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Speed, empathogènes, benzodiazépines - Forcer, ça sert à rien.

Sorence

zolpinaute de la sapience
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11 Oct 2022
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Disclaimers :
Ce TR est long, parce qu’il narre un abus de plusieurs jours, en des contextes variés.
Il évoquera des aspects relationnels / romantiques de ma vie. Si tu veux pas savoir, ne lis pas.
Il a été entièrement rédigé sur un clavier Suisse roman.


1ère partie : dompter la colère

Cette première partie illustre les inconvénients de consommer des produits de compositions inconnues. Le speed que l’on se procure en France dans la rue est un mélange de caféine, de coupes inactives et de divers stimulants. On considère pourtant, la plupart du temps, qu’il s’agit d’amphétamine. La première fois que j’ai pris du speed (nasal), une mini-pointe, les effets sont montés rapidement, avec une hausse brutale de l’énergie ressentie, de la tchatche, de la confiance en soi, et une durée de plus de 4 heures. Je n’ai par la suite jamais retrouvé ces effets, les speeds suivants mettant du temps à monter, requérant des doses maousses, et n’étant quasiment pas euphoriques. Ce qui laisse deux possibilités : soit mon premier speed n’était pas de l’amphet mais un autre produit, plus empatho ; soit les suivants ne contenaient pas ou très peu d’amphet (troisième possibilité : les deux). Mais avant de conscientiser cette différence qualitative, j’ai souvent tenté de retrouver les premiers effets en augmentant les dosages, car je pensais plutôt à une différence de teneur. Et je me suis donc plusieurs fois retrouvé en surdose de quelque-chose. C’est un de ces épisodes que je vais raconter ici.

C’était pendant l’hiver, dans ce temps suspendu de la fin de l’année. Le 21, Niglo et moi avions fêté comme il se doit le solstice d’hiver (ce qui avait impliqué de la 5-MAPB). Ensuite il y avait eu ce Noël étonnamment doux, presque 15°C, avec ses pressions sociales étonnamment douces aussi. On m’avait invité en Suisse le 31, pour rencontrer des copains d’Internet consommateurs. Niglo et moi avions ressenti le besoin de nous réserver, au milieu de toutes ces cérémonies et rituels sociaux, une journée rien qu’à nous. Et dans l’idée de s’extraire de l’emploi du temps, et de nous livrer à nos sensations, j’avais proposé que la veille du départ, on passe l’aprem à prendre du speed et du GHB.
Là vous pensez : SEXE !! et c’est exactement ce que j’avais en tête, sauf que les choses ne se sont pas passées comme prévues. En fait, ce TR est parfaitement chaste.

Il commence plutôt sous le signe de la bêtise, puisqu’on a réussi à merder à propos des dosages des deux produits à la fois. J’ai confié à Niglo le soin de la pesée de GHB : prudent et habitué à ce que je lui file des produits dosables au poil de cul, il n’imprime pas que celui-ci se compte au gramme et se trompe d’une décimale. Nous en prenons donc dix fois moins que prévu (mais on ne le comprendra que bien plus tard).
De mon côté, le speed ne monte pas comme je l’espérais et, suivant mon vieux démon de la compulsion, je tape une trace que Niglo qualifiera par la suite d’énorme. Je sais, c’est l’erreur de base. Et donc, par la combinaison de nos deux erreurs, je vais me retrouver avec une balance beaucoup plus stimulante qu’attendue… et surtout que conscientisée.
Au fait, les parties en gris sont de Niglo.

Mais pour l’instant, nous sommes juste ravis de nous retrouver enfin tous les deux. Niglo s’était procuré, je ne sais plus dans quelles circonstances (probablement volé), un jeu du Tarot Hermétique. En attendant la montée, je lui propose de le comparer avec le tarot de Thoth, chef-d’œuvre esthétique et délire maniaque de syncrétisme. Sachant que Crowley (son directeur artistique) a pas mal puisé dans l’hermétisme, je suis curieux des recoupements graphiques. Il y a effectivement beaucoup de similarités, tant dans le fond symbolique que dans la forme, surchargée. On passe un certain temps vautrés sur mon lit, à feuilleter chacun nos 78 cartes pour y trouver le 4 d’Epée, le Roi d’Ecu ou la Tour, les accoler et les commenter. A ce moment-là je suis plutôt contente d’avoir dans ma vie une personne disposée à se livrer avec moi à cette activité.

