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[LSD] Empathie

Xyro

Alpiniste Kundalini
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30 Sept 2012
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704
Hé ouais encore un TR de LSD, mais on s'en lasse pas ! :D
Une dose sérieuse, un ami de longue date qui découvre la molécule et une expérience avant tout empathique... jusque dans le bad-trip.



Il est 19h, je viens d’avoir Sylvain au téléphone, il arrivera un peu plus tard que prévu. De mon côté, je suis heureux et profondément honoré de partager une telle expérience avec lui. Ça fait plus de dix ans que nous nous connaissons, notre premier contact fut quasiment fortuit, sur le net, notre relation est née d’une rencontre avant tout intellectuelle, non incarnée. Au fil du temps, il est devenu un de mes deux plus proches amis, on se connaît donc très bien.

J’ai passé l’après-midi à ranger et nettoyer mon appartement. J’ai acheté des trucs salés et sucrés, diverses boissons et je lui ai demandé de ramener ce dont il avait envie. Je voulais aussi préparer une playlist, mais j’ai passé plus de temps à écouter de la musique qu’à la compiler. ;)

Je regrette que mon appartement ne soit pas plus grand, mais Sylvain devrait se sentir à l’aise, c’est un endroit qu’il connaît bien. J’ai mis de côté une couette prête à être étendue sur mon canapé convertible. Quand on trippe sous LSD, il faut du confort ou au moins une bulle réconfortante. On sait jamais.

Devine qui vient tripper ce soir

20h
, Sylvain sonne à ma porte, je l’accueille. Il a apporté de la saucisse et des chips. On discute un peu alors que je prépare deux vodka-orange légères, on est pas là pour se soûler. Installés dans mon canapé, je me mets à ressentir une légère appréhension. Étrange, moi qui étais excité à l’idée de faire un trip avec lui. Je suis un peu impressionné ; s’il n’avait jamais lu mes expériences, il n’aurait sans doute jamais envisagé d’essayer cette molécule. Je lui explique, lui a l’air de bien le sentir, je vais tout de même avancer prudemment : je lui donne un buvard, j’en prends un aussi, on prend tous les deux une moitié à 20h45.

On continue à discuter de tout et de rien, je lui parle de la posologie du LSD lorsqu’il était vendu comme Delysid et je lui explique qu’on va quand même prendre une bonne dose. J’ai prévu qu’on prenne un buvard dosé à 110/120 µg chacun, peut-être un peu plus. Au bout d’une demi-heure, je ressens le fourmillement typique. Je continue à discuter mine de rien. Je sais qu’il ne ressent rien encore, sinon il me l’aurait dit. Je ne lui demande rien : je n’ai pas envie qu’il me dise que ça marche pas et qu’il s’embarque dans un mécanisme de résistance qui peut être redoutable quand il se détend d’un coup sec.

Sylvain a envie de jouer à la console avec moi : bonne idée, je sors les manettes et je m’aperçois qu’il faut que je la rebranche. Je me lève, ça fait une demi-heure que j’ai avalé mon demi-trip et je ressens déjà le début des effets : au moins on m’a pas menti sur le dosage. Un peu confus dans ma tête, je lance un “oh putain, je sens déjà les effets”. Mon ami nie tout effet. Je m’en doutais un peu, lors de notre dernier trip aux champignons à dose équivalente il avait été beaucoup moins sensible que moi aux effets. Je lui dis que c’est pas grave, ça va venir.

Je galère un peu pour brancher la console, puis on lance Bomberman, un jeu d’arcade sera parfait. Je lui dis que s’il ne sent rien d’ici une demi-heure on va prendre les autres moitiés de nos buvards (vers 22h15 donc). Ce qui se passe effectivement. Lors des parties de Bomberman, je me perds beaucoup dans l’aire de jeu : déjà que je ne suis pas très bon étant sobre, alors en pleine montée, c’est épique. Mais marrant. On fait un peu n’importe quoi avec les règles et c’est un agréable moment passé ensemble. Ma légère appréhension a totalement disparu.

Il est 22h45, plus d’une heure de jeu est passée, entre temps j’ai coupé le son de la télé pour lancer un album de Shulman en fond. En même temps qu’on joue, il me dit qu’il se sent normal, et qu’il est peut-être immunisé, en rigolant. De mon côté, le LSD commence à bien m’emporter, on finit par poser les manettes. Je lui dit que ça fait maintenant 2 heures et qu’il devrait sentir quelque chose, quand même ! “Je sens de l’électricité dans mes mains” me dit-il. Ouf.

