Oh Gamida j'avais pas vu ton post, en fait quand tu l'avais mis il était pas complet (ou j'avais vu que la première ligne sans voir qu'il était plus long ?), et du coup ça m'a pas notifié quand tu l'as complété, donc j'étais jamais retourné ici.
Je vois ce que tu veux dire, j'ai vraiment essayé ton approche en lisant ton post (la lecture aléatoire a passé Vacuum Garden de Squarepusher au même moment, ça m'a fait une impression un peu bizarre, genre transcendance méditative), mais je crois que ça marche pas. J'm'explique, dans les cas "normaux" de malaises sociaux, c'est plus ou moins ce que je fais, par exemple j'ai tellement pris l'habitude que les gens se foutent de ma gueule dans la rue à cause de la couleur de mes cheveux ou de mes fringues bizarres (qui varient selon les jours, des fois j'ai l'air normal hein), que ça me touche plus, en partie parce que j'y fais pas attention, mais majoritairement parce que je sais ce qu'ils ressentent quand ils rigolent devant une coiffure qu'ils trouvent absurde, c'est quelque chose qui m'arrive aussi (je me moque pas méchamment des gens, parce que c'est de la violence inutile, mais ça m'arrive de me foutre d'eux intérieurement quand ils sont ridicules) ; et que je sais que c'est juste la conséquence de leur éducation (au sens large), de la même manière que ce qui m'est arrivé dans ma vie fait que je pense comme je pense. Je m'exprime très mal mais en gros, je le prends pas personnellement, ça concerne l'image qu'ils ont de moi mais pas ma réelle identité, et je sais qu'ils sont pas plus mauvais ou malveillants que le reste de la population.
Mais ce qui me foutait mal avec ces petits racaillous, c'est que TOUT ce que je sais d'eux est incompréhensible pour moi, je suis incapable de les imaginer aimer leur mère, être agréable avec quelqu'un, ressentir un plaisir sain ou de la paix intérieure. Je les considère uniquement comme des malformations de notre société, des excroissances cancéreuses de haine pure, pourries de l'intérieur. Dans les faits je sais que c'est que l'image qu'ils m'ont donné, mais je me sens pas capable de m'en défaire, ils ne m'ont absolument rien laissé entrevoir d'autre pendant les quinze minutes où on s'est côtoyés. Du coup, dans cette image que j'ai d'eux, une confrontation hypothétique comme tu dis avec des mecs qui les foutraient dans une situation de soumission, ne m'apparaît que — en me mettant dans leur tête — comme quelque chose qu'ils auraient cherché, à laquelle ils prendraient même du plaisir (au final les gens qui aiment la violence accordent probablement pas tant d'importance que ça à leur place dans le rapport de domination, taper ou se faire taper, ça doit leur procurer à peu près la même charge d'adrénaline).
Bref, ta méthode m'a l'air constructive, mais ça bloque chez moi :\
Si je savais qu'ils ont une vie normale à côté (comme je disais plus haut, les voir aimer leur mère me suffirait), et qu'ils ont juste des passe-temps un peu malsains, ben je les aimerais pas pour autant, mais je pourrais considérer la chose avec du recul, remettre les choses à leur place, et me sentir un peu plus en paix avec ça…
shankara a dit:
Un des aspects des psychés c'est aussi de redécouvrir des choses qu'on "savait" théoriquement en VIVANT la pensée sur le coup, la façon de s'attarder et développer tous ces concepts est plus intéressante que les révélations elles-même non?
C'est exactement ça ! Les trois quarts des révélations que j'ai, c'est ça en fait,
ressentir quelque chose que je tenais pour acquis mais sur un plan uniquement théorique.
shankara a dit:
des gens qui ont vraiment abusé d'une façon ou d'une autre, je vois pas comment les pardonner. Ça me ronge pas non plus mais si je le(s) recroisais je n'aurais que de la haine pour eux, c'est triste mais c'est comme ça...
En fait, sur un plan théorique (ne va pas croire que je te dis comment vivre ta vie ou quoi hein, aucun rapport), le truc c'est de considérer le
moi qu'ils ont blessé comme quelqu'un d'autre que ton
moi présent, ce qui est souvent le cas puisque tu as évolué entretemps. En gros, t'as souffert, t'as continué ta vie, et ce que t'en as fait entretemps est tellement cool (parce que tu es quelqu'un trop cool) que cette souffrance est insignifiante pour l'être puissant que tu es devenu(e).
En gros il faut être passé à autre chose, c'est la partie la plus dure ; à partir de là le seul déclic qui manque c'est la bonne volonté de laisser couler et de ne pas entretenir de vieux ressentiments.
Donc, le temps est un facteur indispensable, puisqu'il faut que cette souffrance ne t'atteigne plus du tout (si tu en souffre encore, je sais pas si c'est possible de n'avoir aucune forme de haine, mais c'est assurément difficile).
