S
Styloplume
Guest
Salut les copains,
Je suis aujourd'hui sûr qu'on peut triper à blanc, c'est-à-dire sans drogue. Et c'est pas facile. Mais c'est faisable.
Pourquoi ça m'intéresse de triper à blanc ? Eh bien, je crois que ces dernières semaines j'ai eu pas mal de prises de drogues, pour la plupart pas réfléchies, et que j'en subis les conséquences aujourd'hui.
- L'extase selon Saint Pamplemousse : Une prise de DXM pour viser le plateau 3, comme d'hab, et ça s'est bien passé, bon set & setting, quelques résultats clairs, quelques zones d'ombres, tout va bien.
- J'ai été en teuf : Une semaine plus tard, MDMA en free-party, mode découverte, grosse crise, gérée pas trop mal sur le coup, mais dont les effets se font sentir encore aujourd'hui.
- La grosse masse de pleurs et ma voie spirituelle : Encore une semaine, et je tire sur un joint sans avoir arrangé le set & setting, pfiou je suis parti loin, décidément j'aime pas vraiment cette drogue. Ou plutôt, je suis pas dans le bon état d'esprit.
Mon état d'esprit alors ? Et ben, pas terrible. Avec la MD en teuf, je me suis retrouvé confronté à des difficultés avec lesquelles je suis aux prises depuis mon enfance : les autres enfants ne m'acceptaient pas, et depuis je n'accepte pas de faire partie des autres. Sous MD, ce "trauma" est ressorti sous la forme d'une grosse vague qui m'a submergé et me disait: "Laisse-toi crever, deviens un teufeur comme les autres", et j'ai dit non. Sur le coup, ça avait vraiment l'aspect d'un trip mort/renaissance.
La mort/renaissance ! Ah, ça, c'est mon truc, ça, la mort/renaissance. Depuis mes lectures de Grof et mon gros trip au LSD, je ne jure que par la mort/renaissance. Et maintenant que j'y suis confronté, je fais moins le malin. Dans mon trip au DXM, la mort s'est pointée sous forme d'un vortex qui m'aspirait quand j'étais au plateau 3, et j'ai eu peur, je suis pas parti. Sous MD, la mort s'est présentée à moi sous forme d'une grosse vague de hardtek qui me promettait de me liquéfier le cerveau, et j'ai eu peur, j'ai dit non. Sous THC, la Goa m'a fait PEUR.
Donc, j'y suis arrivé ! Ah, bravo, Stylo, tu peux être fier de toi. Tu as pris de la drogue et eu des set & settings introspectifs parce que tu recherches l'expérience ultime depuis un bon moment, et maintenant tu y es arrivé ! Félicitations ! Et alors, t'as gagné quoi ? Et bah, l'expérience ultime me fous les jetons, et je sens que ça va franchement pas être facile. Il y a une grosse masse de pleurs et de souffrance à traverser avant d'arriver à mourir proprement.
Pour couronner le tout, les cours à la fac sont finis, je suis en vacances, et je suis sensé être autonome financièrement, mais j'ai pas trouvé de boulot qui me convienne. C'est la crise niveau image de moi, parce que j'ai une fois trouvé du boulot, et on m'a foutu dehors parce que j'étais pas assez productif. Et puis, c'est le genre de boulot pour lequel j'ai été formé mais qui ne me correspond pas. Donc ça c'est le truc de la vie pratique auxquel je me confronte maintenant.
Allez, j'ai des pistes pour y arriver. Déjà, je sais que l'enfant intérieur, ma partie sensible et intuitive, veut aller dans la forêt. Ça, c'est bonnard. Je sais que si je me fais un trip DXM introspectif, ce sera en forêt. Ensuite, je sais quels sont mes problèmes, quels sont les trucs à affronter. La mort, je suis déjà passé par là avec le LSD, après tout, et si j'écoute ma foi, je sais que la mort est une illusion, que l'âme ne meurt pas vraiment. Chaque mort est une renaissance. Donc, il y a de l'espoir.
Ensuite, j'ai des amis qui sont là pour me conseiller au sujet de ma vie pratique. Et ça c'est précieux.
Rien n'est perdu.
Ah, quand même, j'en chie au quotidien. Hier, j'ai entrepris quelque chose avec Noé. On est parti en ville avec la guitare, pour que je joue et qu'il slame par-dessus, et faire un peu de maille pourquoi pas. Pas de maille, mais des rencontres. Surtout celle d'un couple de jeunes hippies anglais en route pour le Portugal (ils vont au Boom peut-être, ou faire du wwoofing). On a partagé un moment sur une pelouse. J'ai rencontré des gens qui ont la foi. Pas la foi en Dieu, mais la foi en la vie. Foi veut dire "se fier", avoir confiance. Et ces jeunes se fient à la vie, lâchent prise, ne calculent rien. Ça fait du bien de les rencontrer. Ah, je les envie, quelque part. Je me sens incapable de lâcher prise, pris dans mon carcan qu'on pourrais résumer par le mot Babylone (les rastas et affiliés comprendrons). Ouais, je me suis franchement pris dans le système, volontairement, pour faire de la psycho, et maintenant j'ai un peu de mal à retrouver ma liberté. J'ai des doutes, j'ai des peurs, je ne me sens pas m'émanciper de l'autorité des mes parents qui me payent mes études et voudraient que je travaille l'été.
Une fois les hippies partis, je déprime un coup, Noé est là pour m'écouter, ah, ça fait du bien d'avoir un pote qui me soutient même quand ça va pas. Je finis par rentrer chez moi, pour me perdre sur 9gag. Décidément, il y a un bug dans la matrice.
Il est 21:30. J'en ai marre de traîner à rien faire. J'éteins l'ordi. J'essaye d'appeler Zoulou, qui est occupé. Bon, il faut que je m'en sorte tout seul. Allez, petite séance de prostration/respiration pour me calmer (j'ai l'habitude de me mettre dans une position comfortable et de respirer pour me calmer, ça marche bien). Une fois que c'est fait, je suis posé, je réfléchis. Bon, je sors faire une ballade, ça passera le temps et je reviendrai pour dormir. Demain, je retrouve Galaad, il a une machine qui fait des électro-encéphalo-grammes et il sait s'en servir, hihi, on saura ce qui se passe dans mon cerveau.
