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Styloplume
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Encore un TR de Styloplume
d’un trip fait le 6 juillet 2012
comme d'hab, le PDF est dispo en fin de post
d’un trip fait le 6 juillet 2012
comme d'hab, le PDF est dispo en fin de post
Trip à blanc :
Garder le meilleur de la drogue
Garder le meilleur de la drogue
Ouais, les trips à blanc ça marche, on peut en faire de toutes sortes, des trips à blanc. Le principe est simple : agir comme un drogué sans avoir rien pris. Il y a un épisode de la série animée The Mask où le héros perd son masque magique qui le transforme en super-héros, et un psy lui conseille : « Agissez comme si vous aviez le masque, même quand vous ne l’avez pas. » Le gars commence à faire ça, à délirer, et ça marche.
Là, ce que je raconte s’est fait dans une soirée avec des lycéens sous MD et acide, le jour des résultats du bac.
L’origine
Ça a commencé par une rencontre un peu fortuite il y a quelque temps de cela, sur la fac, fin juin. Les vacances déjà bien entamées depuis longtemps pour moi, j’ai rencontré des lycéens qui venaient de passer le bac, et qui décompressaient. Le contact est très bien passé, on a fait un peu de musique ensemble, déliré pour des riens, causé de plein de choses constructives, et – surprise ! d’acide. Ah ben, tiens, je suis tombé sur un psychonaute, jeune homme enthousiaste qui d’ailleurs pars aujourd’hui même pour Ozora, un gars super cool, un peu hippie, appelons-le Timothy.
J’ai rencontré des jeunes qui envisagent leurs vie sans se prendre trop le chou avec les études, beaucoup envisagent de voyager pour découvrir le monde, plutôt que s’abrutir sur les bancs de la fac, voilà une attitude que je trouve excellente.
Oui, le courant passe bien, je garde contact avec Timothy.
Comment ça commence le jour même
Timothy et moi avons prévu de se revoir avant qu’il ne parte sur son voyage initiatique (ah, le Ozora, wow). Donc, en journée, on s’appelle, le réseau plante un peu, mais on finit par se retrouver.
Timothy est là, avec une copine à lui, appelons-la Source, il est encore que 18:00 environ. Ils viennent d’avoir leurs résultats : ils ont leur bac ! (et ils veulent fêter ça le soir même). Je les suis dans des librairies pour trouver des bouquins d’ethnographie, c’est que Source a l’intention de partir du côté de l’Inde pour faire elle-même son voyage initiatique, avec une autre amie. Wow, je suis dans un milieu clairement intellectuel et protégé, des jeunes qui prennent leurs vie en main et veulent découvrir de nouveaux horizons. Voilà qui me ressemble pas mal. Je ne déteins pas parmi eux, moi aussi j’ai voyagé, j’ai fait ma petite initiation, je peux leurs raconter Berlin, Israël, etc.
Le plan de la soirée
Rapidement on se retrouve avec leurs autres amis, qui ont leur bac aussi. Je vais passer les détails, parce que c’est pas très important, alors retenons que :
* Une grande bande de lycéen vient d’avoir son bac
* Ils vont fêter ça ce soir, soirée minimal de prévue dans un bar
* Tout le monde va se percher à la MD
Un bon ami à Timothy doit venir, dont on me dit des choses mystérieuses : il a passé plusieurs moi en ermitage, il est profond, ce soir il va prendre de la drogue, exceptionnellement... Timothy est très très content de la soirée qui s’annonce.
Et moi, je suis un peu blasé, la MD j’en ai gardé un mauvais souvenir, j’ai vraiment pas envie d’en prendre, ça me fait peur cet univers où les gens n’ont peur de rien, moi j’ai plein d’angoisses. Wuuvgan me l’a dit, il y a beaucoup d’anxiété en moi, et je me rends compte que c’est vrai.
