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Styloplume
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J’ai raté le train
Trip Report d’une grosse prise de DXM en forêt
accompagnée de jus de pamplemousse blanc
faite le 29 juin 2012
(le PDF est disponible en bas du post)
Trip Report d’une grosse prise de DXM en forêt
accompagnée de jus de pamplemousse blanc
faite le 29 juin 2012
(le PDF est disponible en bas du post)
L'enfant intérieur le voulait, alors je l’ai fait. Nous sommes allés dans la forêt pour triper. C’est que les derniers trips ont tous pointé dans ce sens : je veux aller seul dans la nature. Loin des hommes, loin du bruit, loin de l’agitation, seulement de la vie, et laisser se dissoudre mes peines dans le grand tout.
Mon projet, c’est la mort/renaissance, ni plus ni moins. Cette grosse mort psychédélique, qui m’a invité sous DXM, manqué de m’écraser sous MDMA, qui m’a menacé sous THC, que j’ai voulu approcher dans un trip à blanc, et qui se présente aussi sous la forme d’une grosse masse de pleurs. Cette mort, je veux passer au travers, me faire aspirer par le vortex, rentrer dans la fractale, me dissoudre dans le tout, faire un trip bien cliché, et puis ressusciter, méditer comme un freak aguerri, et atteindre l’illumination, pourquoi pas. (Tous ces objectifs ont été manqués)
D’ailleurs, ça fait un mois que je traverse une période de crise, principalement parce que je me suis promis (et à mes parents) d’être autonome financièrement pendant l’été, et que j’ai toujours pas trouvé (ni vraiment cherché) de travail. Grosse remise en question de ma place dans la société (ce qui explique peut-être l’arrivée de la Mort dans mes trips).
Et puis, il y a une autre affaire, bien plus personnelle, que je ne veux pas détailler ici. Ces derniers mois, je me suis pris en pleine poire un gros morceau de mon karma, je me suis laissé dépasser. La situation traînait, s’enlisait. Le jour d’avant le trip, sans l’avoir vraiment prévu, mais parce que l’occasion s’est présentée, j’ai fait exploser l’Ouroboros d’une manière désespérée et assez violente, ce qui a conduit à sûrement plein de souffrance chez plusieurs personnes, et aussi chez moi (mais je crois que je suis le mieux loti dans l’affaire). L’Ouroboros est mort (désolé Ouro, rien a voir avec toi).
Le jour d’avant le trip, aussi, je me suis motivé à déposer des CVs dans les bars de la ville, grâce à l’aide d’un pote qui m’a aidé à me motiver. Voilà qui me donne une meilleure image de moi-même.
Bref, setting blindé, mais set... hasardeux (pour ne pas dire mauvais).
Le départ
Réveil à 6 heures, en effet, le bus part à 7:30, je ne veux pas le rater, c’est le seul bus de la matinée. D’ordinaire, les gens vont de la campagne à la ville, le matin, et pas l’inverse. Je dois être le seul à partir dans la forêt, je crois.
Je suis assez confiant en ma journée, je note sur mon cahier :
6:45 Dans le tram, en route pour la gare. Cette journée s'annonce magnifique. J'ai mon imper au cas où il pleut, mais normalement tout va bien se passer.
J'ai commencé le jus de pamplemousse, ah là là quel goût.
Je ne me rends pas bien compte de ce que je vais faire aujourd'hui, comme de beaucoup de choses par ailleurs.
Ma vie part tellement dans tous les sens, c'est pas une mauvaise idée de la recentrer.
Et puis, tout devrais bien se passer. Mes nombreux trips à blanc m'ont montré une direction qui est forcément juste car elle m'intimide. J'entrevois toute la difficulté de l'entreprise.
Dans mon sac j’ai tout ce qu’il me faut. Le jus de pamplemousse, deux litres d’eau, le cahier, et heu, c’est tout. Pas de casque ni de lecteur MP3, il faut dire qu’on me les a volés il y a une semaine. Dur dur n’empêche. Ce trip serais quand même mieux passé avec de la musique. Mais sur le coup, je m’imagine que de la même manière que je peux méditer dans le silence, je pourrai triper sans psytrance. Je compte sur les bruits de la forêt pour accompagner mon trip.
