S
Styloplume
Guest
Je fait une rédaction de TRs deux ans après mes débuts avec la drogue. Je compte rajouter les TRs sur ce post à mesure que je les écris. Ce sont les TRs que je n'ai pas rédigés à l'époque, mais il y a aussi des trips que j'ai fait à cette époque et qui ne sont pas répertorié ici (le robot somnambule, par exemple).
Purée il y en plein.
Méditons à la plage
Je rédige ce TR maintenant deux ans après le trip. J’éprouve le besoin de poser par écrit ce dont je me souviens, parce que j’y pense souvent, et je trouve ça bien de faire un TR pour chaque trip, ça oblige à un peu de rigueur. Ceci s’est passé au tout début de ma période de découverte du DXM, une semaine après le concert de ma vie, donc trois semaines après le premier joint de ma vie. A cette période je n’écrivais pas systématiquement des TRs.
Alors, le DXM! Dans ma tête, je viens de découvrir un truc génial avec lequel j’ai envie d’expérimenter un maximum. Le DXM c’est génial, ça rend les choses intéressantes. Alors, après un test chez moi et un concert mémorable, pour explorer toutes les possibilités de la substance, j’ai décidé d’aller au cinéma, voir Alice au pays des Merveilles, de Tim Burton. Je me dis que l’ambiance onirique du film va sûrement coller avec l’aspect dream-like du DXM. Pour la suite du trip, je pourrais partir me balader à la plage.
Alors pas de souci, on programme ça. Je gobe mes 360 mg une heure avant le début du film, et c’est parti.
En fait, j’ai pas retenu grand-chose de différent dans ce film, qui ne m’a pas particulièrement plu. (J’ai regardé ce film à nouveau, deux ans plus tard et sobre, et je l’ai surkifé) Tout me semblait attendu, sans originalité, fade même. J’ai eu froid, surtout. Je sens que c’est le DXM, mais c’est pas super cool... Je me blottit dans mon manteau, après tout on est en mars, mais quand même, on est dans un cinéma, je profite pas vraiment. Je vais aux toilettes, je marche pas droit, c’est rigolo, mais ça va pas plus loin.
Le film est fini. Tant mieux. Je sors, direction la plage. Pas de musique sur les oreilles, rien. Juste le vent dans mes cheveux. Ma démarche est toujours approximative, je ne sais pas vraiment à quoi je pense, sinon que je tente de redécouvrir le monde.
Je suis sur la plage. J’apprécie énormément cette plage, immense, presque vide, sur laquelle le vent emporte des nuages de sable, qui forment une couche ocre et nébuleuse au-dessus de l’horizon.
Je marche. J’écoute mon corps. J’écoute mon esprit. De quoi j’ai envie? J’ai envie de courir les yeux fermés.
Je cours les yeux fermés. D’abord j’ai un peu peur, puis, quand je me risque à les ouvrir juste un peu, pour vérifier que ma route ne croise pas celle d’un poteau ou d’un promeneur, je me rends compte que je suis parfaitement seul. Sur des dizaines de mètres de chaque côté, et sur des centaines de mètres devant moi, l’immensité vide m’entoure.
Alors je cours. Je cours. Mes pieds volent. Je ne sens presque plus rien. Il n’y a presque rien dans ma tête.
Je m’arrête pour souffler, et continue à marcher les yeux fermés. Les pensées montent d’elles-mêmes. Je repense à la révélation que j’ai eu en fumant mon premier joint de cannabis. J’avais récité le Notre-Père dans une joie extatique. Voyons, qu’est-ce qu’il dit le Notre-Père?
“Que ta volonté soit faite, sur la Terre comme au Ciel.” Ca ça veut dire que dans l’univers matériel, les mêmes lois d’harmonie doivent régner, que dans l’univers spirituel, où habite Dieu. Très bien.
Et maintenant je repense à la première phrase de la Bible: “Au commencement Dieu créa les Cieux et la Terre.” Minute. Il est dans les cieux, mais il a créé à la fois les cieux et la terre? Dieu, architecte de sa propre maison? Grosse dissonance cognitive.
Je hurle “Scheiße!” -“Merde!”, en allemand. Je tombe sur mes genoux et me prends la tête dans les mains, écrasé par le poids de cette révélation.
Quelque chose de ouf s’est passé. Je viens de saisir un paradoxe (le premier de ma vie psychonautique?). Quelque chose qui se contredit sans être mal pour autant. Dieu vit dans les cieux, mais a créé les cieux...
