Quoi de neuf ?

Bienvenue sur Psychonaut.fr !

En vous enregistrant, vous pourrez discuter de psychotropes, écrire vos meilleurs trip-reports et mieux connaitre la communauté

Je m'inscris!

Des Kétapoulpes à la déroute.

Psilosophia

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
1 Fev 2012
Messages
1 658
Des Kétapoulpes à la déroute.


Bon et bien voilà, je claque mon premier TR rien que pour vous, je prends mon courage à deux mains, j'envoie bouler au loin ma procrastination et je me lance dans l'exercice de la transmission.
Transmettre, transposer, faire le tri des idées. Quel putain de cheminement j'ai dû faire pour en venir jusqu'ici et oser poser les mots surtout ça, ce ne fut pas sans peine.
Je ne m'attarderai pas plus et je vais donc contextualiser mon début d'histoire.

Samedi 1er Septembre 2012, week-end du bien connu festival Trance situé à Lans-en-Vercors. Après plus ou moins deux jours à s'être débattu dans le froid d'altitude, l'humidité et les violents kicks qui se perdaient dans la vallée du Vercors, nous capitulons et décidons de rentrer à la maison.
Nous sommes au nombre de trois à revenir sur Lyon :

-Alys : C'est mon trésor, celle qui partage ma viedepuis un peu plus de cinq ans. Je l'aime à en crever et renverserai le cycle astral entier pour ses yeux. C'est peu vous dire, mais c'est comme ça que je pourrai décrire succinctement le lien qui m'unit à cette personne. Elle est remplie d'amour pour ce qui l'entoure, avec un brin de folie non négligeable et un caractère bien trempée.

-Alabren : Mon pote d'aventure depuis quelques mois,limite un siamois vous voyez. Compagnon du tout et du rien, il est inscrit enmoi et je suis sûr qu'on a encore un bon bout de route à tracer ensemble.
-Moi-même, Psilo. Je ne vais pas me lancer dans une auto-description, ça me fatigue d'avance.

Une rapide douche, et tout te revient dans la gueule :chaleur, confort, et volupté.
C'est le moment de faire le point sur nos activités de ce soir ; il doit être à peu près 20 heures et on a de l'énergie à plus savoir quoi en foutre. Alys est partante pour une soirée posée à l'appartement,le festoche dans le froid l'a épuisée et je la comprend. Elle s'affaire en cuisine pour se préparer son petit casse-croûte avant d'aller se poser dans le lit.
Mais Alabren et moi-même, on veut notre revanche. Revanche sur le froid, revanche sur la montagne qui nous a jetés comme des malpropres,et enfin une revanche sur le manque de courage dont on a fait preuve sur place.A nous la vie, à nous l'énergie du partage et du retour !
Et voilà que repart le putain de galop de la Psytrance, dans notre salon cette fois. Début de la revanche, on explose le caisson du home-cinema installé dans l'appartement avec un mix de Mental Broadcast. Elle est là, la puissance presque divine, la voix qui te transcende jusqu'à briser ton essence... On l'aime, on vit avec ce battement primaire et originel qui fait partie de notre amour pour le monde..

Petit point sur les produits exotiques ramenés du festival.Un gramme de Kétamine chopé à un mec paumé aux environs d'un camion. Et un demi-gramme de MD, pas mauvaise, mais pas de quoi péter une patte à un canard.
Pour moi ce soir, c'est Kétamine. Je me suis pété le crâne à la MD hier, je vais pas continuer sur la lancée, ça a tendance à me faire trop de mal.
Pour Alabren, lui c'est rebelote pour ce soir, il joue le dur, il se remet de la MD.
Quant à Alys, un combo couette/film, certes beaucoup plus sain que le chemin que l'on s'apprête à emprunter.
Il veut de l'énergie et de l'empathie ; moi je veux du bizarre et de l'incertain.

J'envoie un sms à une amie, je la veux à nos côtés ce soir.Elle arrive environ une petite heure après mon sms. Entre temps j'ai pu tâté un trait de K ; l'entrée avant le plat le chaud, la brise avant la tempête.
J'entame maintenant un petit interlude, histoire de vous présenter la nouvelle arrivante qui s'apprête à débarquer dans la soirée.
Solvej : Une fille que je connais depuis peu, qui verse dans l'ultra-sociabilité et l'amour universel. Liberté, c'est son credo, sa recherche constante dans ses actes quotidiens. Une solidité hors-norme au vu du milieu dans lequel elle évolue et duquel elle a su s'affranchir avec brio. Une de mes plus belles rencontres de l'année, cela va sans dire.
La voilà parmi nous, énergique et enjouée de nous voir revenir du grand froid.




