Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

En vous enregistrant, vous pourrez discuter de psychotropes, écrire vos meilleurs trip-reports et mieux connaitre la communauté

Je m'inscris!

Narcissisme et estime de soi

  • Auteur de la discussion Deleted-1
  • Date de début
D

Deleted-1

Invité
Je vous propose dans cet article de comprendre les liens entre narcissisme et estime de soi, en commençant par définir sommairement le narcissisme et ses différents aspects, puis théoriquement j’explicite son principe psychanalytique,en le vulgarisant dans un exemple pratique qu’est l‘affect amoureux pour essayer de s'y retrouver (si c'est trop WTF n'hésitez pas à passer au paragraphe suivant), et ensuite je développe plus simplement les liens entre l’instance narcissique et la manière dont nous nous évaluons pour nous estimer, sur les plans individuel et social. En fait si il y en a qui lisent l'article jusqu'au bout, ça m'intéresserait de connaitre votre avis sur la construction de l'article et sur la partie vulgarisation psychanalytique, afin de savoir si c'est un minimum compréhensible par une personne extérieure et novice, ou si c'est juste du charabia...merci :D



L’INSTANCE NARCISSIQUE

Le narcissisme est une instance psychique innée permettant de s’aimer, et d’aimer autrui. Il est l’estime de soi sur laquelle repose le sentiment d’identité et la confiance en soi. Le narcissisme est donc nécessaire au maintien de la vie, puisqu’il permet de donner un sentiment d’existence à l’individu, en le protégeant des sentiments de vide et de néant, de l’absence de sens et de la mort. A savoir que le narcissisme et sa valeur identitaire ne sont ni figées ni inaltérables, et que les évènements du quotidien peuvent le renforcer lors d’acquis, comme l'ébranler lors de crises successives, ou d’un traumatisme.

Présent dès le stade fœtal, le narcissisme prend naissance dans la relation parentale, et plus particulièrement avec la mère. Sa nature dépend de la représentation que l'on se fait de soi et de l'image que les autres nous renvoient, de ses apparences corporelles et de la qualité de ses échanges sociaux, ainsi que du succès ou des échecs de nos expériences. Au fil de nos vies et des évolutions de sa personne, le narcissisme peut être plutôt sain et équilibré, ou au contraire déséquilibré en présentant des manques ou des excès. Il varie donc en fonction de ses actions bénéfiques ou dommageables, et de ses abandons ou résiliences pour aller de l’avant.

Narcissisme mesuré

Un narcissisme mesuré et bien équilibré selon son environnement, permet de s’aimer assez pour être confiant dans ce que l’on entreprend, d’avoir une estime de soi suffisante pour mener à bien des projet, le tout dans une autonomie d’esprit assurant d’investir de nouveaux objets, pour plus de rencontres avec le monde extérieur.
Socialement l’individu peut donner sans se sentir frustrer, et recevoir sans se sentir tout-puissant. Il se montre sensible et mâture, ne s’enflamme pas quand on le félicite, et n’est pas dépendant d’éloge ou de reconnaissance pour se sentir exister et reconnu.
Sur le plan affectif, l’individu est capable d’aimer et accepte en retour d’être aimé, et il peut surmonter sans s’effondrer dramatiquement les épreuves de la vie, en rebondissant et se reconstruisant après les coups durs, sans se désorganiser ou totalement s’anéantir.

Narcissisme déséquilibré - en excès ou manque

Le narcissisme devient pathologique lorsque l’individu est incapable d'aimer un objet autre que lui-même. Manquant d’empathie, il ne comprend plus ses pairs en subissant ses mauvaises interprétations des émotions et intentions d’autrui. Ils se comparent alors aux autres en termes de supériorité/infériorité, singularité/banalité, puissance/faiblesse, richesse/pauvreté, beauté/laideur, ce qui ne l’aide pas à s’estimer correctement et apprécier sa personne et son prochain. Ses relations personnelles en sont instables, partagées entre admiration et mépris dans un besoin de reconnaisse ne favorisant pas l’adaptation sociale, même si celle-ci dépend du degré de tolérance du milieu socioculturel auquel l’individu appartiennent.

