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L'ADDICTION 10 - Les paradoxes du tox (PART 1) - (-18)

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Deleted-1

Invité
[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]LES PARADOXES DU TOX (PART 1) - Introduction à une introspection au marteau (-18)[/font]

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[size=medium]Cet article est une recomposition de paragraphes prélevés dans différents articles, dont les sources sont dans l'introduction.
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[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]
Toute société reproduit sa culture – ses normes, ses postulats sous-jacents, ses modes d’organisation de l’expérience – dans l’individu, dans sa structure psychique sous la forme de la personnalité. Comme le disait Durkheim, la personnalité est l’individu socialisé. Il s'agit dans les prochains articles de voir comment au travers du phénomène d'addiction, l'individu moyen occidental a intériorisé le modèle capitaliste et libéral dans lequel il vit, et qu'il entretient malgré lui dans sa manière d'être, dans sa façon de vivre en (sur)consommant, mais aussi en étant dépendant de toutes sortes de choses.[/font]


[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]DE LA SERVITUDE MODERNE (
)

Un système social, quel qu’il soit, existe toujours sous cette double forme :

- Autour de nous sous une forme objective, dans le foisonnement des institutions, appareils, organisations, techniques, classements, distributions, répartitions, réglementations, codes, etc
- En nous sous forme d’ensembles structurés, plus ou moins cohérents et compatibles, de dispositions personnelles, inclinations, tendances, motivations, compétences et aptitudes à fonctionner dans un tel environnement objectif

Pour qu’un système social fonctionne et se reproduise, il faut qu’il y ait une relative congruence entre structures externes et structures internes façonnées par une même histoire, celle que chacun se raconte, que l'on compte de génération en génération dans les manuels d'Histoire, et dans les médias. Notre moi se construit à partir des structures objectives existantes : par le biais de sa socialisation, l’individu en intériorise la logique de fonctionnement et en incorpore les modèles et les normes, au fil des expériences liées à sa trajectoire personnelle. Le psychisme de chacun est façonné par la société dans laquelle il vit. Deux sociétés différentes, ou deux époques historiques différentes d’une même société, ne peuvent façonner le même type d’individu. En retour, à mesure qu’il se construit, l’individu tend à s’autonomiser relativement (à devenir un sujet) et à réagir sur les structures en place pour les reproduire et les modifier tout à la fois dans des proportions variables (se conformer ou critiquer le système en place). Aujourd'hui l'on peut se demander où en est l'être humain, devenu objet interchangeable d'un système marchand, mais tout en se croyant sujet, tant il est individualisé et éprit de l'illusion narcissique d'être unique ?

Une problématique de subjectivation faute d'un dialogue intérieur efficient

Tel est le contenu sociologique minimum qu’il importe de donner à la notion de social, faute de quoi l’analyse des faits sociaux ne peut que s’enliser dans d’insurmontables antinomies entre un dehors sans rapport avec un dedans, et un dedans sans lien avec un dehors. Le système en place n'est qu'un système ordonné par des individus, qui lui permettent d'exister. Ainsi, lorsque nous proclamons notre hostilité au « système capitaliste », et que toutes les critiques que nous formulons s’adressent exclusivement à ses structures économico-politiques objectivées, il est clair que notre analyse s’est arrêtée à mi-chemin et que nous avons oublié de nous interroger sur la partie intériorisée du système, c’est-à-dire sur tout ce qui en nous contribue à faire fonctionner ces structures, causes de tant de dégâts en nous et autour de nous.

