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Egocentrisme 9 - Morale, biopolitique, idéologies et gestion des comportements

Laura Revenudelaba

Elfe Mécanique
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12 Juil 2022
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ÉGOCENTRISME MORAL - IDÉOLOGIES ET GESTION DES COMPORTEMENTS, INTRODUCTION A LA BIOPOLITIQUE


Qu’est-ce que la biopolitique :

« Le concept de bio-pouvoir désigne l’ensemble des techniques d’intervention sur l’existence des êtres humains, considérés comme des créatures vivantes qui naissent, grandissent, peuvent être entraînées et améliorées, qui tombent malades et meurent, ainsi que sur les caractéristiques vitales des populations. »

Qu’est-ce que la morale ?

La morale concerne les règles ou principes de conduite, d'après l'idée que chacun se fait de ses droits et de ses devoirs. La perpétuation de valeurs morales, qui structurent toutes idéologies, s’effectue dans la recherche d'un bien idéal, individuel ou collectif, dans une société donnée à une époque donnée.

On distinguera la morale sur quatre plans, autour desquels s’élaborent nos personnalités :

- Un plan physiologique (valeurs biologiques relatives à nos inclinations propres dans nos prises de décision)
- Un plan culturel (principes moraux selon nos conceptions de ce qui est bien et mal)
- Un plan comportemental (orientations que prennent nos actions d’après nos inclinations biologiques et culturelles)
- Un plan institutionnel (l’ordre moral global établi dans la société, intériorisé en chaque individu, dans des conditionnements physiques et psychiques)

L’approche biopolitique visera à expliciter comment les valeurs morales s’imbriquent dans nos structures biologiques, affectives et cognitives, au travers d’attitudes conditionnées par des dimensions culturelles, dans un contexte politique idéologique particulier.

Mais commençons par définir l’égocentrisme moral, afin de mieux comprendre comment s’organisent les valeurs morales de l’ensemble des citoyens dans la pérennisation d’un ordre politique établi, tel un inévitable cap à suivre.

L’égocentrisme moral consiste à se prendre pour valeur indépassable, à évaluer le monde d’après ses conceptions propres du bien et du mal, sans estimer l’avis d’autrui, dont les valeurs morales différent selon nos sensibilités propres (une personne de gauche l’est viscéralement, tout comme un raciste voit sa haine de l’autre (moralement jugé inférieur) ancrée au plus profond de ses chairs). Nos valeurs morales reposent donc sur un substrat biologique individuel, dans une hiérarchisation organique interne (communément appelée les « goûts et les couleurs »). C’est donc à partir de logiques d’évaluations et d’orientations permanentes (qui mènent à des prises de décisions), que nos tendances innées et habitudes acquises nous font aimer ceci ou détester cela, au travers d’émotions telles la joie, la colère ou le dégoût. Ainsi, nos réactions émotionnelles relèvent d’inclinations morales, via de perpétuels choix préférentiels qui guident nos comportements, en nous faisant obéir ou désobéir à des règles.

Nos réponses comportementales dépendent de notre régulation émotionnelle, face à des situations jugées positivement ou négativement.

Nos goûts et appétences sont façonnés par et façonnent nos valeurs morales, dans une évaluation des situations rencontrées, qui nous reviennent agréablement ou désagréablement. Du physiologique au psychique, en fonction de nos valeurs biologiques, nos réponses émotionnelles ont un retentissement politique, quand toutes nos actions s’inscrivent dans un cadre moral à un niveau culturel. Nos positionnements culturels sont relatifs à notre éducation, du fait que les normes qui encadrent nos comportements  et nos jugements moraux dépendent de notre milieu. Entre innée et acquis, notre éducation nous structurent moralement, par exemple au travers d’expériences sociales favorisant le développement de notre empathie, ce qui nécessite un décentrement de soi dans une différenciation d’avec autrui, dont on saisit le positionnement moral par rapport au sien sans jugement (tolérance).

Idéalement, le rôle de toute éducation morale serait d’éviter les formes d’égocentrisme déniant les points de vue et sensibilités d’autrui, en apprenant dès le plus jeune âge aux enfants à se décentrer, dans la reconnaissance et le respect de leur prochain. D’une structure égocentrique naturelle à une socialisation essentielle au vivre ensemble (via sollicitude empathique), comment dans une régulation émotionnelle éthique se déconstruirait l’égocentrisme fondamental de l’enfant, au fil de son développement moral ?


PLAN PHYSIOLOGIQUE - GÉNÉALOGIE BIOLOGIQUE DE LA MORALE ET VALENCE ÉMOTIONNELLE

La valence émotionnelle est la puissance d'attraction (valence positive) ou de répulsion (valence négative) qu'un individu éprouve à l'égard d'un objet ou d'une situation.

Une question de goûts.

Nos valeurs morales s’établissent à partir de nos inclinations biologiques à préférer telle ou telle chose, d’après des évaluations  homéostatiques selon nos préférences physiologiques, inscrites dans nos chairs. Ces préférences s’affirment via nos émotions, qui régulent notre organisme afin de stabiliser son état (homéostasie).

Ce qui émotionnellement nous dégoûte sera jugé moralement comme mauvais, quand ce qui nous plaît en nous mettant en joie, sera jugé favorablement. Cela dépend de notre valence émotionnelle, qui, dans d’incessantes évaluations, varie entre valence positive et valence négative d’après nos inclinations. Entre attraction et répulsion vis-à-vis d’une chose, nos inclinations physiologiques, relatives à notre bain biologique, sont le fondement organiques de nos valeurs morales.