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Cependant, alors qu’on arrive aux lames majeures, s’insinue en moi un peu d’irritation, de lassitude. J’ai envie d’être seul, qu’on me foute la paix. J’essaye d’ignorer ce sentiment, mais il prend de la place, s’impose. Ça devient difficile de rester polie avec Niglo, de lui donner l’attention qu’il mérite. Je dois me débarrasser de cette saute d’humeur. Espérant l’étouffer en la satisfaisant, je donne un baiser à Niglo avant d’aller m’isoler, à la fenêtre.
Il fait encore jour. Je clope sans plaisir, ruminant sans objet. Mon malaise ne fait que grandir. Je commence à distinguer ses contours physiques, un pincement dans le thorax. De l’angoisse ?

Sorence revient de la fenêtre, les yeux grands ouverts, mydriase de fou. Je vois à peine son iris, et elle n’a pas l'air en super forme non plus. Elle me dit qu'elle ne se sent pas ouf, qu'il y a un bodyload pas cool. En plus, elle a parfois du mal avec les montées de stim. Je commence à me demander si ce n’était pas un peu trop de speed. Une voix au fond de moi souffle qu'il faut rester vigilant. On n’est plus du côté safe de la drogue. Le mélange est un peu énervé, et en soi il ne faut pas trop jouer avec ça. Cependant, c'est en se laissant bouffer par la peur que le pire arrive. J'ai déjà dû gérer pire que ça, on n'est pas sur un vrillage sous LSD. Je pense qu'en discutant, en essayant de comprendre, ça ira déjà mieux

Sorence finit par m'expliquer qu'elle sent un truc en elle. Quelque chose qui veut pas sortir, une forme de rage presque. En fait, je crois qu'elle ressent ce que je sens souvent. De la colère, en soi. Sans raison, c'est tout. Pour elle, apparemment, c’est une sensation dans le buste. Mais chez moi, la colère va remonter dans le thorax. Elle est facile à faire sortir dans les mains : alors on peut en faire des trucs supers, en régulant le flot. Mais il ne faut pas qu'elle monte à la tête non plus. En conserver une partie aide à créer, c’est une ressource pour apprécier la part sombre du monde. Je crois que c'est une bonne chose, de discuter de tout ça, mais Sore ne va pas beaucoup mieux pour autant.
« Ça fait ça d'être en colère ? C'est épuisant », me dit-elle.
Je suis d'accord, c'est épuisant. Enfin, comme les stimulants : faut apprendre à le gérer et ça peut donner de l'énergie. Bref, ça ne règle pas le problème. Dans le doute, je me dis qu'on va déjà voir les effets et leur évolution, et oublier de reprendre du GHB pour l'instant.
Mon inquiétude commence à laisser la place à de la curiosité. Car là, je suis sûr qu'on ne va pas baiser. Je sais aussi désormais qu'on est face à quelque-chose de maîtrisable. Je me fais confiance, le speed m'aide à garder les idées claires, l'inflation de l'ego est juste suffisante pour me dire que je peux être responsable pour deux à partir de maintenant. Connaissant l’amour de Sore pour l’eau chaude, je lui conseille d’aller prendre une douche. Elle file aussitôt.


Je m’enferme avec soulagement dans ma cage minérale. La danse du jet d’eau m’apaise un moment, car elle se meut – épaule gauche, torse, épaule droite, reins – et me frappe. Je tourne en rond, soudain mortellement fatigué. Je ne veux pas sortir d’ici, je veux rester colère contenue, bestialité sans danger, sans oripeaux ni devoirs. Maussade, je me recroqueville sur le sol carrelé.

