Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

En vous enregistrant, vous pourrez discuter de psychotropes, écrire vos meilleurs trip-reports et mieux connaitre la communauté

Je m'inscris!

2f-DCK : les tocards sylvestres et le rameau stérile

Sorence

zolpinaute de la sapience
Inscrit
11 Oct 2022
Messages
4 363
J’ai lu beaucoup de retours qui parlent de la 2f-DCK comme d’un dissociatif « plat », « superficiel », « manquant de profondeur ». Sans nier cette sensation, que j’ai pu partger, j’ai également eu des expériences marquantes avec ce produit.
Ces mois-ci, comme l’usage de 2f-DCK se répand, plein de gens se questionnent dessus, et dans les réponses qui leur sont apporté, on a souvent l’impression que ce produit peut être pris à la légère. Ça me donne l’impression qu’un contre-exemple est nécessaire, et que la chronique de mes piètres expériences pourrait se rendre utile.

Voici donc le récit de deux trips à la fois nuls et marquants. Ils ont en commun de se dérouler dans un mauvais contexte : je suis déprimé, fatigué ou endolori. L’autre point commun, c’est que j’ai ignoré l’importance du contexte en me disant que la 2f-DCK était un produit relativement inoffensif, ce qui s’est révélé une erreur. Comme il s’agit de trips désagréables, ça ne sera pas forcément agréable à lire pour les personnes qui tiennent à moi.


Premier trip : les tocards sylvestres
et non pas les clochards célestes

Contexte :


Deux jours avant, j’avais croisé, à la sortie d’un concert, des colocataires et des potes de mon ex, Blaireau. J’aimais bien ces gens, et je regrettais d’avoir perdu contact avec eux en même temps qu’avec Blaireau, cinq mois auparavant.
Évidemment ça m’avait perturbé, genre : alors il aurait pu être là ce soir, est-ce que je l’ai raté d’autres fois, est-ce que je risque de le croiser plus tard ? Vont-iels lui rapporter cette rencontre, et en quels termes, et il va en penser quoi ? Et puis je pensais à lui, tout simplement, et ça me rendait triste.

Le jour du trip, je faisais des courses en ville. Il faisait chaud, je n’avais que des vêtements légers. Je me suis arrêté pour admirer d’éblouissants cumulonimbus, mais du gris déferlait dans le ciel comme de l’encre sur l’eau. J’en restais bouche bée quand les premières gouttes sont tombées, discrètes. Quelqu’un a dit : « Regarde les nuages, comme ils vont vite ! » et soudain ça a été la douche. Des seaux d’eau jetés dans les rues. Les gens criaient, riaient, couraient s’abriter dans les bars. L’horizon est devenu opaque, le sol s’est couvert d’un tapis de pluie, dans lequel le vent faisait des vagues. Un homme a dit : « Hé bien tant pis, j’irai en caleçon ». Je me suis aventuré dans l’averse, quasiment à poil dans mes vêtements d’été. Le temps de rentrer chez moi, le ciel était lavé et le soleil, sur le départ. De ma fenêtre je voyais, dorés dans le couchant, des filaments étranges, comme essorés et oubliés là.

Après ça est venu le second orage, neurologique. Le brusque changement de température a déclenché dans mon crâne une violente migraine. J’ai sorti l’arsenal habituel : de l’ibuprofène, puis du lormétazépam, puis de la codéine, ça n’allait pas, ça empirait. J’ai alors pris un triptan et au lit.
Pour celleux qui (bienheureuxes) l’ignorent, les triptans sont des tryptamines ultra cheloues qui agissent sur certains récepteurs sérotoninergiques pour contracter les vaisseaux sanguins du cerveau, ce qui en fait un traitement ponctuel de la migraine. Y’a pas d’effet psychédélique mais ça produit quand même des sensations étranges.
Donc je prends cette horreur et alors la douleur explose. Je me sens mal dans tout mon corps et je n’arrive pas à dormir. Je commence à pleurer, à parler tout seul, à tourner en rond, en pensant à Blaireau et ses potes, je débloque quoi.