Les goûts et les couleurs, une question d’émotion, qui colore éthiquement nos goûts.

« Les émotions sont les exécuteurs et les serviteurs zélés du principe de valeur, le produit le plus intelligent à ce jour de la valeur biologique. »  - Antonio Damasio

Comment s’élaborent nos idéaux moraux, constitutifs des idéologies que l’on suit, afin de se guider dans nos vies tourmentées.

Nos émotions s’expriment d’après nos inclinations physiologiques face à une chose, dans une valence positive ou négative selon nos orientations morales, transmises culturellement. Notre conditionnement culturel façonne nos réponses émotionnelles face à une situation, de part la reproduction d’attitudes dans un mimétisme comportemental, affectif ou cognitif. Ces attitudes correspondent à des représentations intériorisées au fil de notre développement, telles des images idéales que l’on tâchera d’incarner dans nos comportements et positionnements moraux, lors de situations données (on constatera l’importance des stars, nouvelles idoles à imiter). Ces images, constitutives de nos idéaux moraux dans nos imaginaires, sont les contenus iconiques de l’esprit. A forte valeur symbolique, nos images mentales, qui composent nos représentations des choses, nous servent de guide moral ou de modèle comportemental à reproduire dans nos expressions, autant corporelles que psychiques ou spirituelles.

Comment s’effectue l’attribution de valeurs aux contenus iconiques de l’esprit ?

« Toute image traitée par le cerveau est automatiquement appréciée et marquée d’une valeur à la faveur d’un processus fondé sur les dispositions originales du cerveau (son système de valeur biologique), ainsi que sur celles qui sont acquises par apprentissage tout au long de la vie. Cette estampille est ajoutée durant la perception originelle et est enregistrée avec l’image, mais elle est aussi ravivée à chaque remémoration. En résumé, face à certaines séquences d’évènements et à la richesse des connaissances passées qui ont été filtrées et marquées d’une certaine valeur, les dispositifs cérébraux de coordination assistent l’organisation des contenus actuels. » - Antonio Damasio

Ainsi nos valeurs morales s’élaborent physiologiquement au travers de réponses émotionnelles, qui régulent nos comportements, orientés d’après des images mentales servant de modèles. Ces images mentales, à forte valeur symbolique, constituent nos idéaux, d’après notre bain biologique qui nous pousse à préférer ceci à cela, en lien avec notre culture. Nos idéaux moraux sont relatifs au nos valeurs physiologiques, qui, d’après l’expression et le développement de nos tendances innées et acquises, déterminent notre vécu dans un ordre social et politique déterminant. Pour le dire simplement, issu d’un milieu particulier, nous sommes le reflet de notre éducation, dans un contexte socio-économique aussi catégoriquement impératif que décisif dans l’expression de nos destinées.

On comprend ainsi à quelle point l’aspect politique de nos vies se fond dans un aspect biologique, au travers de conditionnements moraux (idéologiques), qui orientent nos comportements à partir d’idéaux façonnés par des images à fortes valeur symbolique. Le trait d’union entre biologique et politique étant l’éducation, maîtresse de tout éventuel changement dans une régulation émotionnelle plus ou moins éthique et morale (relation pro ou anti-sociale), tous ensemble à chacun de lutter pour préserver les valeurs qu’il voudra perpétuer.


EN CONCLUSION

Chambouler moralement les citoyens exacerbe l’égocentrisme de chacun dans un repli sur soi individualiste.

De corps sociaux atomisés dans une confusion apolitique entre classes divisées, de décennies en décennies s’alimente une perte de valeurs et de confiance généralisée, qui limite toute cohésion sociale interclasse mobilisante (avec en prime la montée des nationalismes). L’incapacité des citoyens à s’engager collectivement face aux puissants est du à un manque de coordination à différentes échelles, alors que les puissants sont eux très coordonnés dans leur gestion des populations, en développant toujours plus de techniques « cool » de manipulations, bio-pouvoir qui infusent dans la société : fun capitalisme, lean management, nudging, autant de manières de gouverner participant à la « nouvelle gestion publique » imposée ces dernières années. Et ce au nom d’une « bienveillance » qui moralise les relations entre institutions et citoyens culpabilisés de ne pas s’adapter à un ordre gestionnaire ultra-libéral, dont les structures économico-politiques sont mises au service d’un capitalisme financier effréné.

Nous verrons dans le prochain article quelques techniques biopolitiques visant à susciter l’adhésion des citoyens à la privatisation des biens communs, la destruction des services publiques, des corps intermédiaires et des institutions étatiques, dans des logiques de privatisation du vivant, ou comment faire du profit sur la vie, en extrayant toute sa valeur, autant affective dans des relations toujours plus virtualisées, qu’économique via des prédations territoriales en vue de s’accaparer des matières premières qui permettront quelques spéculations sur les marchés financiers. Le tout en regardant brûler notre monde.

Obéir à l’emballement inertiel d’un système complètement fou demande une phénoménale quantité d’abnégation, de soumission dans une certaine désensibilisation. Vide intérieur que nous éprouvons tous en le désapprouvant. Réfléchir à la notion de biopolitique revient à ouvrir une porte introspective vers une amorce de récupération de ses subjectivités, détournées par des puissances politiques aux techniques de manipulations toujours plus sophistiquées.

« Ne soyez plus éco-anxieux, je vous invite à être éco-furieux. » - Frédéric Lordon​
 
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