Nous sommes le jeudi 13 mai. La foule de Montpellier se presse : le Festival International des Sports Extrêmes (FISE) de cette année vient d'ouvrir. Au programme, les berges du Lez (rivière qui passe dans la ville) occupées par des installations en tous genres ; rampes de skate, station de wake-board, stands, bars, boutiques... et surtout du peuple. Du peuple à mort, de la foule, des gens partout, qui se bousculent sans se regarder en buvant ce qu'ils arrivent à trouver dans les environs.
Pendant que tout ça s'installe tranquillement, moi et NeoNono décidons de nous retrouver chez lui. Des Cubensis sont prêts, bien séchés. Balance, on pèse : 3.0g pour lui, 2.4 pour moi, à peu près en fonction du poids. Vers 17 heures, on mange tout ça tranquillement sur un background de Boards of Canada (Music Has The Right To Children) suivi de Gonjasufi (A Sufi And A Killer). Un petit pétard plus tard, on décide d'aller voir ce qui se trame au FISE, malgré le temps dégueulasse, presque pluvieux. Un pote nous envoie un message ; il nous attend sur les berges. On décide de lui porter quelques deux grammes, parce que, bon, quand même, ça se partage...
À peine la porte de l'appart de NeoNono franchie, on commence à comprendre que les champis font effet. Joie, rire, étonnement, notre humeur change. On s'avance vers le tramway, et là, c'est la montée sévère... On est au milieu des badauds, Nono me répète inlassablement qu'"on est dans la merde", "on est dans la merde"... Il a pas tort, on est au milieu de tout un monde qui peut nous voir, qui peut nous entendre, et facilement deviner la déviance de notre état ; mais je m'en fous : tous ces gens regardent droit devant eux, tous ces gens n'écoutent rien, tous ces gens sont sages, comme programmés, comme des petits playmobils qu'on aurait mis là pour agrémenter un décor bien artificiel, fabriqué sur mesure par souci de perfection. Les chants d'oiseaux viennent des hauts-parleurs de la station de tram. Nono voit les arbres se rapprocher des murs pendant que les lattes de bois du banc sur lequel je suis assis s'animent, et s'écoulent comme le flot d'une rivière argentée.
Il est quelque chose comme 17h20, et nous rentrons dans le tram. Nono nous veut discrets, mais je ne parviens pas à parler doucement, à ne pas partager mes impressions. Sur le sol, je vois des poussières, des traces de terre déposées par les gens, qui dessinent curieusement des motifs. "Coïncidence assez esthétique", me dis-je. Puis je réalise que ces traces de saleté sont en fait des tâches de couleur imprimées dans le plancher du tram, qui ont donc été dessinées et placées volontairement de manière à créer des motifs répétitifs (un peu comme sur les papiers-peints). À nouveau, je réalise que je me suis trompé : ces tâches sont en fait dessinées aléatoirement, et j'imagine complètement les motifs qu'elles dessinent... J'ai mis au moins cinq minutes à me rendre compte que ce que je voyais était doublement issu de mon imagination ; la magie des champignons, c'est l'illusion. Puis, toujours en fixant le sol, on remarque avec Nono qu'il est formé par deux couches, dont une en verre, qui glisse sur celle du dessous. Des visions assez géniales et intrigantes, somme toute.
Des heures plus tard, mais objectivement quelques minutes après, on sort enfin au rives du Lez, sans avoir pu éviter quelques fous-rires incontrôlables sur le chemin... On remarque que personne ne fait gaffe à nous, quoi qu'il arrive. Je gueule que je suis sous LSD et que je trippe ma race ; personne ne se retourne. On appelle notre pote pour le rejoindre, d'abord en essayant de paraître clair, puis en lui exposant la situation : "Oui, hm, tu ne veux pas nous rejoindre là ?... Tu es où ?... oui d'accord mais... BON, je t'explique, on est raide déchirés sous champis et on a une dose pour toi, tu la veux ou pas ?... Okay, on arrive." La foule est trop drôle et on commence à prendre un recul énorme par rapport au comportement de la population. On s'immerge dans la foule, non sans passer devant quelques flics qui font un peu flipper. Les visages sont caricaturaux, il y a des lutins partout... Je commence à voir mes motifs partout (les mêmes que ceux du tram) : les aspérités du sol, la pelouse, et même ma peau, s'ornent de motifs répétitifs de forme hexagonale, qui suivent les reliefs, et sont extrêmement réalistes ; parfois, je crois ce que je vois.