Un petit incident qui montre dans quel état je suis et de quoi je suis capable :
7:15 En arrivant à l'arrêt de tram j'entends un gars en insulter d'autres. Des employés qui se chargent de vider un automate, et le gars leurs gueule dessus "Sales fils de pute, enculé de fascistes". Ça me met mal à l'aise, d'autant qu'il me semble connaître cette voix. Eh, mais c'est Momo! Le pauvre, il est dans un sale état. Je vais vers lui, lui dit salam alikum, et l'entraîne plus loin, histoire de le calmer un peu. Voilà la Loving Kindness qui fonctionne en dehors de mes trips! J'ai rencontré Momo une fois que je jouais de la guitare en ville, et on avais chanté ensemble. Et ben, je préfère l'entendre chanter qu'insulter les gens.
Une fois avec Momo sur un banc à l'écart, je peux parler avec lui tranquillement. Il a marre de tout, le pauvre. Bon, et qu'est-ce que tu as fait de ta nuit? Momo a fait la fête, il est sorti en boîte. Et maintenant je le sens crevé.
Je tâche de lui glisser des mots positifs du genre "Je sais que t'es un mec bien" et je pars prendre mon bus.
Voilà une application pratique de la Loving Kindness qui semble fonctionner. J’ai senti une certaine reconnaissance dans ce gars que je connais à peine mais à qui j’ai pu témoigner de l’amour.
Bref, tout s’annonce parfait pour le trip, n’est-ce pas ? Je mange deux pains au chocolats histoire de calmer une petite faim (ça a son importance).
Après une demi-heure de route, le bus s’arrête non loin de la forêt, je dois marcher un peu. Puis je me rends compte que la forêt indiqué sur la carte et que l’office de tourisme m’avais recommandé est en fait une forêt privée, dédiée à l’exploitation forestière, entourée d’une grande clôture en grillage, de plus de deux mètres de haut. Zut dis donc.
Je me décide à faire le tour, j’entre dans un bois interdit d’accès, par un endroit où il n’y a pas de clôture, je repasse par-dessus une clôture pour m’enfoncer davantage dans la forêt, et donc je m’imagine être arrivé dans un endroit autorisé. En réalité, pas du tout ! Je suis dans un coin de forêt parfaitement interdit au public, dédié au bûcheronnage. Les allées sont boueuses, parcourues par de grosses machines, vu les traces, et il n’y a aucun des signes qui signalent ordinairement les chemins, du genre « interdit aux chevaux », ou alors « Promenade des rivières ». Non, à la place de ça, il y a une espèce de trouée dans la forêt, qui a l’air destinée à accueillir une clôture de plus, des poteaux en attente d’être montés, bref, l’industrie. Mais moi je ne calcule rien, je me crois dans mon droit d’être ici, ça ne me dérangerai pas de croiser quelqu’un.
Je quitte la route pour rentrer dans les sous-bois, là où les arbres ne sont pas trop haut, où il y a assez de lumière pour les fougères. Je trouve un endroit et je me pose.
Arrivé en forêt
Il est huit heures et demie, le soleil monte lentement, au-dessus de la canopée le ciel est presque sans nuages. Une magnifique journée qui s’annonce. Parmi les fougères, je me suis trouvé un coin un peu à l’ombre. Le sol est tapissé de feuilles mortes, pas trop de bêbêtes pour me grimper dessus, juste quelques moustiques. Tout est parfait. Mais quelque part en moi il y a un inconfort qui monte. Bien sûr, c’est pour ça que je suis venu.
8:44 Je suis enfin dans la forêt, et je me suis promis de parler avec l'enfant intérieur avant de droper. C'est qu'il en a marre de mes conneries.
- Oui, j'en ai marre que tu prennes du DXM sans me prévenir, et qu'on se retrouve dans des états pareils sans que je sois prévenu ou quoi.
- Attends attends, coco, là je me fais du souci pour les moustiques.
- Ah, putain, lâche ton cahier et parle.
Ça, ça fait un moment qu’on m’engueule en me disant que je suis trop attaché à mon cahier, alors je décide de suivre le conseil. Il faut m’approprier la forêt. Alors je parle. On laisse tomber les moustiques, on apprends à se laisser aller. Et puis, la forêt, c’est nouveau. Je sais pas si je pourrai m’allonger très confortablement. Alors j’essaie. Avec mon imper sur le dos ça passe crème. Mais l’inconfort reste. Les questions restent ouvertes.
8:54 - Qu'est-ce qu'on fais de notre vie?
- Je sais pas. C'est ce qu'on veut savoir.
Bon, on décroche un peu, encore, on se met à l’aise. Je me lève et commence à chanter timidement Hare Krishna, mon mantra préféré quand je me promène en forêt et que je suis seul. Doucement le chant passe, et s’impose, et je me trouve une force à l’intérieur, qui fait que je fait la connexion entre le ventre et la tête, fait tout rentrer en vibration, et rama rama hare hare c’est pas si mal tout ça. Voilà qui promet.
