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[TR sobre] Yule - méditation pour la renaissance du soleil

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
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Ce « trip sobre » a eu lieu le 21 Décembre 2015, soir du solstice d’hiver.

Un mois auparavant, j’avais subi une rupture très difficile parce qu’elle signait la fin des idéaux de l’adolescence, ce fantasme de la personne-miroir avec laquelle l’on voudrait passer toute notre vie alors même qu’on ne sait même pas comment passer notre propre vie… Illusions, vraiment ? Même aujourd’hui, je ne peux totalement y croire, mais ce moment est passé et j’avance droit devant, maintenant – avec quelques petits coups d’œil en arrière, parfois (ce TR en est un).
J’étais triste, profondément triste, et si j’avais pris la décision de continuer de vivre, mon quotidien n’en était pas moins douloureux pour autant. Le silence, les brusques reprises de contact, les révélations inopinées, ces revirements ont marqué le mois de Décembre en marquant mon moral au passage, et je ne savais plus qui j’étais, où j’allais, je me sentais affreusement seule surtout – c’est cela : quand la personne aimée te quitte, pourvu que tu y aies vraiment cru un instant, alors la solitude s’insère jusque dans tes tripes tout en s’exprimant avec une trivialité affreuse : à qui parler ? Et de quoi ? Que valent mes mots s’il n’est plus là pour les attraper, les polir et en faire des colliers de phrases plus précieuses que des joyaux ?
Alors que ma famille préparait Noël et que les sourires battaient leurs pleins, j’avais en permanence l’impression de me noyer au fond de moi-même. Et ayant à l’époque encore certaines formes de croyances, l’idée m’est venue petit à petit d’utiliser ce que je savais de Yule – ancienne fête païenne du solstice d’hiver, habilement récupérée par les chrétiens pour marquer la naissance du petit Jésus – pour aligner la renaissance du soleil avec celle de mon ego, du moins je l’espérais.

Pas de préparation, pas de bougies, pas de rituel… Je me suis contentée d’apprendre par cœur un texte tiré de « Vive la Tradition Celtique au fil des Saisons » par Mara Freeman, disponible en de nombreux endroits sur Internet. Certain/e/s appellent ce texte une « méditation druidique », soit ; de toute façon, nous savons si peu des religions païennes précédant les invasions romaines que je ne suis pas contre un peu de reconstruction syncrétique, tant qu’elle est assumée. Et puis je m’en fiche, de la véracité : ce qui comptait, pour moi, c’était le symbole.
Le 21 au soir, pendant la nuit la plus longue de l’année, je suis allée sagement me coucher et puis, les yeux fermés, j’ai commencé à visualiser le texte suivant :
 
Mara Freeman a dit:
Fermez les yeux, faites quelques respirations profondes, et portez votre attention au centre calme de vous-même. Vous vous tenez à l'orée d'une forêt, sur une colline, regardant une scène de crépuscule. En bas, les arbres ont cédé la place à une vallée profonde creusée par une rivière, argentée par la Lune naissante qui vogue haut dans le ciel clair. Le reflet de la Lune fait un chemin de pièces d'argent à la surface de la rivière qui coule lentement, également, dans la vallée, mais votre regard ne s'attarde pas de l'autre côté de la rivière, car une plus grande merveille se trouve de l'autre côté de la rivière : un énorme tertre de terre, qui semble être recouvert de cristal, luit dans la lumière perlée comme un miroir terrestre de la Lune même. Autour du tertre, il y a un cercle de petites pierres dressées comme des dents ébréchées.

Vous descendez la colline en direction du tertre, et maintenant vous êtes arrivé au bord d'une rivière, où poussent les jeunes saules… L'eau semble beaucoup plus large que ce qu'elle paraissait vue d'en haut, et, vous avez la déception de vous apercevoir qu'il n'y a pas moyen de la traverser... Mais tandis que vous vous tenez sur le bord de la rivière, répugnant à partir, vous remarquez une brume blanche tourbillonnante qui semble s'élever de l'eau… Et maintenant elle a pris la forme d'une femme avec une longue chevelure tourbillonnante et d'amples vêtements blancs, au côté de laquelle se trouve une vache blanche, faite aussi de brume, mais avec une étoile d'argent brillant sur son front. La dame de la rivière vous demande pourquoi vous êtes venue(e). Réfléchissez mûrement avant de répondre. Quelle est la vraie raison de votre venue en ce lieu ? Qu'espérez-vous obtenir de ce voyage ? Si votre demande jaillit d'un désir véritable de sagesse, elle s'approchera de vous et vous fera monter sur le dos de la vache blanche, qui fait demi-tour et vous emporte facilement de l'autre côté…

