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[fiction] Cannabis - Effets dissociatifs dépersonnalisant et déréalisant

Laura Revenudelaba

Elfe Mécanique
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12 Juil 2022
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Ce Tr n'en est pas un.


Il s'agit d'un extrait de roman que j'ai écrit sans être paru. Pour remettre l'histoire dans le contexte, Vernus a 17 ans en banlieue parisienne et il découvre la drogue avec ses amis, entre kiffe et questionnements existentiels, à la découverte de soi et du Tout. Ici Vernus test la weed pour la seconde fois, après un premier essai non concluant :


Le lendemain il redemanda à fumer avant d’aller manger. Martin lui suggéra que pour ressentir un maximum d’effet, il lui fasse une soufflette. Vernus acquiesça sans même savoir de quoi il s’agissait. Martin lui expliqua qu’il allait tirer une taffe, mettre le joint à l’envers dans sa bouche de manière à ce que seul le carton en ressorte, et en entourant sa bouche de ses mains, lui souffler la fumée le plus longtemps possible à gorge ouverte. Fallait juste qu’il aspire en continu, rien de très compliqué. Vernus inspira de longues secondes la fumée insufflée par Martin, jusqu’à ce que ce dernier arrête. Étonnamment, ça ne le brûla pas.

- Wahou mais t’es un ouf ! remarqua Martin.​
- Comment ça ?​
- D’habitude personne tient aussi longtemps mes soufflettes. Toi t’as tenu jusqu’à ce que j’en peux plus !​
- Ah ouai !? répondit Vernus sans trop afficher sa fierté.​
Il souhaita réitérer l’expérience une deuxième fois, puis une troisième. Ils finirent le joint en se le passant et allèrent à la cantine.​
En chemin Vernus fut envahit par un sentiment d’étrangeté grandissant. Ses pensées et son environnement lui semblèrent de moins en moins familiers, comme s'il manquait une donnée à l'équation. Déconnecté du réel, sa réalité se déroulait comme dans un rêve éveillé. Son corps et son esprit n'étant plus en harmonie, d’une impression de peser deux fois plus lourd qu'à la normale, le bâtiment de la cantine lui parut différent de d’habitude, bien qu’aucun changement notable ne ressorte quand il y porta attention. Attention qui semblait absente quand il ne pensait à rien, mais très présente quand elle se focalisait sur un objet. Formées de deux rectangles blancs aux vitres noires, les portes de la cantine lui apparurent tel un puissant symbole, direction à suivre aspirant ses perceptions inspirées. En place des deux surfaces noires sur fond blanc, l’espace d’un flash son imagination lui fit se représenter deux yeux le regardant, avant de redevenir de simples portes vitrées. C'était bizarre. Vraiment très bizarre. Comme la dernière fois où il avait vu l’œil. Mais il apprécia le vécu intense de ces phases délirantes momentanées. Avant de retrouver un état d’observation neutre et critique. A la recherche d’un affect pour se reconnecter à une réalité plus chaleureuse, rassurante, Vernus cru ne plus ressentir de sensations en ne percevant qu’un engourdissement général, dans un paradoxal excès de sensations. Il se rendit compte que ses sens bourdonnaient dans tout son corps, mais que son esprit en était détaché. Détachement de soi provoquant la sensation de redécouvrir son monde en l’appréhendant différemment de d’habitude, mais sans arriver à l’identifier de manière certaine. Comme si les limites de tout ce qu’il percevait n’étaient plus définies, aussi instables que son attention allait et venait par vague de concentration.​
Vernus voulu partager ses effets concrets aux deux autres, et dit d'une voix fébrile :​
- Hey les gars. C'est trop chelou ce qui m'arrive. Je vois des...portes. Enfin ça paraissait pas en être..​
- Ah ouai, répondit Jérôme sans véritable intérêt.​
- C'est cool, surenchérit platement Martin, coupant court à l’échange.​
Prient dans leur propre défonce, dans une ambiance lourde et pesante, stressante, tous étaient trop high pour partager ce que l’autre ressentait. A table, Vernus expérimenta encore plus intensément l’étrangeté du phénomène dépersonnalisant. Sans s’en rendre compte, le brouhaha de fond du réfectoire devint de plus en plus prenant, oppressant. Au point de l’assourdir. Jusqu’à prendre conscience de sa rêverie en constatant phaser sur son assiette depuis un temps indéterminé. Bouche à demi ouverte. La brusque reconnexion lui rappela qu’il était à la cantine, complètement défoncé au point de ne pas arriver à entendre ce que se disaient Jérôme et Martin, à côté de lui. Tout paraissait si lointain, si inhabituel. Yeux injectés de sang, le regard vitreux Vernus se tourna vers eux, d’une naïve voix :​
- C’est moi qui entend rien, ou c’est vous qui parlez pas fort ?​
Martin obliqua vers lui : « Oooaah mon gars, comment t’es peerchéééé...!​
- De ouf, ça vibre de partout. C’est comme si j’avais la tête dans un réacteur d’avion, c’est trop chelou.​
Jérôme hilare : « Oouai gars t’es déééééfooooncéééé ». Il lui checka la main et se marra à chacun des propos de Vernus, qui essayait de leur expliquer ce qu’il vivait.​
- J’ai l’impression de ne plus rien sentir alors que je ressens tout plus fort, c’est trop chelou. Et puis y a cette petite voix dans ma tête, qui parle sans parler… J’arrive pas à l’expliquer.​
- Pffff, t’es trop foncecard man ! Le gars il s’entend parler.​
Dissocié, Vernus percevait sa propre voix comme étrangère, comme si elle ne venait pas de lui, tandis que le bruit de fond ambiant s’imposait au premier plan de son esprit. C’était le monde à l’envers. Se rappelant un récent cours de français sur les procédés littéraires, Vernus pensa à une sorte de mise en abîme en soi-même. Avec évidence, il affirma le plus sérieusement du monde : « C’est comme si je pensais en me regardant penser. » Les deux autres rirent de plus belles, l’invitant à continuer de raconter n’importe quoi.​
Décontenancé, Vernus fut content de sortir du réfectoire et respirer à l’air libre, sous un rayon de soleil bienvenu. Pour le coup il avait vraiment ressenti les effets du cannabis. Et déjà voulait recommencer. Ce qu’ils firent dans la foulée. Martin voyant que Vernus gérait plutôt bien la défonce, proposa une indienne. Il lui expliqua qu'ils allaient prendre chacun leur tour une taffe sur le joint, en gardant la fumée jusqu'à ce qu'il revienne à soi. Il pourrait la recracher seulement avant de tirer à nouveau sur le pet'. Amusé, Vernus qui voulait surtout fumer s'exécuta. D’une deuxième claque cannabique, ils allèrent en cours tout en déconnant. Même si Vernus appréhendait de se faire griller par son professeur. Caché au fond de la classe, posé dans sa tête, en véritable spectateur de sa raison il refit le monde deux heures durant. Autrement il observa les réactions de ses camarades, jugées stupides, vaines ou grotesques. Renarcissisé, Vernus se sentit au dessus de tout, et cela lui alla très bien. En milieu d’après midi, le temps qui avait jusque là défilé à toute allure, sembla se ralentir. Jusqu’à s’arrêter. Les deux dernières heures de classe s’éternisèrent dans la lassitude d’une pénible descente. Ou comment doubler la durée d’un cours de mathématique, dans un mortel ennui.
 
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