Galaad ! En voilà un qui trouve que je fais des conneries avec la drogue, que ça ne sert à rien. Et je culpabilise, ah merde, pas encore ce débat à la con. Je suis en train de marcher pour me balader tranquilement, me raprocher un peu du silence, et à la place du silence, tout plein de petites voix se rapprochent, des images arrivent. Oh là là, quand est-ce que je me fais un trip au DXM pour digérer tout ça ? Ah, mais non, il faut que j'aille dans la forêt, faire pleurer l'enfant, c'est toute une histoire ça. Il faut que ça s'organise, et ça peut pas se faire maintenant. Comment ça, ça peut pas se faire maintenant ? Oh, Stylo ! On marche vers où, là ? Ah, vers la forêt...
Pfiou... ce serait aussi simple ? Bon, ALLEZ, on va dans la forêt. Et on va triper, on va chialer, on va essayer de passer la mort. Pas de drogue ? Tant mieux ! On va faire ça sans drogue ! Et on va faire ça bien !
Check rapide du setting. Je peux me rouler par terre si je veux, les fringues ça se lave. Il a plu aujourd'hui, ça va être folklo quand même. J'ai mon casque avec toute ma musique bien psyché. Il est maintenant 22 heures. J'ai pas mon carnet de trip, oh et puis merde. Tout le monde me dit de lâcher prise, de lâcher mon carnet aussi, alors pourquoi pas. Et puis j'ai pas le choix. Et si je rentre bien dans les pires délires, je m'en souviendrai forcément, et je retiendrai l'essentiel au lieu d'essayer de retracer la trame du trip dans dix pages de notes.
Check rapide du set. La grosse masse de pleurs se pointe. Ça va chier. Pas contre, je ne cause pas avec l'enfant. J'en ai un peu marre de ce modèle ce soir. Et puis, pour être honnête, ça me fout les boules à quel point je suis éloigné de l'enfant en ce moment, j'ai pas envie de partir en live trop violemment.
Check rapide de la drogue. Ah, pas de drogue, hé hé hé. Ça va chier.
Bon, je me rapproche de la forêt qui était indiquée sur le plan de bus. Olé ! C'est pas une forêt, c'est un terrain de golf ! Ah, oui... je l'avais lu, mais je m'en souvenais pas. Bon. Je longe la barrière qui entoure le terrain de golf. Et là, c'est le drame. Oh, il MANQUE UNE BARRIÈRE ! Comme c'est bête. Allez, go, on fait un truc interdit, on rentre sur le terrain de golf. Ça va être space.
Rapidement je me trouve un endroit bien, ce qu'on appelle un bunker en golf, je crois. C'est une sorte de bac à sable creux, au milieu de la pelouse. La pluie a lissé le sable, qui est assez dur. Bon, je vais être bien, ici, c'est quand même moins trempé qu'ailleurs. En plus, je suis au milieu du paysage, qui est franchement beau. De la pelouse bien tondue, un green de golf, quelques arbres. Il n'y a personne.
Bon, alors comment je m'y prends ? J'ai pas envie de parler à l'enfant, ça va être trop barré, je veux la jouer plus safe et psyché-like. Je compte rentrer dans un trip psychédélique et lâcher prise. Bien. Alors, j'ai de la musique psyché, ça c'est sûr. Et j'ai une posture neutre que je peux adopter pour méditer, dans un premier temps. Vu. Je m'assois en tailleurs sur la pente de sable, de manière à avoir le dos bien droit, je pose mes mains sur mes genoux, et je lance la musique.
Vous autres, jetez-vous sur cette musique. Globular, l'album Self-fullfilling Prophecy : http://www.ektoplazm.com/free-music/globular-a-self-fulfilling-prophecy (téléchargement libre, musique libre de droits). Du DuB bien psychélique, ça tire un peu sur le Shpongle, sans l'égaler, mais ça a son propre caractère, et c'est plus mainstream, moins barré. Pas mal de samples de voix féminines, beaucoups de synthés qui virevoltent à droite et à gauche, une ligne de basse bien tenue, un rythme à contretemps qui montre qu'on est au pays du DuB. De quoi définir efficacement le DuB psychédélique pour moi.
Donc, je suis sur le sable, en position de méditation, les yeux fermés, et je savoure la musique. Les pensées passent, et je les abandonne au fur et à mesure. Mon quotidien, mes problèmes, mes espoirs, les calculs que je faisais pour mon prochain trip au DXM, mes craintes, tout part au fur et à mesure, plus ou moins efficacement. Je tâche de me concentrer sur ma respiration, c'est pas très facile, je ne suis pas super entraîné niveau méditation. Par contre, me fixer sur la musique, ça je sais faire. Donc, je laisse les choses partir, tout comme j'ai dit adieu à mon quotidien dans ma grosse montée de LSD il y a un an. Tout partait : le système de valeur, le passé, le futur. Il ne restait que l'instant présent. De même, je m'efforce tout lâcher pour me retrouver ici et maintenant.
Bien, le vide se fait à peu près. J'ouvre les yeux, les arbres sont là, le ciel brille des derniers rayons de soleil, tout va bien. L'état de conscience s'est modifié comme sous canabis. Je me suis efforcé de moins penser au futur et au passé, et je me retrouve ici, sur ce terrain de golf, et c'est maintenant. Bien bien, je referme les yeux. Je vais pouvoir triper un peu plus profond.
De retour dans la musique, je décide de laisser tomber l'attention sur la respiration ou sur la musique, pour me concentrer sur mes émotions (sur l'enfant, en fait). Rapidement, de l'émotion arrive. C'est du lourd. La grosse masse de pleurs est en route, une grosse bulle qui remonte vers la surface. Et moi, comme El Sha sous DXM+THC, je tombe sur mes genoux à mesure que je me laisse submerger par l'émotion. Mon visage se crispe sous le coup d'un déspespoir qui me semble fatal. C'est la tristesse qu'a l'enfant de ne pas faire partie des autres, de ne pas avoir le droit d'être heureux. Et comme je me concentre sur cette image, voilà que la musique s'amplifie, que ces magnifiques voix de femmes se moquent de moi en chantant leurs vocalises. Elles se moquent de moi, mais elles sont pleines d'amour, pleines de joies, de beauté ! Elle chantent la beauté du monde, et moi, qui n'ai pas le droit d'en faire partie, je m'affaisse sur mes genoux, le visage tordu de douleur.
