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11/04/2025 : 3-Me-PCPy n°1 (+ 5-MeO-DMT)
Les gobelins rêvent-ils de moutons hypomaniaques ?
Set & setting : ça fait genre 8 mois que j’ai pas eu une journée seul chez moi sans responsabilités. Donc tout naturellement j’en profite pour tester un nouveau disso, parce que tous mes dissos préférés sont illégaux et que j’aimerais bien tâter de la génération actuelle avant le Grand Bannissement, pour savoir lesquels sont dignes d’être préservés dans le Coffre des Secrets. La malepeste soit des Moldus et de leur inquisition, mais ma lignée doit pouvoir poursuivre l’étude des arts interdits - car telle est ma volonté.
Pour une fois j’ai bien dormi. Psychologiquement ça va, ce qui ne me permettra pas de tester avec certitude l’effet antidépresseur, même si c’est clairement un des trucs que je cherche chez un disso.
Je vise une dose faible-moyenne, et prévois d’agrémenter la descente de 5-MeO-DMT vapé par-dessus, parce que j’aime bien le combo avec les dissos (même si celui avec le 3-MeO-PCP vapé avait été un peu décevant). Ce sera plus safe que de redroper, ce qui allongerait le trip au-delà de l’heure de retour des enfants, et je n’aime guère l’idée de doser une substance inconnue en état déjà dans un état de jugement altéré, surtout avec cette molécule qui semble présenter des risques d’hypomanie et de forts risques d’illusion de sobriété.
drop 10mg nasal 11h25 (pesé 25mg et dissouts à 100mg/mL dans de l’eau tiède)
T+0:00 : ça pique mais pas amer
T+0:05 : on sent la montée
T+0:10 : en fait c’est un peu amer
T+0:40 : illusion de sobriété presque parfaite. Euphorie qui ne semble pas artificielle puisque précisément je ne me sens pas trippé. Juste cette sensation dans la gencive supérieure. Insoutenable légèreté de l’être. Après un peu de yoga, je danse sur Corpo-Mente et c’est exactement ce qu’il me faut. Pas de tensions musculaires, bien au contraire - tout craque bien, juste. Possibilité de danser en polyrythme, très satisfaisaisant [sic], chaque membre est autonome. Pas de membre fantôme cependant. Très léger mal de crâne, mais esprit clair, éveillé, vif, pas vraiment excité cependant. Agripper la musique, pétrir la plante de mes pieds avec le sol, façonner le son et le soi. Donne un peu envie de définir un plan d’action en x points comme sous 3-MeO-PCP (mais moins net). Je suppose que ça pourrait faire un bon antidépresseur à action immédiate, mais les risques associés sont probablement élevés.
T+1:10 : le pic semble passé, impression d’être totalement redescendu, envie de redrop. Cependant la conscience du fait que ce n’est pas une très bonne idée suffit à me retenir, le craving n’est pas irrépressible, ça semble juste être “pas si grave”, franchement ce serait agréable, pourquoi pas après tout ? Bah, parce qu’il faut que je sois certain d’être redescendu dans genre 5 heures, et aussi parce que si je redroppe une fois il est bien possible que la désinhibition me fasse redroper encore et encore, voire surdoser la 5-MeO-DMT en combo. Donc non. Pourtant c’est doux, trop doux, et c’est ça qui est traître. Je m’attendais à essayer de battre mon record de [dinguerie aussi dingue que pas dangereuse], mais c’est plus insidieux.