Mais je suis vraiment bien avec tous ces jeunes (je dis ‘jeunes’, c’est que j’ai 25 ans déjà), alors je reste à parler, par exemple avec Elisheva, à propos des rapports entre extase sous MD et spiritualité, comment transposer ça au quotidien. On passe rapidement à des choses profondes : résoudre des problèmes de l’enfance, s’accepter soi-même, méditations... Et des thèmes philosophiques aussi : on discute sur le thème « l’intelligence n’apporte pas la sagesse ». Bref je tombe sur quelqu’un de très intelligent avec qui je peux me défouler niveau conversation, et c’est vraiment super.
La décision
Il est presque 21:00, là, j’ai de plus en plus faim, il fait de plus en plus froid, il va falloir prendre une décision. J’ai discuté avec Timothy de l’effet des drogues, de l’euphorie musicale, etc. Et je ne me sens vraiment pas attaquer ça ce soir. En ce moment je suis tourmenté par ma recherche de travail, infructueuse jusque là, et ça plombe le moral. Je ne suis pas dans des bonnes conditions mentales pour triper avec des presques inconnus.
Et en même temps, ah, je suis bien avec eux ! Timothy, Elisheva, les autres, ils sont excellents, ouverts, intelligents, profonds, avide de vivre ! Je peux être moi, parler d’introspection, d’acide, de mort/renaissance, de méditation, de mystique, de psychologie !
Bon, j’ai faim.
ALLEZ, on prends une décision. Déjà, on va au MacDo pour manger. Ensuite, on participe à leur soirée, et on ne prends pas de drogue.
Ça y est, le plan se déroule. Si je fais comme ça je passe une soirée safe.
C’est parti !
Hop-là, MacDo, j’y vais seul, je mange mon repas assez vite. Haha, MacDo c’est mot d’argot pour désigner quelque chose qui a les mêmes initiales ! Quelle ironie, je vais manger à MacDo en prévoyant de ne pas ‘manger à MacDo’, héhé.
Je mange mon repas, je tremble. C’est que je suis excité comme une puce. Comme si j’allais prendre de la drogue, mais sans drogue, mvoyez ? Comme si je partais pour un trip. Et en fait, OUI ! Cette soirée a été un trip !
Bien, j’ai mangé, je retourne vers les autres, j’ai lâché bon nombre de peurs, par la force de ma décision, qui me rassure. Pas de drogue, on tripe quand même. Nickel.
Derniers moments sur l’herbe
Tout le groupe est posé sur les pelouses du château, en chill-out avant la soirée au bar. Les gens commencent à proder, je vois quelques paras de MD qui disparaissent dans des gorges. Timothy a déjà gobé un buvard depuis un moment déjà (à 19:00 en fait).
Je fais la connaissance de tout le monde, dont un Arabe bien sympa à balle de MD, appelons-le Abdelkader ; une fille et un gars qui n’ont pas eu leur bac, mais comptent partir sur la route pour se forger leur vie ; un autre étudiant en psycho... Pas mal de monde, nous sommes une dizaine sur le gazon.
Je fais enfin connaissance avec cet ami de Timothy. Le gars est habillé tout en noir, lunettes de soleil, pendentifs métaliques... Ça aurais été mon meilleur pote si j’avais eu mes 17 ans dans ma période gothique. Allez, il s’appelle Anacore. Ce gars est excellent. Il a passé six mois en ermitage l’an dernier, sans voir personne. Sa seule expérience à l’acide l’a bien marqué, il a eu assez de pistes de réfléxions pour un bon moment. Je sens le gars qui, comme moi, souffre, et veut en sortir, et a commencé le chemin long et pénible vers la lumière. Voilà un gars qui fait face à ses propres démons. Rigide mais courageux, tourmenté mais plein d’espoir.
Timothy, lui, a commencé à bien monter, et rien n’a changé avec lui. C’est le même gars. Il dit les mêmes choses, parle fluide, conserve sa personnalité. Voilà un gars sur qui le LSD n’a pas la l’effet que d’autres recherchent désespérément : être soi-même. Non, Timothy est déjà lui-même. Tout ce que l’acide lui fait, c’est des visuels, de la musique amplifiée, des pensées plus fines peut-être, je ne suis pas dans sa tête. Mais, de l’extérieur, c’est juste le même gars.
