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Diffragments

Sorence

zolpinaute de la sapience
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Alors je dépose un petit lichen sur vos moyennes pierres… c’est le sceau de mon approbation ha ha.

(Est-ce qu’on n’aurait pas dit l’amicale ?)
 

Sandman

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Il / lui
« l'amicale »
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
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L’amicale en nouveau Diogène

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Des papillons de Zhuangzi dans le ventre


Dans la petite cour pavée, au 13 rue de la Clef, le cerisier se prépare déjà à fleurir - ce début du mois de mars a été radieux. Elle m’embrasse sous le porche alors que je n’ai même pas refermé la porte. En reprenant mon souffle, je contemple son visage avant de la plaquer tout doucement contre l’arche de pierre pour la déguster une nouvelle fois.
Ça n’a aucun sens : il y a une semaine je n’étais même pas amoureux d’elle, et puis elle m’avait clairement mis un stop la première fois qu’on s’était croisés, au repas funéraire d’un ami à moi qu’elle ne connaissait pas. “J’ai huit ans de plus que toi, je bosse depuis un bon moment et je suis mariée”, quand on demande à une inconnue super mignonne ce qu’elle fait comme études, normalement c’est assez clair non ?
Je la prends par la main pour entrer dans mon immeuble, mais la clé ne tourne pas dans la serrure. Quelque chose ne colle pas… Ah, c’est juste parce que c’était pas la bonne. Dans le hall d’entrée, mes doigts caressent l’arc de sa lèvre supérieure. Ce nez minuscule et arrondi, et surtout ce sourire qui creuse la pommette… pas de doute, c’est la fille de mon rêve, après toutes ces années. En un peu plus rouquine, au cas-où ce serait pas déjà trop beau pour être vrai.
Le minuteur allume bien l’ampoule au plafond, mais la luminosité ne change pas alors je ne suis pas tout à fait convaincu. Bon, en même temps il fait jour, je suppose que c’est normal. Et les légers reflets sur le vernis des marches sont plutôt bien faits.

Elle s’engage dans le couloir du rez-de-chaussée au lieu de prendre l’escalier. Ça y est, c’est le moment où elle va disparaître et où je vais essayer de lui courir après, sans succès. “Euh, c’est là-haut en fait ! Au premier.
- Ah ? Désolée, je sais pas pourquoi, je croyais.”
Ouais, normalement c’est au premier ? On verra bien. Subtilement, je m’arrange pour rester une marche en-dessous d’elle, sans la lâcher pour autant. Elle a l’air bien réelle, hein, mais le ratio “tour de taille sur tour de hanches”, et la longueur des jambes par rapport au buste, sont quand même pas hyper crédibles.
Je me pince la main pendant la montée. Les sensations m’ont l’air normales, mais en fait les fois où je me suis pincé j’étais toujours éveillé, donc j’en sais strictement rien au final.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Le compte est bon, a priori. Elle me demande ce que je fais, alors je lui réponds en rigolant que je vérifie mon nombre de doigts pour savoir si je suis en train de rêver. “Ah, tu fais comme ça toi ? Bonne idée !” Dix aussi chez elle, en tout cas, pour ce que ça vaut.

Dans le couloir, je fais défiler la journée. Le restau népalais où je lui avais proposé de déjeuner, elle qui demande si c’est une invitation, moi qui réponds que oui puisque la tradition veut qu’on offre un repas aux voyantes pour leurs services - et son expression dans laquelle je lis qu’elle connaît ce passage de la Eiriks saga. Jardin des Plantes, les firefoxes qui restent cachés par timidité, l’icône VLC férale qu’elle me désigne du doigt. Mon cours sur l’explication néodarwinienne des comportements coopératifs entre chauve-souris hématophages, ses récits de voyage avec la belladone et autres plantes sorcières.
Le reflet indéchiffrable de ses yeux dorés quand je lui parle de la spéciation par modification du comportement nuptial. La lumière surnaturelle dans ses cheveux sur l’herbe, notre documentaire animalier au milieu des Parisiens qui voulaient juste profiter du soleil. Je crois que c’est à partir de là que la chronologie a commencé à déconner sévèrement…

La clé ne rentre pas dans la serrure de mon appart’. Je le savais, putain, je le savais, mais c’était sûr en fait ! C’était sûr ! Ah, non, c’est juste que c’était pas la bonne. Je l’assieds sur la chaise dans l’entrée pour lui délacer ses Docs.
Clac - la porte se referme derrière nous.