9:14 Ça y est, j'ai chanté, l'enfant a causé un minimum, je sais ce que j'ai à faire. Je dois être reparti avant 18 h pour récupérer le bus.
Donc je drope maintenant. 600 mg, comme prévu.
En dropant les vingt pilules, je récite un autre mantra pour me donner du courage. Turn on, tune in, drop out, gloups gloups, à 9:25 tout est gobé.
Cache-cache dans les bois
9:45 Je m'émerveille du dessin fractal des fougères. Je suis entouré de vie ici. Les arbres, les fougères, les insectes... même les feuilles mortes témoignent de la vie et viennent nourrir le sol qui se renouvelle continuellement.
Je suis bien ici, mais je voudrais aller encore plus profondément dans la forêt, comme si je voulais fuir davantage le monde des hommes, pour rejoindre un endroit plus calme, plus propice à la solitude. Je récupère mes affaires et hop en route.
En chemin, j’entends de plus en plus distinctement des bruits de machines, de voitures. Des moteurs qui rugissent au loin, des voitures qui passent un peu plus près... et ça c’était une portière qui claquait ? Je ne vois personne, mais je veux être sûr d’être caché, que personne ne vienne me déranger. Je progresse dans les sous-bois, ici les arbres ne sont pas très grands, c’est un peu la jungle.
Il y a des trous, des bosses, d’ailleurs je m’arrête en chemin pour satisfaire un gros besoin naturel. C’est la communion avec la nature, bro. Et je continue mon chemin.
Ah ! J’entends une voiture ! Vite, à terre ! Je me cache dans un trou, tends l’oreille, attends que les bruits de voiture s’éloignent. Et je reprends ma route. C’est que je suis tombé sur une autre piste, alors je retourne vers l’espèce de clairière à fougères où j’étais avant.
10:00 Chier dans les bois. Ah putain ça fait du bien, y'a moins d'angoisse d'un coup.
Ah, ça m'amuse de jouer au cache-cache avec les bûcherons/chasseurs/gardes forestiers/garde-chasses, ils m'auront pas ces salauds.
Non, non, je ne fais pas de parano. Toouuuuuuut va bien. On s'en persuade.
Et je finis par me trouver l’endroit. Ça, c’est L’endroit. J’y suis. Je l’ai eu. Quelques fougères et plantes basses, beaucoup d’ombre, des arbres hauts alentours, bien abrité par des bosses et des buissons tout autour, ici je suis caché du reste du monde, dans mon endroit.
10:09 Je me suis posé à un endroit sympa, feuilles fougères et ombre. Je sens que ça monte doucement. Je n'ai plus peur des gardes avec qui je jouais à cache-cache, ici je suis bien.
Ça monte sec
Donc je suis posé, je suis bien, j’étale mon imper par terre, je peux me relaxer comme je veux, au-dessus de moi, rien que des feuilles, dans mes oreilles, rien que le bruit du vent dans les arbres (et quelques machines au loin, mais c’est pas grave).
Nous sommes à T+1, et là ça commence. Mon corps est intoxiqué par la montée fulgurante, je sens la grosse masse de pleurs qui se pointe, je tâche de me lever pour aller uriner avant de revenir, et une fois revenu couché par terre, c’est la crise, avec un gros bodyload, une nausée qui monte, ah, il va falloir vomir. Je me relève, c’est la crise, presque la mort, je m’éloigne, tente de vomir, et au moment où j’y parviens, j’ai l’impression de cracher mon âme par ma bouche, tellement ça me prends aux tripes. Les pains au chocolats ressortent, du moins en grosse partie, et tout de suite ça va mieux. Tout penaud, je demande pardon à un arbre, et l’arbre ne m’en veut pas. Allez, un câlin.
J’ai du vomi dans la bouche et dans le nez, mais je me mouche, crache, et depuis le temps que je prends de la drogue, je me suis habitué à triper avec un arrière-goût de vomi, ça ne me gêne pas plus que ça.
Retour à mon super imper méga-costaud qui me tient lieu de lit de camp. Il se passe plein de choses dans ma tête, ça cavale à fond, je m’entraîne à lâcher prise, à me laisser entraîner.
10:54 Posé, bien, je fais la part des choses, laisse mon quotidien se détacher de moi, dans la forêt on est bien. Rien de ce que j'écris en live ne rends bien compte du parcours que je vis intérieurement. Il faut décrocher.
Quelque chose avance, doucement. Je ne saurais dire quoi, c’est en plein dans le flou du DXM.