Anacore, lui, va retenter la MD ce soir (il a test une fois il y a bien longtemps).
Il est 22:30 maintenant, j’imagine, et on s’oriente lentement vers le bar où la minimal doit jouer, d’après ce qu’on sait.
Réconciliation avec le son de teuf, spéciale dédicasse à la Schtroumpfette ;-)
Nous voilà au bar. Eh, l’info était erronée. C’est pas de la minimal, là, c’est le sound system qui posait lors de la teuf du mois dernier ! La même ! Ah là là, dites donc, de la hardtek en fait...
Là, je vais raconter ce qui s’est passé, sans tenir compte des pauses et des conversations qui ont ponctué l’évènement.
Les lycéens ne rentrent pas dans le bar. Mais moi je suis décidé à triper, et j’ai des comptes à régler avec cette musique. Pour une fois que je peux me lâcher, je vais pas me priver. Pas de drogue, donc je suis maître de la situation, je lâche la bête si ça m’arrange, et si ça tourne mal je la siffle, au pied, et on s’en va.
Personne devant le son : deux enceintes, un caisson de basse, largement de quoi saturer l’espace pas très grand. Mais ça ne vrille pas les oreilles non plus. Ou alors, je m’en fous. Je suis tout seul devant le son, je ferme les yeux, et là c’est parti, accroche-toi à ton slip, Stylo.
Faire le vide. Oublier le passé, ne plus penser au futur. Respirer. Inspire, expire, fiouuu, laisse les choses couler. Ne rien faire. Ne pas penser au regard des autres. Ne pas penser à la peur. Pas de drogue, pas d’angoisse. Respire.
Le son m’entoure, le son est fort. Bam bam bam bam. Le cerveau se cale dessus, les pieds aussi, les mains partent, allez, respire, Stylo. Tout tourne autour du vide. La musique représente le vide. La respiration tourne autour de la non-respiration. Voilà des pensées qui me rassurent.
À mesure que je pense tout ça, le son commence à devenir franchement énorme. Blam blam blam blam et bam mon corps part. Yeeeeha ! Les yeux fermés, je me laisse submerger par la vague de musique incontrôlable, ah c’est bon. Bam bam bam et plus rien n’a d’importance. Bam bam bam et je me déchire sans drogue (enfin, j’essaie).
Et puis, cette perche a tendance à redescendre rapidement, dès qu’il y a une petite contrariété. Par exemple, les gens me regardent. C’est que je fais ma danse d’acide, avec les mains qui font des vagues, tout ça. Et je me laisse complètement aller, des mouvements de bras... mais quand j’ouvre les yeux il y a des filles qui me regardent en s’amusant de ce que je fais, ça me déconcentre un peu. Bon, voilà un truc, on s’en occupe. Elle rient de moi, mais je danse, je leurs fais des sourires, et je profite de mon expérience, je m’assume. Et ça marche, il ne se passe rien d’autre, problème réglé.
Bon, c’est bien mais dès que j’arrête de me concentrer sur le son, la perche s’arrête. Bon, comment triper là-dessus ? Ah, on va faire un truc. Je vais rejouer mon dernier bad sous MD en teuf. Si j’arrive à passer au travers, j’ai tout gagné.
Alors, où en étions-nous ? Ah oui, le son. Allez, Stylo. Debout, bouge pas, yeux fermés, respire. Je suis en teuf, devant le son sous MD. Le son me fait peur. Je vois la mort qui s’approche, et je ne peux rien faire. Je ne peux RIEN faire. Le son m’entoure, ma tête est pleine de bruit, pleine de voix. Ce sont les samples de la tek, mais je suis sûr que tout le monde dans la salle se moque de moi. Tout le monde dit que je ne suis qu’une ordure juste bonne à crever.
Eh, enfin, c’est juste le son qui me tue. Les voix sont en moi. Je peux les accepter. Elles me remplissent, puis, elle disparaissent. Et laissent la place au beat, qui me vrille maintenant entièrement.