Clic. Allez, on respire, Stylo. Redresse-toi, t'as assez souffert pour le moment. Allez, je me relève pour, comme dit El Sha, triper "en haut de moi". Je me relève, et là, zzioouuuuu toute l'énergie remonte, tout coule, la musique est toujours aussi magnifique. Et puis, à nouveau, je replonge, je repasse par la crispation, le blocage, pour à nouveau libérer la respiration et remonter. Et je reste ainsi. Ah, il s'est passé quelque chose. Ça va mieux.
La chanson s'arrête. J'ai passé cinq ou dix minutes à rentrer dans l'instant présent puis à triper sur mes émotions. Pas mal. Ça va dans le bon sens. Maintenant que j'écris le TR, je m'en rends compte, c'est évident. Il est possible de triper sans drogue, du moment qu'on rentre dans l'instant présent et qu'on se concentre sur les choses qui viennent de l'intérieur.
Bien ! Et voilà la deuxième track qui s'amène, toujours du Globular (en réalité c'est la première track de l'album, toujours, mais il y a une pause en plein milieu, ce qui fait que j'ai l'impression de changer de morceau et d'ambiance). Je sens que si je veux triper sur de la musique, il va falloir danser. La posture assise a ses limites si on veut bouger. Et je ne me sens pas continuer à méditer de façon immobile. Ceci dit, le fait de danser ne signifie pas que j'arrête de méditer, car, comme dit Goa Gil, "dance is active meditation". Alors je me lève. Je suis à l'aise, il n'y a personne, je suis dans l'instant présent, je suis ici. Je peux partir dans les délires qui me plaisent.
Pour danser (avec ou sans drogue), j'ai appris à d'abord me caler sur mes pieds, à respirer posément, in and out, comme il faut. Mais la deuxième moitié de cette deuxième track se fait dans une légère parano. Est-ce qu'on me regarde ? Est-ce que les arbres me veulent du mal ? Mais non, Stylo, allez, lâche prise, profite. Ne pas porter d'attention trop volontaire à la musique permet de la laisser venir par les chemins qui lui plaisent. Et la musique vient. La basse arrive, elle s'envole, et je me cale, et je bouge les bras, posé, bien, en paix. Tout le quotidien est parti, je suis ici et maintenant. J'ai l'impression de diriger la musique, ah c'est beau. Je profite, oui, je profite. Mon visage se tord d'extase, ma bouche s'ouvre en grand, les yeux sont fermés, une voix de femme viens chanter, je suis submergé par l'extase, je tombe sur mes genoux, je me prends le corps dans les bras, je m'écroule sur l'épaule, mon corps se crispe en entier. Avec la main j'accroche du sable, ah, cette musique me tue, cette musique me tue. Suis-je en train de mourir ? Tout se passe bien, certainement. Et BAM, une autre vague de spasmes me parcours, mon corps se contracte, ah, c'est bon, c'est mal, c'est affreux, c'est magnifique. Je ne respire presque plus ou alors par à-coups. Et d'un coup, paf, la respiration est débloquée, tout mon corps se détends et est envahi d'une paix superbe. La respiration coule, la musique coule, c'est magnifique.
La musique se finit, pour laisser place à une autre. La deuxième de l'album. Cette fois (et c'est pratique, vu que je suis sobre, je prends mes décisions tranquille), je décide de remettre à danser sans laisser venir la grosse vague d'émotion/mort/spasmes/je sais pas quoi. Je me remet debout, je me cale sur le son. Et là : ah, je suis heureux. Je tripe comme sous acide, sans acide ! C'est exagéré de dire ça, mais en même temps, vu ce qu'il se passe, je suis clairement pas dans un état normal. Je suis emporté par une joie pure et belle. Un sourire qui me traverse le visage. Je regarde mes mains, fasciné. J'ai une seule main qui entoure une espèce d'espace rond, et qui tourne autour, c'est magnifique. C'est comme ce gars au Hadra qui jonglait avec une seule balle transparente. Il tournait sa main autour, et la balle tournait, soit, mais elle semblait rester imobile, en l'air. Ça m'avait fasciné. Et maintenant, pareil, j'ai une main qui tourne autour d'une balle imaginaire, sous le ciel. Et l'autre main qui suit, boah, incroyable. Et je me balade comme ça dans le bac à sable, en regardant émerveiller mes mains danser au-dessus de ma tête. Ah oui, je tripe, je tripe à bloc même, je dirais.
Sur la fin de la track (qui n'est toujours que la deuxième que j'écoute), je me rends compte, tout de même, que je tripe de moins en moins, que les émotions sont bloquées, et puis je baille de fatigue. Vu. Je me prévois de me mettre de la musique plus punchy pour la prochaine track. En attendant, je tâche de me concentrer sur la musique... bien ! C'est fini ! Allez, on enchaîne avec Electric Universe, l'album Silence in Action, la track "Super position". L'une de mes préférées, vraiment costaud comme trance, avec des synthés qui envoient du fil barbelé, et tout.
Je suis debout, je me cale sur l'intro, je me laisse partir, prévenu que je vais partir méchamment en live (parce que je le décide, aussi). L'intro envoie, et hop là, me voilà sur la planète trance, la planète où c'est "danse ou crève", et je sens que je suis parti pour faire les deux, "danse et crève". Très bien. Après tout je suis venu pour m'entraîner à mourir, alors j'assume.
Un sample sur la physique quantique et les électrons. Une basse qui tabasse. Un break qui fait baver d'attente, et hop-là, le train est en route. Et puis, ah, terrible, voilà le synthé qui débarque, voilà le fil barbelé. J'essaie de me caler dessus, mais c'est trop puissant, le son est trop fort. Je m'écroule sur mes genoux, et puis revoilà la crise de spames, plus forte cette fois. C'est tout mon corps qui se crispe, tout le visage qui se tord. Je suis couché sur mon épaule droite, mon bras droit le long du sol, et de la main gauche je griffe le sable devant mon visage, et mon visage qui regarde ma main, se demande si c'est ma main. Et la peur qui vient. La peur de mourir. Et les spasmes qui agitent le corps, les jambes qui se replient, les muscles de l'abdomen contractés, une légère excitation sexuelle déclenchée par ces tensions musculaires. Mon corps est en train de mourir. Et la peur vient, et en même temps, la certitude que je fais ce qu'il faut. Cette musique est trop puissante, elle me dépasse. Mon corps me fait mal, je ne respire pas comme j'en ai besoin. Je me dis "Bon, ça va aller". Et là, clic.