Début des hostilités

La grande équipe est au complet, le début de l'aventure se précise. On lui raconte notre vécu sur ces deux jours,on rit de notre condition et de notre retour. La grande débâcle quoi.
Ma chienne, la bien-nommée Anthéa,est toute folle de nous voir réuni pour la soirée. Si elle pouvait rire à pleins poumons, je suis persuadé qu'elle s'en donnerai à cœur joie.
Alabren gobe son premier para ; pendant ce temps là, moi je fais le point sur mon affreux mal de dents causé par le trip à la MD hier.Enfoirés d'empathogènes qui s'échinent à me ruiner la mâchoire à chaque fois que je tape dedans. Rien que d'y repenser, j'en ai la gerbe.
Solvej nous fait comprendre qu’elle ne veut pas de MD ce soir, avec un léger soupçon de dégoût dans les yeux. Cette substance tombe par kilos sur le milieu de la fête et ça semble l'agacer prodigieusement. Elle est du genre à ne pas vouloir faire comme tout le monde, peu importe le prix à payer.
« La MD, il y en a de partout... »
Je la vois par contre zieuter le pochtar de K ; je lui explique rapidement ce que c'est. Elle n'en a jamais pris, mais semble intéressée par le côté anesthésique de la chose. Je la préviens que ça va sûrement être un ressenti très bizarre, très lointain de ce qu'elle a pu déjà essayer.

Elle ne bronche pas.

Je lui demande si elle a déjà mis une substance quelconque au fond de son nez. Elle me répond que non. Là je commence à flipper un peu.J'aime pas me poser en tant qu'initiateur, ça fait vraiment gourou et je n’aime pas ça... Je tais rapidement ces pensées, et espère simplement qu'elle va bien vivre ce moment.
Je ne sais pas vous, mais moi je me souviens encore du premier truc que j'me suis foutu dans l'pif. De la K aussi, étrange coïncidence. J'veux juste que ça se passe bien pour elle, donc je laisse rien paraître.

« Jeune fille, tu t'apprêtes à dépuceler ton museau pour la première fois ce soir. Rien ne sera plus pareil ! »

Voilà le genre de pensées loufoques qui me traversaient l'esprit pendant que je préparais les traces de K. Deux petites traînées floconneuse blanches comme neige ; voilà nos billets pour l'espace.
Je lui explique rapidement comment procéder, et lui tiens ses cheveux pendant qu'elle tire, histoire qu’elle ne s’en foute pas de partout.
A mon tour ; je me délecte d'avance de l'effet« Kiss Cool » de la Kéta.
La vague de froid s'apprête à s'échouer sur nous, le coup de pied dans le cul direction ailleurs.


« C'est l'hiver qui frappe à notre porte... »
L'engourdissement nous attrape alors qu'on se lève pour revenir au salon. Putain, c'est comme ça en fait la K ? Ca faisait quelques mois que je n’avais pas eu le plaisir de m'adonner à cette pratique ; jusqu'à en oublier presque ses mécanismes retors et sa dimension aléatoire.
Je me sens comme un bête poisson dans un aquarium, les lignes droites se profilent en courbes... Tout me porte à croire que je regarde l'appartement à travers une surface de verre sphérique.

Chacun de mes déplacements est un flottement à travers un univers vibrant sur une fréquence haute et arborant des couleurs froides.Paradoxalement mon corps est lourd et mes membres dégoulinent un peu partout autour de moi.

Première révélation, qu'on partage avec Solvej :« Nous sommes des poulpes ! »
On se marre, on se pose avec Alabren et ma belle Alys sur le canapé. Le contact du canapé semble me liquéfier sur la surface du cuir. Drôle,froid et bizarre.
Pas de doute c'est de la Kétamine.
Solvej semble s'amuser de la découverte de son nouveau corps set tente d'apprivoiser la confusion quantique qui s'est emparé du monde.
Alys nous regarde nous éparpiller un peu partout dans la pièce, sûrement d'un œil amusé pendant qu'Alabren montre les prémices de sa première montée d'amphétamine, qui s'annonce dantesque.
On sentirait presque son aura de chaleur qui viendrait transgresser les règles de l'univers induit par la K.