« Le narcissisme est l’effacement de la trace de l’Autre dans le désir de l’Un ». (comprendre l'Un au sens d'Unité)

Excès de narcissisme

Caractérisé par un orgueil démesuré, l’individu est égocentrique et a un sentiment de supériorité personnel, lié à des fantasmes de grandeur le menant à une recherche excessive d’admiration. Il se surestime différents des autres en les dévalorisant, et se montre insensible aux sentiments et besoins d’autrui quand il n’en tire pas profit. Le narcissique se veut auto-suffisant, et exige de ses proches qu’ils soient exceptionnels, du moins à ses yeux. Aussi il ne prête que peu d’importance aux droits d’autrui, et à certaines normes sociales et valeurs morales. Arrogant et prétentieux, il souhaite surtout se faire remarquer en recherchant des traitements de faveur, et veut toujours avoir gain de cause, en se mettant en avant de manière compétitive et ambitieuse. Souvent paranoïaque, il se montre intolérant aux critiques, et il lui arrive de penser que les autres le provoquent ou le contrarient, ce pourquoi il répond sur la défensive ou en devançant. Parfois mythomane, il exagère ses performances, ou s’attribue celles d’autrui pour accroitre son intérêt auprès de son public. Dégageant un sentiment d’invulnérabilité, le narcissique peut laisser paraître un certain bien-être, ou une certaine assurance, mais malgré les apparences il souffre beaucoup.

Manque de narcissisme

Cette fragilité narcissique empêche l’individu de s’épanouir en le rendant affectivement dépendant. Il doute de sa capacité à être aimé, a constamment besoin d’être rassuré, et est en perpétuelle demande d’attention et de reconnaissance. Dans le cas où il serait en défaut, l’individu devient vaniteux, se montre susceptible et ressent une grande frustration l’empêchant d’entendre la moindre critique. Déstabilisé et psychologiquement désorganisé, il va jusqu’à se mettre en colère et rejeter les gens ne glorifiant pas son égo, comme il l’exigerait. Se montrer méprisant leur permet de parer aux critiques et aux douloureux sentiments de hontes et d’humiliations. Le moindre petit rejet est interprété comme un abandon définitif, et l’on retrouve ici aussi, la dimension paranoïaque caractéristique du trouble de le personnalité narcissique. Effectivement le manque d’estime de soi amène l’individu à être envieux, et à s’énerver face à ses propres difficultés, même si il a tendance à les reporter sur autrui pour mieux se valoriser. Mais ce mécanisme de défense n’aide pas l’entourage du narcissique à le comprendre, comme il présente des masques bonifiants son image, au lieu d’avouer ses faiblesses. Ainsi il souffre d’une mésentente provoquant d’autant plus de critiques à son égard, ce qui le pousse à se replier en se montrant froid et distant, indépendant et invulnérable, alors qu'en réalité, derrière ses masques se cache une véritable détresse.

Il est nécessaire de prendre en compte que l'on n'est pas catégoriquement en excès ou en manque de narcissisme. Un individu se construit sur une multitude de plans affectifs et comportementaux, caractériels et culturels, révélant dans sa personnalité des forces ou des vulnérabilités, des atouts l’aidant à se dépasser ou des insuffisances le faisant régresser dans certains domaines. Nous pouvons donc avoir des manques et des excès narcissiques, qui s'exprimeront selon les situations.