Prise :

Vers 2h30 du matin (ça fait déjà six heures que j’ai mal), dans un sursaut je me rappelle que j’ai de la 2f-DCK au frigo. Hé mais c’est un anesthésiant ça, non ? En plus c’est léger et euphorique comme produit, super, exactement ce dont j’ai besoin. Allez hop, juste une petite trace pour faire passer la douleur.
Et fatalement, une fois dissocié, je n’ai pas su m’arrêter. La 2f-DCK tenait la douleur à distance mais ne l’effaçait pas. J’ai bingé, aligné les traces, m’engouffrant dans de brefs répits de flottaison musicale, avant de retrouver un profond malaise dont je ne saisissais plus le sens. Je nous hallucinais, Blaireau et moi, comme deux branches du même arbre, pareillement ligneux. Je contemplais ébahi son étrange et lente croissance végétale, et je souffrais comme l’arbre amputé d’un tronc jumeau, d’un membre de sa famille. Je l’ai appelé à haute voix, en pleurant, en m’étouffant dans ma morve. J’me sentais dingue, j’étais paumé.
Thiefaine a dit:
Les dingues et les paumés se cherchent sous la pluie / en se faisant boire le sang de leurs visions perdues.
Les dingues et les paumés sacrifient Don Quichotte / sur l’autel enfumé de leurs fibres nerveuses.
J’ai repris mes esprits vers 7h du matin. Je n’avais plus l’énergie d’avoir mal. Je me suis connecté à un réseau social pour retrouver prise avec la réalité. Et là, l’univers m’a fait un dernier doigt : l’ultra-discret Blaireau y avait posté un long message dans la nuit. Je l’ai lu plusieurs fois, avec un sentiment de profond mindfuck. Ça avait dû être posté pendant que je balbutiais dans le silence. Est-ce que la vie se foutait de ma gueule ? Ou avions-nous eu, d’une façon détournée, un contact dans le dissocéan ?


Deuxième trip : le rameau stérile

Contexte

Deux mois plus tard. Depuis quelques jours je suis très déprimé, à cause de la lecture d’un livre qui m’a fait prendre conscience de trucs assez durs à propos de ma relation avec Blaireau. J’ai l’impression de toujours tomber dans les mêmes schémas, de toujours faire les mêmes erreurs, d’être condamné à toujours souffrir de la même manière, bref d’être un vieux torchon mouillé et raté. Je suis à fleur de peau et je pleure tous les jours. Mais là, c’est la fin d’un chouette week-end de musique et de défonce avec des proches. Chez moi, il n’y a plus que mon copain Niglo, et Tobias, un vieil ami que j’héberge dans le salon. Le retour à la sobriété n’est pas bienvenu, et chacun à notre manière, on le repousse en jonglant avec nos goûts et nos tolérances respectives.

Prise :

Pour ma part, j’ai toujours au frigo ce maudit pochon de 2f-DCK. Je crois que c’était un pochon de 500mg, parce la première fois qu’on en a pris, on n’avait pas de balance et dans mon souvenir, pour viser 25mg, on en a fait une longue ligne qu’on a divisé en vingt. Là, je vois qu’il n’en reste plus beaucoup, et donc si mes calculs sont bon, ça ne devrait pas faire plus de 100mg, grand max.
Je me rappelle, lors du premier trip (voir plus haut), m’être fait de grosses traces dans un brouillard de douleur, et j’ai donc l’impression de pouvoir gérer sans balance la quantité restante. De toute façon c’est superficiel ce prod, non ? Dans un sursaut de prudence un peu ironique, je divise quand même la dose en deux. Je crois que c’était en oral.

La première prise ne me fait pas grand-chose, j’ai pas masse de trucs à en dire.
Donc, qques heures plus tard, j’avale la deuxième moitié ; sauf qu’en fait, c’était pas une moitié. Bah oui patate, les balances c’est pas pour faire joli. Ça plonge ; ça plonge ; moi je rate des marches dans ma tête, je tiens plus debout, j’ai besoin d’une pause, tout est si difficile, j’arrive pas à suivre, trop d’interactions... je me jette dans le lit préparé pour Tobias et rabats la couette sur moi. Je disparais.
Niglo et Tobias, après m’avoir regardé tituber et m’effondrer, un peu perplexes, continuent tranquillement leur discussion à laquelle je comprenais plus rien, et se passent des musiques qu’ils apprécient. Je n’aurais pas su distinguer une fanfare du chant d’un oiseau, mais à ce qu’il paraît ils ont passé du black metal et je pense que ça a quand même influencé mon trip.