Il est question de notre égoïsme poussant à dénier toutes responsabilités et conséquences de nos actes, de notre nihilisme à se ficher de problématiques auxquelles on ne peut rien à notre échelle individuelle (ce " à quoi bon " défaitiste menant au je-m'en-foutisme), comme le réchauffement climatique du à l'industrie reine, et non pas à des citoyens culpabilisés de prendre leur voiture promut par le marketing. Mais faut-il pour autant user autant de son véhicule personnel quand d'autres moyens de transport plus écologiques existent ? [/font]
[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Chacun préférant se contenter d'une fiction cinématographique dénonçant les travers du monde pour s'en sentir concerné (James Bond nous sauve à chaque fois), faut-il légitimer l'industrie polluante en ne s'y intéressant pas, afin de ne pas savoir ce qui nous dérangerait ? [/font]
[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Un autre exemple serait en rapport avec certains composants électroniques de nos smartphones qui sont composés de terres rares, et dont l'exploitation engendre des catastrophes économiques, politiques et environnementales dans des pays dont on ignore même le nom, sans parler des conditions dans lesquelles sont assemblées ces composants, par des travailleurs esseulés et sous payés (quand ce ne sont pas des enfants). Mais aussi des dépotoirs où les appareils technologiques démodés vont être amoncelés en montagne d'ordure high-tech, dans des pays poubelles bien loin de notre bel occident. Acheter un téléphone dernier cri, c'est participer à l'exploitation mise en place au travers de politiques capitalistes et libérales, et nous le faisons tous.

Mais nous n'en disons rien parce que nous sommes dépendants de toute cette technologie

Il faut comprendre que ces structures économico-politiques ne pourraient pas fonctionner sans le concours de ce que certains sociologues ont appelé un « esprit du capitalisme », c’est-à-dire sans une adhésion subjective des individus qui engagent, au-delà même des idées conscientes et des sentiments explicites, les aspects les plus profonds et les plus inconscients de leur personnalité, tels qu’ils ont été façonnés par leur socialisation dans le système. Si un système nous produit (ou contribue à nous produire) en tant que membres de tel groupe à telle époque, cela veut dire que, par le biais de mécanismes sur lesquels on est encore loin d’avoir fait toute la clarté, les déterminations sociales que nous intériorisons deviennent véritablement chair et sang. Le social s’incarne en chaque individu, et ses déterminations une fois incorporées à notre substance, jouent par rapport à notre façon d’être au monde le même rôle à la fois indispensable et non perceptible que nos os et nos tendons jouent dans notre locomotion. Elles ne sont plus ressenties comme des contraintes extérieures mais comme des mouvements dont le point de départ se situe dans l’intimité la plus profonde de notre moi, part inaccessible en soi sans une sensibilité particulière, à retrouver.

Il est toujours possible de contraindre une masse d’agents sociaux à l’obéissance en recourant à une répression plus ou moins féroce

Mais un système fonctionnant uniquement à la coercition ne serait pas viable longtemps. Pour éviter d’avoir à casser continûment des têtes, il vaut mieux façonner durablement les corps et « l’esprit » qui les habite. Pour la longévité d’un système, il faut impérativement que ceux qui le font fonctionner soient disposés à le faire de leur plein gré, au moins pour l’essentiel. Et plus leur adhésion est spontanée, moins ils ont besoin de réfléchir pour obéir, et mieux le système se porte. Par exemple, on a bien comprit qu'au nom de la morale et de la bienpensance, chacun se devait de voter pour le gentil Macron, afin de contrer le méchant Front National comme cela c'était déjà passé [size=medium][font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]en 2002[/font]
, la télévision et les mass médias entretenant cette bêtise et cette ignorance généralisée de manière à ce que les individus se sentent contents d'eux, et puissent ensuite retourner paisiblement à leurs divertissements avant le prochain cirque électoral.

Importance de l'introspection pour dépasser ses fausses morales, ses hypocrisies

On comprendra mieux ainsi pourquoi la critique d’un système capitaliste ne peut s’en tenir aux méthodes traditionnelles de lutte économique et politique, et se contenter de mettre en cause les structures objectives de l’ordre établi (par exemple le marché incontrôlé des capitaux financiers, la politique de privatisation des services publics, ou le caractère technocratique de la construction européenne, etc). En plus de ces dénonciations, elle doit en outre et en même temps, mettre en cause la part que nous prenons personnellement, même et surtout si ce n’est pas intentionnel, à la « bonne » marche de l’ensemble. Nous participons tout à chacun à l'essor néo libéral du capitalisme. Ce retour réflexif de la critique du système sur elle-même (donc sur soi, sur ses comportements) est une entreprise difficile car elle ne peut que heurter, de prime abord, la bonne conscience des opposants au système, qui croient généralement en avoir assez fait en dénonçant le caractère pernicieux des structures objectives de l’ordre capitaliste, c'est à dire en leur refusant leur adhésion expresse, sans même soupçonner en quoi une telle prise de position critique, en raison même de son caractère partiel, peut contribuer au fonctionnement du système.