LA DOUBLE ORIENTATION DU NARCISSISME

Le narcissisme évolue dans une dynamique qui est toujours à orientation double, lorsqu’elle pousse l’individu à deux attitudes narcissique opposées, l’une étant le fait de chercher à tout prix à s’individualiser, l’autre étant de vivre dans une relation fusionnelle permanente avec autrui. Il y a donc au sein de l’individu un dialogue et échange permanent, en lien avec ses instincts et pulsions, et qui inconsciemment l’animent malgré lui en cherchant à l’unifier dans son unicité, ou à le fondre dans le Tout. Entre ces deux opposés que sont l’Un unitaire et l’Autre absolu, se distingue la position du Neutre, qui reviendrait à un état de tension zéro, de Nirvana. Aussi le narcissisme est un facteur dialectique qui ne peut exister à l’état pur, en devant obligatoirement s’associer à d’autres instances psychiques comme le Moi, pour s’exprimer dans un mode harmonieux ou conflictuel. De manière plus ou moins adéquate avec son environnement, il se manifeste dans différentes oppositions en étant :

- sain en étant mesuré, ou pathologique en étant déséquilibré
- mature en assumant ses responsabilités, ou immature en se justifiant
- fondu dans la pulsion, ou opposé à elle quand il s’agit de respecter une norme morale qui lui est contraire
- centrifuge en se décentrant de lui-même, ou centripète en se recentrant dans un certain repli sur soi
- primaire en investissant que sa personne, ou secondaire en s’ouvrant à d’autres personnes ou objets
- positif en étant intégré et assumé quand à son rôle (vecteur de réussite), ou négatif en étant culpabilisé et dévalorisant (vecteur d’échec)

Ces différences dualistes s’appliquent dans trois dimensions chez les individus :

- le narcissisme intellectuel est l’amour de sa maitrise intellectuelle, souvent en lien avec une insensibilité affective
- le narcissisme physique est l’amour de la représentation que l’on se fait de son corps
- le narcissisme moral est un désir d’héroïsme, de sacrifice et de renoncement, avec la conviction d’œuvrer pour le bien d’autrui et du monde, en sachant mieux que les autres ce qui est bon pour eux, quitte à le leur imposer

A PROPOS DU COUPLE DIALECTIQUE NARCISSIQUE

Le narcissisme est garant du passage de l’auto-érotisme (investissement libidinal sur soi) à l’amour d’autrui, lorsque l’individu ne concentre plus son énergie psychique libidinale sur lui-même, mais sur un objet autre, extérieur à sa personne. L’enfant construit sa personnalité dans un échange d’investissement de libido entre soi et son environnement, en élaborant sa subjectivité au travers de ses projections libidinales sur son environnement, et le moment où elles lui reviennent par réflexion, sous formes d’images psychiques qu’il s’appropriera alors pour se construire (l’enfant puisse dans l’Autre ce qui le fera Un).
Ainsi le narcissisme dans sa double orientation, investit soit le Moi de l’individu de façon primaire, soit des objets extérieurs de façon secondaire, investissements objectals dont il se fera des représentations psychiques qui lui reviendront par réflexivité, afin d’enrichir sa personnalité. Dans cette réflexivité avec autrui et son environnement, l’enfant se construit un idéal auquel il cherchera à adhérer, pour correspondre à une image de lui-même, donnée par ses parents à l’échelle familiale, et par la société à l’échelle collective. Cet idéal correspond à une morale faite d’interdits à respecter, pour conserver une droiture sociale convenable (politesse, cordialité, respect).