En effet je suis tout de suite parti dans quelque-chose de difficile. Au début je me suis juste vu, espèce de shlag entortillé dans un vieux matelas parce qu’il dose à l’œil après deux jours de défonce, bah bravo, au lieu de travailler sérieusement pour mon avenir, qu’en penserait mon patron qui croit tellement en moi ? Mais je sais bien que je ne suis qu’un imposteur, je me sens si nu, exposé au jugement omniscient du Réel qui voit tout. Le quotidien s’effondre, mes victoires ne sont que des écrans de fumée pour cacher mes échecs, mon inadéquation au monde qui m’a porté, nourri et élevé. Je continue à plonger en moi-même, perdant au passage les guenilles de mon identité personnelle. Alors j’hallucine mon enfance, mon héritage : tout ce qu’on m’a appris à aimer mais que dans mon ardeur de me distinguer, j’ai repoussé jusqu’à ne plus pouvoir le perpétuer. J’ai trahi ma race, ma classe, mon clan, et qu’y ai-je gagné ? Monstre contrefait, rameau stérile. Je suis si seul et si perdu !

Dans un remous du tourbillon, j’entends à nouveau les voix de Tobias et Niglo. Mais oui, je suis entouré de gens que j’aime et qui m’aiment ! Si je leur demande, ils vont être gentils avec moi, non ? Malgré mes doutes, je réunis toute mon énergie, toutes mes forces, pour les appeler, crier au secours !
Les gars m’ont plus tard raconté avoir entendu, lors d’un blanc, une espèce de miaulement étouffé. Ils se sont demandés si c’était volontaire et si j’avais besoin d’aide, mais en l’absence de manifestation supplémentaire, ont simplement repris leur conversation.
Pour ma part, complètement épuisé par l’effort, je cesse de lutter et me laisse porter à la surface du dissocéan. Je reprends progressivement conscience. Oui, je suis allongé. Non, je ne suis pas dans la mémoire omnisciente du Réel, mais chez moi, un dimanche soir. Oui j’ai fait de la merde, mais non ce n’est pas grave. Mon monde tient toujours debout. Ça y est, je peux bouger. J’ouvre les yeux. Je me redresse. Encore très confus, je tombe au milieu d’une conversation complètement lunaire. Tobias est en train d’expliquer à Niglo le fonctionnement d’une arnaque qu’un personnage raconte à un autre dans un livre de fantasy. Il y a trois niveaux de narration, je n’arrive pas à les combiner et je me sens complètement débile.

Pour ajouter à ma confusion, avant qu’on se sépare, Tobias m’a fait un énorme câlin et une jolie déclaration. Je sais pas si ça m’a fait du bien ou si ça m’a encore plus perturbé. En tous cas, ce jour-là, je me suis dit que la vie et les émotions sont déjà assez compliquées et trépidantes pour qu’on s’abstienne d’y ajouter des perturbateurs chimiques dosés à la louche.
 

Aiskhynê

Chatterrante acidulée
Inscrit
25 Déc 2011
Messages
4 113
Ah oui, toute substance n'est pas à prendre à la légère et suivant les contextes ça peut prendre une mauvaise tournure... :x
Après c'est pas toujours évident de respecter un set and setting béton, on fait tous des dérapages avec les produits et généralement ça fini toujours par créer une situation à un moment donné qui fini mal.
En tout cas c'est superbement rédigé !
 
Inscrit
10 Sept 2011
Messages
1 706
Sorence a dit:
le dissocéan

Savouré & chapardé céans.

A part ça, ouais, le raisonnement soustractif sur les fonds de pochons, c'est mal. Pas le souvenir d'avoir vu beaucoup de mises en garde dessus avant de prendre ma claque empirique à ce sujet.
 