11:02 Faille temporelle faut croire.
Couché par terre. Je ressasse les histoires du quotidien, et me dit que j'ai agit, au fond, pour mon bien. Il y a beaucoup de souffrance dans mon quotidien. (rapport à l’Ouroboros détruit la veille)
Je me touche, c'est bon, c'est malsain, c'est quelque chose
11:13 (mais c'est chiant de regarder l'heure, ça casse le trip)
Là, ouais, je fais confiance, je comprends que je peux faire confiance
Tout ça a l’air de partir dans le bon sens... mais en fait j’ai raté le train. Une petite digression pour voir pourquoi le trip n’a en fait pas été celui que j’attendais.
Pourquoi je suis passé à côté de la dose
Eh oui, j’ai raté le train, Je me suis fait dépassé par le trip. Imaginez un nageur qui veut monter dans un bateau. Quand le bateau est à l’arrêt, il peut prendre le temps qu’il veut pour monter dedans. Puis, le bateau commence à accélérer, et là il faut vraiment nager vite, si on n’est pas assez près, pour le rattraper et partir dedans. Et si on n’est pas assez rapide ou pas assez près, on le rate. Et ben, moi, je l’ai raté.
Quelque part, j’ai perdu de vue les seuls chemins que j’ai appris à pratiquer, j’ai voulu me laisser emporter, et ça n’a pas pris, ou plutôt, pas vraiment. Difficile à décrire. Il s’est passé des choses, j’ai pris des notes, mais quelque part, je n’ai pas retrouvé les pistes que je connaissais, le vortex, la mort, tout ça, pfuit que dalle. Parce que pas de musique ? Mmmh. Surtout, je n’ai pas parlé avec l’enfant intérieur aussi bien qu’il aurais fallu (j’ai compris ça bien après, après la descente).
Les pistes que je connais, c’est :
Loving Kindness : mettre de l’amour dans les images
Enfant intérieur : converser avec moi-même en me mentant le moins possible
Et ce que j’ai voulu utiliser, c’est ce que j’ai trouvé lors de mes derniers trips à blanc :
Triper avec le corps : Me laisser partir dans des spasmes et convulsions
Faire le vide : Méditer en tâchant de ne rien faire, de laisser les choses être.
Or, ces nouvelles pistes, je ne m’en suis encore jamais servi sous DXM. Mon dernier trip, à 600 mg + pamplemousse, avait été une succession de plans de secours, de dialogues avec l’enfant intérieur, et d’introspection en mode dissocié, musique + cache sur les yeux. Loving Kindness et enfant intérieur, et ça m’a mené en face du vortex cosmique de la cinquième dimension. C’est dans ce vortex que je comptais retournais, sans me douter qu’il allait falloir refaire tout le chemin.
Bref, pas de musique, pas de conversation avec l’enfant intérieur, résultat, un plateau bizarre, avec certes des choses, mais rien de bien transcendantal.
Retour au trip. J’avoue que je suis un peu paumé pour reconstituer ce qui s’est passé pendant le plateau, tout se mélange, j’ai fait quatre tentatives de méditations, plusieurs phases de spasmes, eu quelques révélations, tout ça dans un ordre peut-être connu (j’ai marqué les heures sur le cahier), mais je vais lâcher l’ordre chronologique pour mieux détailler les souvenirs marquants.
Devenir cheyenne
Allongé sur mon imper, je me laisse bercer par une musique qui vient de mon propre esprit. En forêt, éloigné de la civilisation, quoi d’autre que quelque chose de tribal ? Et voilà Pow Wow qui se ramène dans ma tête, tout seul.
Ce chant de guerre
Qui monte sur la ville
Comme une prière
À la lune qui brille
Rappelle à ceux
Qui dorment derrière des grilles
Qu’on peut toujours
Même si c’est pas facile
Devenir Cheyenne
Combattre quand même
Devenir Cheyenne
Regagner les plaines
Qui monte sur la ville
Comme une prière
À la lune qui brille
Rappelle à ceux
Qui dorment derrière des grilles
Qu’on peut toujours
Même si c’est pas facile
Devenir Cheyenne
Combattre quand même
Devenir Cheyenne
Regagner les plaines
Allez savoir pourquoi, ce truc me correspond énormément. Je me sens appartenir à ce genre d’occidental renégat qui fait sa vie chez les commanches comme dans Danse avec les Loups. Enjoy paganism, qu’il disait, Sok. Et ben là, j’y suis. Le vent souffle dans les arbres, si je me tourne sur ma couche, les fougères me caressent le nez, tout est parfait.