Je reste un peu prostré (et j’ai toujours les yeux fermés). Puis, je me dis qu’il faut que je digère ça. Que faire? Garde les yeux fermés, Stylo. Il faut trouver un endroit où méditer tranquille. Les dunes sont pas loin. Un regard en coin - elles sont par là. Je me lève et marche en aveugle dans la direction approximative des dunes.
Voilà les dunes, le sol monte sous mes pieds. Je m’avance jusqu’à trouver à tâtons un endroit où je peux me poser. J’enlève mes chaussures, je m’assied en tailleur, toujours les yeux fermés, et je médite.
Impossible de dire ce qui me passe par la tête. Il n’y a pas grand-chose, sinon rien. Je suis très bien, posé, l’esprit agréablement vide. Cet état pourrait durer aussi longtemps que je veux. D’ailleurs, il dure, il dure. J’ai envie d’être un méditant bouddhiste, un illuminé qui se retire du monde matériel, détaché de ses problèmes. Et effectivement, je suis bien, je n’ai pas de problèmes. Je me débrouille pas mal pour les éviter soigneusement, je les refoule sans difficulté, après tout je me suis libéré de la fac, de ce que je ne voulais pas faire. Mon avenir est très flou et incertain, mais je n’y suis pas confronté - pas encore. A ce moment je suis emporté par des aspirations spirituelles indéterminées et radicalement coupées du quotidien.
Au bout d’une heure de contemplation, j’ouvre les yeux. La lumière a baissé, quelques promeneurs passent au loin... Je me lève, satisfait d’avoir réussi à méditer si longtemps sans ouvrir les yeux. J’enfile mes chaussures et me mets sur le chemin du retour.
Je m’en vais parler à des pêcheurs. C’est un gendre et son beau-père, qui pêchent ensemble contre vents et marées, et battent en retraite à mesure que l’eau monte. Pourquoi je vais leur parler comme ça? J’étais curieux. Je tient ça de mon propre père. Et puis, je suis désinhibé par le DXM. Je me remets en route.
Le monde est beau. La lune, derrière les nuages, brille d’une clarté inhabituelle. Tout se dévoile, comme si on enlevait un tissu qui recouvrait les choses. C’est très beau, décidément. C’est génial, avec le DXM tout devient intéressant!
En chemin je passe devant le cinéma. Ni une ni deux, je rentre, et génial, c’est la jolie caissière qui est là, celle que j’ai repérée il y a un moment déjà, et maintenant y’a rien qui m’empêche d’aller la voir. Personne aux alentours. Allez go.
- Salut, ça va?
- Ben, très bien, et toi?
Quelques banalités. Je suis complètement décalqué, impossible de m’en tenir à des mondanités. Alors je sors mon portable de ma poche pour joindre le geste à la parole:
- Alors, voilà, j’aimerai bien faire ta connaissance...
Et avec mon portable je fais comme si je voulais enregistrer son numéro de téléphone. La fille rougit comme pas permis (qu’est-ce qu’elle est mignonne!) et elle me dis “Ah, c’est gentil, je préfère éviter. Je sors d’une histoire compliquée...”.
Pas de souci. Les choses sont dites, j’aime quand les choses sont claires. Un peu de small talk, un sourire et au revoir mademoiselle! En sortant du cinéma je suis très content d’avoir pu lui dire ce que j’avais à dire, même si j’ai eu un non, ça a pu la flatter, et moi je me sens exister d’admettre que j’ai de l’intérêt pour elle. Bref, c’est tout bon.
Je ne me souviens plus du tout de ce que j’ai fait par la suite. Je suis forcément rentré chez moi, mais je ne me souviens de rien de plus. A cette époque mes descentes de DXM se faisaient sans histoire.
Cette prise de DXM est caractéristique de cette époque de ma vie: découvrir un maximum de choses du moment que c’est détaché de ma vie ordinaire, dont je ne voulais plus. C’était l’époque où je m’étais rasé le crâne après avoir quitté la fac, où j’avais décidé de déménager dans une autre ville, où je voulais devenir informaticien autodidacte... Autant de balbutiements qui sont maintenant de l’histoire ancienne.
Le gros bad de ma vie ne s’est pas encore pointé et je n’ai pas encore la moindre idée de la véritable puissance du DXM. Je ne laissait s’exprimer la molécule que très peu, je ne savais pas comment triper.
Purée il y en plein.