Pfiouuuu la respiration revient. Les muscles se détendent. Me voilà alongé sur le dos, dans un bunker de golf, parfaitement soulagé. Soulagé. Ah, c'est le mot. Je suis comme un nourrisson qui vient de téter sa mère, parfaitement contenté. Mon corps est chaud, il se repose, il vient de passer une épreuve, et maintenant il s'étends, se déroule. Je change la musique, trop puissante, pour passer sur une track de Solano, intitulée Saturation. De la psyprog éthérée, céleste, un truc qui pulse la lumière et la confiance.
La détente est magnifique. C'était quoi mes problèmes déjà ? Pourquoi je suis venu ? J'avais du mal avec mon quotidien ? Ah, oui. Je me demandais comment passer la mort/renaissance ? Bon, je m'en fais une meilleure idée, maintenant.
Tout va bien. Tout. Va. Bien. Je me vautre sur le sable mouillé, content de faire partie de la création. Je ne baille plus. Plus aucun blocage du genre "je ne sais pas triper". Si, si, je tripe comme il faut. Pour triper, il n'y a rien à faire. C'est comme ce que m'a dit Larry à propos du combo danse+trance+LSD : "Si dans ta tête il y a une voix qui commente l'affaire, c'est que tu ne tripes pas comme il faut. Ce qui est difficile à admettre, c'est qu'il n'y a rien à faire pour triper." Oui, j'ai compris. Il n'y a rien à faire. Une fois que je suis passé au travers de tous mes doutes, peurs et spames, hé hé hé.
Tous ces mots servent à fond à me conduire vers un gros Rien. Il n'y a aucun mot pour décrire l'état de conscience qu'on trouve une fois qu'on a dépassé toutes les questions. Je ne sais pas si c'est ça, l'Éveil, mais en tout cas je suis à peu près sûr d'avoir compris une dimension de ce qu'on appelle l'Éveil. Il n'y a pas de mots pour ça. J'ai peut-être atteint une fraction des possibilités du truc, mais ce qui est sûr, c'est qu'il est impossible de décrire cet état à moins d'y être arrivé. Il n'y a rien à décrire. Il n'y a qu'une joie complète, parce que tout ce qui est souffrance a disparu. Bon, je tiens un discours super bouddhiste, là, c'est très cliché, hein ?
Bref, tout va bien.
Et je quitte le terrain de golf, non sans avoir effacé mes traces dans le sable avec un rateau qui traînait par là (j'ai laissé des traces spéciales je vous dit). Je passe par un champ d'herbes hautes trempées, mes chaussures sont saturées d'eau, mon pantalon colle, mais je m'en fous. J'ai fait mon trip. J'ai réglé mes affaires, du moins en partie. À mesure que je rentre chez moi, la fatigue m'accable, une bonne grosse fatigue bien saine. Une fois rentré chez moi, j'ai vraiment l'impression d'avoir fait quelque chose, d'avoir réussi quelque chose. J'ai tripé à blanc. Et voilà. C'est pas la première fois que je le tente, mais c'est la première fois que ça passe aussi bien, que ça va aussi loin. Je m'affale, ah, je suis content. Allez, je me change, je me couche. Quelques pensées résiduelles post-trip, un peu désagréables, qui me rappellent une descente de DXM. Ah, même après un trip drug free il y a une descente ! Ah, on est pas aidé. Bon, allez, gamin, si t'as faim, on se fait un bon gros bol de yaourt, on aère la chambre si t'as chaud, et hop au lit. Et là, dodo, pour de bon.
Le lendemain, rêves étranges au réveil, puis j'émerge. J'ai faim. Allez, on va acheter des croissants, on revient, on se fait un café, on prends le petit-dèj et on rédige le TR. Et voilà !
Ah, c'est ouf. Il est possible de triper à blanc. Bon, j'aurais jamais pu faire ça si THC, LSD, et DXM n'étaient pas passés par là, et tant mieux. En effet, j'ai passé tout mon trip à essayer d'imiter les effets de ces drogues, tout en laissant des choses passer sans les contrôler. Dur à définir. Comme avec la drogue, il s'agit de laisser les choses passer sans essayer de les contrôler. En fait, la partie qui doit rester active c'est celle qui dit : "laisse les choses venir !" Bref, on retombe dans les termes bouddhistes de lâcher-prise, d'effacement de l'ego, bla bla bla.
Le trip à blanc, c'est comme tout, il y a des plus et des moins. Je vais lister un peu les avantages et les inconvénients, comme ils m'apparaissent en ce moment. Mon expérience est assez restreinte, mais je compte pas lâcher ce mode d'introspection, alors je met ce qui me semble pertinent pour le moment.
Avantages de triper à blanc :
- Le trip est très facilement gérable, interrompable à tout moment.
- Pas besoin de se soucier de la dose, du temps d'action, des pauses entre les trips.
- Les pensées vont moins vite, on peux tenir le rythme.
- On s'en souvient très bien, en fait, mieux qu'un trip sous psyché.
Inconvénients de triper à blanc :
- Ça demande un setting soigneusement choisi
- Le set doit être bien préparé
- Il faut une grosse dose de lâcher-prise, être bien expérimenté avec les psychés classiques (du moins c'est mon cas)
- C'est pas très facile je trouve.
- Il faut en tenir une couche aussi.
Caractéristiques neutres:
- Ça dure moins longtemps
- Presque pas de descente, un certain afterglow quand même
- C'est franchement très différent des psychés ordinaires.
Bon, j'avoue que là j'ai décide de triper à blanc, parce que j'avais vraiment pas envie de m'organiser un gros trip au DXM, qui m'aurait emmené là où je n'aurais pas voulu, peut-être. Et puis je prends trop de drogue en ce moment. Donc c'est principalement l'avantage "Pas besoin de se soucier de la drogue" qui m'a intéressé.
Dans tout ça il y a aussi la recherche d'une transition, parce que je vais pas prendre du DXM toute ma vie non plus. Alors, je cherche un moyen de remplacer ça par quelque chose d'autre. Mais je suis pas pressé. Des trips au DXM je vais encore en faire, et le LSD au Hadra c'est toujours prévu. Et triper à blanc c'est une super préparation pour des gros trips au psyché. S'entraîner à lâcher prise, rentrer dans les émotions, garder un pied sur terre quand ça m'arrange, tout ça c'est une super école.
Bref, ça va un peu mieux, maintenant je vais m'attaquer à la vie avec un peu plus d'espoir
Allez, salut, et tripez safe les copains.