Je toque avant de rentrer dans la salle de bain, et trouve Sorence assise dans la douche, au calme. Elle me dit que ça ne va pas beaucoup mieux. Que ça ne veut toujours pas sortir. Alors plutôt que de parler au travers de la vitre, je me déshabille et la rejoins.
Mais c'est bien trop chaud pour moi ici ! Je préfère rester dans la vapeur que toucher l’eau directement. Sore grogne et refuse de parler. Une idée germe dans mon esprit : si on ne peut pas dire les choses, il faut les montrer ou les mimer ! Un geste de colère : se taper sur la poitrine.
Sorence s’est relevée. Je gonfle le torse, la regarde dans les yeux d'un air très très énervé, et je tape sur mon torse avec mes poings, assez fort pour que ça fasse vraiment du bruit !
Elle me demande si ça ne fait pas mal. Pas tant que ça, je la presse d'essayer. Alors, exactement dans le même ordre, elle gonfle la poitrine, me regarde, et se tape sa cage thoracique des poings. Puis elle grogne. Plutôt que de sourire, je la fixe, et recommence.
Ce manège continue presque 10 minutes, où l'on se regarde d'un air mécontent, en tapant sur nos pectoraux comme des grands singes. J’en avais besoin moi aussi : sans élaborer, un truc pur qui sorte avec les gestes. Sorence me rejoint du côté des gens énervés, qui subissent la rage sourde. Qui tentent de la maîtriser et, à défaut de la calmer, de la contenir. On a envie de crier par exemple, mais je suis trop introverti pour ça, et elle aussi. Il faut également réfléchir en prenant la colère en compte, en pensant à la soustraire du produit final.
Ça nous fait beaucoup rire aussi. Au bout d'un moment ça prend le dessus, c'est beaucoup trop absurde ! On a pris un mélange de drogues pour baiser, et on se retrouve juste à balle de speed sous la douche à faire les gorilles !


Revigoré par nos singeries, je consens à sortir de la cabine de douche. J’ai compris, il faut agir : dès que je reste immobile l’angoisse m’accable, alors que le moindre mouvement se trouve amplifié par l’élan furieux. Je marche en grandes enjambées, tire brutalement mon tabouret de piano, m’y laisse tomber. Je lève haut les mains, et écrase un cluster.
- Viens, dis-je à Niglo. On va faire de la techno à quatre mains.
Au début rétif, Niglo se détend lorsque je lui explique son rôle : le kick. Ça, il sait faire. Je nous laisse prendre quelques mesures, avant de m’amuser de mon côté : contre-temps, lignes, accélérations, et régulièrement quatre temps bien plats. Le tout en clusters, pas de mélodie. Ce que ça fait comme bruit, un piano ! Niglo a l’air fasciné et moi-même je m’amuse beaucoup. On ne s’est jamais autant éclatés à faire de la musique ensemble, comme ça, presque au hasard.

L’élan s’essouffle ou je pense à mes voisins, je ne sais plus. La colère est toujours là, et toutes les musiques que passe Niglo m’énervent. Je pensais que des sons un peu sombres mais pas trop seraient le bon choix, car Sore est toujours trop perdue et se laisse aller. Donc je met du stoner ; mais après un morceau, elle me dit : c'est pas assez lourd, c'est un peu frustrant, il faudrait plutôt du rap énervé. Je suis trop surpris, elle qui a horreur de ça. D'habitude je n'ose jamais en mettre pour ne pas la saouler... Je lui propose un vieux son de TSR, quand il a encore une voix très crue : Pas d'paradis. Mais je sens que ça ne prend pas. J’ai mieux, plus violent et moins de texte : L'Uzine. Je me décide pour l'originale de Chaque fois que je pose, de Souffrance. Tout de suite, ça marche. Je reconnais Sorence quand elle écoute vraiment un son.
- C'est lourd. Il a un bon flow !
Je suis content de l'effet de ce son que j'adore !
- Ouais de ouf, et puis le texte il est bien vu.
- Oui j'ai bien aimé, il racontait des trucs qui me parlaient en plus. Enfin des choses qui faisaient écho à ce que j'ai lu dans ce bouquin.
- Hmm je vois. T'en veux plus ?
On finit par de la hard trap. Sale. J'ai maintenant de l’expérience une vision assez amusante. On dirait presque que Sore découvre une nouvelle émotion. Il y a un très grand champs d'expressions possibles à la colère : donc la voyant faire cette nouvelle expérience, j'ai envie de lui en montrer le plus possible.