De l’extérieur, vous voyez un grand mec mince comme tout qui cambre sa tête en arrière en faisant une grimace de jouissance mêlée de souffrance. Et puis....
BAM BAM BAM
Hop-là, drop out, Stylo, le son t’as rempli, il t’as tué, tu renaît dedans, t’iras pas plus loin ce soir, tu crains plus rien, alors maintenant danse, sale petit bâtard de gros chéper camé ! Danse, bouffe ta perche ! Danse, bouffe le son ! Allez, l’enceinte, t’en avais peur ? Et bah allez, vas-y, rapproche-toi. Allez, viens ! Regarde, l’enceinte est ton amie. Ton corps rempli de vibrations, t’aime ça, hein ? Mmh, oui, c’est bon ! Allez, enfonce ta tête dans les tweeters, là, plus près, ahhhh tu vois que c’est bon. Le corps massé par les basses, la tête dans les étoiles, aaaahhh tu vois ce que c’est !
T’avais peur, Stylo, t’avais peur de devenir un camé à la MD qui fait l’amour aux enceintes, et maintenant ça y est, héhéhé, t’as compris ! Ah, et tu danses comme eux, hein ? D’un pied sur l’autre, ça dandine, on se laisse remplir, on ne fait rien. Et voilà, mec. Pas compliqué en fin de compte.
Ah bordel j’ai fait l’amour avec la hardtek.
Je suis moi
Je sors du son. Ma tête est blindée de bruit, chaude de la danse, allez hop on va souffler. Une fille qui a fait psycho dans ma promo cette année m’aperçois, on engage la conversation. Tiens, mettons elle s’appelle Fioranda, elle a eu son année, comme moi, donc on sera ensemble l’an prochain. Elle me fais des grands sourires : « T’avais l’air de bien apprécier le son ! »
Ah, j’aime quand je me montre moi-même comme je suis, et que les gens m’apprécient comme ça (même si ça veut dire faire mon acid danse sur de la tek et caresser les enceintes comme un furieux). Je lui explique que je suis venu me réconcilier avec la tek mais sans drogue, et elle valide, elle trouve que c’est une bonne idée. Boah, super cool.
Une fois sorti, je retrouve Timothy (en fait ça s’est fait entre deux sessions de tek mais je respecte pas l’ordre chronologique par souci de narration). Le voilà, il commence à marcher pour discuter un peu. J’explique que je voudrais retourner devant le son. Ok, il fait demi-tour aussi sec. « Olé, mon gars, hého, on peut trouver un compromis ! On marche un peu, et on reviens ! » Aussitôt que je dis ça, il rechange de sens pour marcher quand même. Mmh. Timothy est vraiment perché en fait. Il ne montre pas de volonté très marquée, là, il change le plan selon ce que je dis.
Bon, on discute, il m’interroge sur moi, et je raconte tous les trucs profonds que je pense sur, heu, sur je sais plus quoi. Je sais que dans cette courte conversation, j’aiguille Timothy sur des choses qui à un moment donné le dérangent. Il me dit : « Ah, c’est ouf en fait, je me fais submerger par ta personnalité.
- Ben, oui, je suis comme ça, je m’affirme comme je suis.
- Bon, j’ai assez parlé avec toi, là.
- D’accord. »
Et on se quitte, je retourne vers le son. Mmh, c’est bien ce que je me disais, Timothy a pas mal de choses à construire. Ceci dit, c’est génial qu’il ait pu exprimer son inconfort et prendre une décision, parce que si je fais pas gaffe j’écrase les autres en m’affirmant.
C’est que je suis de l’avis que si on se construit pas une personnalité, autant crever direct dans ce monde dur. Il faut avoir une colonne vertébrale, il faut de la force, et prendre des décisions.
Ah, oui, quelque part je vis la perche, parce que je suis moi, je me découvre, je découvre l’autre, il se passe des chose qui pour la plupart des gens ne se passent que sous psyché.