Une fois la concentration envers le jeu relâchée, les couleurs commencent doucement à briller. Je sens se répandre en moi l’énergie de cette molécule, je me sens bien, je contracte un peu mes muscles en fermant mes yeux pour la faire circuler. Sylvain me regarde un peu curieux, il m’explique que les effets sont marrants, mais qu’il peut tout à fait se contrôler et paraître sérieux alors que je deviens peu à peu euphorique.

Je lui explique que même s’il a envie de se laisser emporter, il fait peut-être un peu de résistance inconsciente, ce qui est vraiment possible lors de la première fois, surtout sur la montée.

On continue à discuter, l’ambiance se détend encore plus. Il me dit qu’il trouve ça dommage d’arriver à se contrôler et qu’il cherche à se faire un peu dépasser par son trip. Je ne dis rien, mais je pense très fort : “t’inquiète pas, si tu pars avec cette idée tu seras pas déçu...”

Il doit être 23h, je sens bien l'envie de prendre un demi buvard en plus, je découpe donc un carton en deux. Forcément je propose l’autre moitié à Sylvain. Je sais que ça va être chargé pour une première fois, mais je le connais très bien, il est équilibré, il n’a pas de névrose majeure, et il a envie d’intensité. Qu’à cela ne tienne. Hop, on gobe notre moité chacun. J'en profite pour glisser le conseil ultime : n'oublie jamais que tu trippes et que dans quelques heures c'est fini.

Ascenseur pour l'esprit

Je change totalement l’éclairage de mon appartement vers un bleu-violet et j’allume mon projecteur laser qui fait des beaux motifs kaléidoscopiques sur mon mur.

Sylvain part alors dans une auto-analyse des effets et il se focalise surtout sur ses idées qui commencent à défiler à toute vitesse. “‘tain faudrait que je prenne des notes !” lance-t-il. Je lui réponds de ne pas s'inquiéter, de profiter et que de toute façon il se souviendra de la soirée, c’est pas comme avec l’alcool ou comme dans un rêve où on oublie facilement les choses.

Je le suis dans ses démarches intellectuelles, on parle de la perception, de la faculté du LSD à réunir une infinité de choses en un seul point, de la temporalité qui se gondole, et des couleurs qui chatoient. Je le regarde sous mon éclairage qui change constamment de couleur : son visage se métamorphose au gré des teintes, à un moment, je vois des peintures tribales qui se dessinent sur ses joues illuminées de vert. Ensuite, il décide d'aller sur ma chaise qui tangue qui est face à mon mur tapissé de motifs psychédéliques, il me dit qu'il a l’impression d’être dans un vaisseau spatial et que c’est mieux que Space Mountain.

J'ai soif, je me sers un verre d'eau, je le porte à la bouche en fermant les yeux : je vois une cinquantaine de petites gouttes bleu roi se répandre dans mon corps. Sylvain est un peu étonné de ne pas avoir de visuels yeux fermés. Il me fait remarquer que ma respiration se cale toute seule sur les mouvements de la musique. Il dit "j'aimerais que ce soit comme ça pour toute ma vie !" Je vois qu'il n'a pas bien saisi que cet état est en fait la limite de la schizophrénie et qu'on l'apprécie parce que notre cerveau ne vit pas ça au quotidien.

Je me mets devant mon ordinateur, après avoir interprété à deux mon fond d'écran abstrait, je lance WoW pas pour jouer mais surtout pour se déplacer et voir comment on va percevoir l'environnement : étrangement. Je fais avancer mon personnage dans un décors coloré, et le grand défi est de discerner les éléments fixes de ceux qui bougent. Nous passons quelques dizaines de minutes à scotcher sur le jeu. Il remarque le côté respirant et organique des effets du LSD.

Notre empathie mutuelle se développe au fil des heures. Mon ami est joueur : il aime bien parler de perception, de réalité et du monde des idées. En tant que fervent partisan du modèle chaotique de l'univers, je ne peux m'empêcher de retourner nos idées dans tous les sens, y compris le sens contraire. De toute façon même sobre, je pars du principe que tout est vrai.