Ça me rassure de voir Niglo tirer parti de la situation. J’ai passé une partie de l’après-midi à m’excuser, et s’il ne cesse de me répéter que ce n’est pas grave, que ce n’est qu’un épisode de plus de nos aventures, je préfère le constater. Mais moi, le soleil est tombé depuis longtemps, et ça fait des heures que je suis dans cet état. Le temps a passé très vite, on a aussi un peu mangé, et repris du GHB. Rien n’y fait. Nous sommes allongés sur mon lit, j’ai allumé les bougies, la nuit s’est déployé autour de nous. J’accuse le coup de plusieurs heures de tensions nerveuse sans objet, et ne parviens plus à distinguer ce qui relève du physique et du somatique. Je ressens comme une plaie dans mon abdomen. La sensation des lèvres de Niglo la referme chaque fois qu’il se penche pour l’embrasser, mais c’est si court, elle se ré-ouvre aussitôt.
- J’ai si mal, dis-je sans plus pouvoir me retenir.
Je me résous à consommer mon alprazolam de secours : le soulagement est presque immédiat. De minute en minute je respire plus librement. La colère s’en va. Je me retrouve.
Il est minuit passé. Nous n’avons plus qu’une heure ou deux avant que je doive préparer ma valise et prendre le train. On se met du stoner rock, à faible volume, douceur rocailleuse dans le miroitement des bougies. Niglo et moi sommes épuisés, morts ; les galipettes n’existent plus dans nos esprits. Nous sommes simplement étendus, les yeux dans les yeux, la main dans la main. La fatigue, les lumières, l’émotion sont psychoactives : nous avons enfin trouvé la faille dans laquelle s’engouffre notre magie. Niglo me dit : « Je comprends maintenant ce que signifie "chérir" quelqu’un » (ces mots d’amour qui semblent niais dans les bouches des autres, jusqu’à ce qu’on se surprenne à les prononcer). Je prends conscience d’une chose très puissante et significative : à aucun moment cette personne ne s’est irritée contre moi, ne m’a culpabilisé de gâcher une après-midi de récréation. Il m’a simplement accompagné de son mieux et plus que jamais, je le reconnais comme mon compagnon. Je déborde d’une reconnaissance inexprimable. C’est le moment le plus intime de cette journée, et mon cœur bat très fort. J’aurais voulu que cette nuit dure encore toute une nuit.

Le réveil sonne !! Je me lève d’un bond, prépare mon sac en deuspi. Je suis en retard et la tachycardie post-GHB est d’une intensité folle, je n’ai jamais été aussi alerte. Je file à la gare, et ce n'est qu'une fois que le train démarre que je m’écroule littéralement, mon fidèle oreiller dans les bras. Le voyage commence.

Conclusion : bien sûr, j’avais déjà ressenti de la colère. Je suis souvent irrité, énervé. Mais je ne connaissais pas la version latente, profonde de ce sentiment, et ça m’a paradoxalement invité a plus de compassion envers les rageux de mon entourage. Avant, il m’arrivait de leur en vouloir d’être si souvent de mauvaise humeur et de ne pas sembler faire d’effort. Je comprends maintenant que quand la colère s’installe, il n’est pas possible de simplement l’effacer. Ses manifestations (violence, abattement, fébrilité) ne sont pas forcément de la paresse mais aussi des façons de la gérer. Elle est douloureuse pour qui la subit et on voudrait s’en débarrasser comme un chien s’ébroue, mais ça colle sous la peau. La gentillesse de Niglo ne m’a pas beaucoup aidé, mais elle n’a au moins pas empiré les choses, ce qu’aurait fait de la culpabilisation ou de l’incompréhension. J’ai aussi entraperçu qu’elle peut devenir moteur d’action, de création. La colère ne s’écarte pas : elle se canalise.


2ème partie : forcer, ça ne sert à rien.

Resté seul, Niglo accueille l’aube dans un demi-sommeil psychotrope, étourdi de cannabis et de mon GHB qu’il mange par morceaux entiers. Il lui reste la journée pour se reposer avant d’affronter son propre nouvel an. Comme lui, je sais que je dois absolument me reposer, sans laisser la moindre bride à mes insomnies capricieuses. Je sécurise mon sommeil par un benzodiazépine, programme une alarme et, enfin calme, je m’endors. Le train traverse la France sans que je m’en rende compte.