Je suis aujourd'hui sûr qu'on peut triper à blanc, c'est-à-dire sans drogue. Et c'est pas facile. Mais c'est faisable.
Pourquoi ça m'intéresse de triper à blanc ? Eh bien, je crois que ces dernières semaines j'ai eu pas mal de prises de drogues, pour la plupart pas réfléchies, et que j'en subis les conséquences aujourd'hui.
- L'extase selon Saint Pamplemousse : Une prise de DXM pour viser le plateau 3, comme d'hab, et ça s'est bien passé, bon set & setting, quelques résultats clairs, quelques zones d'ombres, tout va bien.
- J'ai été en teuf : Une semaine plus tard, MDMA en free-party, mode découverte, grosse crise, gérée pas trop mal sur le coup, mais dont les effets se font sentir encore aujourd'hui.
- La grosse masse de pleurs et ma voie spirituelle : Encore une semaine, et je tire sur un joint sans avoir arrangé le set & setting, pfiou je suis parti loin, décidément j'aime pas vraiment cette drogue. Ou plutôt, je suis pas dans le bon état d'esprit.
Mon état d'esprit alors ? Et ben, pas terrible. Avec la MD en teuf, je me suis retrouvé confronté à des difficultés avec lesquelles je suis aux prises depuis mon enfance : les autres enfants ne m'acceptaient pas, et depuis je n'accepte pas de faire partie des autres. Sous MD, ce "trauma" est ressorti sous la forme d'une grosse vague qui m'a submergé et me disait: "Laisse-toi crever, deviens un teufeur comme les autres", et j'ai dit non. Sur le coup, ça avait vraiment l'aspect d'un trip mort/renaissance.
La mort/renaissance ! Ah, ça, c'est mon truc, ça, la mort/renaissance. Depuis mes lectures de Grof et mon gros trip au LSD, je ne jure que par la mort/renaissance. Et maintenant que j'y suis confronté, je fais moins le malin. Dans mon trip au DXM, la mort s'est pointée sous forme d'un vortex qui m'aspirait quand j'étais au plateau 3, et j'ai eu peur, je suis pas parti. Sous MD, la mort s'est présentée à moi sous forme d'une grosse vague de hardtek qui me promettait de me liquéfier le cerveau, et j'ai eu peur, j'ai dit non. Sous THC, la Goa m'a fait PEUR.
Donc, j'y suis arrivé ! Ah, bravo, Stylo, tu peux être fier de toi. Tu as pris de la drogue et eu des set & settings introspectifs parce que tu recherches l'expérience ultime depuis un bon moment, et maintenant tu y es arrivé ! Félicitations ! Et alors, t'as gagné quoi ? Et bah, l'expérience ultime me fous les jetons, et je sens que ça va franchement pas être facile. Il y a une grosse masse de pleurs et de souffrance à traverser avant d'arriver à mourir proprement.
Pour couronner le tout, les cours à la fac sont finis, je suis en vacances, et je suis sensé être autonome financièrement, mais j'ai pas trouvé de boulot qui me convienne. C'est la crise niveau image de moi, parce que j'ai une fois trouvé du boulot, et on m'a foutu dehors parce que j'étais pas assez productif. Et puis, c'est le genre de boulot pour lequel j'ai été formé mais qui ne me correspond pas. Donc ça c'est le truc de la vie pratique auxquel je me confronte maintenant.
Allez, j'ai des pistes pour y arriver. Déjà, je sais que l'enfant intérieur, ma partie sensible et intuitive, veut aller dans la forêt. Ça, c'est bonnard. Je sais que si je me fais un trip DXM introspectif, ce sera en forêt. Ensuite, je sais quels sont mes problèmes, quels sont les trucs à affronter. La mort, je suis déjà passé par là avec le LSD, après tout, et si j'écoute ma foi, je sais que la mort est une illusion, que l'âme ne meurt pas vraiment. Chaque mort est une renaissance. Donc, il y a de l'espoir.
Ensuite, j'ai des amis qui sont là pour me conseiller au sujet de ma vie pratique. Et ça c'est précieux.
Rien n'est perdu.
Ah, quand même, j'en chie au quotidien. Hier, j'ai entrepris quelque chose avec Noé. On est parti en ville avec la guitare, pour que je joue et qu'il slame par-dessus, et faire un peu de maille pourquoi pas. Pas de maille, mais des rencontres. Surtout celle d'un couple de jeunes hippies anglais en route pour le Portugal (ils vont au Boom peut-être, ou faire du wwoofing). On a partagé un moment sur une pelouse. J'ai rencontré des gens qui ont la foi. Pas la foi en Dieu, mais la foi en la vie. Foi veut dire "se fier", avoir confiance. Et ces jeunes se fient à la vie, lâchent prise, ne calculent rien. Ça fait du bien de les rencontrer. Ah, je les envie, quelque part. Je me sens incapable de lâcher prise, pris dans mon carcan qu'on pourrais résumer par le mot Babylone (les rastas et affiliés comprendrons). Ouais, je me suis franchement pris dans le système, volontairement, pour faire de la psycho, et maintenant j'ai un peu de mal à retrouver ma liberté. J'ai des doutes, j'ai des peurs, je ne me sens pas m'émanciper de l'autorité des mes parents qui me payent mes études et voudraient que je travaille l'été.
Une fois les hippies partis, je déprime un coup, Noé est là pour m'écouter, ah, ça fait du bien d'avoir un pote qui me soutient même quand ça va pas. Je finis par rentrer chez moi, pour me perdre sur 9gag. Décidément, il y a un bug dans la matrice.
Il est 21:30. J'en ai marre de traîner à rien faire. J'éteins l'ordi. J'essaye d'appeler Zoulou, qui est occupé. Bon, il faut que je m'en sorte tout seul. Allez, petite séance de prostration/respiration pour me calmer (j'ai l'habitude de me mettre dans une position comfortable et de respirer pour me calmer, ça marche bien). Une fois que c'est fait, je suis posé, je réfléchis. Bon, je sors faire une ballade, ça passera le temps et je reviendrai pour dormir. Demain, je retrouve Galaad, il a une machine qui fait des électro-encéphalo-grammes et il sait s'en servir, hihi, on saura ce qui se passe dans mon cerveau.