Un exemple de visions que j'avais, et que je voyais sur quasiment toutes les surfaces. Bon, là c'est un truc fait avec toshop, et c'est assez imparfait : mes visions étaient sous forme de fractales ; plus je m'en approchais et plus elles se complexifiaient, s'ornaient de branches, de relief parfois...
Le peuple est fou, parfois sympathique mais fou. Notre société est d'une complexité kafkaïenne, qui nous fait tous nous perdre dans les méandres de l'organisation, de l'espoir, du futur, des relations, des vaines interprétations de ce que l'on voit chez l'autre.
Les maisons sont belles, les bâtiments sont en plastique, et ont sûrement été posés là par un grand enfant, un peu n'importe comment, sans ordre. Tout est fantaisie.
Notre ami a bouffé ses champis, discrètement, sans que ses potes ni sa copine le voient. Après quelques galères (essayer de choper des clopes, essayer d'éviter la pluie qui nous tombe sur la gueule, essayer de le retrouver après l'avoir perdu), on le suit dans la ville, complètement perdus. Ses potes le quittent pour aller dans son appart. Tous les trois, on va dans un kebab indien manger quelque chose ; personnellement, je n'ai pas faim du tout. Les motifs sont encore là, je m'y suis habitué. Un sentiment étrange m'envahit, comme si je partais en bad... ce recul énorme que les champignons me font prendre sur ma vie habituelle, mes habitudes quotidiennes, me rend un peu malade. Je réalise qu'on est tous dans la merde, qu'on est tous piégés, tous étouffés, sans moyen de s'en sortir : la vie a ses inconvénients colossaux, on peut les accepter, fuir ou mourir. C'est tout. Puis, un autre ami m'appelle : il est 19h30, et lui et un pote sont complètement sous DXM, montés rapidement grâce à du jus de pamplemousse blanc. On décide de manger un peu et de partir les rejoindre. Je réfléchis beaucoup, pendant que le magnétophone de NeoNono est allumé. Je prend conscience de la puissance de la création artistique, qui, libératrice, est la voie maîtresse de l'acceptation d'une vie contraignante. Je sors de cette humeur maussade, doucement.
Dans la cave du restaurant indien, on délire, on se marre. Notre ami est bien monté, il commence à nous parler de ses impressions, il apprécie vraiment.
Nous sortons rejoindre les DXMiens, puis notre ami des champis s'en va : il doit retourner avec ses autres potes et sa copine, et devra même paraître clair, dans la mesure où ces gens-là ne savent pas qu'il a absorbé quelconque substance psychédélique, et qu'ils le lui reprocheraient certainement s'ils le savaient... Il nous quitte, et nous espérons qu'ils s'en sortira.
Nous reprenons le tram, direction un endroit lointain, et un peu plus isolé que le FISE : la foule nous a épuisés. Je passerai l'épisode un peu répétitif où nous avons tenté à plusieurs reprises de retrouver nos potes DXMiens, qui nous appelaient toutes les deux minutes en pensant qu'ils s'écoulait des heures entre chaque appel, et nous demandaient inlassablement où on était , malgré nos explications assez précises : "Vous êtes où ?" "-On est derrière l'université des sciences !" "-Ha, ils sont derrière l'université des sciences. Vous êtes où ?" Leur voix robotique, froide, et leur sens analytique bloqué par la raideur du DXM, me faisaient rigoler.
Après maints déboires, on se retrouve enfin, et leur attitude est tout simplement géniale. Ni moi ni Nono, qui sommes alors complètement redescendus en douceur, n'avions déjà vu des gens tripper de l'extérieur, sans tripper avec eux.
Bref, c'est la fin du trip. En réfléchissant posément mais parfois un peu difficilement, on rentre dans l'appart de Nono, convaincus que cette expérience était vraiment extraordinaire. Il est 22 heures et nous sommes prêts à attaquer la soirée s'il le faut, clairs comme de l'eau de roche ; mais, ayant marché toute la journée, notre fatigue nous rattrape. Je décide de rentrer et de passer voir ma copine. Lui va dormir tranquillement, en attendant la sienne qui était allé voir Enter the Void au ciné, pendant ce temps.