J’ai fait beaucoup d’autres rêves depuis, mais je ne me suis toujours pas réveillé. Bientôt dix ans que ça dure… faut croire que c’était la bonne.
 
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Comme un goût de rétrospective par anticipation


Surprise de cette troisième année de fac : j’y croise, au bout de quelques semaines, une vague connaissance de mes années de lycée, un ami d’ami. F-X étant censé être allé en prépa, je lui demande donc ce qu’il fout là. Même avec une deuxième chance, il n’a pas eu la seule école qui l’intéressait ; et le voilà, ayant déserté la fausse élite des demi-intelligents besogneux pour rejoindre la légion des branleurs où je me suis porté volontaire dès la première heure. “Tu vois”, lui dis-je d’un ton compatissant, “j’ai vraiment hésité à faire comme toi, mais je savais comment ça se finirait. Alors j’ai préféré gagner du temps… et quand je pense à toutes les publi scientifiques que j’ai pu geeker grâce à ça, je regrette vraiment pas.”
Il me propose de manger au restau U. La perspective d’une compagnie valable me fait céder, et me voilà pour une fois embarqué dans cette interminable file d’attente qui va me comprimer les lombaires en dévorant la majeure partie de notre pause de midi. Les nouvelles de nos anciens condisciples prises et données, la discussion dérive, fatalement, vers la raison de notre présence sur le campus, la biologie ; puis, comme toujours avec moi, de la biologie vers la neurobiologie, de la neurobiologie vers la conscience, de la conscience vers ses états modifiés, des états modifiés vers les manières de les atteindre.
Un peu décontenancé, il me propose d’avoir fini de remplir nos plateaux pour parler drogues loin des oreilles indiscrètes. Comme tu veux, mec, mais t’es à la fac maintenant, tu sais… L’IA des PNJ n’est programmée pour réagir que si tu les actionnes manuellement, et encore. Là, ici, tout de suite, tu pourrais te cramer sur place que l’administration mettrait deux ans pour étudier le problème, puis deux autres années à remplacer le matériel dégradé. Nous sommes des numéros et personne n’est là pour nous mettre les points sur les i, alors profites-en pour te comporter de la manière la plus irrationnelle possible… parce que si tu échappes au destin de SDF tu n’auras plus jamais cette liberté. Pourquoi tu crois que ça s’appelle des années de licence ?

Enfin attablés autour d’une cuisse de poulet qui est à elle seule une ode au végétarisme ou à la viande synthétique, je lui confie donc que le fait de réviser cinquante heures par semaine et deux semaines par an m’a amplement laissé l’occasion de procéder à mes propres travaux pratiques. Il me demande naïvement lesquels. J’ai du mal à imaginer que son visage rond et imberbe est celui du gars qui était en Terminale quand j’étais en 1ère. Faut croire que la prépa est vraiment une chambre froide, et le psychonautisme une Salle de l’Esprit et du Temps… Je décale mon plateau pour, mauvaise habitude qui a l’air de le faire tiquer, avoir en face de moi une chaise libre où foutre cavalièrement mes rangers. Y’a pas de pions ici, alors aucune raison de rester dans les cases. Tout n’est pas noir quand on est assez fou pour voir le bon côté de l’échec - tu devrais te prendre au jeu maintenant que c’est ton tour.
“Quoi ? Tu te drogues ? Toi ?” J’essaye de lui expliquer à quel point la drogue est un concept anthropologique occidental et moderne, qui n’a pas plus de réalité tangible que bien d’autres lubies de théologiens moins laïcs. F-X a un processeur à peu près fonctionnel, normalement, mais le logiciel a l’air d’avoir besoin d’une sacrée mise à jour. Ses objections, puis ses questions intéressées, déroulent les unes après les autres d’une manière parfaitement prévisible, terre-à-terre, comme un bon golem.