T+2:00 : j’ai zoné sur peu sur internet après la fin de l’album, essentiellement de la géopolitique, du techno-scepticisme et de la méta-éthique. Profiter du silence avant de lancer le Sacre du Printemps (Stefan Goldmann Edit) sous 5-MeO-DMT. Je me sens toujours très léger mais sinon j’aurais l’impression d’être clean. Micro-migraine quand même si je me focalise dessus. Je vais boire un verre d’eau - hahaha, je sautille comme un putain de gobelin facétieux, non, je suis certainement pas clean, c’est même impressionant de voir à quel point j’ai crû l’être ! C’est subtil mais c’est. Gros potentiel en souterrain, probablement, genre catacourse de crabwalk avec la frontale en mode stroboscope (peut-être encore davantage que le 3-MeO-PCP car plus récréatif), avec tous les dangers associés, et tout particulièrement le fun intrinsèque du danger. Belle sensation à la fois d’apaisement intérieur, d’euphorie douce qui ne demande qu’à jaillir, et (pour une dose aussi faible) de désinhibition massive qui peut faire faire de belles grosses conneries, peut-être pas tant par oubli des risques que par décision assumée de les prendre. Ce n’est pas le désir immoral de transgression qui prédomine, juste l’amorale indifférence envers la limite tout en la percevant très bien ; et cela s’applique aussi bien à l’éthique qu’aux potentielles lésions physiques. J’ai bien fait de rester très prudent dans mon yoga et de prévoir de ne pas redroper ! (et, étant trippé, je me dis évidemment aussi : ou alors tu es d’une prudence excessive et inutile).
[Ainsi finissent les notes prises pendant le trip]
T+2:45 : 5-MeO-DMT, vaporisée au lit à dose faible (eyeballed comme d’habitude, j’inspire et arrête de chauffer dès que j’aperçois de la fumée, 4 prises de T+2:45 à T+4:00)
1ère prise un peu faiblarde, mais ça passe clairement bien, mieux que sous 3-MeO-PCP ou que sans combo. Il est marrant, Stravinsky, parce qu’il cause de rite païen dans la forêt mais que ça n’a rien de tribal ni d’organique, bien au contraire : tout est très savant et très calibré. D’ailleurs c’était scandaleusement révolutionnaire à l’époque mais c’est finalement “classique” - et même classiste. Rien de plus fragile sous le ciel que les constructions sociales, et c’est pour cette même et unique raison que certains les idolâtrent alors que d’autres les haïssent.
2ème prise un peu plus grosse. La sensation de ma peau contre la couette est assez délicieuse, une intense sérénité m’envahit. Relâchement complet, léger flottement même : c’est assez similaire à ma 5-MeO-DMT sous 15mg de MXE. Légers visuels yeux fermés, comme au fusain et au lavis d’encre noire, avec parfois des détails à l’acrylique blanche par-dessus. Un Bouddha médite sur un petit îlot au milieu d’un lac dans une grotte. J’ai l’intuition-doute que ça signifie quelque chose, un genre de bouddhisto-manichéo-gnosticisme, puis ça passe.
L’esthétique japonisante me rappelle qu’on a toujours une manière particulière de tendre vers l’universel. Une manière européenne, une manière asiatique (les deux conjuguées au pluriel, évidemment). On ne se dépouille pas des mêmes choses, ni de la même façon. On a pas les mêmes universels ou en tout cas jamais tout à fait. Chaque universalisme, après tout, est un particularisme. Le zen n’est pas le minimalisme, et la K-pop n’est ni l’un ni l’autre, sans parler de la messe catholique.
À deux doigts de passer de la masturbation intellectuelle à la manuelle. La partie mécanique semble fonctionnelle (contrairement à ce que le profil sérotoninergique aurait pu laisser penser), mais l’envie n’y est pas vraiment, donc bof.
3ème prise légère, juste pour faire durer un peu. J’aurais pu aller jouer de la harpe mais flemme de la ré-accorder. Alors à la place je profite de Bandcamp. Et dire que, avant, juste écouter un concert comme ça m’aurait fait ma journée ou plutôt ma semaine. En fait, ça aurait même été l’événement du mois, voire de l’année, je pense ; de ma vie, peut-être, si ça avait été il y a un siècle. À la place on peut consommer ça dans son lit pour moins cher qu’un bol de soupe, par la résurrection nécromantique des échos mp3.
La 4ème et dernière a la même sensation désagréable-semianxieuse que j’expérimente pas loin d’une fois sur deux, mais à laquelle j’avais échappé aujourd’hui.