Et maintenant, vous approchez la colline de cristal, et vous atteignez le cercle de pierres. Mais quand vous êtes sur le point de passer entre deux rochers, un éclair flamboie, et chacun émet une haute flamme, comme une torche, oscillant de droite à gauche, vous barrant le passage, envoyant de grandes ombres mystérieuses que les murs brillants du tertre renvoient. Vous reculez en toute hâte, et maintenant une voix se fait entendre, sifflante comme les flammes mêmes, remettant en question votre droit d'être ici. Et si votre réponse est sincère et courageuse, les flammes mourront et vous laisseront passer…

Vous arrivez maintenant à la porte étroite du tertre... Deux piliers de pierre surmontés d'un troisième forment un passage étroit et noir. Devant la porte, bloquant le passage, se trouve une pierre grise horizontale, complètement recouverte de gravures en spirale. Elle semble émettre une sorte d'électricité, comme si elle était vivante et pouvait vous donner un choc si vous passiez à côté. Tandis que vous vous tenez là, vous demandant que faire, vous prenez immédiatement conscience que les motifs en spirale commencent à bouger. Vous les regardez, et vous perdez la perspective, si bien que vous semblez regarder le mouvement spiralé des galaxies mêmes. Des morceaux de quartz étincellent plus si vous regardez les pierres, en bas, ou les étoiles, en haut. Une voix profonde et sonore, qui semble venir de la pierre même, vous demande pourquoi vous voulez entrer dans la chambre. Répondez bien, et vous serez autorisé à passer…

Et quand vous allez vers l'ouverture noire de la terre, un personnage vêtu d'une robe sort de l'ombre, vous souhaitant la bienvenue. C'est votre Guide qui vient vous escorter, content que vous ayez passé les trois épreuves : l'eau, le feu, et la pierre. Tenant une lanterne pour guider vos pas sur le sol inégal, votre Guide vous conduit à une chambre étroite ; vous devez vous baisser pour y entrer. L'air est confiné, presque chaud. Alors, tout d'un coup, vous vous apercevez que vous êtes entré dans la chambre intérieure, où vous pouvez voir les ombres pâles d'un cercle de gens assis le long des murs… Votre Guide vous fait entrer dans un endroit dans le cercle, puis éteint les lumières... L'obscurité vous enveloppe comme une cape de velours... De temps à autre, il y a un profond bourdonnement tout autour de vous, une psalmodie bourdonnée dans une langue étrange... Parfois, elle est accompagnée par des instruments rythmiques : un tambour résonnant et le son de galets secoués... ou des sons de flûte comme le vent dans les roseaux… Parfois, vous percevez des sons du silence... Parfois, vous avez l'impression de voir des personnages flottant passer devant vos yeux, comme si vous rêviez… images de votre vie dans les années écoulées… Observez-les avec détachement… Laissez-les aller, laissez-les aller…

Et maintenant, quelque chose enfin arrive… Le tambour résonne de façon plus pressante... La psalmodie s'élève… Vous commencez à voir les formes des gens autour de vous et vous réalisez qu'une pâle lumière grise entre dans la chambre… La lumière croissante révèle des gens qui se balancent en rythme… Leur visage exprime une transe extatique, tandis que d'autres sont assis aussi calmes que des statues en méditation profonde… Voyez s'il y a quelqu'un ici que vous reconnaissez… La psalmodie et le tambour vont crescendo maintenant... et au son le plus haut et le plus intense, ils s'arrêtent soudain. Dans le silence, un rayon de lumière dorée, comme une rivière d'ambre liquide, s'écoule par l'entrée de la chambre… La première lumière du Soleil nouveau-né… Lentement elle glisse sur les pierres, illuminant avec son reflet doré les symboles mystérieux gravés sur les murs : spirales, broches solaires, cercles concentriques et formes de diamant… comme représentant des mots sur un livre de pierre qui, s'il était compris, révélerait les secrets de l'univers… Et maintenant le rayon du Soleil vous a atteint… Il touche vos pieds, votre corps, votre visage... Vous trempez dans la lumière par tous els pores... Vous rayonnez à présent, dans chaque cellule de votre corps… régénéré(e)… rechargé(e)… renouvelé(e)… (longue pause). Finalement, le rayon de lumière s'en va, mais son éclat reste profond dans le cœur de votre être.…

…Même après son départ, et votre sortie, un par un, vous baissant dans le passage étroit... marchant autour de la pierre aux spirales... au-delà du cercle de pierre... et dehors à la lumière du jour, la lumière d'une année nouvelle... Et vous revenez au présent, ouvrant les yeux, vous sentant pleinement éveillé, rafraîchi, et renouvelé.