En s’intéressant à la dualité instinctuelle évoqué précédemment entre l’investissement libidinal du Moi de l’individu, opposé à l’investissement d’objet extérieur, la libido qui est toujours d’essence pulsionnelle, suit donc deux voies psychiques constitutive de la double orientation narcissique. Lorsque la libido investit le Moi de l’individu elle l’individualise, et lorsque la libido investit un objet extérieur, elle rend dépendant l’individu de cet objet, qui peut être considéré comme autrui. Freud voyait dans ce balancement de l’investissement libidinal, un narcissisme primaire (investissement de la libido sur le sujet) et un secondaire (investissement sur l'objet), qu’il a tenté de quantifier en fonction de si le sujet était plus ou moins investit que l’objet. Comme si, plus l’individu gardait sa libido pour lui, plus l'objet en serait appauvri, puisqu'il serait moins investit que le sujet lui-même.
Mais cette théorie quantitative ne tient pas la route dans le cas de l’amour, quand l’individu amoureux se dépouille de son amour narcissique, pour aimer une autre personne que lui. En suivant la théorie de Freud, l’amoureux ne s’investissant plus lui-même en libido devrait perdre son amour-propre, alors qu’au contraire, plus il est amoureux d’un tiers, plus il s’apprécie en se sentant fort de cet amour générateur d’une folle énergie libidinale, aussi agréable que bénéfique pour son estime de soi. Ainsi l’individu qui investit un autre objet que soi-même, survalorise narcissiquement cet objet, mais sans que l’individu n'en soit dévalorisé ou ne se dévalorise lui-même pour autant, parce que l’état amoureux lui procure un sentiment narcissique d’exaltation, qui le fait s’élever et non se rabaisser.

Le balancement entre l’investissement libidinal sur soi et l’investissement libidinal objectal ne peut donc pas être envisagé quantitativement comme une situation d’équilibre entre narcissisme primaire et secondaire, mais qualitativement dans un échange dialectique entre composante instinctuelle et composante narcissique. Autrement dit, un individu s’aime plus ou moins en fonction de la qualité relationnelle entre son narcissisme et sa libido d’ordre pulsionnelle, et non en fonction de la quantité oscillante de libido, qu’il investit dans un objet ou sur lui. Tout dépend donc de si son narcissisme, qui reste fixe en étant non quantifiable, accepte de traiter une partie de la charge libidinale émise, qui elle est mesurable.

Origine de l’estime de soi

De cette mesure de sa libido par le biais de son narcissisme, l’individu peut estimer sa personne, et ainsi évaluer son soi par le rapport entre ce qu’il est réellement et ce qu’il veut être (d’après son idéal propre). L’estime de soi se forge donc dans un échange entre ses pulsions et son narcissisme, et en fonction de l’évaluation de l'image que l’on a de soi par rapport à l'idéal que l’on a pour soi (Idéal du Moi). Cet Idéal du Moi est une instance psychique, qui s'est construite sur la base des idéaux parentaux qu’a reçu par l’enfant, lors de son éducation. Une fois adulte, l’individu en se référant à ses idéaux et aux interdits moraux qui vont avec, s’estime pour savoir si ses actes correspondent bien aux attentes de ses parents, et aux règles que la société a normé dans des lois civiques et juridiques. Le Moi de l’individu étant lié à son ego, a tendance à privilégier les intérêts égotiques du sujet, même si la poursuite d’un idéal narcissique hautement valorisé peut prévaloir sur l’égoïsme de l’individu, en le poussant à agir contre sa volonté pour respecter une règle ou autrui. Un individu peut donc s’estimer positivement et satisfaire son idéal narcissique, lorsqu’il va à l’encontre de certains instincts et pulsions non admis en société. On retrouve là l'importance d'avoir une relation de qualité entre son narcissisme et sa nature pulsionnelle, pour que nos instincts s'accordent idéalement avec notre morale par le biais de notre narcissisme, et que nos actes correspondent à nos attentes pour s'estimer en bien.