J’ai mis An imaginary country de Tim Hecker juste avant la 4e prise. Le TIMBRE, le timbre putain, tout est là-dedans. Franchement son jeu sur les timbres passe comme une lettre à la poste, je recommande. On sent qu’il a bossé ses enveloppes et qu’aucun facteur n’est laissé au hasard. Ça peut probablement s’écouter avec le cerveau, mais là je savoure le fait de l’écouter uniquement avec les oreilles, et avec le corps. Ce n’est pas que, malgré leur très basse fréquence de réponse, mes écouteurs me fassent physiquement vibrer avec les basses, mais certains timbres m’ont toujours produit des sensations internes plus ou moins intenses, et là-dessus il est très fort ce con. Not sure if synesthésie dans mon cerveau or just mon corps qui réagit somatiquement et fait donc remonter des sensations. Est-ce qu’il y a de vraies sensations, de toute façon ? Est-ce qu’il y a de vraies émotions ? Ça supposerait qu’il y en ait de fausses. Souvenir d’un dialogue avec Uriel, probablement sous terre et sous cannabinoïdes : “Faut pas se faire de fausses illusions, hein.
- Ça existe, de vraies illusions ? avais-je demandé.
- On appelle ça la réalité”.
Il disait ça, évidemment, dans le sens de Philp K. Dick, où la réalité, c’est ce qui ne s’en va pas quand on cesse d’y croire. Bref : à creuser un jour, mais là balek.
Je refais le portrait socio-psychologique de toutes les personnes (bon, pas toutes, mais un paquet) que j’ai croisées dans mon parcours politique. Exercice que j’avais plus ou moins pratiqué, mais pas pour tout le monde et pas avec cette attention et ce bagage. [...]
Divagations puis ellipse en forme de constat : c’est marrant, j’ai pas l’impression d’avoir vu beaucoup de philosophie pratique à gauche. Peut-être pas lu les bons auteurs ? Ca s’explique probablement très facilement par l’intérêt porté au collectif, aux structures de pouvoir, à la déconstruction, etc, mais d’un autre côté la révolution est quand même toujours faite par des gens. On a toujours une vie à mener, des choix à faire, des pensées et sentiments qui nous arrivent dessus, mais autant j’ai vu des gens à gauche écrire dessus, autant j’ai pas le souvenir d’avoir vu des philosophes de gauche en dire quelque chose. Et évidemment que quelqu’un qui écrit un bouquin va pas nous donner la solution sur ce qu’on doit faire-dire-penser-ressentir, mais ça reste un sujet de réflexion et de discussion potentiellement fertile, je sais pas.
Je me souviens de la moue dubitative de mecs de la Coopération Intégrale du Haut-Berry (je savais pas que ça s’appellait comme ça moi, mais ça claque, gg) quand j’expliquais que pour moi trouver le bonheur dans la contrainte c’est pas incompatible avec la lutte, au contraire. Qu’on peut trouver le bonheur dans la contrainte en luttant contre la contrainte injuste, et que ce bonheur ne désarme pas forcément la lutte mais à mon avis la renforce, parce qu’on lutte mieux quand on est pas trop miné par la dépression. Et qu’on peut trouver le bonheur dans la lutte non pas dans le sens où on aurait besoin de cette lutte pour être heureux (et où on se garderait donc que cette lutte devienne inutile un jour en atteignant son but), mais dans le sens où on est heureux parce qu’on sait que cette lutte elle-même deviendra obsolète une fois son but atteint, qu’on a envie qu’elle devienne obsolète. On est heureux dans la lutte parce qu’on participe à essayer de rendre la lutte obsolète. On est heureux dans la contrainte injuste parce qu’on oeuvre à la supprimer. Heureux d’avoir vu la contrainte, de l’avoir sentie comme contrainte, de l’avoir proclamée injuste, d’avoir décidé d’agir contre elle dans la mesure de notre possible, de voir que d’autres aussi agissent dans la mesure de leur possible, et d’essayer ensemble d’élargir la mesure de nos possibles.
D’ailleurs je me demandais, comment on devient de gauche (c’est pour un ami) ? A part la voie royale qui est le master de socio, s’entend.
