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[1P-lsd 70 µg] Les insectes

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
Messages
7 249
Participants: ma pomme, et appelons-le Lézard, dont c’est la première expérience psychédélique.
Produit: 1p-lsd
Dose: 70 µg pour moi, 30 µg pour lui.
Set: difficile à dire pour Lézard, mais je suis entre «*bien*» et «*un peu angoissé*». Je n’ai pas de soucis majeur, mais je sors d’une longue période de vide existentiel dont je sens encore les traces.
Setting: à la campagne. L’herbe est verte, le ciel bleu, le soleil brille, les oiseaux chantent.

La montée

T*: On gobe dans l’après-midi, après un repas léger. Je m’allonge sous les arbres en attendant la montée. Lézard est généralement du genre remuant: rester sans rien faire l’ennuie vite. Pourtant, il s’allonge comme moi, et ne semble manifester aucune impatience. Plusieurs fois, il cherche les effets, me communiquant ses sensations (un sujet sur lequel il est d’habitude très pudique). Je vois dans tout ça une confirmation de la thèse élaborée lors de mon dernier trip: le moment où l’on se drogue, en plus de la recherche des effets, est un moment que l’on se permet de n’avoir que pour soi, sans objectif sinon la contemplation et la sensation de soi-même: des moments bien difficile à dégager dans des vies partagées entre le taff et internet.

T+30: La profondeur de champ s’intensifie, ainsi que les couleurs. Ça me rappelle brièvement mon expérience de la MD et je gambade en battant des bras, ravi, avant de me perdre dans la contemplation des branches sur le ciel. Tout est joli, tout est lumineux, enfin vous connaissez cet état… Je suis tellement content! Dans mon émerveillement, j’oublie que Lézard est bien moins tripé, je projette naturellement sur lui ce que je ressens. Je comprends que je donnerais n’importe-quoi pour vivre cela plus souvent, et tout en regrettant ne pas pouvoir générer cela de moi-même, je suis très reconnaissant envers la molécule de me faire renouer ainsi avec la sérotonine. À tel point que je m’adresse des mises en garde mentales pour me dire: fais pas le con!
Je me suis mis tout nu. Lézard est assis à côté de moi, il me caresse le visage, toutes les sensations sont amplifiées, c’est divin. Des gestes qui normalement me chatouilleraient sont juste un concentré de plaisir. À cet instant, je vis un trip parfait.
Nous jouons autour d’une petite table de goûter. Pour rire, Lézard me renverse du cacao dessus, et  le lèche sur ma peau. Ça fait de grandes traînées marron ; j’ai un fou rire, mais c’est quand même bizarre et proche du désagréable, j’ai du cacao dans le nombril... Je vais prendre une douche.

La maison est fraîche, sombre. Quand je me regarde dans la glace de la salle de bain j’ai un choc, le cacao dans l’ombre ressemble à du sang séché, c’est comme si j’étais barbouillé de sang. Ça me met mal à l’aise, mais je désamorce en blaguant: «T’as de la chance que je sois pas trop perché, parce que y’a de quoi partir en bad...». L’image est assez fascinante, on dirait un film d’horreur, une de ces images faites pour inspirer le dégoût, comme les affiches de SAW.


Le plateau

Une fois propre je vais m’allonger dans une chambre, dont le papier peint est assez cool: plein plein de fleurs sur un fond bleu foncé.
Lézard me rejoint, tout excité: « Je crois que ça y est! J’étais aux toilettes et… Tout a changé de couleur! ». Il se met à côté de moi et, aussitôt, les fleurs se mettent à bouger pour nous deux. Toutes ces petites plantent qui dansent, on se croirait dans un grand champ sombre. Lézard est ébahi. Mes propres visuels s’intensifie. L’un d’eux m’est récurent, c’est comme si ma vision était percée de plein de petits trous entourés d’ondes irisés. Je l’appelle "les plumes de paon". Lorsqu’il vient, je ne m’étonne pas… Sauf qu’il m’apparaît sous la forme de tiques.
Plus tôt dans la journée, Lézard et moi avions rapporté des champs un certain nombre de tiques, et nous avions dû les arracher à la pince. Normalement ces bestioles m'indiffèrent, mais comme elles sont rondes, ça s’est superposé à mes "plumes de paon" et… Je n’aime pas ça du tout. Je décide de changer d’ambiance, et retourne dehors.

Je cours dans l’herbe, Lézard me suit en lançant: « Mais, arrête de changer de couleur! ». Puis me demande d’un air très sérieux: « Je me posais la question tout à l’heure, devant les fleurs, j’arrive pas à savoir : ce papier peint, c’est de bon goût ou de mauvais goût ? ». On s’étouffe de rire. Il hoquète : « Ça fait partie des effets, rigoler pour de la merde? »
C'est toujours le goûter, je m’écrase une banane. Lézard joue toujours avec le cacao et m’adresse des sourires pleins de chocolats. Avec ses dents noirs, ses lèvres noires, on dirait le Jocker, il me fait un peu peur. Je continue de voir plein de tiques en sur-impression, c’est très malaisant. Je voudrais bien fuir mes visuels mais… comment fuir des constructions de notre propre esprit ? À ce moment j’ai oublié un peu tous mes principes de rdr, toutes les portes de sorties (peinture & crayon de couleur, musique, feu de bois…) que je m’étais prévues. Comme je suis véner de me comporter de façon aussi lâche, à éviter ma propre vision, je m’allonge, me pose un bras sur les yeux, et me lance à moi-même : allez les tiques, montrez-vous!