Pour transposer le problème dans un schéma similaire, avec une émotion différente : À 15 ans j'étais amoureux d'une fille qui m'a mis un blanc (j'étais incapable de parler à une fille à l'époque, donc c'est pas très étonnant), appelons-la A. Au bout de quelques mois j'ai arrêté de penser à elle, je la considérais pas comme une fille lambda non plus mais j'étais assurément pas amoureux, objectivement je m'en foutais un peu. Pourtant, deux ou trois ans plus tard, alors que je commençais à sortir avec une fille géniale (rien à voir avec A. donc, on parle de la personne dont j'ai été le plus proche dans ma vie, pas d'un crush lycéen), que rien d'autre n'importait dans ma vie et que tout mon amour était focalisé sur elle, ben j'ai recroisé A. en ville, et j'ai autant perdu mes moyens que quand j'étais en seconde. J'étais super mal à l'aise (stress causé par la peur de donner une mauvaise image de toi, qui a pour conséquence de donner une mauvaise image de toi :thumbsup

, je trouvais rien à dire, je rigolais nerveusement, bref je me suis ridiculisé puissance quinze et au bout de deux minutes de pseudo-conversation je me suis enfui lâchement. Alors que j'en avais rien à foutre d'elle !
Mais en fait, la manière dont je vois les choses, c'est que ma fail-relation avec elle (quand j'avais 15 ans) me renvoyait dans la face que j'étais un pauvre loser sans charisme ni aptitude à séduire, ce qui résumait en gros tout le mal-être de mon enfance/adolescence (j'étais un weirdo inadapté à la société quoi). Et comme cette relation a jamais évolué (simplement parce qu'on a jamais vraiment discuté, on était pas vraiment proches, juste dans le même lycée) et que deux ans plus tard j'avais toujours pas de réelle confiance en moi — mon amoureuse de l'époque allait pas tarder à me la donner, mais là ça faisait même pas un mois qu'on sortait ensemble, j'étais encore en début de transition —, ben cette forme de souffrance était toujours là pour dicter ma conduite piteuse et involontaire.
Deux mois plus tard, j'avais achevé d'être un nouveau moi, c'était le début de ma nouvelle vie (marrant comme ça marche par cycle ce truc, cette nouvelle vie a duré trois ans, et là je suis encore au début d'une nouvelle vie, aha), je l'ai encore croisée en ville, et pour la première fois je lui ai parlé comme la personne que j'étais, s'adressant à la personne qu'elle était (et pas à la personnification d'une forme de souffrance), et putain ça m'a fait du bien. Enfin, j'en avais même pas besoin, vu que cette fois-ci elle avait vraiment aucune incidence dans ma vie, mais c'était agréable d'en avoir la preuve.
Enfin voilà, quand on dit "le passé appartient au passé" (ou un truc du style), en fait c'est plus "nos actions passées ont été effectuées par la personne qu'on était dans le passé", on est en évolution constante & c'est ce qui nous permet de nous détacher des trucs pas cool qui nous sont arrivés (ou qu'on a commis), en quelque sorte ton ordre de priorités change, et ce qui importait à l'époque n'importe plus maintenant (mais comme je dis, il faut au moins un peu de bonne volonté pour que ça fonctionne).
Après si tu recroises une personne qui a fait de la merde, et que tu te rends compte qu'elle est encore aussi pourrie qu'avant, ben tu peux la trouver pourrie, mais pour ce qu'elle est, pas pour ce qu'elle était (sinon tu lui permets de continuer à te faire souffrir, par ses actions passés).
Autre exemple : À l'école primaire une grosse brute me pourrissait la vie. C'est l'école primaire, je me sens même pas concerné (des fois je regarde qui j'étais y a 10 ans, et je me dis "what ? cay moi, ce gosse névrosé ?"). Mais je l'ai recroisé une fois y a quelques années, c'était devenu une vieille racaille dealeuse de shit, avec un regard toujours aussi malsain. Et y a deux jours un pote m'a dit qu'il a fait une soirée avec ce mec, et qu'il avait tabassé un mec un peu trop alcoolisé qui foutait la merde, avant de distribuer de la md à tout le monde pour être sûr qu'on ait quand même une bonne image de lui… (ouais, le mec tape des gens alors qu'il est sous md, j'savais même pas que c'était possible) Bref, il a l'air toujours aussi pourri qu'avant, donc je l'aime toujours aussi peu, mais s'il était devenu cool entretemps, j'en aurais rien eu à foutre de nos antécédents, ça m'aurait pas gêné qu'on devienne pote quoi.
Bon comme d'hab je raconte ma vie pendant trois heures, parce que quand j'essaye de faire concis j'ai l'impression d'être incompréhensible, mais je sais pas si ça vaut le coup aha.
Ça c'était pour rebondir sur ton dernier paragraphe, mais sinon : Merci

Ce trip est un peu un tournant dans ma vie je crois, ça me touche beaucoup que le report plaise !