Subtilement, les hallucinations s'installent. Les plus marquantes sont sans doute une sorte de synesthésie qui fait que nous visualisons le courant des idées qui circulent entre nous.

Il est 1 heure, on reparle du temps qui s'est bien ralenti, d'ailleurs. Sylvain commence à énoncer une idée que je m'empresse de finir à toute allure en parlant du côté insaisissable et tout relatif de l'instant, qui au fond a une durée nulle. Un instant passé est-il davantage réel qu'un simple fantasme ? Je ne pense pas. Devant mon achèvement de sa pensée je sens qu'il est impressionné par la puissance du non-verbal sous LSD. Il acquiesce.

Cependant, même si c’est lui qui menait la discussion depuis le début de la soirée il me fait remarquer que je viens de tout manger le flux d'idées, là. Et c'est pas faux, on a tous les deux ressenti et vu la même chose.

On en arrive ensuite à parler de la notion de trip dans sa globalité : on ne comprend la notion de voyage qu'une fois revenu de celui-ci. J'en profite pour expliquer deux ou trois trucs par rapport aux bad-trips : ils peuvent être causés par quelque chose d'invisible qui ne se révèle qu'à la fin du trip, il faut souvent défaire cette grosse pelote de laine qu'est le bad pour arriver à la cause qui est à l'autre extrémité du fil.

Il est 1h20 la discussion reprend calmement, de mon côté je continue régulièrement à faire des pauses en respirant et en fermant les yeux pour faire circuler le fourmillent énergique engendré par la molécule. Sylvain lui, semble accorder peu d'importance au sensoriel : il a l'air de vouloir continuer à jouer avec les idées. Soudain, en lui répondant, je fais une blague sur la réalité. Il ne réagit pas. Je continue à profiter de la musique. Il me repose une question personnelle qu'on avait abordé plus tôt, je lui réponds "non" et c'est la vérité. Vérité qui correspond d'ailleurs à ce qu'il veut entendre : pas de souci en apparence donc.

Il s'éloigne un peu de moi, pose ses mains sur ses genoux et se penche en avant, le regard vide. Putain, je sens venir le truc.

Je lui dis de respirer profondément, il essaie mais je ne vois qu'un geste mécanique, pas une impulsion vitale. Je lui dis qu'on peut sortir faire un tour s'il veut. Il me répond qu'il ne sait pas.

Je change de musique et de lumière : un beau vert tendre d'herbe du printemps. Le son c'est Shpongle. “Écoute la guitare !” lui dis-je. Pas de réaction particulière. Il me dit qu'il ne sait pas si je suis son guide ou son persécuteur. Je comprends son doute et je lui dis qu'on peut faire ce qu'il veut. Je sais qu'il bascule dans un bad trip, mais je sais également qu'il explorera tout ce qui se présente à lui.

Je l'avertis tout de même : "oui il y a aussi cet aspect dans un trip, si tu veux on peut faire quelque chose d'autre ou changer d'ambiance." Il refuse. Quelques longues secondes passent, il dit alors : "ouh c'est pas bon ça !". Je lui dit qu'un bad-trip arrive quand on décroche totalement de la réalité des sensations. Je lui montre que je vais changer de musique et de lumière et je lui redis, pour être sûr qu'il veuille affronter son bad : "si tu veux on peut" (changer d'ambiance).
Il s'assoit par terre, amorphe : je l'ai perdu. J'ignore quel mécanisme l'a fait sombrer dans cet état. J'essaie de changer de musique pour un truc plus jazzy même si c'est inutile. Je lui dis de se raccrocher à des éléments du quotidien.

Et là, c'est le bad

En un instant, je sens un froid glacial partir de la base de mon cou et remonter le long de mes joues. C'est une angoisse physique qui naît. Un voile d’un noir d'encre émerge du bas de mon champ de vision, il rampe doucement vers le haut, comme un prédateur qui prendrait de plus en plus de place. Sur cette sombre étendue, se dessinent des triangles vert émeraude irréguliers. Le bad me gagne aussi, saloperie. J'veux pas qu'on soit deux à badder dans notre coin, faut que je lutte. Je me raccroche à la musique et à ma respiration, le voile s'efface. L'intense anxiété se désagrège au fur et à mesure que je stimule mon corps. Je ne ressens plus qu'une inquiétude gérable.