Le narcissisme édifie donc la subjectivité et l’estime qu’à l’individu de lui-même. Cette organisation de l’appareil psychique est essentielle à notre équilibre, entre nos pulsions libidinales et les frustrations de ne pas pouvoir les assouvir. En se mesurant aux représentations qu’il se fait du monde extérieur, l’enfant s’identifie aux idéaux parentaux et culturels, et intègre des valeurs qui élaboreront et constitueront sa sexualité, et plus largement sa personnalité. Notre identité se créée dans une alternance narcissique, entre l’investissement d’objet extérieur et la réassurance intérieure des représentations de ces objets, où nous nous construisons entre l’amour des autres et l’amour de soi. L'enjeu identitaire serait que nous avons besoin d’autrui pour nous constituer individuellement, en s’incluant parmi les autres, mais tout en s’en différenciant suffisamment pour se caractériser comme individu. C’est un difficile équilibre à tenir, puisque nous ne voulons pas être comme tout le monde, en nous satisfaisant de nos singularités, tout en ne supportant pas d’être trop différent de la norme, paradoxalement.

ESTIME DE SOI

L’évaluation de soi découle donc du narcissisme, dans un rapport dialectique avec son Ideal du Moi, quand nous jugeons nos propres actes par rapport à des normes éthiques et morales. Il ne s’agit pas toujours d’une valeur issue d’une estimation objective de sa personne, et qui peut être étalonnée, mais initialement d’une estimation subjective, intrinsèque et inconditionnelle, puisqu’au départ elle n’est liée à aucun mérite et qualité estimés à travers des codes socio-culturels conditionnés. Avant même la construction psycho-sociale de la personnalité, le narcissisme de l’individu lui assure une reconnaissance existentielle stable, si ce dernier est sain et mesuré.

Différencions ainsi deux types d’estime de soi :

- L'estime de soi inconditionnelle induit que l’individu se respecte en tant qu’être humain, indépendamment de ses qualités ou accomplissements. Cette forme d’estime de soi fonctionne en autonomie, selon que l’individu soit en accord avec une valeur qu’il s’est attribué, sans tenir compte du jugement d’autrui. Cette forme d’acceptation consciente et intégrale de soi apparaît être la plus fondamentale pour l’individu, car authentique et dénuée de toute notion de dépendance.

- L'estime de soi conditionnelle suppose une adéquation entre les compétences sociales et normes morales de l’individu, et ses sentiments d’accomplissement personnel, en regard de ces normes. Cette forme d’estime de soi est donc dépendante du regard des autres et des canons sociaux ou culturels (réussite, beauté, richesse...). Une grande importance est accordée à l’image dégagée et à l’opinion que l’autre exprime à notre sujet. Du fait de cette dépendance aux avis extérieurs, cette forme d’estime de soi apparaît fragile et très instable.

Pour représenter l’estime de soi inconditionnelle, prenons l’exemple du fœtus qui n’est soumis à aucun conditionnement extérieur, qui ne ressent pas de besoin comme ils sont automatiquement satisfaits, et qui ne connait ainsi ni désir ni satisfaction, parce qu’il est dans un équilibre parfait. Cet état de bien-être narcissique est pur dans son auto-suffisance non perturbée, et perdure jusqu’à ce que l’enfant éprouve la réalité et son environnement, sans que la mère ne puisse répondre immédiatement à tous ses besoins. En grandissant, l’enfant est confrontée à des contraintes extérieures multiples, révélant ses insuffisances individuelles et vulnérabilités sociales, qu’une éducation adéquate l’aideront à appréhender et surmonter, pour se conditionner aux exigences de son milieu. Son éducation devrait ainsi lui permettre de s’estimer justement et positivement dans une construction psycho-sociale, où il cherchera auprès de ses pairs du mérite de manière conditionnée (selon des codes culturels déterminés). Ainsi l’individu évolue en s’estimant inconditionnellement dans son essence identitaire, et conditionnellement par rapport à ses pairs et son milieu.