Méditations : peut mieux faire
À plusieurs reprises (4 en tout), je me suis posé le cul sur une bosse, pour croiser mes jambes en demi-lotus, et hop fermer les yeux. Je vais résumer ce qui s’est passé, dans l’ensemble.
Posé à laisser venir, je remarque d’abord que je n’ai presque aucun visuel yeux fermés. Quelques idées qui passent par là, mais décidément le DXM c’est pas visuel, surtout dans un début de trip. Ai-je bien pris le pamplemousse ? Je n’ai absolument aucune image, seulement la grosse tache rouge de la lumière qui passe par mes paupières. Je suis clairement dans un état modifié de conscience, je ne pense à rien, mais heu... c’est vraiment ça ?
Et puis je me laisse remplir par les bruits qui m’entourent. Le vent dans les arbres, les moteurs... À un moment donné, je serais prêt à jurer que quelqu’un a posé du Shpongle sur des enceintes à quelques dizaines de mètres sur ma gauche. C’est assez ouf comme les sons ont une teinte robotisée. Ouf mais pas très amusant. J’essaie de me fondre dedans mais ça ne donne pas grand-chose.
Au bout d’un temps (la première méditation), je m’aperçois que j’ai honte d’être moi. Voilà le genre de conclusion que j’ai beaucoup de mal à travailler, parce que je suis complètement coupé des affects. Aucune émotion ne pointe. En sortant d’une méditation, j’essaie de pleurer, mais ça ne passe pas. Ça n’est pas aussi simple...
Dans mon projet de méditation je suis obnubilé par le projet de trouver la porte étroite dont parle Jésus dans son sermon sur la montagne :
Entrez par la porte étroite ; car large est la porte, et spacieuse la voie qui conduit à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent ;
car étroite est la porte, et resserrée la voie qui conduit à la vie, et il en est peu qui la trouvent !
Matthieu 7:13
Cette porte étroite, j’espère la trouver. Mais hélas, je ne la trouve pas.
Méditation le retour. Cette fois, je vois quelque chose. Simple. Je vois un mur. Guère amusant, un mur. C’est peut-être le mur des lamentations, ou the Wall des Pink Floyd, ou plus sûrement les deux à la fois. C’est mon mur. J’ai le sentiment fort net de faire quelque chose pas comme il faut. En effet, le mur, c’est The Wall, la dissociation des affects, un aspect de la schizophrénie. C’est un effet du DXM, mais pas que. Pas cool. Comment lutter ? Je ne sais pas.
La troisième tentative pour méditer ne donne rien.
La quatrième méditation a lieu, après la révélation « je fait partie de la forêt », et, oh miracle, plus je reste impassible, et plus le mur recule, et dévoile quelques paysages. En admettant que le mur soit le Mur des Lamentations de Jérusalem, j’ai l’impression qu’on me dévoile la Jérusalem céleste, celle où il n’y a pas de soldats israéliens qui contrôlent l’identité des musulmans palestiniens, mais où tout est Paix, Harmonie, et ainsi de suite on a compris.
Je lâche la méditation à ce moment, ce qui est sûrement con, mais la révélation sur l’incarnation prends toute la place.
La révélation des spasmes : m’incarner
Cette révélation s’est fait graduellement, depuis « Devenir Cheyenne », où j’avais commencé à rentrer dans les convulsions, au travers des méditations.
Après tout, je suis venu dans la forêt pour avoir une totale liberté de mouvement, coupé du monde, pour pouvoir rentrer dans les délires qui me plaisent.
Ainsi, je pars dans les spasmes qui m’avaient tant impressionnés lors de mon gros trip à blanc sur le terrain de golf, et en fait, ces spasmes, qui me contorsionnent, me font me rouler en boule, me déplier de tout mon long, me contractent le dos, m’écarquillent les yeux, et bien, ces spasmes ne me bloquent pas, au contraire, ils se transforment en des mouvements animaux. Et je suis une bête sauvage, qui marche à quatre pattes au milieu des fougères, et je fais communion avec la nature, et wow c’est freaky quand même. Et en même temps, ah, ça fait du bien.
Voilà un trip bien corporel. Ça se fait en plusieurs fois, et ça débouche sur diverses révélations. « Devenir un animal – je fais partie de la forêt – y’a qu’ici que je suis bien » jusqu’à tomber sur LA conclusion du trip : m’incarner.
14:35 Bon, j'y vois clair. Ça fait 5 heures depuis la prise, le DXM retombe, mais le délire chamanique bat son plein. Pour être honnête je m'éclate, j'ai l'impression d'avoir trouvé ma vraie nature. Le trip corporel prends du sens. Je suis en train de m'incarner en fait! J'ai eu aucun voyage astral ou quoi, et pour cause, mon destin pour le moment c'est de M'INCARNER.