De ma chaise, je regarde Sylvain : à terre, recroquevillé, j'ignore ce qu'il vit exactement mais il a l'air terrifié. Je lui dis de prendre conscience du monde physique, mais il est absorbé. Ok, je vais déplier mon canapé et tenter de l'allonger pour qu'il relâche la pression. Il me demande si je gère. Malgré mon inquiétude je sais que j'ai davantage les pieds sur terre et que je connais le genre de sensations qu'il vit. Il me dit qu'il n'est plus dans la réalité, qu'elle n'existe pas. Ah quand même.

J'ai chaud. Je lui propose de sortir mais il a l'air toujours indécis. Je lui dit qu'il est libre, qu'on est à Paris qu'on peut rentrer chez lui s'il le souhaite, il est libre. Ma proposition ne le sort pas de sa confusion. Je décide de sortir pour prendre un peu d'air frais. Il me suit. Malgré la densité de ces quelques minutes, je ne me rappelle pas lui avoir parlé dehors, je me souviens juste de son "non, ferme pas" quand j'ai voulu repousser ma porte.

J'ai vite froid et je regagne mon appartement : la lumière est terne et froide. Sylvain met un moment a rentrer, une fois à l'intérieur il se rassois à terre. Il me demande que je lui parle de moi. Je ne comprend pas en quoi parler de moi le réconforterait, je n’arrive vraiment pas à satisfaire sa requête. Je n'ose pas fermer la porte. Je m'approche de lui, je le prends dans mes bras mais je sens une résistance, c'est inutile. Le seul à détenir la clé de son bad-trip, c'est lui-même. "Je sais !" lance-t-il. Il se relève, fouille son sac pour saisir son téléphone. Je suis soulagé : il appelle sa copine.

J'ai envie de le laisser seul au téléphone, je m'absente aux toilettes. Je laisse passer quelques minutes, puis je retourne le voir, de loin. Il continue à discuter avec sa copine, il lui explique que le temps n'existe plus, que ce qui l'entoure n'est qu'une création de son esprit. Il vient de se fabriquer sa propre prison.
Je comprends un peu mieux, je vois qu'il verbalise relativement bien malgré un désordre certain dans ses pensées. Je décide de prendre une douche chaude pour essayer de me relaxer et me faire oublier, je sens qu'il me craint un peu. Je retourne dans ma salle de bain.

À peine sous la douche, je ferme les yeux. Je vois les gouttes d'eau se cristalliser en des triangles blancs, dorés, ocres et luisants. Le jet contre ma peau me transporte dans une merveilleuse synesthésie toucher/vision. Et même si des vagues d'angoisse s'invitent sous ma douche je les combat avec la force de mes sens qui me rappellent à ma condition d'animal fait de chair et de sang. Ne jamais oublier jamais que je trippe.

Je repense à Sylvain qui est prisonnier de son esprit, qui vient de casser l’espace-temps, qui est en plein Matrix. Une pensée me parvient alors : peu importent les limites de notre liberté, on en en aura toujours ; l'essentiel est d'agir dans notre mesure.

En sortant de la douche, je vois les jointures des carreaux noircir intensément, elles se dilatent pour faire apparaître une crasse dans laquelle commencent à grouiller des cafards. Les parois s’étirent. Je détourne mon regard et respire pleinement à nouveau. Tu m'auras pas, saleté de bad. Je me sèche, j’enfile un peignoir et je retourne vers mon ami.

La lumière de mon appartement m’apparaît toujours aussi terne. Tel un bouquin de Boris Vian, l’univers se modèle selon nos sentiments. Je monte dans mon lit en mezzanine, je m’allonge et je prends ma tablette dans le mains pour trouver quelque chose à faire. Sa copine lui demande si je gère, il me pose la question. Je lui réponds “oui oui, pas de souci !” avec un air détendu. J’imagine que ça doit l'inquiéter un peu que ma façon de gérer soit de m’effacer, mais c’est vraiment la meilleure chose que je puisse faire dans son cas. Je sais qu’il n’y a plus qu’à attendre.

Sa copine lui dit d’écrire le problème. Il a de quoi écrire mais il a du mal. Je ne le vois pas mais après une lutte intérieure il rédige : “c’est horrible”. Il dit que c’est comme un cauchemar, sa copine lui demande ce qu’il fait quand il en vit un, il hésite... il réalise qu’il ne peut pas se réveiller. Il semble toujours terrifié.