A propos des insuffisances et vulnérabilités de chacun

Il y a dans chaque individu un narcissique qui veut d’un côté être aimé pour soi de manière inconditionnelle, et d’un autre côté être apprécié pour ses mérites et qualités, en étant remarqué et reconnu par son entourage. L’état narcissique pur de parfait équilibre avec soi-même, n’existe donc qu’à l’état fœtal. La vie n’étant pas un long fleuve tranquille, chaque individu a un besoin plus ou moins grand et évident d’être aimé pour ses défauts naturels, soit en cherchant à plaire à autrui, soit en mettant à l’épreuve son entourage pour avoir la preuve de son amour, et s’en sentir rassuré. Cette quête d’être aimé dans un besoin narcissique est toujours liée à une forme de réflexion avec autrui (ou même son chat), parce que les individus s’estiment au travers de comparaisons, de projections et d'identifications, pour satisfaire leur narcissisme en recherchant un double qui leur ressemblerait, et les rassurerait.

Lou Andreas-Salomé écrivait : « Le narcissisme accompagne toutes les couches de notre expérience et indépendamment d’elles ; ce n’est pas seulement un stade immature qu’il s’agit de surmonter, mais aussi un compagnon de vie et qui se renouvelle toujours. »

Ainsi, si le narcissisme reste fixe et inaltérable, c’est le Moi qui évolue en devant recevoir un investissement narcissique à chaque étape de son évolution (et on retrouve alors un comportement égocentrique et dit narcissique, dans lequel l’individu auto-centré fait preuve d’ego, le temps qu’il ait assimilé son nouvel état, plus mature). Le narcissisme agit en silence et il est parfois difficile de le remarquer, parce qu’en manquant de support somatique spécifique, il se sert des autres instances psychiques pour s’exprimer et restructurer l’individu, dans son estime de soi. Il utilise donc la libido sans se confondre avec elle, dans un mouvement narcississant du Soi, qui charge de libidio les objets extérieurs mais aussi le Moi, son devenir, ses actes et satisfactions pulsionnelles, en les estimant selon leur valeur (valeur subjective liée à son propre Idéal du Moi). C’est donc cet investissement narcissique complémentaire à ce qu’il se passe à l’intérieur du Moi, qui est constitutif du développement égotique, autant dans les sens positif et négatif de ses implications, en recevant la libido de l'inconscient quand il est essentiel de se sentir valoriser dans son Moi pour s'individuer. Mais un trop grand investissement libidinal dans le Moi, amène à des caractères et attitudes égotiques tels que l’égocentrisme, l’égoïsme, l’orgueil et la vanité.

Dans le fond chaque individu a un désir secret qui est d’être loué, mais aucun n’osera l’avouer publiquement, pour ne pas se sentir déshonoré et humilié. Chacun cache donc ses sentiments de solitude et d’insécurité, pour ne pas laisser paraitre ses faiblesses et souffrances existentielles. L’ego présent dans chaque individu permet alors de faire face à ses complexes dans des projections réflexives orgueilleuse ou vaniteuse, ou d’inspirer l’individu à une ambition lui apportant une reconnaissance louable auprès d’autrui, mais aussi en lui, lorsqu’il a fait ce qu’il estimait devoir faire. On retrouve donc dans ce paradoxe qu’est le fait d’être rongé par son inquiétude et l’envie de la surmonter, les caractères égotiques d’orgueil et de vanité qui nous trompent en nous leurrant nos vulnérabilité derrière des apparences, ou au contraire la motivation de s’investir dans des projets permettant de dépasser sa souffrance, et de se construire en s’élevant au dessus de sa condition et de ses illusions.

Dans la recherche d’approbation, on ressent un mélange de honte et de culpabilité d’exprimer son narcissisme, en demandant des louanges publiques (d’où l’utilisation de manières détournées). L’individu se sent coupable de se plaindre vis à vis d’autrui, ou honteux de sa condition jugée péjorativement vis à vis de lui même et de ses ambitions personnelles, quand il ne reconnait plus sa valeur personnelle. Aujourd’hui la technologie permet à chacun d’exposer ses états d’âme sur la toile, dans un râle narcissique parfois émouvant dans son honnêteté, ou parfois pathétique dans sa lâcheté à se laisser aller à la vaine complainte.