Il faut comprendre que le système récupère toute opposition, toute contradiction, toute manifestation à son avantage[/font][/size]

[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Et ce malgré les individus le dénonçant, parce qu'ils sont dépendants du système et des biens proposés sur le marché. Gueuler un bon coup et retourner bosser en baissant la tête, ou consommer pour trouver satisfaction dans un achat réconfortant, n'a jamais fait de tort au système, le changement passe par une lutte active et par des passages à l'acte inclinant le cours des choses. Une manifestation n'a que peu d'effet alors qu'une grève paralyse le système en partie selon son importance, alors les citoyens se rendent compte que tous ensemble ils détiennent le pouvoir, parce que sans eux les plus riches ne sont rien. Mais effectivement les plus farouches seront fichés, tenus à résidence ou emprisonnés à titre d'exemple, quand les autres n'auront pas le choix que de se plier aux exigences du système pour payer leur loyer, rembourser leurs prêts, assurer le devenir de sa famille, donc continuez de refaire le monde devant son téléviseur en regardant des programmes choisis et spécifiques quand au contenu des informations diffusées. De la lutte active à la critique passive, le choix de la facilité est souvent préféré, et le système ne s'en porte que mieux.[/font]


[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]COMPRENDRE QU'ON EST A LA FOIS VICTIME ET BOURREAU

Chacun a tendance à projeter partout les angoisses et agressions qu’il reçoit de son environnement, dans sa vie intime, professionnelle ou politique. Il reproduit le sentiment d’être instrumentalisé en instrumentalisant, transposant la brutalité de sa vie sociale dans sa vie intime. Quand on en prend la tête au boulot, on est en met plein la tête à sa femme ou ses enfants en rentrant le soir, ou l'on s'en désintéresse en se repliant sur soi, dans des pratiques addictives diverses pour s'oublier en oubliant ce monde merdique. L’une des caractéristiques du système capitaliste consiste donc à transformer les victimes en bourreau. Ce statut ambivalent contribue à une fracture mentale et à des comportements sociaux en contradiction les uns avec les autres, lorsque chacun aspire à une vie sociale et altruiste du monde, mais désire en parallèle être le meilleur et le plus riche possible. [/font]

[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Toutes les rencontres, même les plus intimes, deviennent alors l’occasion d’instrumentaliser l’autre comme un objet de plaisir ou de pouvoir, dans le but de trouver de la satisfaction dans toute cette déception, toutes ses désillusions qui fichent la déprime et pousse au nihilisme, à la passivité. Malgré lui l'individu lambda reproduit souvent dans ses relations, l’exploitation qu’il ressent ou subit au quotidien. La drogue étant un moyen comme un autre de ne pas faire subir à autrui ses frustrations, en retournant contre soi son agressivité et ses culpabilités, au travers d'une recherche de jouissance pour soi, par soi. L'usager n'a pas à en passer par autrui, il règle son conflit intérieur avec lui-même, toujours dans une optique de consommation, d'appropriation, et de recherche de profit dans la jouissance.[/font]

[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Vivre dans la contradiction, entre idéalisation et réalisme