Je réfléchis au potentiel addictif de la 3-Me-PCPy. Probablement que ça poserait un vrai problème pour un usage comme antidépresseur. Mais du coup je pense à l’addiction. Addiction à internet, au sport, au sucre, à la bouffe, au sexe, à l’amour, à l’attention d’autrui, aux relations sociales ? Et la cataddiction, on en parle ? (c’est réel, franchement). Addiction à la nature ? Addiction au plaisir. Addiction à tout. Addiction à rien (ou à son plus proche substitut, la méditation). Addiction à l’impression d’être utile. La douce sensation d’être, pour une fois, pleinement à sa place, en train de faire ce qu’il y a à faire. La drogue qui provoque le pire craving. S’endormir enroulé dans ma parka de surplus militaire parmi les bottes de paille à NDDL les dernières nuits de décembre ; être allongé sur le dos, la tête de ma femme au creux du cou ; faire sauter mes enfants sur mes genoux ou les transporter sur mon dos. Les raisons de vivre sont souvent des raisons de mourir et font à l’occasion d’excellentes raisons de tuer.
T+5:30 : Je me lève, bois, mange, prends quelques notes pour rédiger la partie du TR à partir de T+2:30. Fonctionnel mais pas tout à fait revenu à la baseline, un peu trop de flottement physique et quelque chose d’indéfinissable dans le mental (j’aurais pas mis le mot “dissociation” dessus si j’avais pas conscience d’avoir pris un disso, mais ça s’en approche). Je ré-accorde ma harpe et improvise un peu dessus, distraitement. Pas sûr que ça aurait été transcendant d’en jouer pendant le plateau.
T+6:30 : Retour de madame et des enfants. Toujours un peu léger.
Je m’endors à T+12:00 avec des CEV salviesques un peu pâlots mais bien complexes et colorés, mais me réveille 1h30 plus tard sans raison claire. Il me faut trois heures et du CBG pour me rendormir. Métabolites actifs, peut-être ? J’en sais rien.
Le lendemain, j’ai l’impression d’avoir à la fois une légère équanimité de fond typique de l’afterglow dissociatif (mais pas super prononcée non plus), de légères douleurs articulaires, et un peu moins de patience (ce qui me surprend parce que j’aurais cru le contraire l’instant d’avant : que j’étais plutôt content et surtout très détaché).
Définitivement si j’avais été en état dépressif, je crois que ça m’aurait permis de passer une bonne journée mais que j’aurais été cloué au lit le lendemain. Le jeu n’en vaut probablement pas la chandelle.
Accessoirement, à 10mg je me serais assez vite fait chier en étant seul et sans combo, je pense.
Les gobelins rêvent-ils de moutons hypomaniaques ?
Set & setting : ça fait genre 8 mois que j’ai pas eu une journée seul chez moi sans responsabilités. Donc tout naturellement j’en profite pour tester un nouveau disso, parce que tous mes dissos préférés sont illégaux et que j’aimerais bien tâter de la génération actuelle avant le Grand Bannissement, pour savoir lesquels sont dignes d’être préservés dans le Coffre des Secrets. La malepeste soit des Moldus et de leur inquisition, mais ma lignée doit pouvoir poursuivre l’étude des arts interdits - car telle est ma volonté.
Pour une fois j’ai bien dormi. Psychologiquement ça va, ce qui ne me permettra pas de tester avec certitude l’effet antidépresseur, même si c’est clairement un des trucs que je cherche chez un disso.
Je vise une dose faible-moyenne, et prévois d’agrémenter la descente de 5-MeO-DMT vapé par-dessus, parce que j’aime bien le combo avec les dissos (même si celui avec le 3-MeO-PCP vapé avait été un peu décevant). Ce sera plus safe que de redroper, ce qui allongerait le trip au-delà de l’heure de retour des enfants, et je n’aime guère l’idée de doser une substance inconnue en état déjà dans un état de jugement altéré, surtout avec cette molécule qui semble présenter des risques d’hypomanie et de forts risques d’illusion de sobriété.
drop 10mg nasal 11h25 (pesé 25mg et dissouts à 100mg/mL dans de l’eau tiède)
T+0:00 : ça pique mais pas amer
T+0:05 : on sent la montée
T+0:10 : en fait c’est un peu amer
T+0:40 : illusion de sobriété presque parfaite. Euphorie qui ne semble pas artificielle puisque précisément je ne me sens pas trippé. Juste cette sensation dans la gencive supérieure. Insoutenable légèreté de l’être. Après un peu de yoga, je danse sur Corpo-Mente et c’est exactement ce qu’il me faut. Pas de tensions musculaires, bien au contraire - tout craque bien, juste. Possibilité de danser en polyrythme, très satisfaisaisant [sic], chaque membre est autonome. Pas de membre fantôme cependant. Très léger mal de crâne, mais esprit clair, éveillé, vif, pas vraiment excité cependant. Agripper la musique, pétrir la plante de mes pieds avec le sol, façonner le son et le soi. Donne un peu envie de définir un plan d’action en x points comme sous 3-MeO-PCP (mais moins net). Je suppose que ça pourrait faire un bon antidépresseur à action immédiate, mais les risques associés sont probablement élevés.