Je débarque à Annecy où m’attendent Aragorn et Mango, deux copains d’Internet. Nous faisons quelques pas au bord du lac avant de reprendre la route. On ne s’était jamais vus, et on ne se connaît pas très bien, mais j’aime cette spontanéité des rencontres virtuelles, le contact qui s’établit à partir de vagues signes de reconnaissances, au milieu de montagnes soudain surgies – un peu comme un rêve, onirisme renforcé par le manque de sommeil. Je dois en porter les stigmates car Mango me propose obligeamment de goûter à sa propre réserve de benzodiazépines, dont certains portent des noms exotiques. Je passe la seconde partie du voyage sur la banquette arrière, à écraser sec, pendant qu’Aragorn et Mango discutent du meilleur itinéraire pour passer discrètement la frontière, eut égard à la quantité de drogues que contient la voiture.

Des lecteur·ices se demanderont peut-être si je ne suis pas un peu folle de partir ainsi dans la voiture de deux garçons inconnus dont l’un vient de me droguer. Peut-être bien, d’autant que je flippe de situations autrement moins inquiétantes, en apparence. Mais voici mon raisonnement : mes pires mésaventures, je les dois à des proches, dans le cadre familier qui aurait justement dû me protéger. A partir de là, quel sens est-ce que ça a de fuir l’inconnu ? Je comprends qu’on le craigne, mais si l’on reste chez soi et que même là on est battu, alors il n’y a plus qu’à se pendre. Je prends souvent des décisions idiotes, mais c’est comme ça qu’on avance aussi. Du reste Aragorn et Mango sont des gens super chouettes, de même qu’Arkin et Lola, les hôtes qui nous attendent en Suisse, et chacun des personnages de ce TR.

C’est d’ailleurs parce que c’étaient des personnes aussi chouette que la suite de ce récit m’inspire un sentiment un peu triste de fatalité.
En effet, en entrant dans l’appartement, je saisis tout de suite que j’y serai comme une étrangère. C’est spacieux et bien rangé, propre comme un Air BnB. Des gens sont assis autour d’une table basse, des garçons qui parlent fort. Plus discrètes, il y a aussi Lola et sa pote, toutes minces et jolies, avec ce qu’il faut de piercings, tatouages et petites tresses pour être super attirantes. Bref, je débarque à peine réveillée dans cet univers de normalité, à balle de benzo, après une nuit éprouvante, habillée comme un sac, je me sens… comme un sac.
Le voyage a été trop rapide, je me suis en quelque sorte téléporté d’un univers très intime et spécial à ce groupe d’inconnu·es encore inaccessibles. En pensées je suis resté là-bas, et j'ai pour désir profond de retrouver un peu de ce là-bas ici, de recréer notre magie en ce lieu étranger. Sentant confusément tout cela, j’ai d’abord décidé d’y aller mollo sur les drogues.

Maintenant, pour poser le contexte, mes hôtes sont des afficionados de la 3-MMC et la soirée partait donc sur une orgie d’empathogènes : disposés sur la table à l’envi. Les prises étaient minutées et prises en commun (de GROSSES prises). C’était leur façon d’entrer en communion, et j’étais curieux de ce qu’engendrerait cette communion.
Arkin m’a servi deux gins tonics que j’ai lentement sirotés, bicoz les benzodiazépines, en les regardant enchaîner trace sur trace. Je pensais vaguement à mes deux amoureux, restés en France et probablement à portée de main l'un de l'autre. J’aurais aimé passer le nouvel an avec eux, mais nous avions résolu de ne plus nous trouver en coprésence à trois afin de minimiser les dramas. Qu’importe, ils me manquaient, et je sentais un peu douloureusement combien personne ici ne les connaissait, ne pouvait partager avec moi leur absence.
La nuit est tombée très vite. De mon point de vue, il ne se passait rien. J’étais dans le coton GABA, passive et un peu absent, difficile de créer du lien, mais comme il ne se passait rien de mauvais pour autant, j’ai fini par décider que quand même, nouvelle année oblige, à minuit je les rejoindrais dans leur délire sérotoninergique.
Encore un élément de contexte : j’avais pris de la 5-MAPB le 21 Décembre, donc en fait il s’agissait ni plus ni moins de forcer encore, puisque j’avais forcément une tolérance. Dans le calme GABA, ca m’a semblé pas si grave, ou plutôt : j’étais OK pour assumer.