Dans son livre 1984, Orwell décrivait la « double-pensée », cette capacité de l’être humain à intérioriser deux affirmations opposées. Cette déstructuration des liens logiques est palpable dans la personnalité de l'individu contemporain. Par exemple il prône la coopération et le travail en équipe tout en nourrissant des impulsions profondément antisociales et s’enferme souvent dans des attitudes de « tolérance hostile ». Il est extrêmement cynique et désabusé par le monde politique mais continue à voter pour tel ou tel parti. Il exalte le respect des règlements mais triche dès qu’il peut. Il se conforme aux normes sociales par crainte d’être puni par autrui, mais il se voit souvent comme un hors-la-loi et se représente les autres de cette manière pour se légitimer de tricher. Il bouillonne de désirs et de colère mais se veut sociable, incolore, soumis. Il se veut superficiellement détendu et tolérant, ne cherche pas à imposer ses propres certitudes aux autres, mais il se crispe sur ses positions s’il se sent attaqué. Il rejette la religion mais apparaît comme un être de croyances, dans la mesure où il délègue sans cesse à d’autres ce qu’il doit penser et faire, comme à une instance supérieure (experts, entreprises, sectes, amis, etc). Ici il est important de comprendre l'importance qu'ont les croyances de chacun en rapport avec ses propres idéaux, ses rêveries et illusions qui nous bercent mais nous portent aussi dans nos contradictions, entre nos points de vue idéalisés d'une part, et réalistes d'autre part. Il s'agit de comprendre dans notre discours les moments où nous constatons le tragique du réel à partir de faits concrets et avérés, et les moments où nous proposons un idéal, une vision des choses nous paraissant la plus appropriée selon nos convictions et idéologies politiques. Le problème étant de comprendre son propre point de vue lorsque dans une même affirmation s'entremêle réalisme et idéalisme, au delà de nos confusions nous empêchant de passer à l'action.

La double-pensée et la publicité qui légitime le merchandising

Un exemple frappant est l'acceptation de la publicité par le plus grand nombre, lorsque l'individu la regarde passivement, attendant que le programme s'enchaine, enchainant son esprit dans une logique consumériste. Son discours étant bien sur que les autres se font avoir mais pas lui, alors qu'il est à des lieux de comprendre les mécanismes inconscients de l'action publicitaire (le neuro-marketing) sur le cerveau humain, parce que regarder ou écouter ainsi la publicité c'est l'avoir déjà légitimée, acceptée et tolérée, bref c'est déjà trop tard. A partir de là il est normal de regarder un film avec une ou deux coupures pub, que TF1 permette d'insérer six minutes de publicité dans son JT du soir, d'être constamment influencé à consommer où qu'on aille (panneaux publicitaires animés dans le métro et la rue, alors que ça consomme une blinde en énergie), de subir des intrusions dans son quotidien par des annonces laissant croire qu'on a à y gagner, alors que le consommateur est toujours le pigeon dans l'histoire. Si c'est gratuit, le produit c'est toi (mais le consommateur s'y soumet de part lui-même, toujours égaré dans la croyance qu'il a à y gagner, parce qu'il est dépendant dans sa structure psychique à une quête de profit et d'avoir et de paraitre, au détriment d'être).

La méfiance à l’égard de la publicité, tout en continuant à consommer, le rejet de la politique-spectacle, en se passionnant pour ce qui s’y déroule, font de nous des êtres paradoxaux. Ce brouillage idéologique auquel la publicité et les masse médias contribuent fortement nous amènent à adhérer à des « certitudes » de plus en plus opposées. Par exemple l’idéal du tout automobile mais en parallèle la saturation des routes, le triomphe de la communication mais aussi l’expansion des solitudes (la technologie nous fait seuls ensemble), les sirènes de la croissance économique ainsi que la marée noire du chômage, la communication pour tous, mais qui connait le coût et le fonctionnement des datas centers ? Il faut croire tout et son contraire, et l'on justifie tout et son contraire. Notre attention sélective nous fera voir que ce qui nous rassure à tel moment, le reste étant dénié et refoulé. Il s’agit d’une véritable fracture mentale où chacun doit faire tenir ensemble les tristes données de l’expérience quotidienne, et l’incessante imprégnation d’une idéologie ambiante qui « positive à mort ». [/font]

[font=Calibri, Helvetica, sans-serif,]Pour dépasser sa propre servitude moderne, il est donc indispensable de comprendre les paradoxes qui nous habitent, et le prochain article se focalisera sur les paradoxes en liens avec la consommation de stupéfiant.


Les paradoxes du tox (part 2) - Si tu lis, tu seras juge...de toi-même
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