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La kétamine, un dissociatif moins addictif que prévu

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6 Mai 2015
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Une nouvelle étude vient de sortir sur un paradoxe intéressant par rapport au profil addictif de la kétamine, intitulée "Dual action of ketamine confines addiction liability".

Résumé rapide :

En comparaison avec la cocaïne, la kétamine induit un effet d'autorégulation au niveau du circuit de récompense dans le cerveau, produisant une réduction significative de la dopamine induite dans le noyau accumbens (qui est grosso modo le centre des comportements addictifs). Cette étude se porte uniquement sur des paramètres physiologiques et non pas psychosociaux, donc ce n'est pas pour autant qu'une addiction à la kétamine n'est pas possible, il s'agit uniquement d'une explication intéressante par rapport aux mécanismes addictifs produit par la kétamine.

Explications approfondies :

On va s'attaquer à des concepts un peu plus poussés mais qui vous donnera une bonne idée des circuits neuronaux créant les comportements addictifs, pour ceux que ça intéresse. Prenez une aspirine d'avance (conseil d'ami).

1) La dopamine et ses petites particularités

La dopamine est un neurotransmetteur bien particulier et souvent décrit de façon simplifiée comme l'unique responsable des comportements addictifs. En soi, c'est bien plus complexe que ça. Déjà, la dopamine peut créer 2 effets complètement opposés selon le type de récepteurs sur lequel elle peut se loger : un effet activateur sur le récepteur D1 et un effet inhibiteur sur le récepteur D2. C'est à dire qu'il est possible de produire des effets radicalement différents selon le type de récepteur sur le neurone en dessous. Cela va bien compliquer la chose pour comprendre les choses (le monde n'est pas aussi simple que ce qu'on voudrait, surtout le cerveau), mais retenez que D1 = activateur et D2 = inhibiteur. C'est simplifié aussi mais ça devrait suffire et j'ai malheureusement pas 6 mois pour faire des cours de neurosciences ici.

2) Les circuits neuronaux responsables de l'addiction

C'est à partir d'ici que les choses deviennent un peu plus épicées. Tout d'abord, il y a 3 parties du cerveau physiquement séparées qu'on considère comme faisant partie du circuit de récompense. Le pallidum ventral (VP), le noyau accumbens (NAc) et l'aire tegmentale ventrale (VTA). On va ici juste se concentrer sur les deux dernières, c'est celles qui sont importantes pour cette étude.

L'aire tegmentale ventrale (que je vais appeler VTA par la suite) est le point d'entrée pour la majorité des drogues et des comportements addictifs. L'information est ensuite envoyée au noyau accumbens (NAc), à peu près le boss du circuit pour que des circuits neuronaux se forment dans d'autres zones du cerveau (anticipation dans le cortex préfrontal, cravings via le striatum dorsal, mémorisation du comportement dans l'hippocampe, etc). Le pallidum ventral a pour effet de moduler le fonctionnement du VTA, ce qui peut partiellement expliquer par exemple pourquoi certaines personnes ont une tendance addictives alors que d'autres moins.

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Petit schéma maison pour avoir les idées claires

3) Les différents neurones 

On a déjà vu que la dopamine pouvait agir comme inhibiteur ou activateur de signal neuronal. Il y a ensuite des autres types de neurones importants pour le circuit de récompense, en l'occurence on va parler des neurones GABA qui sont inhibiteurs (strictement). Maintenant, je peux vous mettre un schéma qui va faire peur vu que vous avez les bases.

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Bouh

Pour expliquer ce qu'il se passe, c'est à peu près comme un circuit logique pour ceux qui connaissent un peu l'électronique. Et pour les autres, ça fonctionne comme ça :  
Le VAT s'active pour une raison (en 1). Le neurone vert à dopamine est donc sollicité et relache de la dopamine dans les deux types de neurones GABAergiques du NAc sont activés (2) : le neurone vert qui a des récepteurs D1 (3) et le neurone rouge qui a des récepteurs D2 (4). 

En haut, pour le neurone 3, c'est simple : il va directement inhiber le neurone à dopamine du VTA, ce qui crée un mécanisme d'auto-contrôle simple pour éviter que la dopamine soit relâchée à l'infini. Mais c'est aussi par ce neurone qu'il y a des projections permettant de créer des addictions.

En bas le neurone 4 va réduire l'activité du neurone GABAergique dans le pallidum ventral (5) situé ici en dessous, car il possède des récepteurs D2 inhibiteurs, donc il va s'inhiber à cause de la dopamine relâchée par le VTA et ne va pas bloquer le neurone 5. Or, ce neurone est inhibiteur, et va bloquer le neurone dopaminergique du VTA. On a encore une boucle qui permet l'auto-régulation du circuit à dopamine.

Ce double mécanisme permet donc réguler le VTA de façon efficace, pour réduire les risques addictifs à la moindre occupation plaisante. Tout cela fonctionne assez bien tant qu'on a pas de maladie ou qu'on y rajoute pas des drogues (éhé).

4) L'étude de départ

On y arrive enfin. Les scientifiques ont comparé l'effet de la cocaïne avec celui de la kétamine sur ce circuit. On peut par exemple observer que les deux substances peuvent augmenter la dopamine dans le NAc :
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La kétamine est capable d'inhiber les neurones GABAergiques dans le VTA, ce qui provoque une déshinibition des neurones à dopamine du VAT et donc augmenter la quantité de dopamine dans le NAc. Le mécanisme de la cocaïne pour augmenter la dopamine dans le VTA est différent et surtout cette drogue est capable d'augmenter la plasticité du VTA. La plasticité neuronale (littéralement : la capacité des neurones à se déformer) est simplement leur faciliter à se modifier pour s'adapter. La clé des addictions se trouve dans la plasticité : plus une substance peut rendre le circuit de récompense plastique et plus le cerveau s'y habitue, ce qui renforce aussi très fortement les états de manque.

La cocaïne est capable d'augmenter la sensibilité
 
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