T+1:10 : le pic semble passé, impression d’être totalement redescendu, envie de redrop. Cependant la conscience du fait que ce n’est pas une très bonne idée suffit à me retenir, le craving n’est pas irrépressible, ça semble juste être “pas si grave”, franchement ce serait agréable, pourquoi pas après tout ? Bah, parce qu’il faut que je sois certain d’être redescendu dans genre 5 heures, et aussi parce que si je redroppe une fois il est bien possible que la désinhibition me fasse redroper encore et encore, voire surdoser la 5-MeO-DMT en combo. Donc non. Pourtant c’est doux, trop doux, et c’est ça qui est traître. Je m’attendais à essayer de battre mon record de [dinguerie aussi dingue que pas dangereuse], mais c’est plus insidieux.
T+2:00 : j’ai zoné sur peu sur internet après la fin de l’album, essentiellement de la géopolitique, du techno-scepticisme et de la méta-éthique. Profiter du silence avant de lancer le Sacre du Printemps (Stefan Goldmann Edit) sous 5-MeO-DMT. Je me sens toujours très léger mais sinon j’aurais l’impression d’être clean. Micro-migraine quand même si je me focalise dessus. Je vais boire un verre d’eau - hahaha, je sautille comme un putain de gobelin facétieux, non, je suis certainement pas clean, c’est même impressionant de voir à quel point j’ai crû l’être ! C’est subtil mais c’est. Gros potentiel en souterrain, probablement, genre catacourse de crabwalk avec la frontale en mode stroboscope (peut-être encore davantage que le 3-MeO-PCP car plus récréatif), avec tous les dangers associés, et tout particulièrement le fun intrinsèque du danger. Belle sensation à la fois d’apaisement intérieur, d’euphorie douce qui ne demande qu’à jaillir, et (pour une dose aussi faible) de désinhibition massive qui peut faire faire de belles grosses conneries, peut-être pas tant par oubli des risques que par décision assumée de les prendre. Ce n’est pas le désir immoral de transgression qui prédomine, juste l’amorale indifférence envers la limite tout en la percevant très bien ; et cela s’applique aussi bien à l’éthique qu’aux potentielles lésions physiques. J’ai bien fait de rester très prudent dans mon yoga et de prévoir de ne pas redroper ! (et, étant trippé, je me dis évidemment aussi : ou alors tu es d’une prudence excessive et inutile).
[Ainsi finissent les notes prises pendant le trip]
T+2:45 : 5-MeO-DMT, vaporisée au lit à dose faible (eyeballed comme d’habitude, j’inspire et arrête de chauffer dès que j’aperçois de la fumée, 4 prises de T+2:45 à T+4:00)
1ère prise un peu faiblarde, mais ça passe clairement bien, mieux que sous 3-MeO-PCP ou que sans combo. Il est marrant, Stravinsky, parce qu’il cause de rite païen dans la forêt mais que ça n’a rien de tribal ni d’organique, bien au contraire : tout est très savant et très calibré. D’ailleurs c’était scandaleusement révolutionnaire à l’époque mais c’est finalement “classique” - et même classiste. Rien de plus fragile sous le ciel que les constructions sociales, et c’est pour cette même et unique raison que certains les idolâtrent alors que d’autres les haïssent.
2ème prise un peu plus grosse. La sensation de ma peau contre la couette est assez délicieuse, une intense sérénité m’envahit. Relâchement complet, léger flottement même : c’est assez similaire à ma 5-MeO-DMT sous 15mg de MXE. Légers visuels yeux fermés, comme au fusain et au lavis d’encre noire, avec parfois des détails à l’acrylique blanche par-dessus. Un Bouddha médite sur un petit îlot au milieu d’un lac dans une grotte. J’ai l’intuition-doute que ça signifie quelque chose, un genre de bouddhisto-manichéo-gnosticisme, puis ça passe.