En conclusion, tripper en pleine journée, c'est le pied. La foule est folle, la lumière est vive, délirante, et le décalage dans le temps par rapport à nos trips habituels est déroutant. À conseiller à tout le monde qui aime bien ce genre de psychédéliques
En suivant les traces de Shulgin et de HST...
Pendant que tout ça s'installe tranquillement, moi et NeoNono décidons de nous retrouver chez lui. Des Cubensis sont prêts, bien séchés. Balance, on pèse : 3.0g pour lui, 2.4 pour moi, à peu près en fonction du poids. Vers 17 heures, on mange tout ça tranquillement sur un background de Boards of Canada (Music Has The Right To Children) suivi de Gonjasufi (A Sufi And A Killer). Un petit pétard plus tard, on décide d'aller voir ce qui se trame au FISE, malgré le temps dégueulasse, presque pluvieux. Un pote nous envoie un message ; il nous attend sur les berges. On décide de lui porter quelques deux grammes, parce que, bon, quand même, ça se partage...
À peine la porte de l'appart de NeoNono franchie, on commence à comprendre que les champis font effet. Joie, rire, étonnement, notre humeur change. On s'avance vers le tramway, et là, c'est la montée sévère... On est au milieu des badauds, Nono me répète inlassablement qu'"on est dans la merde", "on est dans la merde"... Il a pas tort, on est au milieu de tout un monde qui peut nous voir, qui peut nous entendre, et facilement deviner la déviance de notre état ; mais je m'en fous : tous ces gens regardent droit devant eux, tous ces gens n'écoutent rien, tous ces gens sont sages, comme programmés, comme des petits playmobils qu'on aurait mis là pour agrémenter un décor bien artificiel, fabriqué sur mesure par souci de perfection. Les chants d'oiseaux viennent des hauts-parleurs de la station de tram. Nono voit les arbres se rapprocher des murs pendant que les lattes de bois du banc sur lequel je suis assis s'animent, et s'écoulent comme le flot d'une rivière argentée.
Il est quelque chose comme 17h20, et nous rentrons dans le tram. Nono nous veut discrets, mais je ne parviens pas à parler doucement, à ne pas partager mes impressions. Sur le sol, je vois des poussières, des traces de terre déposées par les gens, qui dessinent curieusement des motifs. "Coïncidence assez esthétique", me dis-je. Puis je réalise que ces traces de saleté sont en fait des tâches de couleur imprimées dans le plancher du tram, qui ont donc été dessinées et placées volontairement de manière à créer des motifs répétitifs (un peu comme sur les papiers-peints). À nouveau, je réalise que je me suis trompé : ces tâches sont en fait dessinées aléatoirement, et j'imagine complètement les motifs qu'elles dessinent... J'ai mis au moins cinq minutes à me rendre compte que ce que je voyais était doublement issu de mon imagination ; la magie des champignons, c'est l'illusion. Puis, toujours en fixant le sol, on remarque avec Nono qu'il est formé par deux couches, dont une en verre, qui glisse sur celle du dessous. Des visions assez géniales et intrigantes, somme toute.
Des heures plus tard, mais objectivement quelques minutes après, on sort enfin au rives du Lez, sans avoir pu éviter quelques fous-rires incontrôlables sur le chemin... On remarque que personne ne fait gaffe à nous, quoi qu'il arrive. Je gueule que je suis sous LSD et que je trippe ma race ; personne ne se retourne. On appelle notre pote pour le rejoindre, d'abord en essayant de paraître clair, puis en lui exposant la situation : "Oui, hm, tu ne veux pas nous rejoindre là ?... Tu es où ?... oui d'accord mais... BON, je t'explique, on est raide déchirés sous champis et on a une dose pour toi, tu la veux ou pas ?... Okay, on arrive." La foule est trop drôle et on commence à prendre un recul énorme par rapport au comportement de la population. On s'immerge dans la foule, non sans passer devant quelques flics qui font un peu flipper. Les visages sont caricaturaux, il y a des lutins partout... Je commence à voir mes motifs partout (les mêmes que ceux du tram) : les aspérités du sol, la pelouse, et même ma peau, s'ornent de motifs répétitifs de forme hexagonale, qui suivent les reliefs, et sont extrêmement réalistes ; parfois, je crois ce que je vois.