Il est devant mon ordi, je vois qu’il cherche à faire quelque chose, il coupe la musique finalement. Sa copine continue à lui demander des précisions sur sa soirée pour le ramener à la raison, mais il a vraiment cassé le temps. Au fur et à mesure, il arrive à poser des mots sur son mal. Il écrit que je le persécute.

Outch, là je comprends mieux. Je ressens un malaise immédiat, toutefois, je me raisonne en disant qu’on avance. Même si je ne vois pas exactement ce qui l’a poussé dans cet état, petit à petit, il retrouve quelques repères de la vie quotidienne. Il reconstruit sa personnalité et son environnement. Sa copine lui répète que ça va s’arrêter, même s’il n’a pas encore retrouvé la notion du temps. De mon côté, je l’écoute attentivement, je survole en même temps quelques sites internet pour ne pas sombrer et donner une activité à mon cerveau. Tiens, je vais même aller publier un statut marrant sur Facebook. Je reçois des messages, ma tablette vibre.

D’en bas, Sylvain me demande : c’est quoi ce bruit ? Je lui répond “Bah des messages Facebook !”. Il explique à sa copine que je viens de recevoir des messages Facebook. Il me semble que ça lui rappelle aussi la réalité.

Au bout d’une heure au téléphone au total, il revient peu à peu parmi nous. Il se sent confiant, il dit bonne nuit à sa copine et raccroche. Du haut de mon lit je le regarde, je lui dis : “alors ?” il me répond : “ça va mieux, je crois”. Ouf.

Back on Earth


Il est 2h30, je descends de mon lit et je m’allonge sur mon canapé déplié. Il m’explique qu’il vient de péter l’espace-temps tout seul comme un grand, qu’il s’est retrouvé isolé dans un enfer où j’étais son geôlier, un enfer uniquement créé par son esprit au-delà duquel plus rien n’existait. Je lui dis : “bravo, tu viens de compresser l’immensité de l’univers en un point de masse nulle”. Il me dit que oui, il a divisé par zéro et qu’il retrouve peu à peu les barrières construites par notre cerveau qui nous rendent la vie supportable.

Effectivement, plus que nous faire sauter des barrières, le LSD est capable de défoncer des murs porteurs. Mon ami me dit “J’ai tout cassé la maison”, je complète : “en commençant par les fondations”. On recommence à rigoler. Il me dit : “en fait c’est des jouets les hallucinations”, j'acquiesce.

Il me dit qu’il commence à désemmêler la pelote de laine de son bad-trip. Je lui demande à quel moment il a glissé, il me dit qu’il a le souvenir d’un gros doute sur la nature de la réalité. Je fais immédiatement le rapprochement avec une de mes blagues plus tôt dans la soirée.

Je lui dis : “Ah, comme je te sentais très joueur avec les concepts, j’ai fait un blague sur la réalité, y avait rien de sérieux dans mon «ou pas !»”. Pourtant ça a suffi. Il était dans un état de flottement entre le trip amusant et l’existence unique de sa psyché. Il a trop voulu jouer avec son mental et ça l’a emporté.

Il se rapproche alors de moi, nous sommes côte à côte et nous revenons en arrière sur la soirée. Je lui dis que selon moi il a fait une résistance aux aspect sensoriels du LSD, il a totalement oublié son corps et ça l’a perdu. Ce qui explique aussi le fait que sa montée ait été retardée de plus d’un heure par rapport à moi.

Sylvain me donne sa version : il n’a pas cherché à nier l'existence de son corps, il était juste fasciné par le flux d’idées qui circulait dans sa tête (et dont il voulait tout capter). Je pense que la vérité est entre les deux : avant son bad, je ne l’ai vu ni fermer les yeux, ni avoir des réactions corporelles, ni respirer pour de vrai à aucun moment.

On est d’accord sur ce point, il a oublié son corps, cette puissante ancre dans le monde des sens.

La discussion se dilue, je vais vers mon ordi pour refaire une petite ambiance sympa chill-out. Il ferme les yeux et lance un “oh c’est joli ça !”.