(Faille narrative, je repasse devant le son, je fais l’amour avec la tek, je ressors)
Je parle rapidement à quelques personnes du milieu de la teuf, et on s’accorde que c’est chacun son style de musique. Moi en fait je préfère la psytrance, quand même, j’arrive mieux à me caler dessus. La hardtek ça va trop vite pour moi, et ma danse psyché n’arrive pas bien à se mettre dessus. D’ailleurs, les autres m’ont vu danser, c’est eux qui me le disent. Bon, j’ai un contact satisfaisant avec des mecs du milieu, il y a de la tolérance, du respect, tout est nickel.
Le trio magique
Une fois sorti du bar, j’ai perdu de vue mes chers bacheliers, j’essaie d’appeller Timothy, mais, ah, non, tout va bien, il est là, sur un trottoir, avec Anacore, et une fille qui est encore en première, qui n’a rien dropé, et qui s’appelle Jasmina (toujours des jolis faux prénoms). Avec Jasmina, qui n’a pas prodé, ne veut pas tenter (encore heureux de trouver des jeunes de 17 ans un minimum raisonnables), je parle et je me rends compte que toute la journée j’ai évolué dans un milieu où la drogue prenait une grosse place. Même dans ma démarche de triper sans drogue, et surtout dans ma démarche, en fait, la drogue constitue un arrière-plan prégnant. Je me dis que mmh, à quoi tout ça nous mène ? Ça ne transmet pas beaucoup de valeurs la drogue pour la drogue. Bref, je perds le fil de l’histoire, pour ainsi dire, ça tourne en rond mes réflexions.
Et puis, Jasmina s’en va, du coup je me rapproche de Timothy et Anacore, qui a dropé un para de MD. À ce moment, le thème de la drogue perd son importance.
Timothy et Anacore s’aiment. Pas au sens érotique du mot. Non, ils s’aiment comme des frères qui se sont choisis. Totale acceptation de l’autre, prise de parole douce et sans heurts, pacience. En fait la conversation est si transparente que je peux les voir comme ils sont.
Anacore est très réfléchi, parle en choisissant ses mots. La réalité est pour lui un monde hostile, une épreuve permanente, qu’il traverse avec une carapace précautionneuse. Et dans ce qu’il est, aussi, il y a de l’espoir, une aspiration à la lumière.
Timothy, lui, est très très détendu, tout va bien, tout va forcément bien. Rarement vu un type aussi relax.
Et ces deux caractères si différents ne s’affrontent aucunement. L’entente est parfaite, la différence devient complémentarité.
Je rentre dans la conversation quand il est question de South Park. Mmh, je bronche. Eux ils aiment bien, la satyre sociale, l’absurde, et moi c’est pas mon truc.
« Pourquoi tu n’aimes pas South Park ? » Demandent-ils.
Choisis tes mots, Stylo. En face de toi, un sous MD, un sous acide, tu peux te permettre d’être toi. Tu peux leur faire confiance. Allez, un mix : communication non-violente (CNV) combinée avec inspiration MD. Je m’élance :
« Parce que dans South Park je ne sens pas d’espoir, pas de lumière. Et moi, j’ai besoin d’espoir.
- Ah, ok.
- Ah, d’accord. »
Ces gars m’acceptent ! Ces gars m’aiment ! Ah, on est bien parti.
Leurs conversation est en route, je ne veux pas m’imiscer, et puis, ah, zut, si, je vais forcer un peu le passage, comme le ferais un gamin. C’est que quand je tripe je redeviens un gamin, donc avec l’angoisse prégnante de ne pas être accepté. Je me lève, annonce que je vais me promener, et du coup ils m’accordent de l’attention, et là on parle à trois. D’ailleurs, Timothy me dit « reste pas accroupi, rassied-toi, que je te voie pas partir ». Bien, je me suis un peu imposé, tout sans violence, et maintenant on a une conversation vraiment à trois. D’ailleurs, ils m’accordent de l’attention. L’angoisse du gamin mis à l’écart est guérie. Bref, comment faire de la mini-thérapie avec rien.