Un exemple de visions que j'avais, et que je voyais sur quasiment toutes les surfaces. Bon, là c'est un truc fait avec toshop, et c'est assez imparfait : mes visions étaient sous forme de fractales ; plus je m'en approchais et plus elles se complexifiaient, s'ornaient de branches, de relief parfois...
Le peuple est fou, parfois sympathique mais fou. Notre société est d'une complexité kafkaïenne, qui nous fait tous nous perdre dans les méandres de l'organisation, de l'espoir, du futur, des relations, des vaines interprétations de ce que l'on voit chez l'autre.
Les maisons sont belles, les bâtiments sont en plastique, et ont sûrement été posés là par un grand enfant, un peu n'importe comment, sans ordre. Tout est fantaisie.
Notre ami a bouffé ses champis, discrètement, sans que ses potes ni sa copine le voient. Après quelques galères (essayer de choper des clopes, essayer d'éviter la pluie qui nous tombe sur la gueule, essayer de le retrouver après l'avoir perdu), on le suit dans la ville, complètement perdus. Ses potes le quittent pour aller dans son appart. Tous les trois, on va dans un kebab indien manger quelque chose ; personnellement, je n'ai pas faim du tout. Les motifs sont encore là, je m'y suis habitué. Un sentiment étrange m'envahit, comme si je partais en bad... ce recul énorme que les champignons me font prendre sur ma vie habituelle, mes habitudes quotidiennes, me rend un peu malade. Je réalise qu'on est tous dans la merde, qu'on est tous piégés, tous étouffés, sans moyen de s'en sortir : la vie a ses inconvénients colossaux, on peut les accepter, fuir ou mourir. C'est tout. Puis, un autre ami m'appelle : il est 19h30, et lui et un pote sont complètement sous DXM, montés rapidement grâce à du jus de pamplemousse blanc. On décide de manger un peu et de partir les rejoindre. Je réfléchis beaucoup, pendant que le magnétophone de NeoNono est allumé. Je prend conscience de la puissance de la création artistique, qui, libératrice, est la voie maîtresse de l'acceptation d'une vie contraignante. Je sors de cette humeur maussade, doucement.
Dans la cave du restaurant indien, on délire, on se marre. Notre ami est bien monté, il commence à nous parler de ses impressions, il apprécie vraiment.
Nous sortons rejoindre les DXMiens, puis notre ami des champis s'en va : il doit retourner avec ses autres potes et sa copine, et devra même paraître clair, dans la mesure où ces gens-là ne savent pas qu'il a absorbé quelconque substance psychédélique, et qu'ils le lui reprocheraient certainement s'ils le savaient... Il nous quitte, et nous espérons qu'ils s'en sortira.
Nous reprenons le tram, direction un endroit lointain, et un peu plus isolé que le FISE : la foule nous a épuisés. Je passerai l'épisode un peu répétitif où nous avons tenté à plusieurs reprises de retrouver nos potes DXMiens, qui nous appelaient toutes les deux minutes en pensant qu'ils s'écoulait des heures entre chaque appel, et nous demandaient inlassablement où on était , malgré nos explications assez précises : "Vous êtes où ?" "-On est derrière l'université des sciences !" "-Ha, ils sont derrière l'université des sciences. Vous êtes où ?" Leur voix robotique, froide, et leur sens analytique bloqué par la raideur du DXM, me faisaient rigoler.
Après maints déboires, on se retrouve enfin, et leur attitude est tout simplement géniale. Ni moi ni Nono, qui sommes alors complètement redescendus en douceur, n'avions déjà vu des gens tripper de l'extérieur, sans tripper avec eux.
Bref, c'est la fin du trip. En réfléchissant posément mais parfois un peu difficilement, on rentre dans l'appart de Nono, convaincus que cette expérience était vraiment extraordinaire. Il est 22 heures et nous sommes prêts à attaquer la soirée s'il le faut, clairs comme de l'eau de roche ; mais, ayant marché toute la journée, notre fatigue nous rattrape. Je décide de rentrer et de passer voir ma copine. Lui va dormir tranquillement, en attendant la sienne qui était allé voir Enter the Void au ciné, pendant ce temps.
En conclusion, tripper en pleine journée, c'est le pied. La foule est folle, la lumière est vive, délirante, et le décalage dans le temps par rapport à nos trips habituels est déroutant. À conseiller à tout le monde qui aime bien ce genre de psychédéliques
