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Article - Les plaisirs psychédéliques : Une compréhension affective des joies du trip

dowdidik

Réducateur de risques
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20 Juin 2023
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Salut !
Voici une traduction d'un papier de recherche fort sympathique à lire.


Cela passe en revue des trip reports venant d'erowid, et cela permet de voir avec plus de finesse les diverses raisons de consommer des unes et des autres. Il y a aussi une réflexion fort intéressante sur les raisons de consommer :
"tout d’abord, il est vrai que les pratiques récréatives et de recherche de plaisir liées aux psychédéliques sont sans but dans le sens où elles ne sont pas nécessairement guidées par des objectifs rationalisés et prédéfinis."
"Enfin, et pour revenir au premier point, oui, consommer des drogues psychédéliques pour le plaisir est sans but, si on le considère à partir des paradigmes instrumentaux, néolibéraux et médicinaux dominants de la société contemporaine, mais, comme cela a été récemment soutenu, il en va de même pour toutes les choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue (Brinkmann, 2016)."
 
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10 Sept 2011
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Merci !

Les données manquent sur le sujet, mais j'ai l'impression que justement ce "ré-apprentissage du plaisir" joue un rôle majeur dans les effets thérapeutiques sur la dépression, donc les deux usages me semblent liés. Même si ça reste important d'étudier et de valoriser l'usage récréatif pour ce qu'il est.

"Enfin, et pour revenir au premier point, oui, consommer des drogues psychédéliques pour le plaisir est sans but, si on le considère à partir des paradigmes instrumentaux, néolibéraux et médicinaux dominants de la société contemporaine, mais, comme cela a été récemment soutenu, il en va de même pour toutes les choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue (Brinkmann, 2016)."
Ce qui est très amusant, c'est quand même que les paradigmes instrumentaux dominants n'ont aucun problème avec les activités "sans but" (autre que récréatif) tant qu'il ne s'agit pas de psychoactifs. L'industrie du divertissement a proportionnellement une croissance bien plus importante que les secteurs liés aux besoins vitaux, et personne n'y voit de problème (sauf les hippies décroissants qui prennent des psyché)
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
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11 Oct 2022
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J'aime beaucoup cet article, c'est super de l'avoir traduit car ces concepts ne sont pas simples à appréhender dans une langue étrangère, surtout étant donné qu'ils s'éloignent volontairement du vocabulaire bio-médical.
Attention aux faux-amis néanmoins, par exemple "sanctioned" ne signifie pas "sanctionné" mais au contraire, "autorisé".

L'idée c'est de remettre le plaisir au milieu du village psychédélique, et considérant que les approches psychologiques, cliniques et neurobiologiques globalement y échouent, de tenter une autre approche méthodologique : plus sensible au contexte des expériences et qui rende mieux compte de leur ambivalence.

Pour ça l'auteur recourt à des concepts de Deleuze (lui-même recourant à Spinoza) :
- l'affect est "le potentiel d’un corps à ressentir, agir et être dans des situations spécifiques, un pouvoir qui dépend des connexions et des compositions que le corps est capable de former avec d’autres corps. Le pouvoir d’agir d’un corps est donc constamment renforcé ou réduit par les choses et les forces qu’il rencontre et avec lesquelles il entre en relation".
- les affects surviennent donc dans des assemblages : "des arrangements socio-matériels qui ordonnent et modifient simultanément le champ social dans des processus structurés de devenir-autre". C'est le set and setting quoi, qui change l'expérience psychédélique mais que l'expérience psychédélique modifie aussi, à chaque instant, et pas au hasard, mais de façon quand même mal prévisible.
- l'éthique de l'immanence ne se réfère pas à des lois sédimentées. Elle est "intrinsèquement situationnelle, et ne se préoccupe que des façons spécifiques dont les corps interagissent et se combinent pour renforcer ou affaiblir les capacités d'agir de l’individu".

Il choisit aussi d'utiliser des Trip Reports, un matériau généralement considéré comme de faible valeur à cause de l'infinité des variables comparé à un double-aveugle-contre-placebo-en-conditions-contrôlées, mais que l'auteur pense au contraire très précieux parce que ça rend compte de ce que les gens vivent en vrai. Le défi c'est : est-ce que mon cadre conceptuel peut tirer parti de la richesse de ces matériaux ?

S'ensuit l'analyse d'une centaine de TRs. C'est pas d'une folle rigueur : le mec est seul, il n'utilise pas de logiciel particulier, ni d'outil systématique. Je ne trouve pas ça très grave : pour moi, il s'agit d'une sorte d'étude-pilote, de montrer que cette méthode fonctionne (elle produit des résultats réalistes et intéressants). Nul doute que ce serait mieux avec les moyens appropriés.

En soi, dans les résultats on n'apprend rien de plus que ce que tout utilisateur de psychédélique déjà ; mais qui tend justement à être gommé dans les travaux cliniques. La vraie vie quoi.

Mon propre coup de cœur dans la conclusion, où est discutée l'affirmation courante selon laquelle les usage récréatifs seraient inutiles (purposeless, que dowdidik a traduit par "sans but") :

[...] Cependant, je ne suis pas d’accord avec Sessa lorsqu’il affirme que les ”substances enthéogéniques ne sont pas des drogues récréatives”. Je pense plutôt que ce qui est nécessaire, c’est que les chercheurs n’élargissent pas seulement le champ d’investigation pour inclure les aspects mystiques de l’expérience, mais aussi qu’ils commencent à prendre au sérieux le grand groupe de personnes qui consomment des substances psychédéliques dans une variété de contextes non cliniques et pour diverses raisons.

Parce que, deuxièmement, non, (les études sur) les usages récréatifs et agréables des psychédéliques ne sont pas inutiles. En étudiant les pratiques récréatives et les plaisirs de la consommation de drogues psychédéliques, nous élargissons notre compréhension de la manière dont ces drogues agissent dans différents corps et contextes, et des raisons pour lesquelles les gens les utilisent ; des connaissances qui seraient passées inaperçues si nous nous étions uniquement concentrés sur les usages thérapeutiques scientifiquement et politiquement autorisés de ces substances.

Un point important et connexe est que, en prenant au sérieux les expériences des usagers récréatifs (et en mobilisant le concept d’éthique de Deleuze), il devient possible de contenir les impératifs de pathologisation et de normalisation inhérents au discours médical dominant, et nous évitons ainsi de stigmatiser davantage un groupe déjà marginalisé. Dans cette optique, un autre objectif de la présente étude est de commencer à ouvrir un espace d’interaction, d’apprentissage et de transmission des connaissances entre les deux communautés psychédéliques habituellement cloisonnées – scientifique et récréative.

Pour que cette mission réussisse, il est important de considérer le plaisir non pas comme un désir irrationnel qui doit être discipliné, mais comme un “support d’un processus d’apprentissage dans lequel de nouvelles techniques et procédures … de sécurité et de soins prennent forme”.
 
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