Combien j’en ai pris ? Je m’étire et commence à compter sur mes doigts. Une, deux, trois… Pause réglementaire à la fin de chaque famille, pour m’assurer que je n’en ai pas oubliée et pour reparcourir mentalement la liste des familles. Dans un coin de mon champ de vision, pourtant situé en-dehors du halo de mes lunettes, je le vois tressaillir quand deux mains ne suffisent pas, et encore une fois quand trois non plus, ni quatre d’ailleurs, ni cinq si on compte les surtaxées. Je retiens, comme toujours, un sourire en coin.
“Je savais même pas qu’il y en avait autant !” Oh, bien sûr que tu ne savais pas... It’s not a story the Jedi would tell you. Il me demande les noms ; je lui réponds que je veux bien, mais qu’ils ne vont pour la plupart pas beaucoup l’avancer. En effet, je vois dans son regard effrayé que les suites de lettres et de chiffres ne signifient rien pour lui. D’habitude, j’en ris ; mais cette fois j’ai une soudaine épiphanie : le psychonautisme, c’est vraiment être un putain de hipster jusque dans sa manière de se percher.

Le voilà qui fait une tentative de revenir en terrain plus connu : “et parmi tout ça, c’est laquelle la drogue la plus dure, mais vraiment la plus dure, que tu aies pris ?
- C’est quoi, une drogue dure ?
- Bah, tu sais pas ce que c’est une drogue dure ?
- Non. Tu peux m’expliquer ?”
Silence gêné. J’ai lâché mon Socrate intérieur et c’est pas toujours une idée de génie. Si je ne veux pas qu’il recommence à parler de rock progressif, la balle est dans mon camp.
“Tu veux dire, la substance psychoactive la plus toxique par rapport à ses effets, et qui a l’addiction physique avec les pires symptômes de sevrage ?
- Oui, voilà !”
Je prends un moment de réflexion, juste par principe, et pour être sûr que les nouveaux venus dans la liste ne l’ont pas détrôné.
“L’alcool.”

Ouais, je sais, c’est légal. Les trois-quarts des molécules que je t’ai citées aussi, hein. Oui, complètement légales, tu peux les commander sur internet, payer par carte bancaire, recevoir ça dans ta boîte aux lettres, et pulvériser les frontières de la conscience ou de l’espace-temps, voire les deux à la fois. C’est ça, c’est le mot, c’est exactement le mot, c’est dingue. C’est complètement dingue. La folie est à portée de main et tu es le seul à pouvoir t’empêcher d’y plonger la tête la première. Comment je fais ? Bah, je préfère nager en surface, avec un peu de brasse coulée de temps à autre, tu vois ? C’est déjà pas mal, honnêtement. C’est déjà vraiment pas mal.
Et même si je reviens sur la plage, je saurai jusqu’au bout que cet océan sans limites est juste ici, qu’il suffit de se déchausser pour y tremper les pieds. Je verrai les passants marcher sur le sable comme si ces profondeurs inexplorées n’étaient pas là, et me regarder comme si j’étais un des leurs ; mais, si je l’ai un jour été, je ne le serai plus jamais, que je le veuille ou non. Quand on a lu toutes ces hallus, on peut délirer mais pas délire ; même dévoyées pas les dévoir, se décevoir mais pas désavoir.
La connaissance est irréversible.
 

Sandman

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Il / lui
T'écris drôlement bien (et c'est d'autant plus un compliment que je suis difficile en terme d'écriture) et en plus tu dis les termes.

TristesPsycho a dit:
Tu veux dire, la substance psychoactive la plus toxique par rapport à ses effets, et qui a l’addiction physique avec les pires symptômes de sevrage ? - Oui, voilà !” Je prends un moment de réflexion, juste par principe, et pour être sûr que les nouveaux venus dans la liste ne l’ont pas détrôné. “L’alcool.”
 
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