C’est pas trop tôt ! Même s’il a bien apprécié les hallucinations yeux ouverts au début de la soirée c’est la première fois que j’entends ça de sa bouche depuis le début du trip. Alors que bon, c’est pas comme si c’était dur d’avoir de jolis visuels les yeux fermés sous LSD ! Je lui lance en rigolant : “Putain il aura fallu attendre que tu fasses un bad pour que tu te laisses aller !”.

Nous passerons le reste de la soirée à revenir sur la construction de son bad-trip plus en détail, à mettre des choses au clair sur notre amitié, et tout simplement à se raconter nos hallucinations en s’amusant à regarder diverses choses ou juste en fermant les yeux.

Un sentiment de sérénité nous accompagne. Et alors que les dernières hallus s’estompent, on s’endormira vers 9h.




Le lendemain on a surtout retenu son heure de bad. Malgré tout, on s'est remerciés mutuellement pour cette expérience qui s'est révélée très bonne pour nous deux, avec le recul. Il a pu constater la puissance de cette molécule et on a profité d'un soirée d'échange à visualiser littéralement les flux d'idées et d'émotions entre nous deux qui nous connaissons très bien.

La dose était forte pour une première fois, mais je n'aurais jamais donné ça à quelqu'un d'autre ou dans un contexte moins tranquille. On avait bien pris soin d'avoir 2 jours de libre derrière et je ne doutais pas de la tranquillité de l'esprit de mon ami. Et malgré tout... ^^
 

AlphaMethyl

Holofractale de l'hypervérité
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26 Mar 2009
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Whoooah ! J'étais totalement plongé dans ton Trip Report. Je me suis imaginé les scènes et j'ai été captivé! Je te remercie du partage, un super trip comme j'aime les lire. J'ai déjà connu ce sentiment de bad trip et c'est vrai que ça peut être dur à supporter ! Énorme, j'ai adoré l'ami :)

J'espère en lire plus souvent venant de ta part héhé !
 
D

Deleted-1

Invité
Excellent le Tr ! belle analyse et bonne retranscription, j'ai vécu une sorte de soirée comme ça ou d'un coup mon pote s'est québlo, putain d'angoissant de sentir le bad monter en quelques minutes sans pouvoir y faire !!! j'avais juste envie de dire "non non non" faut pas qu'on s'embarque là dedans !!

Xyro a dit:
Je lui dit : “Ah, comme je te sentais très joueur avec les concepts, j’ai fait un blague sur la réalité, y avait rien de sérieux dans mon «ou pas !»”. Pourtant ça a suffi. Il était dans un état de flottement entre le trip amusant et l’existence unique de sa psyché. Il a trop voulu jouer avec son mental et ça l’a emporté.

Maintenant j'évite ce genre de blague sous trip arf, je crois que les gens aiment pas autant jouer qu'ils n'y paraissent avec la réalité, ou alors ils s'arrêtent trop sur des idées sensées être des blagues, on doit pas avoir le même humour ahahah =)
 

Xyro

Alpiniste Kundalini
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30 Sept 2012
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Merci à vous :)

De toute façon, mon ami a vraiment kiffé cette expérience plus que suprenante pour lui. (et pour moi aussi quand même ^^)
 

Titifly

Glandeuse pinéale
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14 Août 2012
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Merci Xyro pour le partage de ton expérience très sympathique malgré le mini bad de ton pote. Peut-être était-ce la musique le problème ?
J'ai l'impression que la musique est vraiment le fil conducteur de tous les trips sous LSD et qu'il suffit d'un seul passage mal " interprété " par qq un sous trip pour que tout parte en sucettes.
De mon expérience il faut vraiment s'écouter et dès que un son ne nous fais pas du bien, il faut changer ça au plus vite pour retrouver un environnement chaleureux, mais tout le monde ne réagit pas pareil je pense.
En tout cas ,très bon Tr, bravo et merci
A ++
 

Xyro

Alpiniste Kundalini
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30 Sept 2012
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J'ai changé pas mal de fois la zique vers plein d'ambiances différentes, dès que j'ai senti mon ami partir du côté obscur du trip. Mais fasciné, il s'est vraiment laissé absorber par son mental.

Je lui avais demandé une playlist de morceaux qu'il aimait particulièrement quelques jours avant. Il n'a pas été capable d'en faire une, étant donné qu'il écoute souvent des webradios et que ça lui suffit. En fait si, il m'avait juste demandé un morceau, mais j'ai totalement oublié de le mettre dans la playlist ou au moins sur le bureau de mon ordi.