« Mes amis, allumons un grand feu »
Alabren répond alors à un besoin pressant ; il y a pas de doute, poser sa crotte en montée de MD c'est de l'or en barre pour le cerveau.
Débordant d'empathie il veut même qu'on l'accompagne jusque sur le seuil de la porte des toilettes. Sur le moment, ça nous paraît tellement normal, qu'on s'empresse de monter avec lui aux toilettes
.
Avec Solvej on s'écroule comme de loques sur un matelas posé face aux toilettes, et on attend qu'Alabren fasse son affaire. Putain la physique se joue de moi et je sens les points cardinaux qui s'affolent. Je me lève et titube jusqu'à ma chambre, ballotté comme un marin sur le pont d'un trois-mâts en pleine tempête.
J'y trouve Alys, allongé sous la couette, en pleine phase avec la chaleur environnante. On s'enlace, elle me voit un peu à l'ouest et fait preuve de beaucoup de douceur à mon égard. Je lui dis qu'on va sûrement sortir prendre l'air dans la soirée, qu'on tardera peut-être pas à bouger.
Elle m'embrasse et me dit de passer une bonne soirée. Elle va sûrement s'endormir dans pas longtemps, je le vois à sa petite moue fatiguée.Je l'aime, elle aussi. Je m'en vais le cœur en paix.

Les deux zigotoxicos sont redescendu, me laissant tout le loisir d'explorer les méandres illogiques de l'escalier pour venir les rejoindre.

Un pote à nous se joint d'ici peu à nous, je vous le présente pour plus de clarté.

Raw : Le plus grand pacifiste du monde qui exècre toute forme de violence. Il se scandalise de tout et garde un œil cynique et enjoué sur toute situation. Amateur de gigahertz, PvP, HdV, RpG et tous autres acronymes barbares qui ornent le monde du jeux-vidéo. Un Geek avec un grand cœur, en somme.
Se perdre dans la logique, défier l'impossible quantique.
Et voilà que mes sens s'enroulent entre eux en nœuds imprévisibles et inconcevables. C'est un Tout brouillon qui s'offre à moi et jeme jette à travers à corps perdu. Le grand saut, au creux de la spirale.

Le lointain devient proche.

La physique perd son sens, se charge d'une dimension irréelle.

Le paradoxe ainsi mis au grand jour, me frappe par sa dualité.

« L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui
veutfaire l'ange fait la bête » (BlaisePascal, « Pensées » 358)



Un rire dans la nuit

La dissociation se calme quelque peu, je reprends mes esprits progressivement et récupère contact avec la réalité.

Raw se ramène pile au bon moment,accueil chaleureux, on est tous heureux de le voir bouger ses fesses de toxigeek jusqu'à nous.
On parle, on s'indigne, on rit jaune, on se rassure. L'amitié dans ses beaux moments quoi.
La soirée bat son plein, on a la pêche, Alabren est posé sur le canapé en cuir comme un chat, à bloc d'amour chimique. Je saurai plus vraiment la musique qui tournait à ce moment-là ;j'me rappelle juste d'un court passage sur de la musique foraine, à mi-chemin entre du ska et de l'electro-swing. Le flou me rattrape un peu sur ce moment de notre aventure, le temps semble s'échapper de façon anarchique et je perds un peu mes repères.


Le pochon se retrouve à nouveau hors du frigo, on remet le doigt dans l'engrenage et on se repaye un tour de manège. Solvej est de la partie, et Raw veut goûter mais une petite quantité, juste histoire de se faire une idée. Peut-être qu'Alabren en a pris aussi à ce moment-là, je me souviens pas tellement.

Tout recommence pour nous. En fixant le bout de ma paille qui trace son chemin, je m'apprête à nouveau à perdre tout sens commun.


La dose est un peu plus forte, je le sens toute suite. L'environnement est de moins en moins présent autour de moi et semble pixelliser. Je me sens sur un putain de seuil, comme si je marchais en équilibre sur le bord d'un immense building. A droite, le vide, à gauche le salut.

Je suis une vulgaire poupée de chiffon, ballottée dans d'incroyables méandres dont je ne pouvais soupçonner l'existence avant d'avoir mis ça au fond de mon nez. Un microcosme dans lequel la linéarité du temps se déforme en spirale, où la mort englobe la vie sans que la tristesses'en mêle et où les piliers fondateurs qui vous soutiennent s'effritent comme de la craie.

Je me lève de ma chaise, le parquet est comme pris du roulis des vagues. Même impression qu'un peu plus tôt dans la soirée. Manque plus que les embruns et les chants de galériens pour achever de me plonger définitivement dans l'écume mousseuse de l'océan.

Solvej rigole comme une folle, je la vois agiter ses bras et se délecter de ses sensations nouvelles.
Raw rentre dans une douce euphorie,il se sent flotter et ça à l'air de lui plaire vraiment.