Anacore dit : « Si je devais te décrire par un adjectif (et Dieu sait que c’est réducteur), je dirais : abyssal. Il n’y a pas beaucoup de gens qui se posent autant de questions. Et en plus, c’est bizarre, mais j’ai l’impression que tu peux nous comprendre.
- Bien, sûr, je vous comprends, je vous vois. C’est excellent, ce que vous dites, les gars. Je vous suis complètement, je suis avec vous là, je vous vois. »
Ah, oui, c’est vrai, en fait, j’ai pas besoin de drogue pour exprimer ce que je pense et ressens, j’ai appris à faire ça avec la communication non-violente (CNV) et la thérapie. En fait, la CNV, c’est parler sous MD mais sans MD. Et ça marche.
Et, il faut dire, ça marche très bien avec des gars aussi profonds et surtout si ils ont prodé des psychés. Nous sommes au monde des bisounours, sans forcément nous faire plein de câlins non plus, parce qu’on est au stade de l’échange verbal et réfléchi, avcc comme toile de fonds l’amour bisounours qu’on a les uns pour les autres, et qui est si évident qu’on n’a pas tant besoin de l’évoquer.
(plein de failles narratives, du genre, on va pisser, on cause avec les autres, on se sépare, ils partent parler et je les rattrape en courant...)
Je les rattrape, essouflé, et fait mon petit théâtre de gamin abandonné : « Est-ce que je peux me joindre à vous dans votre promenade ? » Mais oui, ils m’acceptent, évidemment. (Paf re-thérapie)
On se pose devant une église, on est bien. Conversation métaphysique. L’univers, selon Anacore, est régi par le hasard. Timothy objecte que nous déterminons notre propre vie, aussi, même sans en avoir conscience. Mmh, je propose l’opinion existentialiste, qui est de décider ce qu’on fait de sa vie et de l’assumer. Anacore trouve que c’est une bonne idée mais n’est pas complètement d’accord, par contre je ne sais plus très bien pourquoi.
Qu’apporter à l’humanité ? Voilà une question. Pour Anacore, rien. Éclairer sa propre vie, à la rigueur tendre une torche à l’autre, pour que l’autre s’éclaire lui-même. Ah, je suis d’accord là-dessus, le meilleur moyen d’aimer les autres c’est de s’aimer soi-même. Timothy approuve. Bon, ça c’est fait.
On revient sur le hasard, je crois, et je me sens partir dans des réflexions difficiles, comme sous THC, où l’on manipule des concepts qui recouvrent maladroitement l’existence comme on la perçoit. Je me met à genoux (ben oui, je tripe et j’assume), et je dis aux gars : « Les gars, on est parti dans des trucs métaphysiques et moi ça me perd, j’ai du mal à suivre, qu’est-ce qu’on fait, là ?
- On cherche le divin, dit Anacore.
- À mon sens, le divin, on l’a déjà quand on parle ensemble, quand on s’aime les uns les autres, rétorque-je.
- Oui, dit Timothy. Je trouve qu’avec l’acide le danger c’est de tourner en rond. Il faut garder la simplicité. »
Bref des conversations excellentes. Une présence super. On retourne vers les autres et le trio magique se dissout.
On se rapproche de la fin
Retour parmi les bacheliers, posé par terre en bas de la rue de la Soif. Ah, les autres jeunes sous MD, eux, ont un comportement beaucoup plus marqué par la drogue que Timothy ou Anacore, qui sont restés eux-même. Les câlins circulent, les sourires béats, les silences recueillis, les rires simples.