L’esthétique japonisante me rappelle qu’on a toujours une manière particulière de tendre vers l’universel. Une manière européenne, une manière asiatique (les deux conjuguées au pluriel, évidemment). On ne se dépouille pas des mêmes choses, ni de la même façon. On a pas les mêmes universels ou en tout cas jamais tout à fait. Chaque universalisme, après tout, est un particularisme. Le zen n’est pas le minimalisme, et la K-pop n’est ni l’un ni l’autre, sans parler de la messe catholique.
À deux doigts de passer de la masturbation intellectuelle à la manuelle. La partie mécanique semble fonctionnelle (contrairement à ce que le profil sérotoninergique aurait pu laisser penser), mais l’envie n’y est pas vraiment, donc bof.
3ème prise légère, juste pour faire durer un peu. J’aurais pu aller jouer de la harpe mais flemme de la ré-accorder. Alors à la place je profite de Bandcamp. Et dire que, avant, juste écouter un concert comme ça m’aurait fait ma journée ou plutôt ma semaine. En fait, ça aurait même été l’événement du mois, voire de l’année, je pense ; de ma vie, peut-être, si ça avait été il y a un siècle. À la place on peut consommer ça dans son lit pour moins cher qu’un bol de soupe, par la résurrection nécromantique des échos mp3.
La 4ème et dernière a la même sensation désagréable-semianxieuse que j’expérimente pas loin d’une fois sur deux, mais à laquelle j’avais échappé aujourd’hui.
J’ai mis An imaginary country de Tim Hecker juste avant la 4e prise. Le TIMBRE, le timbre putain, tout est là-dedans. Franchement son jeu sur les timbres passe comme une lettre à la poste, je recommande. On sent qu’il a bossé ses enveloppes et qu’aucun facteur n’est laissé au hasard. Ça peut probablement s’écouter avec le cerveau, mais là je savoure le fait de l’écouter uniquement avec les oreilles, et avec le corps. Ce n’est pas que, malgré leur très basse fréquence de réponse, mes écouteurs me fassent physiquement vibrer avec les basses, mais certains timbres m’ont toujours produit des sensations internes plus ou moins intenses, et là-dessus il est très fort ce con. Not sure if synesthésie dans mon cerveau or just mon corps qui réagit somatiquement et fait donc remonter des sensations. Est-ce qu’il y a de vraies sensations, de toute façon ? Est-ce qu’il y a de vraies émotions ? Ça supposerait qu’il y en ait de fausses. Souvenir d’un dialogue avec Uriel, probablement sous terre et sous cannabinoïdes : “Faut pas se faire de fausses illusions, hein.
- Ça existe, de vraies illusions ? avais-je demandé.
- On appelle ça la réalité”.
Il disait ça, évidemment, dans le sens de Philp K. Dick, où la réalité, c’est ce qui ne s’en va pas quand on cesse d’y croire. Bref : à creuser un jour, mais là balek.
Je refais le portrait socio-psychologique de toutes les personnes (bon, pas toutes, mais un paquet) que j’ai croisées dans mon parcours politique. Exercice que j’avais plus ou moins pratiqué, mais pas pour tout le monde et pas avec cette attention et ce bagage. [...]
Divagations puis ellipse en forme de constat : c’est marrant, j’ai pas l’impression d’avoir vu beaucoup de philosophie pratique à gauche. Peut-être pas lu les bons auteurs ? Ca s’explique probablement très facilement par l’intérêt porté au collectif, aux structures de pouvoir, à la déconstruction, etc, mais d’un autre côté la révolution est quand même toujours faite par des gens. On a toujours une vie à mener, des choix à faire, des pensées et sentiments qui nous arrivent dessus, mais autant j’ai vu des gens à gauche écrire dessus, autant j’ai pas le souvenir d’avoir vu des philosophes de gauche en dire quelque chose. Et évidemment que quelqu’un qui écrit un bouquin va pas nous donner la solution sur ce qu’on doit faire-dire-penser-ressentir, mais ça reste un sujet de réflexion et de discussion potentiellement fertile, je sais pas.
