qui était plus éclatée que jamais, et ça c'est ressenti dans mes résultats scolaires.
Après un échec j'ai changé d'environnement, j'ai changé mes habitudes, cantonné ma consommation au stricte occasionnel (en journée comme en soirée).
Pour ce qui est des autres classes de drogues, mon intérêt pour certains hallucinogènes a ressurgi au début de ma consommation, et une fois que je me suis calmé j'ai atterri sur psychonaut. A vrai dire j'étais très enthousiaste de découvrir que d'autres gens discutaient de produits que j'avais toujours fantasmés, de manière un peu trop idéaliste il faut le dire. Je sentais poindre en moi l'envie et la curiosité de tout essayer, mais heureusement j'étais déjà vacciner philosophiquement à certaines dérives, et je me suis imposé de nouvelles limites, que je respecte encore aujourd'hui. J'ai donc mis en œuvre certaines de mes volontés profondes, toujours suivant mes principes, mais c'est ainsi que tout cela est arrivé dans ma vie.
Très bon sujet en tout cas, désolé d'avoir été long mais je trouve que mon parcours illustre bien les portes d'entrées dans ce monde là. Les situations difficiles et/ou surtout le mécanisme d'initiation à une sorte d'age adulte, qui passe comme une sorte d'épreuve, à coup de drogue dans le cas présent. A vrai dire je n'avais encore jamais évoqué certains passages qui sont assez sensibles pour moi, mais maintenant c'est tellement loin qu'après tout levé ce silence me libérera surement un peu plus l'esprit. Même si j'ai eu des passages difficiles, tout ça m'a permis de tirer des leçons que je garderais toute ma vie, même si je garde d'autres héritages qui sont plus compliqués à vivre aujourd'hui.