Je retombe pas mal de ma perche quand je vais parler à des SDFs qui me demandent l’hospitalité pour la nuit, et je ne le sens vraiment pas, je suis fort gêné :/
Je tiens à parler une dernière fois avec Timothy avant de partir. Il sourit à ma gêne avec les SDF, en admettant qu’il n’y a pas de solution évidente. On part pour marcher un bout, et il se montre bien curieux de moi. C’est que je l’ai secoué, tout à l’heure, avec ma personnalité, qui est plus construite que la sienne. Il s’est senti tout nu pendant un moment. Donc je lui parle de mes faiblesses, pour être honnête avec lui. C’est que je suis tourmenté, en ce moment, par ma recherche de travail encore infructueuse, et par d’autres affaires, aussi. J’ai beaucoup de doutes et j’explique que je construis ma personnalité afin de mener ma barque tant bien que mal.
Vu, ça lui parle. Timothy est avide de connaissances, d’expériences, de gens. Un jeune homme plein d’enthousiasme, super positif, pas du tout chien fou, avec beaucoup de questions très très intéressantes. J’entrevois que lui aussi a des soucis affectifs, sans doute du même ordre que les miens (mais je ne détaille pas ici), et il n’a pas envie de les partager, du moins pas ici, spontanément.
Bref, on se vois une dernière fois avant l’au revoir. C’est qu’il part à Ozora, ce con ! <3
Ensuite, un adieu à tout le monde, des câlins en pagaille, et hop-là, on rentre à la maison !
Retour perché
Dans la rue qui prolonge la rue de la soif, où ont lieu les soirées étudiantes, quelques loulous rentrent chez eux ou partent faire un after.
Un gars en skateboard s’est arrêté, regardant la rue où se déplacent quelques groupes. Il me regarde ensuite d’un œil un peu ralenti :
« Je peux te poser une question ? Demande-t-il.
- Bien sûr !
- Tu rentres de soirée ?
- Exactement !
- Est-ce que tu es bourré ?
- Ah, non pas du tout. »
Et j’ai déjà compris, alors je lui dit : « Tu veux un câlin ? » Et hop-là, un câlin gratos, c’est cadeau, ah je kiffe cette vie. Je lui demande:
« Bon alors, t’as pris quoi, mon ami ? De la MD, comme tout le monde ?
- Du 2C-P ! (haha le monde est petit) Et toi, t’as pris quoi ?
- Ah, moi, j’ai rien pris, ce soir. J’ai appris à triper sans drogue. (Ah Stylo comme il se la pète)
- Ah, cool, tu m’apprendras ?
- Volontiers ! »
On parle de drogues métaphysiques (le loulou a déjà pris du peyolt en forêt et son pote a fini à l’hosto, WTF), et on se fait quelques câlins, et salut, à plus l’ami.
Haha, ouais, la perche sans drogue, les câlins, les conversations MD, faire l’amour avec la tek. Bonne soirée. Il pleut, je m’arrête sous un porche et lève la tête. Les gouttes d’eau de pluie sont illuminées par un lampadaire, c’est un feu d’artifice, gratos, spontané, y’a qu’à lever la tête. Ah, oui, cette soirée m’a fait du bien. Je rentre, à deux heures du mat’ c’est dodo, lendemain impeccable.
On refait le trip
Cette soirée m’a apporté une chose très importante. J’avais peur de la MD, peur de la drogue, peur du milieu. Et j’ai pu faire la part des choses. Ce dont j’avais peur c’était, d’une, de la hardtek, et ça s’est réglé ; et de deux, de ne pas être accepté par les autres, et ça aussi c’est réglé.
Garder le meilleur de la drogue
Ouais, ça se confirme. Une bonne partie des choses intéressantes qui se passent sous drogue à plusieurs, on peut les vivre sans drogue, à condition, je pense, d’être habitué aux drogues, de pouvoir se forcer un minimum, afin de profiter.
Le message des psychés c’est de profiter de la vie, de chaque instant. Plus facile à dire qu’à faire. Pour certaines personnes (moi inclus), je crois sincèrement que la MD ou le LSD peuvent être nécessaires pour comprendre ce que profiter veux dire. Aussi je trouve normal voir souhaitable de faire de telles expériences. Ce que je peux dire aussi, aujourd’hui, c’est qu’on n’en a pas forcément besoin à chaque fois. La joie, l’amour... on peut garder le meilleur de la drogue.