Galaad ! En voilà un qui trouve que je fais des conneries avec la drogue, que ça ne sert à rien. Et je culpabilise, ah merde, pas encore ce débat à la con. Je suis en train de marcher pour me balader tranquilement, me raprocher un peu du silence, et à la place du silence, tout plein de petites voix se rapprochent, des images arrivent. Oh là là, quand est-ce que je me fais un trip au DXM pour digérer tout ça ? Ah, mais non, il faut que j'aille dans la forêt, faire pleurer l'enfant, c'est toute une histoire ça. Il faut que ça s'organise, et ça peut pas se faire maintenant. Comment ça, ça peut pas se faire maintenant ? Oh, Stylo ! On marche vers où, là ? Ah, vers la forêt...
Pfiou... ce serait aussi simple ? Bon, ALLEZ, on va dans la forêt. Et on va triper, on va chialer, on va essayer de passer la mort. Pas de drogue ? Tant mieux ! On va faire ça sans drogue ! Et on va faire ça bien !
Check rapide du setting. Je peux me rouler par terre si je veux, les fringues ça se lave. Il a plu aujourd'hui, ça va être folklo quand même. J'ai mon casque avec toute ma musique bien psyché. Il est maintenant 22 heures. J'ai pas mon carnet de trip, oh et puis merde. Tout le monde me dit de lâcher prise, de lâcher mon carnet aussi, alors pourquoi pas. Et puis j'ai pas le choix. Et si je rentre bien dans les pires délires, je m'en souviendrai forcément, et je retiendrai l'essentiel au lieu d'essayer de retracer la trame du trip dans dix pages de notes.
Check rapide du set. La grosse masse de pleurs se pointe. Ça va chier. Pas contre, je ne cause pas avec l'enfant. J'en ai un peu marre de ce modèle ce soir. Et puis, pour être honnête, ça me fout les boules à quel point je suis éloigné de l'enfant en ce moment, j'ai pas envie de partir en live trop violemment.
Check rapide de la drogue. Ah, pas de drogue, hé hé hé. Ça va chier.
Bon, je me rapproche de la forêt qui était indiquée sur le plan de bus. Olé ! C'est pas une forêt, c'est un terrain de golf ! Ah, oui... je l'avais lu, mais je m'en souvenais pas. Bon. Je longe la barrière qui entoure le terrain de golf. Et là, c'est le drame. Oh, il MANQUE UNE BARRIÈRE ! Comme c'est bête. Allez, go, on fait un truc interdit, on rentre sur le terrain de golf. Ça va être space.
Rapidement je me trouve un endroit bien, ce qu'on appelle un bunker en golf, je crois. C'est une sorte de bac à sable creux, au milieu de la pelouse. La pluie a lissé le sable, qui est assez dur. Bon, je vais être bien, ici, c'est quand même moins trempé qu'ailleurs. En plus, je suis au milieu du paysage, qui est franchement beau. De la pelouse bien tondue, un green de golf, quelques arbres. Il n'y a personne.
Bon, alors comment je m'y prends ? J'ai pas envie de parler à l'enfant, ça va être trop barré, je veux la jouer plus safe et psyché-like. Je compte rentrer dans un trip psychédélique et lâcher prise. Bien. Alors, j'ai de la musique psyché, ça c'est sûr. Et j'ai une posture neutre que je peux adopter pour méditer, dans un premier temps. Vu. Je m'assois en tailleurs sur la pente de sable, de manière à avoir le dos bien droit, je pose mes mains sur mes genoux, et je lance la musique.
Vous autres, jetez-vous sur cette musique. Globular, l'album Self-fullfilling Prophecy : http://www.ektoplazm.com/free-music/globular-a-self-fulfilling-prophecy (téléchargement libre, musique libre de droits). Du DuB bien psychélique, ça tire un peu sur le Shpongle, sans l'égaler, mais ça a son propre caractère, et c'est plus mainstream, moins barré. Pas mal de samples de voix féminines, beaucoups de synthés qui virevoltent à droite et à gauche, une ligne de basse bien tenue, un rythme à contretemps qui montre qu'on est au pays du DuB. De quoi définir efficacement le DuB psychédélique pour moi.
Donc, je suis sur le sable, en position de méditation, les yeux fermés, et je savoure la musique. Les pensées passent, et je les abandonne au fur et à mesure. Mon quotidien, mes problèmes, mes espoirs, les calculs que je faisais pour mon prochain trip au DXM, mes craintes, tout part au fur et à mesure, plus ou moins efficacement. Je tâche de me concentrer sur ma respiration, c'est pas très facile, je ne suis pas super entraîné niveau méditation. Par contre, me fixer sur la musique, ça je sais faire. Donc, je laisse les choses partir, tout comme j'ai dit adieu à mon quotidien dans ma grosse montée de LSD il y a un an. Tout partait : le système de valeur, le passé, le futur. Il ne restait que l'instant présent. De même, je m'efforce tout lâcher pour me retrouver ici et maintenant.
Bien, le vide se fait à peu près. J'ouvre les yeux, les arbres sont là, le ciel brille des derniers rayons de soleil, tout va bien. L'état de conscience s'est modifié comme sous canabis. Je me suis efforcé de moins penser au futur et au passé, et je me retrouve ici, sur ce terrain de golf, et c'est maintenant. Bien bien, je referme les yeux. Je vais pouvoir triper un peu plus profond.
De retour dans la musique, je décide de laisser tomber l'attention sur la respiration ou sur la musique, pour me concentrer sur mes émotions (sur l'enfant, en fait). Rapidement, de l'émotion arrive. C'est du lourd. La grosse masse de pleurs est en route, une grosse bulle qui remonte vers la surface. Et moi, comme El Sha sous DXM+THC, je tombe sur mes genoux à mesure que je me laisse submerger par l'émotion. Mon visage se crispe sous le coup d'un déspespoir qui me semble fatal. C'est la tristesse qu'a l'enfant de ne pas faire partie des autres, de ne pas avoir le droit d'être heureux. Et comme je me concentre sur cette image, voilà que la musique s'amplifie, que ces magnifiques voix de femmes se moquent de moi en chantant leurs vocalises. Elles se moquent de moi, mais elles sont pleines d'amour, pleines de joies, de beauté ! Elle chantent la beauté du monde, et moi, qui n'ai pas le droit d'en faire partie, je m'affaisse sur mes genoux, le visage tordu de douleur.