AlphaCentauri

Alpiniste Kundalini
Inscrit
24 Mar 2017
Messages
661
Arf. Je pense qu'il ne faut pas être trop dur avec soi même dans ces moments là.

Tu as pris de fortes doses dans des états maussades.

Il faut pas sous estimer l'accoutumance aux risques qui peuvent parfois nous faire déraper quand on fricote avec la limite qu'on s'est soit même fixé.

En plus, je ne connais pas le 2f-dck mais en tant que dissociatif, j'imagine sans mal qu'on peut rechercher l'effet anti depresseur propre aux disso. 

Même si des fois c'est pas suffisant. (Le combo peine de coeur + black metal. Brrrrrr)

Ça dure combien de temps ses effets, en moyenne ?
 

fruzz

Sale drogué·e
Inscrit
10 Jan 2017
Messages
790
C'est très bien écris. Sobre, honnête et élégant. J'ai eu l'impression de rentrer dans ta tête et ton corps pendant qq minutes.

Des bisous
 

snap2

Psychopstick
Inscrit
6 Mai 2015
Messages
5 987
J'ai beaucoup aimé le style aussi, merci d'avoir pris le temps d'écrire !
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
Inscrit
11 Oct 2022
Messages
4 363
Arf. Je pense qu'il ne faut pas être trop dur avec soi même dans ces moments là.

Merci pour vos gentilles réponses. C’est vrai qu’il est difficile de se pardonner ses vulnérabilités les plus crues, en tous cas je n’ai pas encore réussi.

Ça dure combien de temps ses effets, en moyenne ?
En oral, à dose faible-moyenne, ça a duré deux heures (épisode pas rapporté dans ce TR et bien plus agréable)
Les autres fois j’en ai toujours plus ou moins pris à la zob donc je saurais pas dire
 
Inscrit
10 Sept 2011
Messages
1 706
Deux tout petits morceaux m'ont fait pas mal cogiter, et, je crois, peuvent illustrer l'importance des TR ne se limitant pas à produit-dose-ROA-effets-durée.

Sorence a dit:
Comme il s’agit de trips désagréables, ça ne sera pas forcément agréable à lire pour les personnes qui tiennent à moi.

Pas le souvenir d'avoir vu beaucoup de mentions de ce type dans des TR, peut-être une fois (et pour des choses passablement atroces). J'ai trouvé cette simple phrase d'une élégance rare ; en tout cas, ça donne nécessairement une coloration ironique au qualificatif de "beauf" qui t'a été attribué. Shlag, peut-être, mais avec classe.

Sorence a dit:
Alors j’hallucine mon enfance, mon héritage : tout ce qu’on m’a appris à aimer mais que dans mon ardeur de me distinguer, j’ai repoussé jusqu’à ne plus pouvoir le perpétuer. J’ai trahi ma race, ma classe, mon clan, et qu’y ai-je gagné ? Monstre contrefait, rameau stérile. Je suis si seul et si perdu !

L'imagerie sylvestre m'a instantanément fait penser à la strophe 141 du Hávamál, juste après que Óðinn ait évoqué son sacrifice, pendu l'arbre cosmique.

Þá nam ek frævask ok fróðr vera
ok vaxa ok vel hafask,
orð mér af orði
orðs leitaði, verk mér af verki
verks leitaði.


"Alors j'ai commencé à être fertile et à devenir instruit, à croître et à bien me trouver. Ma parole, par la parole, chercha la parole ; mon action, par l'action, chercha l'action."

Les dieux m'ont accordé d'être "fertile" dans le sens plus terre-à-terre du terme, mais il y a indéniablement bien des manières de l'être, par les conséquences de nos paroles et de nos actions. Si mes enfants, quand ils seront devenus adultes, pouvaient être cultivés, accepter le risque et l'engagement désintéressé, avoir une vision de long terme et la mettre en œuvre d'une manière exigeante (envers soi et pour les autres), être capables de faire preuve de courtoisie et de fermeté quand c'est nécessaire ainsi que d'humour quand c'est souhaitable, en bref manifester un éventail fort étendu des qualités qui définissent le tempérament noble, il me semble que ce serait pour moi un grand honneur. Surtout si ils sont capables comme toi d'avoir la présence d'esprit de demander aux gens de VERIFIER ET DONNER LES SOURCES DE LEURS GRANDS MORTS QUAND ILS AFFIRMENT UN TRUC, LA !