Venons-en aux faits : à minuit j’ai pris 80mg de 5-MAPB, une dose supérieure à mon sweetspot afin de contrer la tolérance. La montée a instantanément balayé l’indifférence qui me protégeait jusque-là : entouré de tous ces étrangers, dont une part de moi se persuadait qu’ils me trouvaient étrang(èr)e en retour, j’ai soudain eu très chaud et me suis senti très mal. Arkin l’a immédiatement perçu et m’a entraîné dehors pour discuter.
Ça m’a fait un bien fou. En fait, je déteste les groupes, leur superficialité m’annihile : « Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons » (Desproges). Arkin m’a rassuré. Il m’a expliqué qu’il trouvait ça très courageux, de traverser la France pour rencontrer tous ces gens, et puis qu’il était content de me rencontrer car il apprécie mon personnage virtuel. Il s’est intéressé à mes projets, au regard que je pose sur notre univers commun. Il m’a un peu parlé de son propre vécu, mais pas longtemps car Aragorn s’est ramené, très confus à cause d’une prise malavisée de poppers, et on s’est employés à le rassurer à son tour. On est rentrés au chaud pour discuter tous les trois. C’était parfait, c’était ce que je cherchais : une étincelle, du dévoilement, ce qu’est censé favoriser la magie des empathos. Tout se passait bien, le prod ne tapait pas fort à cause de la tolérance, j’avais envie de plus : Arkin m’a généreusement offert 80mg de MDMA. Mais étant l’hôte, il est allé s’occuper de ses autres invités, me laissant avec Aragorn qui bouclait toujours un peu et s’est vite rapatrié au milieu de ses potes familiers. Retour à la case départ, et j’avais maintenant pas mal de drogue dans le cornet.

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Comment retrouver mon univers ? L’idée me lançait comme une vieille blessure. J’ai demandé à ce qu’on mette du I Hate Models, la bande-son de mes éclats, et tous les albums sont passés alors que dos à la télé, j’entrais dans une sorte de transe. La MDMA m’a sévèrement attaqué la mémoire : quand j’ai réclamé encore une track, Arkin m’a gentiment répondu que ça faisait deux heures et qu’on allait passer à autre choses. Normal. A ce moment-là je me suis rendu compte d’une chose étrange : les lumières étaient restées allumées. Ça semble anodin, mais ces gens étaient tous ultra démontés à la 3-MMC, c’était une orgie sérotoninergique, et ils étaient également tous sagement assis autour d’une table basse, en pleine lumière… comme dans un apéro alcoolisé de gens normaux, en fait. En fait, les usagers de drogues sont des gens normaux. C’est moi qui suis chelou, qui aime l’ombre, le trouble, la saveur de la sorcellerie. En fait, au lieu de m’ouvrir aux autres, la MDMA avait épaissi cette vitre que je sentais entre nous depuis le début. Malgré la totale désinhibition, je ne savais pas comment leur parler, casser cette pudeur, cette retenue qui font tenir debout le réel quotidien.
J’avais donc plus ou moins renoncé à rencontrer les autochtones. Mais quitte à rester en touriste, autant tester l’attraction locale. J’ai décidé de me finir avec une GROSSE trace de 3-MMC : 200mg en nasal, comme eux (c’est énorme et pas RDR). La montée m’a donné envie de vomir, sur la faïence des toilettes j’ai vu se dessiner des graffitis rouges. Ah tiens, des hallus, voilà une belle surdose, ai-je pensé très calmement. J’étais d’un calme absolu, toute émotion engourdie, mon esprit étouffé sous une chape de chaleur presque narcotique. Il m’a semblé qu’un contact physique manquait à l’expérience, donc j’ai proposé un chaste câlin à une fille, qui l’a accepté. On s’est allongés et elle m’a parlé de son ex, je l’écoutais et lui répondais gentiment mais intérieurement je n’étais qu’indifférence ; et je pense que c’était réciproque car je n’ai pas souvenir qu’elle se soit intéressée à moi, ou autrement que de cette façon polie. On s’est tues, on est restées immobiles ; les yeux fermés je voyais des hallucinations délirantes assez amusantes. Surtout je sentais mon être, tout mon être, se tendre très loin, deux amarres à mon cœur, qui criaient. Mes deux amants, le dingue et le sorcier, je me voulais près d’eux, je voulais nos tensions, nos fascinations, nos abandons réciproques. J’avais soif de donner et de rendre, et il n’y avait qu’eux pour prendre cette eau, mes deux graals. Ils étaient si loin...