Je dois avoir un fort pouvoir de visualisation, car chaque scène s’imprime directement dans mon esprit et je suis rapidement transportée dans le scénario de ma renaissance. Rapidement, j’ai compris qu’il ne fallait pas forcer la véracité : si un détail me déplaît, je n’ai qu’à le changer, peu importe. Je prends le temps de me visualiser en des lieux qui me parlent, de modifier les patterns jusqu’à me sentir vraiment transportée. Par exemple, pour la scène introductive, je ne me suis pas d’emblée vue au crépuscule ; mais d’abord accroupie dans le sous-bois, alors que brillait encore le soleil, le temps de m’imprégner de l’odeur du bois et des mousses, et ensuite seulement le ciel s’est assombri et j’ai vu la colline.
Ce qui m’a pris le plus de temps, la scène à laquelle j’ai accordé le plus d’attention, c’était bien la dernière, au fond de la grotte. Je suis extrêmement sensible aux souterrains, à leur aspect matriciel, nu et tribal, aussi je m’y suis longuement attardée. Je suis entrée dans la transe induite par le texte, j’ai vu défiler des images de ma vie, des souvenirs de ma relation passée bien sûr, mais aussi d’autres relations anciennes qui passaient en écho, et des bribes de ci et de ça, et ça flottait, et je m’en libérais, petit à petit…
Et quelle était cette clarté ? J’ai vu renaître le soleil et j’en ai été extrêmement émue, de même que j’ai sentis en moi poindre des rayons lumineux dont j’avais ces derniers mois beaucoup douté de l’existence.

Ma « méditation guidée » s’est achevée au point que j’ai décidé final, et je me suis endormie en paix, pour la première fois depuis longtemps.
Je ne prétends pas que les jours, semaines, mois suivants, n’ont pas été difficiles. J’ai rencontré d’autres personnes et j’ai beaucoup souffert pour d’autres raisons, pas totalement étrangères à celle-là – tant il est vrai que nos blessures ne font que se réveiller les unes les autres, c’est sans fin !

Mais pour finir ce TR je voudrais citer mon journal intime, extrait rédigé sous influence directe de l’afterglow :

Journal Intime a dit:
 Le soleil est mort, vive le soleil !
                  
🔅
Vais-je maintenir, retenir, tout ce que j’ai appris cette dernière année, ces derniers mois, jours ? Ce nouveau cycle fera-t-il abstraction du précédent, le condamnant à se répéter, ou se construira-t-il par-dessus, un peu plus près de mon idéal ?
Je sais, maintenant, que je veux vivre dans la joie. Je sais qu’il n’y a pas d’injustice autre que celle qu’on s’invente, que tout ce qui nous nourrira notre rancœur est oui rationnel mais justifié, non.
Je sais que la seule personne qui me fera atteindre la joie, c’est moi.
Je sais que ce monde est magnifique et qu’il ne dépend que de moi d’en recueillir les fruits.
[Énumération d’anciennes relations et de ce qu’elles m’ont apportées] → Je ne regrette rien, j’en découvre seulement maintenant la vérité distanciée de l’éclat.
Et, si je ressens de la douleur, de l’humiliation ou de la haine, ça n’est pas grave, toute vérité humaine a de la valeur en soi, et c’est à moi de trouver la force d’en faire quelque-chose de précieux, d’alchimiser mes émotions, de les tester, les doser, les goûter et en tirer l’élixir.

2015, 2019, bien des choses me sont arrivée depuis mais j’aime, de temps à autres, me rappeler ce qu’un garçon m’a, à son insu, offert en package avec la plus intense des douleurs morales : la possibilité de connaître ce qui me motive, moi seule, à rester en vie.​
 

Biquette

Modo vache qui rend chèvre
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5 Fev 2013
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Mais c'est que c'est joliment écrit tout ça !
Je sais de quoi m'inspirer pour le solstice de cette année ^^ (qui aura lieu le 22)
 

Aiskhynê

Chatterrante acidulée
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25 Déc 2011
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Ouah super tr ! C'est joliment écrit et ça donne envie de s'en inspirer c'est sûr ! J'ai bien aimé ce que tu as écrit dans ton journal intime. C'est très beau et parlant.
 

Acacia

𝓥𝓪𝓹𝓸𝓾𝓻𝓸𝓾𝓼 𝓢𝓱𝓪𝓭𝓮𝓼蒸気の色合い
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25 Mai 2017
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