Naturellement, si Psychonaut et Mixtures me touchent particulièrement à cause de mon parcours, ce qu'on peut y accomplir relève des exploits confidentiels de partisans sans noms et sans visage. Dans la war on drugs, comme dans tous les conflits, les héros des uns sont souvent les traîtres des autres ; mais ceux qui prennent la peine de se plonger dans l'Histoire savent qu'on tient souvent son poste par pur calcul d'intérêt, et qu'on est souvent rebelle par fidélité à une norme qu'on estime supérieure. L'idée que mon sang puisse s'égarer, par aveuglement mais avec conviction, dans une cause qui me serait odieuse me semble moins déchirante que l'idée de le voir collaborer à mes projets avec cupidité, lâcheté, vulgarité, complaisance envers soi-même, et paresse intellectuelle. Il y a des charges qu'on est parfois seuls à avoir la volonté, les compétences et la disponibilité d'assumer ; contrairement à d'autres pour lesquelles on se bouscule car elles promettent prestige et richesse, elles n'accordent en général qu'un seul trésor, celui de la satisfaction d'avoir accompli quelque chose. Et ce quelque chose, parfois, c'est une ou plusieurs vies. Des vies de consommateurs de psychotropes, ça ne vaut certes pas grand-chose, paraît-il. C'est justement parce qu'elles sont dédaignées que le fait de s'y intéresser a de l'importance.

Ces qualités que j'estime, je sais que d'autres y sont indifférents, voire les méprisent. Elles ont beau avoir été louées au moins depuis Homère, les modes changent - l'égoût et les couleuvres, etc. Peut-être que, un jour, d'autres tenteront des réconforter un de mes enfants parce qu'ils admireront ce qui, à mes yeux, n'a pas de valeur. Et peut-être que je n'en saurai rien, car malgré mes efforts je serai ce père à qui on n'ose pas parler de certaines choses, de peur de ne pas être entendu comme on le voudrait. Ce ne sera alors pas le psychonautisme, mais bien autre chose. On se croit souvent ouvert d'esprit quand on n'a fait que déplacer, ou au mieux élargir un peu, les limites de ce qui est accepté. Mais la fertilité, dans toutes ses formes, se satisfait mal des limites, elle croît dans des directions toujours imprévues. Les moines copistes n'auraient pas imaginé que la Théogonie et les Eddas couchées sur leurs parchemins mènent des jeunes gens à restaurer le culte des dieux, les parents d'Albert Hofmann ou de Shulgin qu'ils changent de cette manière-là tant de vies. On ne fait que mettre des jetons dans la machine cosmique, et il est probablement plus sage de se satisfaire d'entendre les dés rouler hors de notre main que de trop espérer un résultat précis. Surtout s'ils roulent d'une belle manière.

Bref, il est probable que j'aie réussi à être à la fois trop laudatif à ton égard pour que ce soit crédible, et trop centré sur mes propres réflexions pour que ce soit d'un grand réconfort.

Sorence a dit:
En tous cas, ce jour-là, je me suis dit que la vie et les émotions sont déjà assez compliquées et trépidantes pour qu’on s’abstienne d’y ajouter des perturbateurs chimiques dosés à la louche.

A calligraphier et encadrer quelque part, probablement.
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
Inscrit
11 Oct 2022
Messages
4 363
Salut toi,

Merci pour ta réponse, au-delà de bienveillàce elle a beaucoup de justesse.
Au fond je suis complètement d’accord, il y a bien des manières de se rendre fertile, et avec les années je fais de plus en plus consciemment le choix de prendre soin des vivants plutôt que d’en rajouter.
C’est juste que je n’ai confiance en rien, et que je ne trouve jamais le repos. Parfois cette veille m’ennivre, comme une longue fatigue psychotrope, et je vois la Brillance. Mais c’est aussi beaucoup d’anxiété mal à propos, et un véritable aveuglement. J’ai par exemple beaucoup de chance de faire partie de cette communauté, ce serait plus sympachouette d’y penser lors des holes surprise ! J’espère un jour voir le Réel tel qu’il est et l’accomplir décidément. Je l’accomplirai de toute façon, alors à quoi bon m’inquiéter ?