Ça y est, j'ai trouvé ce que je dois faire. Je dois m'incarner. Et la forêt, pour ça, c'est excellent.
En me branchant sur cette révélation, je retombe sur plein de trucs très sensés à propos de ma vie. J’avais fait un trip à blanc avec une thérapeute qui fait une sorte de chamanisme à base de chant, et j’étais tombé sur cette conclusion : m’incarner. Rentrer dans mon corps. Trouver plus de présence. D’ailleurs, l’enfant intérieur se manifeste par les traits de mon amie Anja (encore elle), qui me dit, de sa petite voix allemande bien décidée : « Tu pars pas d’ici, tu restes là ». Ah, oui, d’accord, ok. C’est noté.
Ah, ça fait du bien. Je suis allongé, dans la forêt, à regarder les feuilles des arbres (malgré cette saloperie de vision DXM), et je songe à une chose : rentrer dans mon corps. Voilà un projet qui s’annonce passionnant. Mon corps je l’aime. Il est grand, mince, et je ne lui donne sans doute pas assez d’exercice ou de bonne nourriture, mais je l’aime, quoi. J’en ai pas d’autre, et je veux le garder pour un bout de temps encore.
Et, en réalité, le DXM m’en éloigne plus qu’autre chose, de ce corps. Si je veux m’incarner, je doute que la drogue m’aide beaucoup.
Le retour en bus
Après cette révélation, j’ai passé une heure ou deux à faire je sais pas quoi. Je suis resté, je me suis ennuyé, j’en ai eu de plus en plus marre de rester au même endroit, et je suis parti (pas trop de difficultés à marcher). En chemin, je n’ai rencontré aucune âme qui vive. Une fois repassé au-dessus de la grosse barrière en grillage, je comprends que j’étais tout ce temps dans une forêt privée. Muhahaha, je suis un criminel. Je retourne à la route en passant à travers champs.
Arrivé à l’arrêt de bus, j’ai encore une demi-heure à attendre. Je me pose sur un coin d’herbe (nous sommes en rase campagne, ici il n’y a qu’une maison de retraite et un CFA). Juste avant de monter dans le bus, celui qui l’attends avec moi tient une conversation au téléphone. Ah, la vache, je suis vraiment passé à côté de la dose, parce que j’ai l’impression de ne plus triper, mais il a une voix d’androïde, l’aspect bien robotisé du DXM. C’est la première personne que je rencontre depuis que j’ai quitté le bus ce matin, et wow, quand je suis dans le bus, il faut que j’affronte un véhicule bondé, dans la chaleur, en descente de DXM. Le défi.
16:56 Dans le bus. Je suis pas très fier de ce trip au DXM. La révélation est bien, mais... pas de musique, c'est sûrement ça.
Le bus c'est un peu l'épreuve.
17:18 En fait cette descente est une épreuve. Des filles dans le bus ont mis de la musique sur un smartphone, je voudrais uriner, bref, c'est plus du tout la forêt.
Ceci dit, l'image de la forêt me donne de la force. Si je respire, ça passe. Aha, et si je ferme les yeux, j'ai des images qui correspondent. Hihi, la prochaine fois pas sans musique.
Passage sur le campus
Ben oui, je m’en rends pas compte mais je suis encore supra-défoncé par le DXM. Seulement, je connais deux modes de trip sous DXM : à fond, ou à côté de la dose. Et là, pendant toute la journée j’ai tripé à côté de la dose. 600 mg, c’était bien trop pour la forêt. Je le savais, mais je me suis bien menti à moi-même. Avec 300 mg j’aurais été très bien, j’aurais eu les mêmes délires, et j’aurai pu mieux assumer le trip, le rendant sûrement plus intéressant et plein.
Bref, pendant toute la descente, le but du jeu est de toujours ramener le char dans le droit chemin. En effet, même si je ne me sens pas défoncé corporellement (un coup du pamplemousse, ça fait bizarre), j’ai en fait tout plein de pensées qui viennent, et si je fais pas gaffe elles partent vraiment des des directions... ouch. Je vous raconte pas ce à quoi j’ai pensé, c’est vraiment pas net.