Bon là c'est le flou totale jusqu'à ce qu'on décolle de l'appartement pour aller se promener dehors. Mes quelques souvenirs sont extrêmement vagues et semblent relever plus de l'onirisme que du contenu psychique véritable.

Malgré la confusion ambiante,j'arrive à me retrouver sur le seuil de la porte, notre groupe au complet bien décidé à affronter l'extérieur dans la bonne humeur.
Alabren gobe un deuxième para avant de se mettre en marche, Raw met sa capuche et nous voilà partis sur la route,destination nulle part !

On entame l'ascension de la colline de la Croix Rousse, tout en souplesse et en douceur. Le sol se dérobe un peu sous mes pieds et semble constitué d'une mousse onctueuse à laquelle j'adhère parfaitement. Les premiers escaliers sont un vrai régal à franchir, mes jambes sont presque automatisées et Solvej, Raw et moi n'éprouvons aucune difficulté à franchir la côte.
Alabren galère un peu ;concilier MDMA et effort physique brusque c'est moins agréable que de monter un grand escalier sous Kétamine. Mais ce n'est que mon point de vue.

Finalement, on arrive à se trouver un objectif pour meubler notre sortie au beau milieu de la nuit. Il doit être à peu de choses près deux heures ou trois heures du matin et il y a pas un chat dehors.

Juste un froid silencieux, trois Poulpes dissociés et un Bisounours débordant d'empathie, qui je dois l'avouer est un peu en décalage avec nous ce soir. Mais bon, on l'aime et c'est ça qui compte.

On se met en tête qu'il nous fallait un pétard pour que la soirée soit belle.

Le pétard, c'est un peu le truc standard par chez nous.

Que ce soit accompagné d'un Pastis(petit clin d’œil à Solvej quand elle lira le récit), d'une Jenlain (là le clind'œil est pour Alabren), d'un bon film et d'une couette (cette fois ci c'est pour ma douce Alys) ou d'un gros 5v5 de la mort qui tue sur League of Legends(et pour finir, ça c'est pour Raw).

Solvej nous indique qu'elle a de quoi nous sustenter chez elle, c'est à dire à une vingtaine de minutes de là où nous étions. Inutile de le nier, sa proposition fit succès et nous donna une direction à emprunter, un objectif à rallier, bref se sentir malgré tout un peusur Terre.

C'est justement dans ces moments où je reprends un simili-contact avec l'extérieur que naît cet immense sentiment de décalage entre Moi et ce qui m'entoure. Moi et mes concepts, mes joies, mes peurs ; moi et le monde tel qu'il tourne ; moi et les autres, moi et mon idée du passé et de l'avenir.
Toutes ces belles choses qui me constituent, totalement indépendantes de mon bon vouloir et qui finissent par se briser en mille quand je prends de la Kétamine.

Je l'entendrai presque susurrer des mots à mon encontre, cette garce.
Ces quelques mots me semblent bien inoffensifs pour décrire l'ouragan dans lequel m'emmène cette substance ;je suis bien piètre conteur et je laisse soin aux connaisseurs d'essayer de se reconnaître dans ce que je relate.



Notre fine équipe arpente les rues,on euphorise ce qu'il nous arrive, se promener dans le froid à cette heure-ci est comme inscrit dans notre génome. On prend plaisir à faire de l'incongru et à jongler avec nos normes. Ah putain elle est bonne cette K, toute enveloppante dans sa douceur, et profondément déstabilisante lorsqu'elle nous traîne dans les recoins les plus profonds de notre onirisme personnel.

Les effets s'estompent très vite,trop vite. Le vrai revient, dans toute sa banalité.

Elle est banale ta vie ?

La vie comme un conte, se jouant comme une pièce de théâtre et se finissant de façon aussi brusque qu'une fable.Ici, c'est toi le Corbeau ou le Renard, t'es un vrai symbole à toi tout seul.

Eh mec, t'en a pas marre des trips égocentriques à la Kéta ? Tu t'es vu, sur ton trône, sur ta montagne, même plus apte à te prendre en main tellement t'en as pris, croyant tenir le monde entier entre tes doigts ? Il est temps de revenir bien gentiment de tes cieux...
L'illusion fut comique, le temps d'une demi-heure jusqu'à ce que ton utopie s'écroulât comme un château de cartes.

D'un marionnettiste tu n'en as plus l'air, abandonne ficelles et pantins, la Grande Mascarade se termine là où tuas cru qu'elle débutait. Renaît de tes cendres, que la réalité t'enlace et te tire des nimbes dans lequel tu étais plongé.