Je relirai ta réponse, je pense. Merci encore
 
Inscrit
10 Sept 2011
Messages
1 706
Épictète a dit:
Conduis-moi, ô Zeus, et toi aussi, Destinée,
A l'endroit où vous m'avez tous deux assigné,
Car je suivrai sans hésiter ; et si je n'y consentais pas,
Bien que devenu médiocre, je n'en suivrais pas moins.

Bien des choses peuvent nous tuer, mais aucune ne peut nous nuire.
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
Inscrit
11 Oct 2022
Messages
4 363
TristesPsycho a dit:
Bien des choses peuvent nous tuer, mais aucune ne peut nous nuire.

Alors ça, c’est une bonne question - l’occasion de dériver un peu. 
À voir ce que tu entends par « nuire », mais puisque tu cites Epictete, je pense le deviner. Ce qui ne dépend pas de nous ne peut pas nous affecter, c’est en réalité notre jugement qui nous affecte, et ce jugement dépend de nous.
Le stoïcisme, c’est séduisant, et utile dans certaines situations. Particulièrement à l’échelle individuelle quand on se sent coincé, battu, impuissant, et cetera.
Mais c’est irréaliste. Nos jugements ne dépendent pas de nous, pas complètement. Epictete ne le savait pas, mais nous, on le sait maintenant. L’idée reste d’un certain secours - parfois…
Ça a aussi des conséquences dérangeantes, et notamment celle de faire reposer la responsabilité de la souffrance sur la personne qui souffre.
Moi, je trouve que ce n’est pas juste.
Il y a des actes nuisibles, des situations nuisibles, et le stoïcisme entretient le statu quo. C’est incompatible avec une vision politisée.
Je préfère la version existentialiste : « on peut toujours faire quelque-chose de ce que l’on a fait de nous ».
On prend acte de la nuisance et on s’efforcé de la transmuter. Au stoïcisme lithique je préfère l’alchimie.
 
Inscrit
10 Sept 2011
Messages
1 706
C'est un sujet qui revient souvent chez les stoïciens contemporains (par exemple, dans la sphère francophone, chez l'asso Stoa Gallica qui fait du super boulot - on peut consulter leur site ou leur groupe Fessebouc, je ne crois pas qu'ils aient d'activité numérique ailleurs). Les enseignements stoïciens, qui font de chacun un "compatriote du cosmos" (ou, dans ce cas précis, si on préfère la traduction qui a fait florès, un "citoyen du monde"), ne sont pas apolitiques comme peut l'être l'épicurisme. Ce qui n'est pas indifférent, c'est d'agir ou non selon la vertu, ce qui implique un engagement politique en faveur de la justice collective. Le résultat de cet engagement est un indifférent (mais un indifférent préférable), mais le fait d'essayer de faire ce qui est juste n'est pas un indifférent, c'est un bien véritable. Bref : ne pas essayer d'aider ceux qui souffrent d'une injustice, c'est se nuire à soi-même, et c'est d'ailleurs une des rares choses qui soit un mal véritable. Ce qui nous empêche de réussir dans cette lutte, c'est un indifférent non-préférable (ou indésirable - aproêgmena), mais pas un mal, pour peu qu'on essaye réellement.

Marc Aurèle a dit:
Ai-je fait une chose utile à la communauté ? Si oui, je me suis rendu service à moi-même. Arrange-toi pour avoir toujours cette conviction présente à l’esprit, et ne cesse jamais de te conduire en conséquence.

(je n'ai pas répondu à la partie "on sait que nos jugements ne dépendent pas complètement de nous" - pour les stoïciens, l'apprentissage de la sagesse c'est justement le travail de faire, le plus possible, dépendre nos jugements de nous, donc j'ai tendance à penser que les connaissances expérimentalement acquises en psychologie ne remettent pas fondamentalement en question la démarche stoïcienne)
 
Haut