De passage sur la fac, je m’allonge sous un arbre, le vent souffle dans son feuillage, et hop-là me revoilà dans la forêt magique. Ah, ça fait du bien. J’ai une révélation toute conne : je crois en Dieu. Allez, on met ça et on balaie tout le reste. Sortons des toutes les questions psychonautiques de recherche de la grande fractale, et admettons la réponse finale : Dieu est là. C’est pas plus mal, et en tout cas c’est plus simple que de prendre du DXM. Maintenant le vent souffle dans les branchages, et moi je tripe comme il faut.
Tiens, j’appelle Anja pour échanger quelques nouvelles, et au passage, innocemment, lui demander « Au fait, pourquoi Dieu nous aime ? » Et dans ses réponses je comprends qu’Anja crois en Dieu, et qu’il ne tient qu’à moi d’y croire aussi. Je choisis ça, de toutes façon je me suis déjà rendu à l’évidence il y a un bon moment.
Je reste sous l’arbre, et puis ça devient space, genre les branches de l’arbres sont ses bras et il veut me tuer, oulàààà bonjour la parano, hop là je rentre.
Une descente difficile
Une fois rentré chez moi, pfiouuu je suis crevé, et en plus je suis à nouveau en mode à côté de la dose. En caleçon sur mon lit, je me prostre dans diverses postures, à respirer, sans parvenir à trouver la paix. Rien à faire, je reste loin de moi. Je ne trouve pas la porte étroite, habitué que je suis à me mentir à moi même.
La remontée de DXM, méditation réussie
Et puis, à T+12, je me décide à retenter la méditation, c’est que j’en ai marre de ressembler au héros de The Wall, tout seul en slip chez lui à ne rien penser.
Niveau condition, c’est pas idéal. Toujours pas de musique, en plus, en résidence universitaire, il y a un peu de bruit, du genre des voix dans le couloirs. Je suis loin de la forêt. Oui, mais il y a urgence.
Les images qui me passent par la tête sont assez pourries. Ah, zut, par exemple, voilà un alien dont la tête boutonneuse dépasse d’une mini-soucoupe volante genre trottinette, qui n’arrive presque pas à se détacher du sol. Allez, on repasse en mode Loving Kindness. Mais oui, tu es un bel alien. L’image se transforme : voilà maintenant un sympathique alien de BD, qui conduit une soucoupe volante qui file dans les airs. Ouais ! Et allez, on peut encore faire mieux que ça ! Loving Kindness on en remet une couche. Et cette fois, c’est l’alien de Roswell qui débarque dans un vaisseau spatial rutilant, avec plein d’étoiles derrière. Il est super cool, comme sur une pochette de goa, il porte des lunettes de soleil, et affiche un sourire méga-cool du genre « Ça va les mecs ? Ça tripe bien ? ». Ouais, ouais, ça tripe, allez, envoie la musique, mec !
Et l’alien dit OK, et frotte ses platines, et envoie du son, ah, mais du son ! Bziouuuuu bziouuuuuuu le synthé cosmique déraille complètement, voilà du son que je n’ai pas entendu depuis longtemps, ça me rappelle méchamment le LSD. Rha le kif complet, continue, gars, balance ! Et l’alien de tripoter ses machines, et voilà un beat de parti, et ça va faire plaisir à Schtroumpfette, je crois bien que c’est de l’Acid House, et ça remplit mes petites noreilles mentales complètement, le genre de son qu’il faut écouter sous acide une fois dans sa vie pour comprendre pourquoi les raves existent.
Et bing, les hallus qui se ramènent sur la musique. Les triangles qui s’articulent les uns aux autres, qui sortent du crâne d’un tripeur, pour grandir au-dessus de sa tête, avec dans l’un d’entre eux le visage de bouddha ou de Shiva, au choix.
Ça continue, je me cale sur un synthé qui envoie un riff bien répétitif, et sur ce riff se construit la vision d’un festoche, et tout le monde danse vers la scène, et sur la scène il y a un trône, et les couleurs font flic floc, et se cristallisent pour former un squelette assis sur le trône, et le squelette multicolore se lève et me pointe du doigt, et voilà la Mort en fin de compte.
Là ça devient barré et dur à suivre, parce que d’une j’ai peur, de deux, c’est dur de ce concentrer pour faire tenir les hallus (faut garder l’alien DJ en tête sinon le son s’arrête), et en plus je crois pas qu’une descente de DXM soit le meilleur moment pour affronter la Mort. Et pendant que je pense ça, le squelette est en train d’enfiler une armure qui le fait ressembler à un méca samouraï, le trip énorme je vous dit. Il pointe du doigt vers l’un des danseurs, qui est en fait mon enfant intérieur, qui doit mourir. Heu. Bon, je décroche, je reviendrai plus tard, promis.