Clic. Allez, on respire, Stylo. Redresse-toi, t'as assez souffert pour le moment. Allez, je me relève pour, comme dit El Sha, triper "en haut de moi". Je me relève, et là, zzioouuuuu toute l'énergie remonte, tout coule, la musique est toujours aussi magnifique. Et puis, à nouveau, je replonge, je repasse par la crispation, le blocage, pour à nouveau libérer la respiration et remonter. Et je reste ainsi. Ah, il s'est passé quelque chose. Ça va mieux.
La chanson s'arrête. J'ai passé cinq ou dix minutes à rentrer dans l'instant présent puis à triper sur mes émotions. Pas mal. Ça va dans le bon sens. Maintenant que j'écris le TR, je m'en rends compte, c'est évident. Il est possible de triper sans drogue, du moment qu'on rentre dans l'instant présent et qu'on se concentre sur les choses qui viennent de l'intérieur.
Bien ! Et voilà la deuxième track qui s'amène, toujours du Globular (en réalité c'est la première track de l'album, toujours, mais il y a une pause en plein milieu, ce qui fait que j'ai l'impression de changer de morceau et d'ambiance). Je sens que si je veux triper sur de la musique, il va falloir danser. La posture assise a ses limites si on veut bouger. Et je ne me sens pas continuer à méditer de façon immobile. Ceci dit, le fait de danser ne signifie pas que j'arrête de méditer, car, comme dit Goa Gil, "dance is active meditation". Alors je me lève. Je suis à l'aise, il n'y a personne, je suis dans l'instant présent, je suis ici. Je peux partir dans les délires qui me plaisent.
Pour danser (avec ou sans drogue), j'ai appris à d'abord me caler sur mes pieds, à respirer posément, in and out, comme il faut. Mais la deuxième moitié de cette deuxième track se fait dans une légère parano. Est-ce qu'on me regarde ? Est-ce que les arbres me veulent du mal ? Mais non, Stylo, allez, lâche prise, profite. Ne pas porter d'attention trop volontaire à la musique permet de la laisser venir par les chemins qui lui plaisent. Et la musique vient. La basse arrive, elle s'envole, et je me cale, et je bouge les bras, posé, bien, en paix. Tout le quotidien est parti, je suis ici et maintenant. J'ai l'impression de diriger la musique, ah c'est beau. Je profite, oui, je profite. Mon visage se tord d'extase, ma bouche s'ouvre en grand, les yeux sont fermés, une voix de femme viens chanter, je suis submergé par l'extase, je tombe sur mes genoux, je me prends le corps dans les bras, je m'écroule sur l'épaule, mon corps se crispe en entier. Avec la main j'accroche du sable, ah, cette musique me tue, cette musique me tue. Suis-je en train de mourir ? Tout se passe bien, certainement. Et BAM, une autre vague de spasmes me parcours, mon corps se contracte, ah, c'est bon, c'est mal, c'est affreux, c'est magnifique. Je ne respire presque plus ou alors par à-coups. Et d'un coup, paf, la respiration est débloquée, tout mon corps se détends et est envahi d'une paix superbe. La respiration coule, la musique coule, c'est magnifique.
La musique se finit, pour laisser place à une autre. La deuxième de l'album. Cette fois (et c'est pratique, vu que je suis sobre, je prends mes décisions tranquille), je décide de remettre à danser sans laisser venir la grosse vague d'émotion/mort/spasmes/je sais pas quoi. Je me remet debout, je me cale sur le son. Et là : ah, je suis heureux. Je tripe comme sous acide, sans acide ! C'est exagéré de dire ça, mais en même temps, vu ce qu'il se passe, je suis clairement pas dans un état normal. Je suis emporté par une joie pure et belle. Un sourire qui me traverse le visage. Je regarde mes mains, fasciné. J'ai une seule main qui entoure une espèce d'espace rond, et qui tourne autour, c'est magnifique. C'est comme ce gars au Hadra qui jonglait avec une seule balle transparente. Il tournait sa main autour, et la balle tournait, soit, mais elle semblait rester imobile, en l'air. Ça m'avait fasciné. Et maintenant, pareil, j'ai une main qui tourne autour d'une balle imaginaire, sous le ciel. Et l'autre main qui suit, boah, incroyable. Et je me balade comme ça dans le bac à sable, en regardant émerveiller mes mains danser au-dessus de ma tête. Ah oui, je tripe, je tripe à bloc même, je dirais.
Sur la fin de la track (qui n'est toujours que la deuxième que j'écoute), je me rends compte, tout de même, que je tripe de moins en moins, que les émotions sont bloquées, et puis je baille de fatigue. Vu. Je me prévois de me mettre de la musique plus punchy pour la prochaine track. En attendant, je tâche de me concentrer sur la musique... bien ! C'est fini ! Allez, on enchaîne avec Electric Universe, l'album Silence in Action, la track "Super position". L'une de mes préférées, vraiment costaud comme trance, avec des synthés qui envoient du fil barbelé, et tout.
Je suis debout, je me cale sur l'intro, je me laisse partir, prévenu que je vais partir méchamment en live (parce que je le décide, aussi). L'intro envoie, et hop là, me voilà sur la planète trance, la planète où c'est "danse ou crève", et je sens que je suis parti pour faire les deux, "danse et crève". Très bien. Après tout je suis venu pour m'entraîner à mourir, alors j'assume.
Un sample sur la physique quantique et les électrons. Une basse qui tabasse. Un break qui fait baver d'attente, et hop-là, le train est en route. Et puis, ah, terrible, voilà le synthé qui débarque, voilà le fil barbelé. J'essaie de me caler dessus, mais c'est trop puissant, le son est trop fort. Je m'écroule sur mes genoux, et puis revoilà la crise de spames, plus forte cette fois. C'est tout mon corps qui se crispe, tout le visage qui se tord. Je suis couché sur mon épaule droite, mon bras droit le long du sol, et de la main gauche je griffe le sable devant mon visage, et mon visage qui regarde ma main, se demande si c'est ma main. Et la peur qui vient. La peur de mourir. Et les spasmes qui agitent le corps, les jambes qui se replient, les muscles de l'abdomen contractés, une légère excitation sexuelle déclenchée par ces tensions musculaires. Mon corps est en train de mourir. Et la peur vient, et en même temps, la certitude que je fais ce qu'il faut. Cette musique est trop puissante, elle me dépasse. Mon corps me fait mal, je ne respire pas comme j'en ai besoin. Je me dis "Bon, ça va aller". Et là, clic.