Je reprends enfin un peu de lucidité le long du chemin tandis qu'on avance d'un rythme lent mais assuré. Solvej et moi, on se désarticule en marchant, malgré notre bonne volonté. Putain qu'est-ce qu'on se marre quand même. C'est comme si plus rien n'existait autour de nous. Quatre pèlerins dans une bulle, quatre rires entremêlés, et notre foi inébranlable.



Un entracte hors du temps


Nous voilà arrivés devant chez Solvej, et elle nous dit que le joint qu'on s'apprête à aller chercher appartient à sa mère. Ça me fait rire d'avance de jouer les cambrioleurs Kétaminés.
On rentre donc par le petit portail de derrière qui mène au jardin.

Des arbres centenaires se dressent autour de nous, des herbes folles courent sous nos pas ; et voilà que s'en va l'âme de la ville pour laisser place au règne végétal.
On fait le point et décidons avec Solvej de n'y aller que tous les deux, laissant Raw et Alabren en pâture à je-ne-sais quelles bestioles nocturnes qui pourraient traîner dans le coin. Alabren pose ses fesses à côté de la piscine, son deuxième para semble faire effet ; il savoure son rush complètement, et Raw reste à côté de lui.

On se dirige avec Solvej dans la maison, soit dit en passant absolument immense ; je suis son ombre qui se faufile sur le chemin qui mène jusqu'au seuil de la porte d'entrée. Le noir est presque étouffant, et sa silhouette est mon seul guide à ce moment-là.
Une fois la porte franchie, nous montons un escalier à l'aveuglette (enfin je suis le seul à avancer à tatillons;elle ça fait peut-être quinze ans qu'elle connaît le chemin sur le bout des doigts) qui débouche sur une pièce, elle aussi sans lumière. Je l'entends me dire:

« Attend-moi ici, je vais chercher ça dans la chambre. Bouge pas trop, il y a un chien aveugle dans le coin »

Et je la sens disparaître dans une des pièces voisines, celle face à moi.

Se passent alors peut-être cinq minutes qui m'ont paru une heure, pendant lesquelles je suis resté immobile dans le noir complet, en retournant dans tous les sens le fait qu'un chien aveugle et sûrement paranoïaque traînait non loin de moi. Je fis donc le silence, à l'affût du moindre bruit que je pouvais déceler aux alentours. La vieille maison en bois semblait murmurer tout autour de moi ;canalisations grinçantes et parquets bavards se donnaient en spectacle, comme pour me faire patienter.

Je sens un mouvement juste en face de moi et voit Solvej revenir vers moi en position furtive et se glisse dans la pièce à ma droite, je la suis et me retrouve dans une pièce que je devine tout de suite être sa chambre.

Murs rouges il me semble, recouvert de dessins en tout genre, de flyers que je ne vous détaillerai pas ici. Mais en tout cas, il y a de quoi s'occuper les yeux c'est indéniable. Ambiance cotonneuse et doucereuse, la chambre semble avoir une âme qui respire fort sous les plinthes.
Solvej tient une boîte en bois entre ses mains, objet du larcin et de notre expédition nocturne. Elle s’attelle immédiatement au roulage du pétard tout en me racontant des anecdotes sur sa maison et sa famille.

Et pour la première fois je sens chez elle une faiblesse, ou du moins une faille ; un truc brinquebalant quoi. Sur le moment ça me trouble, je suis comme frappé par une mélancolie ambiante qui s'installe.


L'automne chassa l'été, et bis repetita.

Une impression de déjà-vu s'empare de mes entrailles, je suis troublé par ce que je suis en train de vivre mais je le vis comme un moment unique et bienheureux. Un instant presque hors du temps,incongru et fugace. Nous deux, presque emmurés dans cette grande maison à l'ambiance particulièrement chargée, un cube qui échapperait à l'emprise des saisons qui se déroulent lentement.

Je sors le pochon de ma poche droite et m'apprête à préparer deux autres traces de K, sûrement les dernières de la soirée. Hop hop hop, le pétard est roulé, les lignes sont tracées avec succès et je me délecte encore une fois du goût de la substance, comme on le ferait d'un bon vin ou d'une truffe fraîche sortie de terre.

On déboule l'escalier rapidement mais toujours dans le silence le plus total afin de redescendre dans le jardin.Je me retrouve sans trop savoir pourquoi dehors, sur le palier et « La Machine à Brouillard » m'emporte à nouveau, avec encore plus de fougue quelles dernières.