Concernant le moment où il est seul devant mon ordi et il essaye de faire un truc pour finalement couper la musique, il cherchait en fait ce mp3... Mais finalement, la cassure causée par l'arrêt de la musique a eu son petit effet sur nous deux, nous rappellant à la réalité.

Donc la zique n'était pas vraiment un problème, étant donné le peu de sensibilité de mon pote par rapport à ça.

Effet de bord : désormais, je n'ai plus peur de tripper sans son. :)
 

Sludge

Holofractale de l'hypervérité
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17 Sept 2011
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Très beau TR, c'est vraiment bien écrit. J'ai vécu aussi le bad par empathie, j'ai apprécié lire ton récit. Pas évident de se sentir impuissant par contre devant le malaise de quelqu'un. J'ai déjà vécu ça aussi...
 

cyberphyto

Neurotransmetteur
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20 Avr 2013
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J'aime beaucoup tes TR l'ami, mon premier carton de vrai LSD j'avais 17 ans et c'était tellement énnormissime que je ne saurais le raconter.
ça fait 17 ans, j'ai plein de souvenirs mais impossible de trouver des mots
On m'avait prévenu, un trip de cette qualité, tu à peu de chance d'en retoucher un jour.
Quand j'ai donné 25 francs au gars et qu'il m'a montré ce mini bout de carton pour m'en donner 1/4 puis 1/4 plus tard. Je lui ai dit : arrête de me prendre pour un con, rends moi mes sous je vais plutot me chercher à boire.

Finalement je lui ai fait confiance....................................................................

J'ai eu bien fait.

Merci Albert H.
 

Kassrol

Neurotransmetteur
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29 Mai 2013
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Merci pour le Tr !

Très belle description de vos états d'esprit , c'est très bien raconté :D
Je te trouve très " lucide " d'avoir su gérer cette situation de geôlier inopiné , c'est typiquement le genre de truc qui m’emmènerait au fond si un ami ressentait ça à mes cotés .
Chapeau et très belle expérience
 

Xyro

Alpiniste Kundalini
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30 Sept 2012
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dialektik a dit:
Ca me donne grave envie de tester haha ! Super TR !

Mon ami m'a assuré revenir de l'enfer.
Gaffe aux dosages et au set and setting, hein. :)
 

Fat Jo

Glandeuse pinéale
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22 Déc 2012
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Super TR, Super bien écrit merci
 

Babychris

Elfe Mécanique
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14 Mai 2012
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328
Retranscription parfaite, c'est tous ce que je me permettrais de dire, le trip rappelant les dangers de la volonté d'impossibilité (donc d'exhaustibilité) ou inversement
 

Crounz

Holofractale de l'hypervérité
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8 Juil 2013
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Superbe retranscription.On en ressent presque les effets.
 

Simba

Holofractale de l'hypervérité
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1 Sept 2012
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Très bien écrit/décrit tout ça.
Et tu as été très prévenant et aux petits oignons avec ton pote,malgré que t'étais toi aussi bien perché. Respect. Pour moi,rien que ça,ça relève de l'exploit et il peut s'estimer heureux malgré tout,d'avoir un ami comme toi.
 

Poulinos

Holofractale de l'hypervérité
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5 Août 2010
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Yes, TR bien sympa.

Ton pote a pris cher mais c'est apparement ce qu'il voulait ressentir. J'me souviens avoir fait testé a un pote comme ça (enfin c'était plutôt trytpa à l'époque genre 4-aco-dmt). En tête à tête, à se mater dans le blanc des yeux lol. Essayer de se trouver du bon pour kiffer la vibes etc...

C'est vrai que des fois ca peut être assez dur de rassurer la personne quand tu sais qu'elle peut partir assez loin. Mais tu m'a tout l'air d'avoir gérer ça sereinement. Et puis bon le bad trip pour moi est un passage un peu obligé dans le monde des psychédéliques !!
 

Cypripedium

Banni
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30 Mar 2013
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chapeau ton TR ! ^^

tu as en plus gerer la soirée de bout en bout , chapeau le sitter pourtant sous LSD

Comme quoi , c'est sympa de faire ces soirées avec des gens expérimentés
assez puceau avec cette molécule , je me laisserai bien aller avec une personne de confiance comme toi .
 
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