- Méditons à la plage, là vous y êtes, pas besoin de cliquer ou de scroller.[/*:m:3lrveqda]
- Valhalla Rising, lien direct, le texte est plus bas sur cette page.[/*:m:3lrveqda]
- Enter The Void, même chose.[/*:m:3lrveqda]
- Robin des Bois[/*:m:3lrveqda]
- Fête de la musique[/*:m:3lrveqda]
- Nouvel an[/*:m:3lrveqda]
- Thor vs. Maltitol Attention celui-là il est bien crade, et c'est pas à cause du maltitol.[/*:m:3lrveqda]
Méditons à la plage
Je rédige ce TR maintenant deux ans après le trip. J’éprouve le besoin de poser par écrit ce dont je me souviens, parce que j’y pense souvent, et je trouve ça bien de faire un TR pour chaque trip, ça oblige à un peu de rigueur. Ceci s’est passé au tout début de ma période de découverte du DXM, une semaine après le concert de ma vie, donc trois semaines après le premier joint de ma vie. A cette période je n’écrivais pas systématiquement des TRs.
Alors, le DXM! Dans ma tête, je viens de découvrir un truc génial avec lequel j’ai envie d’expérimenter un maximum. Le DXM c’est génial, ça rend les choses intéressantes. Alors, après un test chez moi et un concert mémorable, pour explorer toutes les possibilités de la substance, j’ai décidé d’aller au cinéma, voir Alice au pays des Merveilles, de Tim Burton. Je me dis que l’ambiance onirique du film va sûrement coller avec l’aspect dream-like du DXM. Pour la suite du trip, je pourrais partir me balader à la plage.
Alors pas de souci, on programme ça. Je gobe mes 360 mg une heure avant le début du film, et c’est parti.
En fait, j’ai pas retenu grand-chose de différent dans ce film, qui ne m’a pas particulièrement plu. (J’ai regardé ce film à nouveau, deux ans plus tard et sobre, et je l’ai surkifé) Tout me semblait attendu, sans originalité, fade même. J’ai eu froid, surtout. Je sens que c’est le DXM, mais c’est pas super cool... Je me blottit dans mon manteau, après tout on est en mars, mais quand même, on est dans un cinéma, je profite pas vraiment. Je vais aux toilettes, je marche pas droit, c’est rigolo, mais ça va pas plus loin.
Le film est fini. Tant mieux. Je sors, direction la plage. Pas de musique sur les oreilles, rien. Juste le vent dans mes cheveux. Ma démarche est toujours approximative, je ne sais pas vraiment à quoi je pense, sinon que je tente de redécouvrir le monde.
Je suis sur la plage. J’apprécie énormément cette plage, immense, presque vide, sur laquelle le vent emporte des nuages de sable, qui forment une couche ocre et nébuleuse au-dessus de l’horizon.
Je marche. J’écoute mon corps. J’écoute mon esprit. De quoi j’ai envie? J’ai envie de courir les yeux fermés.
Je cours les yeux fermés. D’abord j’ai un peu peur, puis, quand je me risque à les ouvrir juste un peu, pour vérifier que ma route ne croise pas celle d’un poteau ou d’un promeneur, je me rends compte que je suis parfaitement seul. Sur des dizaines de mètres de chaque côté, et sur des centaines de mètres devant moi, l’immensité vide m’entoure.
Alors je cours. Je cours. Mes pieds volent. Je ne sens presque plus rien. Il n’y a presque rien dans ma tête.
Je m’arrête pour souffler, et continue à marcher les yeux fermés. Les pensées montent d’elles-mêmes. Je repense à la révélation que j’ai eu en fumant mon premier joint de cannabis. J’avais récité le Notre-Père dans une joie extatique. Voyons, qu’est-ce qu’il dit le Notre-Père?
“Que ta volonté soit faite, sur la Terre comme au Ciel.” Ca ça veut dire que dans l’univers matériel, les mêmes lois d’harmonie doivent régner, que dans l’univers spirituel, où habite Dieu. Très bien.
Et maintenant je repense à la première phrase de la Bible: “Au commencement Dieu créa les Cieux et la Terre.” Minute. Il est dans les cieux, mais il a créé à la fois les cieux et la terre? Dieu, architecte de sa propre maison? Grosse dissonance cognitive.
Je hurle “Scheiße!” -“Merde!”, en allemand. Je tombe sur mes genoux et me prends la tête dans les mains, écrasé par le poids de cette révélation.
