@StoneXY: Je voulais t’envoyer ça en mp car je ne cherche pas à m’exhiber mais en même temps ça peut peut-être servir à d’autres. C’est un peu long mais ça me ferait plaisir que tu me lises entièrement.
Bien que je ne connaisse pas ton parcours et qu’il doit forcément différer du mien, tes posts m’ont renvoyé quelques années en arrière. Je ne sais pas quel âge tu as, j’en ai 32. J’ai commencé à toucher aux prods à 17 ans et j’ai en particulier rapidement commencé à manger des cartons tous les week-ends, entre autres. J’ai des souvenirs extatiques des trips. Des moments de poésie pure, qui me secouent encore quand je me les remémore (je considère toujours le LSD comme LA drogue, L’Expérience, parmi les drogues que j’ai essayé).
Mais il y avait un Mais. C’est de ce « mais » dont je veux parler. Ce « mais » c’était un malaise grandissant, ce malaise qui te renvoie de plus en plus vers le prod pour oublier, qui te fait de plus justifier ta prise de prod pour te cacher à toi-même. Et quand tu te caches à toi-même tu n’es pas prêt de t’ouvrir aux autres (pour en revenir à ta question initiale). C’est en tout cas ce qui c’est passé pour moi. Le prétexte de l’ouverture d’esprit est extrêmement pervers.
3-4 ans de défonce comme ça, de descente vers le trou, vers un moi complètement nihiliste qui voyait le monde autour de lui de plus en plus dégoûtant, insupportable, invivable. Un soir de trop, ou plutôt le dernier soir, la dernière nuit avant le jour, insupportable, je n’ai pas eu d’autre choix que d’arrêter : je me suis vu basculer dans la folie. J’ai eu de la chance : ça m’a sauvé : ça a été le premier détonateur (il y en a eu d’autres après, positifs ceux-là). Du coup plus de prods, et un peu plus tard plus de shit (dans le style drogue qui désocialise tout en pseudo-socialisant, on fait pas mieux, je trouve qu’elle porte bien son nom en fait). Alors je me suis retrouvé à poil, A POIL devant moi-même. Là faut pas se leurrer : ça a été un choc, un moment de grande déstabilisation. Forcément coupure avec mes « amis » (qui pour la plupart n’en étaient pas, je m’en suis rendu compte après, que des collègues de défonce, on évoluait en parallèle sans jamais se rencontrer). Pour certains je me suis dit que c’étaient tant mieux. Pour d’autres, parfois les mêmes, je me suis dit qu’ils sont mal barrés d’être moins sensibles que moi, c’est-à-dire de pouvoir continuer à s’enfoncer sans broncher. Et puis je me suis construit, je me suis mis à respirer, j’ai vraiment eu l’impression de naître. Comment ? Je peux pas bien dire et puis ça ne regarde que moi, mais ce dont je suis sûr c’est qu’en prenant des drogues je m’empêchais de me construire. Je reviendrais là-dessus plus bas.
Un point d’abord : à ceux qui pensent que je viens donner la morale: vous n’avez pas compris. Je parle de s’en sortir, c'est-à-dire de libérer la puissance en soi. Ce qui pour moi, avec mon histoire, devait passer par l’arrêt de la drogue. Alors j’ai pu m’accepter et du coup le monde avec (c’est là qu’on se sent moins timide et qu’on peut commencer à Rencontrer l’Autre, avec un grand R et un grand A). Parce qu’à l’inverse, la drogue pour moi était un suicide rampant, il faut regarder la vérité en face, c’était une démission face à la vie. Et non pas une révolte contre une société pourrie ou même une expérience transcendantale. Ca l’était en partie mais ça me servait surtout d’excuse pour me suicider doucement et tranquillement. Il est là le danger : c’est un beau et bon (très bon) prétexte au suicide. Ce n’est pas du vent mais du souffle de vie que j’essaie d’envoyer, celui qu’on peut sentir sous trip, mais qui sous trip n’est qu’éphémère et du coup frustrant. Il y en a un autre bien plus fort et satisfaisant qui existe (il existe !). Celui en soi, c’est-à-dire soi, qui permet de rester debout (et non pas caché, comme avec les prods) devant sa vie.
Là peut-être que tu te dis consciemment ou inconsciemment: « en gros il me dit d’arrêter les prods mais j’ai pas envie parce que c’est trop bon ». C’est clair que c’est trop bon. Mais si tu y as associé ton suicide, il va falloir faire le choix entre la mort ou la vie. Quand je dis la mort c’est pas forcément la mort physique, mais ça peut-être aussi, et c’est pire, la mort de vivre sa vie.
Est-ce que « ta vie » actuelle est vraiment ta vie ? Réfléchis-y.