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Une histoire grecque

  • Auteur de la discussion Auteur de la discussion LuçyD4lic3
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LuçyD4lic3

Elfe Mécanique
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24/10/12
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Salut à tous.

Je n'ai pas encore pris le temps de trop m'attarder de ce côté du forum, du coup je ne suis pas tout à fait sûr de la légitimité d'ouvrir un thread pour si peu, mais je n'en ai pas non plus trouvé d'existant dans lequel ça pourrait rentrer.
Du coup si c'est à déplacer n'hésitez pas.

Je viens donc ici pour partager un texte dont je me suis souvenu aujourd'hui, un récit sur le mode de vie d'une communauté nomade en Iran.
Le texte commence par un Post-scriptum car il est normalement précédé d'un Trip Report d'une découverte de l'opium, qui n'a pas vraiment sa place ici.



Voici donc ce court récit :

"
Post-scriptum : plusieurs membres de Rafale m'ont demandé de poursuivre un peu mon texte et de parler de mon voyage en Iran.

Je ne sais pas quoi vous raconter : la réputation de la ville de Zahedan ("la ville des voleurs" par où transite toute la drogue et les armes qui viennent des montagnes noires du Pakistan), la beauté des déserts, la chaleur humide de Bandar-e-Abbas (sans exagérer, l'air est aussi humide qu'un sauna!), la chaleur infernale de Ahwaz (55 degrés! Mon pantalon me brûlait lorsqu'il frottait ma peau), le bruit étourdissant de Téhéran, la place de la femme dans la société (elle n'a pas le droit de montrer son visage mais elle peut griller toutes les queues, dispose de places réservées dans les bus et le métro...), l'armée omniprésente (en fait il existe deux armées : la régulière et la "gardienne de la Révolution" qui est composée de fanatiques), etc.?

Non, je sais, je vais vous raconter une histoire grecque.

Dans le dortoir où j'étais (3 euros la nuit), il y avait un autre étranger : un photographe grec.
Il vivait depuis plusiers mois en Iran avec très peu d'argent. Je suis étonné alors je lui demande comment il s'en sort.
En fait, il vivait la majeure partie du temps avec un groupe de nomades!

Tous les mois, il revient trois ou quatre jours en ville pour contacter sa famille ou des journaux (à qui il vend des photos).
Il garde l'argent récolté pour plus tard, lorsqu'il voudra changer de pays. Il dépense seulement quelques sous pour acheter des légumes à offrir aux nomades.
C'est tout ce qu'il dépense car les nomades le nourrissent et le logent gratuitement (en échange d'une participation aux tâches quotidiennes)!

Ils sont une vingtaine, ils dorment sous une grosse tente ronde. Ils ont des troupeaux.
Cette micro-société est matriarcale : les femmes commandent, de la plus vieille à la plus jeune. Mais l'incovénient de commander c'est que ce sont aussi elles qui travaillent le plus.
Le matin, vers 4h, une heure avant le lever du soleil (tout marche selon le soleil), la grand-mère se lève et réveille les filles (sauf les enfants). Elles tournent le lait dans une énorme casserole (le photographe m'a montré les photos) pour faire de la crème.
Puis il faut faire le pain.
Il cuit.
Vers 7h, les hommes sont réveillés et tout le monde déjeune. Puis la grand-mère affecte à chacun une tâche (emmener paître un troupeau, cueillir des fruits, chasser des petits animaux, réparer des vêtements...) pour la journée.
En fin d'après-midi, en général ils peuvent se reposer trois heures et rien faire d'autre que regarder les nuages.
Puis il faut préparer la tente pour la nuit, changer les paillasses, etc.

Ils vivent ainsi très simplement, en utilisant très peu l'argent et en limitant les contacts avec les sédentaires.
Ils se déplacent de grands espaces verts et déserts.
Ils n'ont généralement pas de carte d'identité.
Le gouvernement les tolère.
Ils n'appartiennent à personne, ils franchissent les frontières sans y prendre garde.
D'ailleurs, au sein du groupe, il y a des individus de différentes origines. Les visages vont du type arabe au type asiatique.

Le photographe m'a dit qu'il ne les avait jamais vu s'énerver ou devenir colérique. Ils sont tout le temps calmes. Ils ne crient presque jamais et seulement contre les bêtes.
Alors le photographe leur a demandé s'ils s'étaient déjà énervés.
Ils n'ont pas compris pourquoi on peut s'énerver. Pour eux, c'est absurde, ça les fait rigoler.

Je ne suis pas gauchiste, et c'était la première fois que je rencontre une utopie réalisée qui semble connaître une forme de réussite.
"


Edit: Arf le pas beau, j'ai oublié de sourcer hier : texte écrit par un certain Initial, pour le n°2 de l'e-zine Rafale (article original ici).
 
Si si Rafale !
Marrant j'suis retombé sur ce texte il y à a peu près 10 jours.
J'aime bien quand il explique qu'ils ne sont jamais énervés, qu'ils traversent les frontières sans se préoccuper de quoi que ce soit....
Une micro-société qui va avoir du mal à survivre à son authenticité.
J'étais tombé sur texte qui relevait un constat que j'ai trouvé aussi intéressant que désolant :

"L'idée même de voyager aux antipodes afin d'étudier des populations et des cultures étrangères est propre à l'homme occidental : elle vient du génie prédateur des Grecs : jamais aucun peuple primitif n'est venu nous étudier. D'un côté, il s'agit d'un élan désintéressé d'inspiration intellectuelle. C'est l'une de nos gloires. D'un autre cependant, c'est une forme d'exploitation. Aucune communauté indigène ne demeure intacte après la visite de l'anthropologue - si habile, si effacé, si délicat soit-il.
L'obsession occidentale de l'investigation, de l'analyse, de la classification de toutes les formes vivantes est en soi une forme d'assujettissement, de domination psychologique et technique."

Dur dur de constater que ces micro-sociétés sont de plus en en plus rares et de plus en plus touchées par des projets de barrages, de déforestations et d'autres projets en tout genre accapareurs de terres ancestrales et nécessaire à la survie de ces populations.
Dur dur de constater que "le divers décroît" pour reprendre une expression de Sylvain Tesson lorsqu'il analyse l'uniformisation des modes de vie et des façons de penser.
 
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