Je sais lapinou, je m'en fous, je voulais surtout voir et lire des créations de trippés, et pour le moment je reste sur ma faim. Alors je remets un pièce dans la machine. Cet extrait de mon bouquin s'inspire directement de ballades sous shrooms, avec la descente en prime :
"Grâce aux soins méticuleux de mes gardiennes, mon organisme avait retrouvé une certaine paix et assimilait le sang des Martyrs. Mais leurs injections répétées m'avaient plongé dans une torpeur abrutissante, émaillée de visions fugaces et d'impressions étranges. Je donnais de la tête à gauche et à droite, sans ressentir les habituelles tensions dans ma nuque et mes vertèbres. J'avais l'impression de flotter à quelques centimètres au-dessus de ma couche. Les roues du brancard tressautaient sur les scories du dallage sans que je ressente les chocs. La marche des marquées s'était naturellement synchronisée, s'alignait sur le grincement hypnotique des roues. Elles étaient devenues les rouages centraux d'un vaste engrenage invisible. J'apprenais le langage rassurant de l'ordre : chaque chose semblait avoir trouvé sa place.
Je m'enivrais de leur litanie complexe, noyée dans le grondement des machines du Ventre. Leur voix se matérialisait autour de leur tête comme une aura ondoyante, translucide. Quatre hautes figures encapuchonnées de blanc, auréolées de couronnes d'épines vibrantes. Peu à peu, au fil des obstacles, la mélopée s'aplanissait, perdait ses contours. Un chuintement mécanique, bruit blanc, presque atone. Le halo se figeait peu à peu, prenait corps. Les épines se tendaient, de plus en plus denses. Une crainte s'insinua peu à peu en moi : celle de l'instant où l'harmonie se briserait, sans retour possible. Le moment où une fille trébucherait, ou se tairait, à bout de souffle. L'instant où la symétrie se déferait. Et ma confiance s'effilocha, alors même que ma fascination persistait.
Plusieurs heures étaient passées et je me sentais nauséeux et déprimé. La réalité matérielle me semblait plus pesante, je trouvais les mouvements de mes guides maladroits et hésitants. Le décor que nous traversions était d’une laideur et d’une uniformité pénible.
Je me sentais mal. Un grand froid s'était fait en moi et mes entrailles se serraient. La salive inondait ma bouche, je me sentais prêt à vomir. [...] Je manquai perdre mon calme. L'apaisement que m'avait procuré la récitation des marquées avait volé en éclat. Je me sentais oppressé. J'avais l'impression d'être pris dans une nasse dont je ne m'échapperais pas."