Quelque chose de ouf s’est passé. Je viens de saisir un paradoxe (le premier de ma vie psychonautique?). Quelque chose qui se contredit sans être mal pour autant. Dieu vit dans les cieux, mais a créé les cieux...
Je reste un peu prostré (et j’ai toujours les yeux fermés). Puis, je me dis qu’il faut que je digère ça. Que faire? Garde les yeux fermés, Stylo. Il faut trouver un endroit où méditer tranquille. Les dunes sont pas loin. Un regard en coin - elles sont par là. Je me lève et marche en aveugle dans la direction approximative des dunes.
Voilà les dunes, le sol monte sous mes pieds. Je m’avance jusqu’à trouver à tâtons un endroit où je peux me poser. J’enlève mes chaussures, je m’assied en tailleur, toujours les yeux fermés, et je médite.
Impossible de dire ce qui me passe par la tête. Il n’y a pas grand-chose, sinon rien. Je suis très bien, posé, l’esprit agréablement vide. Cet état pourrait durer aussi longtemps que je veux. D’ailleurs, il dure, il dure. J’ai envie d’être un méditant bouddhiste, un illuminé qui se retire du monde matériel, détaché de ses problèmes. Et effectivement, je suis bien, je n’ai pas de problèmes. Je me débrouille pas mal pour les éviter soigneusement, je les refoule sans difficulté, après tout je me suis libéré de la fac, de ce que je ne voulais pas faire. Mon avenir est très flou et incertain, mais je n’y suis pas confronté - pas encore. A ce moment je suis emporté par des aspirations spirituelles indéterminées et radicalement coupées du quotidien.
Au bout d’une heure de contemplation, j’ouvre les yeux. La lumière a baissé, quelques promeneurs passent au loin... Je me lève, satisfait d’avoir réussi à méditer si longtemps sans ouvrir les yeux. J’enfile mes chaussures et me mets sur le chemin du retour.
Je m’en vais parler à des pêcheurs. C’est un gendre et son beau-père, qui pêchent ensemble contre vents et marées, et battent en retraite à mesure que l’eau monte. Pourquoi je vais leur parler comme ça? J’étais curieux. Je tient ça de mon propre père. Et puis, je suis désinhibé par le DXM. Je me remets en route.
Le monde est beau. La lune, derrière les nuages, brille d’une clarté inhabituelle. Tout se dévoile, comme si on enlevait un tissu qui recouvrait les choses. C’est très beau, décidément. C’est génial, avec le DXM tout devient intéressant!
En chemin je passe devant le cinéma. Ni une ni deux, je rentre, et génial, c’est la jolie caissière qui est là, celle que j’ai repérée il y a un moment déjà, et maintenant y’a rien qui m’empêche d’aller la voir. Personne aux alentours. Allez go.
- Salut, ça va?
- Ben, très bien, et toi?
Quelques banalités. Je suis complètement décalqué, impossible de m’en tenir à des mondanités. Alors je sors mon portable de ma poche pour joindre le geste à la parole:
- Alors, voilà, j’aimerai bien faire ta connaissance...
Et avec mon portable je fais comme si je voulais enregistrer son numéro de téléphone. La fille rougit comme pas permis (qu’est-ce qu’elle est mignonne!) et elle me dis “Ah, c’est gentil, je préfère éviter. Je sors d’une histoire compliquée...”.
Pas de souci. Les choses sont dites, j’aime quand les choses sont claires. Un peu de small talk, un sourire et au revoir mademoiselle! En sortant du cinéma je suis très content d’avoir pu lui dire ce que j’avais à dire, même si j’ai eu un non, ça a pu la flatter, et moi je me sens exister d’admettre que j’ai de l’intérêt pour elle. Bref, c’est tout bon.
Je ne me souviens plus du tout de ce que j’ai fait par la suite. Je suis forcément rentré chez moi, mais je ne me souviens de rien de plus. A cette époque mes descentes de DXM se faisaient sans histoire.
Cette prise de DXM est caractéristique de cette époque de ma vie: découvrir un maximum de choses du moment que c’est détaché de ma vie ordinaire, dont je ne voulais plus. C’était l’époque où je m’étais rasé le crâne après avoir quitté la fac, où j’avais décidé de déménager dans une autre ville, où je voulais devenir informaticien autodidacte... Autant de balbutiements qui sont maintenant de l’histoire ancienne.
Le gros bad de ma vie ne s’est pas encore pointé et je n’ai pas encore la moindre idée de la véritable puissance du DXM. Je ne laissait s’exprimer la molécule que très peu, je ne savais pas comment triper.