Je me souviens de la moue dubitative de mecs de la Coopération Intégrale du Haut-Berry (je savais pas que ça s’appellait comme ça moi, mais ça claque, gg) quand j’expliquais que pour moi trouver le bonheur dans la contrainte c’est pas incompatible avec la lutte, au contraire. Qu’on peut trouver le bonheur dans la contrainte en luttant contre la contrainte injuste, et que ce bonheur ne désarme pas forcément la lutte mais à mon avis la renforce, parce qu’on lutte mieux quand on est pas trop miné par la dépression. Et qu’on peut trouver le bonheur dans la lutte non pas dans le sens où on aurait besoin de cette lutte pour être heureux (et où on se garderait donc que cette lutte devienne inutile un jour en atteignant son but), mais dans le sens où on est heureux parce qu’on sait que cette lutte elle-même deviendra obsolète une fois son but atteint, qu’on a envie qu’elle devienne obsolète. On est heureux dans la lutte parce qu’on participe à essayer de rendre la lutte obsolète. On est heureux dans la contrainte injuste parce qu’on oeuvre à la supprimer. Heureux d’avoir vu la contrainte, de l’avoir sentie comme contrainte, de l’avoir proclamée injuste, d’avoir décidé d’agir contre elle dans la mesure de notre possible, de voir que d’autres aussi agissent dans la mesure de leur possible, et d’essayer ensemble d’élargir la mesure de nos possibles.
D’ailleurs je me demandais, comment on devient de gauche (c’est pour un ami) ? A part la voie royale qui est le master de socio, s’entend.
Je réfléchis au potentiel addictif de la 3-Me-PCPy. Probablement que ça poserait un vrai problème pour un usage comme antidépresseur. Mais du coup je pense à l’addiction. Addiction à internet, au sport, au sucre, à la bouffe, au sexe, à l’amour, à l’attention d’autrui, aux relations sociales ? Et la cataddiction, on en parle ? (c’est réel, franchement). Addiction à la nature ? Addiction au plaisir. Addiction à tout. Addiction à rien (ou à son plus proche substitut, la méditation). Addiction à l’impression d’être utile. La douce sensation d’être, pour une fois, pleinement à sa place, en train de faire ce qu’il y a à faire. La drogue qui provoque le pire craving. S’endormir enroulé dans ma parka de surplus militaire parmi les bottes de paille à NDDL les dernières nuits de décembre ; être allongé sur le dos, la tête de ma femme au creux du cou ; faire sauter mes enfants sur mes genoux ou les transporter sur mon dos. Les raisons de vivre sont souvent des raisons de mourir et font à l’occasion d’excellentes raisons de tuer.
T+5:30 : Je me lève, bois, mange, prends quelques notes pour rédiger la partie du TR à partir de T+2:30. Fonctionnel mais pas tout à fait revenu à la baseline, un peu trop de flottement physique et quelque chose d’indéfinissable dans le mental (j’aurais pas mis le mot “dissociation” dessus si j’avais pas conscience d’avoir pris un disso, mais ça s’en approche). Je ré-accorde ma harpe et improvise un peu dessus, distraitement. Pas sûr que ça aurait été transcendant d’en jouer pendant le plateau.
T+6:30 : Retour de madame et des enfants. Toujours un peu léger.
Je m’endors à T+12:00 avec des CEV salviesques un peu pâlots mais bien complexes et colorés, mais me réveille 1h30 plus tard sans raison claire. Il me faut trois heures et du CBG pour me rendormir. Métabolites actifs, peut-être ? J’en sais rien.
Le lendemain, j’ai l’impression d’avoir à la fois une légère équanimité de fond typique de l’afterglow dissociatif (mais pas super prononcée non plus), de légères douleurs articulaires, et un peu moins de patience (ce qui me surprend parce que j’aurais cru le contraire l’instant d’avant : que j’étais plutôt content et surtout très détaché).
Définitivement si j’avais été en état dépressif, je crois que ça m’aurait permis de passer une bonne journée mais que j’aurais été cloué au lit le lendemain. Le jeu n’en vaut probablement pas la chandelle.
Accessoirement, à 10mg je me serais assez vite fait chier en étant seul et sans combo, je pense.
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