J'entends ma voix intérieure résonner en moi comme si ce n'était pas la mienne, ce qu'elle raconte n'a strictement aucun sens et le bordel mental crée s'empare de tout mon être physique. Mes jambes ne répondent plus, mon système nerveux est remonté comme un vulgaire jouet à clé et tout le jardin se distancie clairement. Je me dirige jusqu'à la poubelle dans l'idée de jeter les pailles qu'on a utilisées, les jambes complètement huileuses. L'horizon tangue, des lignes tentaculaires se tendent vers le ciel et se rejoignent dans un même point.
Le ciel défile à grande vitesse et l'atmosphère entière semble se jouer de notre planète. Je suis l'aiguille dans la botte de foin, la bouteille de verre dans les limbes océaniques ; aucune chance de résister à l'ouragan qui se déchaîne dans mon esprit.

Je peine sérieusement à reconnaître où je suis, la confusion est absolument sublime. Mon corps n'est plus, je me faufile sans vergogne entre tous les états de la matière. La voix de Solvej me fait revenir plus ou moins, elle m'appelle pour que je me pose sur le palier de la baraque avec elle.
Je ne me fais pas prier pour m'asseoir et me laisse aller contre le mur de la porte d'entrée, Solvej à mes côtés. Étourdi, évaporé et balotté une fois encore.

Ma vue grésille et se fait vibrante,les distances me paraissent alors complètements absurdes. Tantôt je situe le ciel comme un vieux plafond sous les combles qui rejoint le sol par endroit,tantôt il semble s’éloigner à une vitesse vertigineuse pour échapper à mon raisonnement.


Le ciel m’est tombé sur le haut du crâne et s’est enfui sitôt fait.
Je me sens comme sur une étendue de cire, en mouvement constant. Est-ce le sol qui comme par capillarité, monte le long de mon être ? Est-ce moi qui me répands par terre tel une vieille flaque d’huile ? Des questions,encore des questions qui résonnent dans la large caverne de mon esprit et demeurent sans réponses.

Solvej me parle, me sortant de ma trêve dissociative. Elle me cause de choses qui me paraissent à la fois lointaines par leur dimension cartésienne, et tellement proches de moi parce que touchant à ses émotions. Le cul entre deux chaises, le doute.
Ce moment semble s’étirer dans le temps de manière infinie, tant de choses se sont passés en moi que je ne saurai plus vous les décrire, et m’incline avec respect devant la toute-puissance d’un produit qui encore une fois m’a dépassé.
Mais je commence à comprendre que c’est l’apanage des dissociatifs. Se perdre soi-même, franchir le miroir de la raison, faire face à l’infinité mais aussi à taper sur les limites de notre condition en tant qu’être pensant.

Fin de l’entracte, Acte final


On se lève pour aller rejoindre Rawet Alabren, rompant alors cette bizarrerie temporelle.
Mon corps répond toujours de façon étrange, mes laissant croire de nouveau que mes jambes ont été remplacées par des appendices visqueux. Je tente tant bien que mal d’adapter mes mouvements à ma nouvelle physionomie.

Les deux zozos sont posés par terre,Alabren à les traits sculptés par la MD et semble avoir supporté sa deuxième montée avec un plaisir immense. Raw veille sur lui, accompagné de sa patience légendaire.

Le bédo roulé en poche, on sort du grand parc pour se retrouver dans la rue. On décide de se diriger vers un jardin public voisin, nommé élégamment « Parc des pédés » ce qui,tout le monde le sait, est totalement infondé. Ne me demandez donc pas l’origine de l’appellation, on ne peut plus croustillante de cet endroit. On passe donc au-dessus des barrières du parc et on va se poser comme à notre habitude sous ce grand conifère et ses branches rasant le sol.
Premières bouffées sur le joint, un bon goût plastifié caractéristique de la résine de qualité médiocre m’envahit.Mais bon, le geste est là, on se le fait tourner. Un cône dans un parc, c’est tout un symbole pour moi à ce moment-là.

Je reviens doucement à moi, le monde se fait plus vrai, et les remparts du réel reprennent possession du décor et de mes pensées. Je profite d’un afterglow agréable, pendant qu’on bavasse de tout et de rien.
Raw finit par rentrer, non très loin de chez lui, en compagnie d’Alabren et de Solvej. On se dit au revoir, qu’on s’est bien marrés quand même. Jeunesse se fait à merveille en tout cas, je vous en remercie.

J’ai un petit quart d’heure de marche pour rentrer jusqu’à chez moi, où j’ai tout le loisir de gamberger surtout ce que j’ai vécu ce soir, pendant que d’autres trancent comme des dingues,tapent du pied et du cœur sur les rolling-bass, défiant le froid sur le plateau du Vercors. Une partie de moi regrette de ne pas avoir eu le courage de rester là-bas, mais une autre partie se charge de me faire sentir à ma place ici.
Une fois arrivé à bon port, je viens me blottir contre ma belle Alys, endormi depuis quelques heures déjà.