Pfiouuuu la respiration revient. Les muscles se détendent. Me voilà alongé sur le dos, dans un bunker de golf, parfaitement soulagé. Soulagé. Ah, c'est le mot. Je suis comme un nourrisson qui vient de téter sa mère, parfaitement contenté. Mon corps est chaud, il se repose, il vient de passer une épreuve, et maintenant il s'étends, se déroule. Je change la musique, trop puissante, pour passer sur une track de Solano, intitulée Saturation. De la psyprog éthérée, céleste, un truc qui pulse la lumière et la confiance.
La détente est magnifique. C'était quoi mes problèmes déjà ? Pourquoi je suis venu ? J'avais du mal avec mon quotidien ? Ah, oui. Je me demandais comment passer la mort/renaissance ? Bon, je m'en fais une meilleure idée, maintenant.
Tout va bien. Tout. Va. Bien. Je me vautre sur le sable mouillé, content de faire partie de la création. Je ne baille plus. Plus aucun blocage du genre "je ne sais pas triper". Si, si, je tripe comme il faut. Pour triper, il n'y a rien à faire. C'est comme ce que m'a dit Larry à propos du combo danse+trance+LSD : "Si dans ta tête il y a une voix qui commente l'affaire, c'est que tu ne tripes pas comme il faut. Ce qui est difficile à admettre, c'est qu'il n'y a rien à faire pour triper." Oui, j'ai compris. Il n'y a rien à faire. Une fois que je suis passé au travers de tous mes doutes, peurs et spames, hé hé hé.
Tous ces mots servent à fond à me conduire vers un gros Rien. Il n'y a aucun mot pour décrire l'état de conscience qu'on trouve une fois qu'on a dépassé toutes les questions. Je ne sais pas si c'est ça, l'Éveil, mais en tout cas je suis à peu près sûr d'avoir compris une dimension de ce qu'on appelle l'Éveil. Il n'y a pas de mots pour ça. J'ai peut-être atteint une fraction des possibilités du truc, mais ce qui est sûr, c'est qu'il est impossible de décrire cet état à moins d'y être arrivé. Il n'y a rien à décrire. Il n'y a qu'une joie complète, parce que tout ce qui est souffrance a disparu. Bon, je tiens un discours super bouddhiste, là, c'est très cliché, hein ?
Bref, tout va bien.
Et je quitte le terrain de golf, non sans avoir effacé mes traces dans le sable avec un rateau qui traînait par là (j'ai laissé des traces spéciales je vous dit). Je passe par un champ d'herbes hautes trempées, mes chaussures sont saturées d'eau, mon pantalon colle, mais je m'en fous. J'ai fait mon trip. J'ai réglé mes affaires, du moins en partie. À mesure que je rentre chez moi, la fatigue m'accable, une bonne grosse fatigue bien saine. Une fois rentré chez moi, j'ai vraiment l'impression d'avoir fait quelque chose, d'avoir réussi quelque chose. J'ai tripé à blanc. Et voilà. C'est pas la première fois que je le tente, mais c'est la première fois que ça passe aussi bien, que ça va aussi loin. Je m'affale, ah, je suis content. Allez, je me change, je me couche. Quelques pensées résiduelles post-trip, un peu désagréables, qui me rappellent une descente de DXM. Ah, même après un trip drug free il y a une descente ! Ah, on est pas aidé. Bon, allez, gamin, si t'as faim, on se fait un bon gros bol de yaourt, on aère la chambre si t'as chaud, et hop au lit. Et là, dodo, pour de bon.
Le lendemain, rêves étranges au réveil, puis j'émerge. J'ai faim. Allez, on va acheter des croissants, on revient, on se fait un café, on prends le petit-dèj et on rédige le TR. Et voilà !
Ah, c'est ouf. Il est possible de triper à blanc. Bon, j'aurais jamais pu faire ça si THC, LSD, et DXM n'étaient pas passés par là, et tant mieux. En effet, j'ai passé tout mon trip à essayer d'imiter les effets de ces drogues, tout en laissant des choses passer sans les contrôler. Dur à définir. Comme avec la drogue, il s'agit de laisser les choses passer sans essayer de les contrôler. En fait, la partie qui doit rester active c'est celle qui dit : "laisse les choses venir !" Bref, on retombe dans les termes bouddhistes de lâcher-prise, d'effacement de l'ego, bla bla bla.
Le trip à blanc, c'est comme tout, il y a des plus et des moins. Je vais lister un peu les avantages et les inconvénients, comme ils m'apparaissent en ce moment. Mon expérience est assez restreinte, mais je compte pas lâcher ce mode d'introspection, alors je met ce qui me semble pertinent pour le moment.
Avantages de triper à blanc :
- Le trip est très facilement gérable, interrompable à tout moment.
- Pas besoin de se soucier de la dose, du temps d'action, des pauses entre les trips.
- Les pensées vont moins vite, on peux tenir le rythme.
- On s'en souvient très bien, en fait, mieux qu'un trip sous psyché.
Inconvénients de triper à blanc :
- Ça demande un setting soigneusement choisi
- Le set doit être bien préparé
- Il faut une grosse dose de lâcher-prise, être bien expérimenté avec les psychés classiques (du moins c'est mon cas)
- C'est pas très facile je trouve.
- Il faut en tenir une couche aussi.
Caractéristiques neutres:
- Ça dure moins longtemps
- Presque pas de descente, un certain afterglow quand même
- C'est franchement très différent des psychés ordinaires.
Bon, j'avoue que là j'ai décide de triper à blanc, parce que j'avais vraiment pas envie de m'organiser un gros trip au DXM, qui m'aurait emmené là où je n'aurais pas voulu, peut-être. Et puis je prends trop de drogue en ce moment. Donc c'est principalement l'avantage "Pas besoin de se soucier de la drogue" qui m'a intéressé.
Dans tout ça il y a aussi la recherche d'une transition, parce que je vais pas prendre du DXM toute ma vie non plus. Alors, je cherche un moyen de remplacer ça par quelque chose d'autre. Mais je suis pas pressé. Des trips au DXM je vais encore en faire, et le LSD au Hadra c'est toujours prévu. Et triper à blanc c'est une super préparation pour des gros trips au psyché. S'entraîner à lâcher prise, rentrer dans les émotions, garder un pied sur terre quand ça m'arrange, tout ça c'est une super école.
Bref, ça va un peu mieux, maintenant je vais m'attaquer à la vie avec un peu plus d'espoir

Allez, salut, et tripez safe les copains.