SOCIÉTÉ CONTEMPORAINE

L’individu a cette tendance à de moins en moins refouler son narcissisme, en ne se sentant plus coupable de s’exposer avec vanité aux yeux de tous, pour au final trouver dans son exhibition une valeur existentielle d’après un conditionnement socio-culturel, dont il tire fierté au travers du regard d'autrui (ex des tatouages, des vêtements extravaguant, des smartphones et autres réseaux sociaux, etc). L’individu moderne fait donc de plus en plus preuve d’ego pour se masquer sa honte grandissante d'être humain insignifiant mais se magnifiant, dans un travestissement dont la raison est fondée le plus souvent sur un appétit pour la possession et la démonstration, sans valeur normée mais pourtant très codifiées. C'est aussi par manque d’intériorité, ne lui permettant pas de s’estimer assez inconditionnellement pour ne pas dépendre autant du regard d’autrui, et faute d’objectivité pour prendre assez de recul sur soi et se connaitre au delà de l’idéalisation de sa personne, construite à partir du reflet renvoyé par autrui, que l’individu veut à tout prix paraitre, parce qu’il ne sait pas être, et encore moins savoir être, en sachant qui il est. Les comportements égotiques pour palier à ces manques témoignent de la taille de la plaie narcissique de chacun, des failles dans ses assises, qui ne permettent pas de s’estimer avec justesse et honnête vis à vis de soi et d’autrui.

On peut alors remarquer deux types d’individus :

- celui pour qui la valorisation idéale va de soi, et qui se dévoilera comme un simple d’esprit sans jamais rien chercher à prouver, c’est peut être l’individu le plus intègre et honnête parce qu’il ne s’estime ni plus ni moins que ce qu’il est, naïvement.

- celui qui se rendra compte de ses faiblesses, et qui cherchera en les cachant ou non, la satisfaction narcissique en étant reconnu dans une forme d’amour, de mérite, de création, de morale ou de gloire. Son narcissisme est culpabilisé, et il use de masques ou d’exigences diverses pour ne pas se sentir honteux, quitte à culpabiliser ou dévaloriser autrui pour se sentir supérieur.

La réalité des états psychiques étant toujours mouvante et nuancée, il ne faut pas observer le phénomène narcissique de manière tranchée et définitive, aussi la complexité de la personnalité est telle que l’on peut être les deux types d’individus à tour de rôle, selon les situations. Il n’empêche que si le narcissisme est mal vu, mais pourtant banalisé, comprenons que le narcissisme n’est ni bon ni mauvais, mais que c’est le désir narcissique qui peut être jugé péjorativement, quand le besoin de paraitre pousse le narcissique à s’estimer en s’admirant plus qu’il ne le devrait, et souvent sans plus respecter autrui. Les proportions que peuvent prendre l’expression narcissique sont aussi attractives que rebutantes, parce que l’on peut apprécier se laisser charmer par un personnage charismatique et sur de lui, mais cette attirance qui émerveille ne rassure plus lorsque Narcisse abuse de son pouvoir et s’octroie tous les droits sans véritable partage. Quoi de plus énervant qu’une personne se magnifiant et rapportant tout à soi dans un échange à sens unique, et étalant son ego en se faisant désirer, et ce sans jamais permettre d’être saisie, ou qu’autrui en tire un quelconque bénéfice. Pour ne pas tomber dans ces excès faciles d’accès, il parait utile de se questionner sur ses intentions, ses actes et manières, afin de pouvoir se situer vis à vis de soi-même et ainsi s’estimer le plus justement pour se guider dans sa vie, quitte à se redécouvrir adans le même temps, lorsque l’on s’est perdu de vue depuis trop longtemps...


Si certains sont intéressés, voici les liens menant vers un article sur l'estime de soi, et un autre sur les comportements narcissiques.
 
Haut