La fin de cette histoire respire l’amour à plein nez et la simplicité d’une vie menée en apprenant à déguster chaque seconde comme s’il s’agissait d’un nectar précieux. Chambouler quelque fois ses principes et son égo, émietter notre prisme et tout recoller ensemble. Un p’tit bout par ici, un autre par-là, raccommoder les morceaux avec minutie. Je ne trouverai pas de conclusion à toute cette masturbation mentale. Ce serait risible en plus d’être abrupte.

Je vis encore dans les rémanences de ce trip, et sons sens m’échappe dès que je m’en rapproche. Se sentir humble et impuissant, tout petit face à quelque chose qui nous dépasse.



Si vraiment vous avez eu le courage de venir à bout de ces lignes, je vous en remercie de tout coeur. Bisous les loulous
 

Sludge

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
17 Sept 2011
Messages
16 405
Raaah, magnifique TR, je suis content d'avoir été jusqu'au bout. C'est ce que j'appelle savoir user des drogues. :)
J'adore ta plume. Mais tu devrais te relire, il y a quelques coquilles. Un des meilleurs TR que j'ai pu lire en tout cas, j'ai vraiment envie de tester la Kétamine en intérieur, dans un endroit sécurisant.
 

Cleminou

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
21 Mai 2012
Messages
1 298
J'aime :smoke:

Et dire que mon coloc a oublié de ramener de la K lors de sa dernière teuf :'(
 

Psilosophia

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
1 Fev 2012
Messages
1 658
Sludge a dit:
Raaah, magnifique TR, je suis content d'avoir été jusqu'au bout. C'est ce que j'appelle savoir user des drogues. :)
J'adore ta plume. Mais tu devrais te relire, il y a quelques coquilles. Un des meilleurs TR que j'ai pu lire en tout cas, j'ai vraiment envie de tester la Kétamine en intérieur, dans un endroit sécurisant.

Ouaip c'est en copiant collant le texte, l'éditeur a bugué et m'a supprimé plein d'espace. J'ai passé 15 minutes à me retaper le TR pour les choper, mais il en reste d'autre. Merci, en tout cas, pour tes compliments.
 

Jester12

Elfe Mécanique
Inscrit
14 Fev 2013
Messages
496
Génial! :)

J'ai jamais testé la K à proprement dit (une seule fois et c'était en combo avec de la MD...), mais ce TR me donne un sacré avant gout! Même si je ne sais pas trop si la dissociation est faite pour moi, je pense un jour testé dans les mêmes conditions que toi. Ma petite carrière de drogué m'a toujours fait pencher pour des perches en petit comité, donc ton TR m'a donné l'eau à la bouche! Et que dire de ton style... nikel!
 

GuyGeorge

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
28 Avr 2008
Messages
7 454
Pareil j'ai grave kiffé, a part que j'ai encore plus envie de pécho dla ké^^ Tu épuise l'expérience dans ses moindres subtilités, franchement bravo!

Merci une bonne lecture :)
 

Psilosophia

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
1 Fev 2012
Messages
1 658
Bon et bien ravi de vous mettre l'eau à la bouche, même que lorsqu'il s'agit de K, le défi s'avère bien trop aisé!
 

Neuronal

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
21 Août 2011
Messages
1 385
J'ai kiffé l'empathie et l'amour qui se dégagent du TR en écoutant ça en même temps (merci Sludge de m'avoir passé le lien ;))
de 19:40 jusqu'à la fin (en boucle :grin:)

[video=youtube;8zwTEKY4meE]
 

Gamida

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
18 Avr 2012
Messages
2 165
Psilosophia, en plus d'avoir du style, le contenu transpire d'une approche et de l'expérience de l'authentique, qui m'a réconforté qu'un être vivant accède avec humilité, également à cette félicité ;o)

Merci boy ;o)

J'ai bien vibré à l'unisson avec ce passage (parmi d'autres de la même veine ;o) ).

Psilosophia a dit:
C'est justement dans ces moments où je reprends un simili-contact avec l'extérieur que naît cet immense sentiment de décalage entre Moi et ce qui m'entoure. Moi et mes concepts, mes joies, mes peurs ; moi et le monde tel qu'il tourne ; moi et les autres, moi et mon idée du passé et de l'avenir.
Toutes ces belles choses qui me constituent, totalement indépendantes de mon bon vouloir et qui finissent par se briser en mille quand je prends de la Kétamine.