Mon esprit se déploie autour des insectes. Parfois, je ne vois plus rien, sauf les plumes de paon et je m’aperçois que le motif est plus précis que je ne le pensais, que ce ne sont pas des trous mais plein de petites ondes irisées et grouillantes en spirale. Parfois, j’ai des visions de plus en plus précises. Enfin je me bloque sur l’araignée. Elle est énorme, je ressens toute la répulsion et la peur qu’elle m’inspire. C’est comme si je retournais à quelque-chose de très primaire chez moi, un instinct de survie hérité de la vie sauvage, une crainte inscrite dans mon ADN. De ce point de vue l’araignée est ma maîtresse, son image domine mon esprit par la peur. J’ai commencé à reconnaître sa puissance sur moi. En tant que symbole, en tant qu’esprit, c’est l’araignée qui me gouvernait.
Arrivé à ce point, je me calme. Rien ne peut m’arriver. Tout cela est dans ma tête, je suis en sécurité. Cet instant me soulage beaucoup, mais le suivant me fait replonger : mes certitudes n’ont aucun sens. Je suis perdu. J’ai souffert, et je souffrirai encore. Une nouvelle pensée tente de me sauver : tout est transitoire. La peur est transitoire, la souffrance, la joie aussi… Toutes nos erreurs venant de ce qu’on croit que ce qui a été sera. Nos désillusions, parce qu’on pense que le bonheur durera. Le désespoir, parce qu’on s’imagine que le malheur n’aura pas de fin. C’est un piège cognitif si simple que de transposer le passé sur le futur! Pendant quelques secondes je suis lucide, pénétré de cette évidence. Puis mes pensées se brouillent à nouveau.
J’ouvre les yeux. Les arbres ont des formes menaçantes. Leurs branches se tendent vers moi comme des doigts accusateurs ou des flèches. Plus loin, les fourrés dessinent des figures apeurées, souffrantes. Je me sens mal. Ce n’est pas ces visions elles-même qui me dérangent, c’est qu’elles puissent arriver. Pourquoi moi ? Pourquoi mon esprit est-il tordu de cette façon? Je commence à me dire que je ne serai jamais heureux, etc. J’ai les mêmes vice de raisonnement que sous THC, je boucle exactement de la même manière…


La descente

Quand elle commence, je le sens instantanément, comme si un étau se desserrait d’un cran. Je me sens soulagé : maintenant je sais que ça aura une fin. Je suis en train de boucler, il faut que je sorte de là. Fumer une cigarette. Lézard ouvre les yeux, me parle des architectures magnifiques qu’il a vues dans sa tête et, je ne sais pas pourquoi, nous nous mettons à regarder la pelouse. Lézard ramasse un trèfle, l’observe sous toutes ses coutures, note ses nervures, les pointes au bout de celles-ci, les poils, les bosses les trous faits par des limaces… Il n’arrête pas de répéter: « Mais comment ça se fait que je ne le voyais pas avant ?? ». Puis il regarde mes yeux et souffle: « c’est bizarre les yeux… Ces pupilles noires… On se demande toujours s’il y a quelqu’un derrière... ». Ok, il recommence à être angoissant, regardons plutôt nos iris d’accord? Oh, je n’avais jamais vu les siens de cette façon… Ils sont bruns, mais aussi verts, ils sont plein de nuances et ils brillent. C’est tellement beau… Même notre cigarette, Lézard l’observe comme une œuvre d’art, regarde les tâches brunes apparaître, la braise manger le papier.
Son enthousiasme me fait du bien. Je ris avec lui, je m’émerveille avec lui. Dans la vie courante je regrette souvent qu’il soit si peu expressif sur ses sensations, ses émotions, alors je me laisse bercer par sa joie, par ses réflexions, je vois qu’il passe un bon moment et ça calme mon angoisse.
Nous allons marcher, et tombons sur une flaque boueuse. Alors que j'observe les brindilles figées au fond de l’eau, Lézard s’étonne de la présence de cette eau, et commence à creuser. Sacré Lézard ! Je ne me serais jamais posé la question. Au final il a raison, car nous mettons à jour un trou dans une tuile, comme une canalisation pétée. Cette découverte signe la fin de notre trip, et nous rentrons à la maison nous saouler.

Pour moi ça n’est pas complètement fini. Le soir même, je suis incapable de dormir. L’angoisse est omniprésente. Les craquements de la maison, les souris dans les cloisons, sont autant de pattes d’insectes géants frottant contre les murs. J’ai des flashs defourmis, d'une guêpe prise dans une toile d’araignée…
Depuis je n’ai aucune séquelle, sinon que les insectes me répugnent bien plus qu'avant. Mais je me pose pas mal de questions sur ce trip. Comment aurais-je pu éviter cela ? Comment surfer sur la vague de plaisir initial ? Ai-je eu raison d’affronter ma peur ? Je pense que non. Chaque fois que je me suis isolé dans ma tête, avec du 1p-lsd, je me suis mis à boucler comme avec le cannabis.
Et je me demande pour la prochaine fois, s’il y en a une : la peur de l’angoisse me refera-t-elle angoisser ? Ou pourrai-je à nouveau connaître le plaisir enfantin de mes débuts?
Quant à Lézard, son premier geste le lendemain a été de se précipiter dehors pour vérifier que les trèfles étaient bien les mêmes.
 

diaphane

Elfe Mécanique
Inscrit
5 Août 2022
Messages
277
Un lézard + plein de creepy crawlies, le tout nappé de sauce cacao.
C'est très bien raconté, drôle aussi même si on ressent bien les mauvais moments que tu as dû passer.
Ces visions d'immenses tiques et araignées et cette parano qui se prolonge dans la nuit, bouhh!
Un trip assez tourmenté à la campagne, déjà.
Et après vous vous saoulez !  :p
De grands malades vous êtes !  :-D
 
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