J’avais atteint la limite synaptique et je le savais : cette soirée n’irait pas plus loin. Au premier signe de descente, j’ai encore gobé des benzodiazepines de Mango (merci mec) et suis allé me coucher.
J’ai écrasé. Huit heures plus tard, à l’occasion d’un réveil technique, j’ai vu mes autochtones à divers stades de décomposition, rassemblés autour d’un documentaire animaliers. Mango semblait plutôt content d’avoir quelqu’un avec qui parler d’insomnie et d’anxiété ; il m’a présenté et laissé à disposition son spray de mélatonine. Je suis retourné me pieuter.
Deuxième réveil, il fait à nouveau nuit. L'appartement est parfaitement silencieux. Je lis deux tomes de l’Epouvanteur, traumatise le chat, et teste le spray de Mango, en me l’envoyant innocemment dans le nez. Ca pique, c’est pas agréable. Troisième pieutage.
Le lendemain, Mango ricane en apprenant mon geste. En fait c’est un spray buccal plein d’alcool, d’où les picotements ; mais je peux témoigner que la mélatonine est active par voie nasale.

Conclusion : j'ai bousillé mes synapses pour un résultat à peu près équivalent à si je n'avais rien prodé. Évidemment, je le savais déjà, mais il faut le vivre pour le comprendre : forcer, ça sert à rien. Je trouve d'ailleurs que les conséquences ont été étonnamment inexistantes au vu de l'abus total qu'a représenté cette soirée. Je l'attribue au brouillard de benzodiazépines, à diverses durées d'action, qui a lissé mes émotions ce jour-là et les suivants.

Troisième partie : rentrer chez soi.


Cette dernière partie ne parle pas de drogue, mais le voyage n’est pas terminé et c’est finalement le retour que j’ai préféré. Donc si vous voulez bien me lire encore un peu, en voilà le récit.


D’abord, il a fallu traverser les Alpes. J’étais toujours dans la voiture d’Aragorn et Mango, et comme à l’aller, j’ai pris un certain plaisir à cette proximité ambiguë (nous connaissions-nous, ou pas?), maintenant débarrassée du poids débilitant de la grégarité. Le spectacle des montagnes m’a, comme à chaque fois, étourdi. J’ai une tendresse particulière pour cette région, car en plus de sa beauté, j'y ai beaucoup de souvenirs. Chaque fois que je traverse ce coin de la France, je suis parcouru d’émotions fortes telles que la nostalgie, le désir, la révérence, l’espoir et la résignation.

Une fois à Annecy, on a bu une bière tous les trois, et j’ai vraiment regretté qu’on doive se quitter si vite. De mon côté, il était trop tard pour prendre le train et Aragorn m’a laissé son petit appartement de fonction pour la nuit. Seul dans ce lieu impersonnel, je pense une fois de plus à mes amoureux. J’aurais voulu que leurs récits comblent l'absence, mais l’un n’aime pas parler par écrit, et l’autre s’avère toujours frustrant. Cette solitude-là était un peu sinistre.

Aragorn est venu me chercher le lendemain à l’aube pour me conduire à la gare de Chambéry. J’étais ému de reconnaître tant de choses sur le chemin, et d’y être ainsi convoyé par un quasi inconnu pour un passage-éclair ajoutait à la précarité de cette émotion : comme voir une personne très chère de loin, et pour un court instant. Et pourtant, une fois dans le train, en admirant les fumerolles de brumes sur le lac du Bourget, je me sentais aussi réuni, renforcé par tous ces manques. Ce bref pèlerinage me rappelait mon passé, les aventures que j’ai connues de mon propre côté, et les béances s’équilibraient jusqu’à me faire sentir stable.