Edit : (pendant l'écoute du lien musical de Neuronal)

Merci Neuronal et donc Sludgy,
j'écoute Hentéogenic et je reconnais que c'est d'une large inspiration qui m'émeut très agréablement.
Sludgy reste pour moi une bonne référence dans la découverte de musiques qui me correspondent ;o)
 

Psilosophia

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
1 Fev 2012
Messages
1 658
Merci Gamida, ton amour se diffuse dans les ondes du monde 2.0.
 

Nabsbil

Glandeuse pinéale
Inscrit
16 Fev 2013
Messages
108
Je n en reviens pas de ce que je viens de vivre en lisant ce TR.. Très impressionnant , le choix des mots, la plume tout tout tout était parfait!! Quel plaisir de t'avoir lu, tout était bien cadré.. Comme c'est une molécule que je connais très bien (mon péché mignon), j ai pu visualisé tout le tr en ressentant les effets et par à-coups je me projetai dans le TR. J ai pu le vivre!!
Bravo et merci pour ce récit.
 

Zgl0R

Neurotransmetteur
Inscrit
12 Nov 2012
Messages
82
Très très bon TR, j'adore cette petite pointe de poésie à chaque ligne.

Ça doit être sympa de faire une soirée avec vous ! :D
 

Jampearl

Elfe Mécanique
Inscrit
8 Juin 2012
Messages
424
Super TR, très bien écrit !
Prenez un hippie et un gramme de ké, mélangez et ca donne ca ahah C'est fou que tu te souviennes si bien de toutes tes sensations après plusieurs mois !

Si tu penses vraiment à tout ces trucs quand t'es sous K c'est sur que tes trips doivent être follement givrés ! Tu as beaucoup de vocabulaire et comme les mots ont plusieurs sens dans ces cas là, dans ta tête ca doit être une belle soupe d'idée. J'ai remarqué, et je ne sais pas si tu partages mon avis, mais j'avais la nette impression quand j'en prenais, qu'il est possible de modeler son trip sous ké. C'est ca qui m'a fait bavé sur cette drogue. Dans ton cas, ca part beaucoup trop loin pour moi petite nature que je suis, tu la fais te décentrer et recentrer à la manière d'un pur psychédélique, en gros je trouve que tu réfléchis trop ! Mais peut être est elle là la bonne utilisation de la k, du moins la moins dangereuse. Moins risqué que de l'utiliser comme un vulgaire anesthésiant du corps et de l'esprit.
En fait Karine ne te montre pas grd chose d'intéressant si tu ne lui demande pas, elle sait très ben amadouer les gens en ne montrant qu'un seul côté de sa personnalité alors que le reste est encore meilleur.

"C'est justement dans ces moments où je reprends un simili-contact avec l'extérieur que naît cet immense sentiment de décalage entre Moi et ce qui m'entoure. Moi et mes concepts, mes joies, mes peurs ; moi et le monde tel qu'il tourne ; moi et les autres, moi et mon idée du passé et de l'avenir.
Toutes ces belles choses qui me constituent, totalement indépendantes de mon bon vouloir et qui finissent par se briser en mille quand je prends de la Kétamine."

Ca par contre j'adore ! Et c'est plutôt du genre a te tomber dessus sans rien avoir demandé : Putain mais je suis ou là ? A babelouède ? Et comment je suis arrivé ? Je sais pas mais je suis là pour faire la fête on dirais ? Mais JE suis qui déjà ? Tain mais, c'est ta chambre ca ? Depuis quand ? 1 ans ! Pas possible ...
Ahah j'aime cette déconnexion de la réalité qui parfois arrive même à me faire prendre des bonnes décisions une fois redscendue. Malheureusement c'était plutôt rare :)
 

Lesbos

Elfe Mécanique
Inscrit
3 Juil 2012
Messages
326
Le TR de Psilosophia, enfin !
On pourra dire que tu as ménagé ton effet ; et le contenu en est sûrement encore plus délectable. Non seulement c'est bien écrit, mais c'est bien pensé, bien vécu : un trip très riche, pour un report vraiment bien foutu.

Ca donne ceci dit en effet envie de tracer. Vile et fourbe catin.

Encore des TR, encore !
 

Le-Père-Chè

Holofractale de l'hypervérité
Inscrit
19 Mai 2012
Messages
2 054
Petit bijoux ton TR. :finger:
 

Gorkha

Alpiniste Kundalini
Inscrit
7 Jan 2013
Messages
620
Super Tr.
La K comme je l'aime :).
T'es de Lyon ?
Ah mais va falloir qu'on se capte !.
 
Haut