Je suis satisfait d’avoir pu triper comme un barbare, mais en même temps j’ai un peu la haine que ça se fasse à T+12, quoi. En fait je crois qu’à 600 mg en plein plateau j’étais trop dévissé pour pouvoir ne serait-ce que penser à me servir de la Loving Kindness. À T+12, par contre, mes facultés intellectuelles étaient revenues. Le jour où j’arriverai à triper à 600 mg ça va chier grave.
Dodo et lendemain
La remontée de DXM a duré vingt minutes au plus, et de toute la soirée c’est le seul moment où je suis connecté avec le DXM. Le reste c’est pourri, à côté de la dose. À 22:00 je suis au lit. Une fois couché lumières éteintes j’arrive à peu près à me caler comme il faut, je suis bien, à l’aise, confortable, quelques visuels résiduels dessinent des fresques au plafond, bref tout va bien.
Réveillé à 0:35, je me demande bien pourquoi. Je fais une vidange et hop dodo jusqu’à 7:30.
Autour de 8:00, grosse conversation où je renoue enfin le contact avec l’enfant intérieur, ah, oui, pendant tout le trip on était séparés. Pfff, il faut vraiment que je laisse tomber toutes ces conneries de mort/renaissance pour me concentrer sur l’enfant, parce que quand avec lui ça va, tout va.
À mesure que la journée passe, le DXM s’en va, la dissociation aussi, et le fait d’écrire le TR permet de structurer ma pensée sur l’expérience. J’ai mis des mots sur les choses, maintenant je peux retourner au quotidien. Pendant un temps le matin je songe à retourner en forêt pour faire un trip à blanc histoire de clôturer celui d’hier, rectifier le tir, parler avec l’enfant, tout ça. Et puis, en fait, je rentre chez papa-maman le soir même et je compte rédiger le TR, donc non.
Le bilan du trip
Et voilà : j’ai raté le train. J’ai pas été assez rapide pour monter en route. Je comptais me servir de ce trip pour réparer quelques trucs de mon quotidien, les comprendre, y changer quelque chose. Et en fait, un truc de sûr, c’est que c’est à moi de faire tout le travail. Et à 600 mg, faut suivre.
Voilà, c’est aussi simple que ça : trop grose dose, j’ai raté le coche. C’est là que le DXM est fort différent du LSD avec moi. Le LSD, à forte dose, m’a pris par la main, m’a submergé, écrasé et j’ai été confronté à moi-même, obligé de faire le travail d’introspection, reconstruction, etc. Le DXM, par contre, c’est à moi de le suivre, de courir en même temps que lui pour monter en route, sinon il part loin devant et je reste là comme un con sur le quai de la gare, complètement désorienté.
Bon, le trip est pas complètement stérile. J’ai profité de la forêt de toutes façons, j’ai entrepris quelque chose, et ça, l’enfant le sait. De plus, ça fait un truc de fait, qui n’est plus à faire. Une carte de jouée, en somme.
Comment triper alors ?
Un truc est sûr : le DXM en soi ne sert à rien. Voilà une vérité indécrottable pour moi.
Un autre truc est sûr : il est possible de prendre le train en route, DXM ou non. Aujourd’hui, trois jours après le trip, conversation avec mon amie psy au téléphone, et un chose est claire : je me mens à moi-même la plupart du temps. Comment faire autrement pour vivre, là où mes défauts devraient me submerger ? Alors je me voile la face, je m’invente tout un tas de raisons, et cherche tout un tas de mauvaises solutions.
Aujourd’hui, gros gros blocage dans les discussions avec moi-même, au sujet de l’ouroboros brisé de la semaine dernière, une grosse masse de culpabilité me poursuit. Ça me saoûle ça m’énerve ah merde merde merde, je tourne en rond, j’arrive à rien, je parviens pas à parler avec cet enfant intérieur. Jusqu’à ce que j’admette cette vérité : je suis imparfait, et je me mens à moi-même pour me le cacher.
Alors, qu’est-ce que j’ai fait ? Et ben, comme un con, j’ai joint les mains et j’ai demandé à Dieu de me pardonner pour tout le tort que j’ai fait aux autres, et que j'ai fait parce que j’étais désespéré et que je voyais pas d’autre solution. Et voilà, Dieu, je suis pas parfait, je suis désolé. Et ça a fait tellement du bien de dire ça que j’en ai pleuré. Et après ces quelques larmes, tout allait beaucoup mieux. Voilà comment je veux triper, les copains. Pas besoin de DXM, juste besoin de Dieu.
Bon, ça m’empêchera pas de continuer le DXM, et l’acide au Hadra c’est toujours prévu.