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Le voyage est long ; le TER se traîne. Lorsque je voyage seul, ce sont les interconnexions ferroviaires que je préfère. Saluer une ville dont j’apprends l’existence, ne sortir que le temps de capter la rugosité de l’air, boire un café, peut-être entrer dans une église. Parfois même, quand il n’y a pas l’espace, ou pas le temps, rester quelques heures sur un quai : étrange endroit qui n’existe que pour qu’on en parte, île de fluidité dans le marécage statique.
Cette fois-ci, j’ai juste assez de temps pour trouver à manger en suivant à distance le premier cours de l’année. Je demande au restaurateur de quoi écrire, et il n’a rien d’autre à m’offrir qu’un rouleau de ticket de caisse vierge, en mode Kerouac.

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À la fin de la journée, l’excitation fait place à la lassitude et à la migraine. Le TER est de plus en plus humide et bondé (il pleut). La nuit est encore tombée, j’en peux plus de celle-là. Mon voisin d’en face engage la conversation. Au début je crains qu’il ne me drague, ce dont j’ai horreur, mais il sent ma réticence et se montre seulement cordial. Je lui pose des questions : il m’explique venir d’Afrique Centrale, et puis qu’il a plein de galères de logement, et avec sa famille aussi. Il travaille pour une entreprise de livraison de repas (autrement dit le sheitan) et m’encourage à commander chez eux. Cette rencontre me laisse partagé, ou relativisé. Quand le train s’arrête enfin, et que je reconnais l’immense structure métallique de la gare, j’ai déjà un peu oublié tout ce que je viens de vivre. Je suis de retour chez moi.

Conclusion : beaucoup d'émotions, beaucoup de drogues, beaucoup d'argent aussi, pour au final une vague sensation de gâchis. J'aurais vraiment aimé garder contact avec les gens que j'ai rencontrés pendant ces quelques jours, ne serait-ce que pour donner du sens à ces derniers, mais on dirait que malgré les bonnes volontés, la vitre était sensible de tous les côtés. Niglo a aussi passé un étrange Nouvel An, et je trouve révélateur que pour nous deux, rien de ce qui était prévu n'ait été apprécié. C'est au détour d'une pause-pipi dans un chalet de montagne, d'un regard par la fenêtre, d'une étreinte des doigts après une nuit trop longue, que se sont nichées les véritables pépites de cette fin d'année. On en fait trop.
 

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Très quali et profond comme TR avec une sacrée dose d'introspection et de leçons personnelles apprises, merci pour ce partage :D
Et ça fait plaisir à voir que les prods ne t'aient pas enlever ta lucidité à leur propos. Les semaines d'après ont dû être difficiles aussi vu ces deux jours de forçage ^^"
 

Canin

le Hutin (EEEEEHeh)
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3 Avr 2020
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Joli TR, different du style habituel mais cest cool :)
J'aime beaucoup la façon dont tu vois le quai de gare, cest très juste finalement.

Beau mélange aussi, clairement elle est pas sortie de nul part la surdose du réveillon. Pas très RdR tout ça mdrr
 

Acacia

𝓥𝓪𝓹𝓸𝓾𝓻𝓸𝓾𝓼 𝓢𝓱𝓪𝓭𝓮𝓼蒸気の色合い
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25 Mai 2017
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Excellent ce sur quoi tu te concentres et ta façon de le montrer, c'était une très belle lecture
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
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Merci à vous :) 
Si le style est différent de d'habitude, c'est parce que j'ai mis du temps à recollationner cette expérience. Tout était si confus que j'ai d'abord pris ces souvenirs pour un tas de gravas sans ordre ni intérêt. Avec le temps il s'est quand même dégagé une certaine logique, qui a donné le récit que voilà. Mais c'était laborieux, et j'ai dû emprunter des tournures plus orales, directes et cahoteuses que d'habitude.

Les semaines d'après ont dû être difficiles aussi vu ces deux jours de forçage ^^"
Hé bien, bizarrement, non.
D'ailleurs j'ai retenu la leçon, et pas la bonne. J'ai re-forcé par la suite, mais toujours avec des benzos sur moi.
 

Biquette

Modo vache qui rend chèvre
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Intense. J'ai à la fois bien rigolé et eu beaucoup d'empathie à vous imaginer faire les gorilles sous la douche.

Du gâchis de prod mais loin d'être une expérience gâchée.
 

Sorence

zolpinaute de la sapience
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Ça m’a fait pas mal réfléchir sur la pression qu’on se met pour passer un moment exceptionnel au nouvel an (ou à d’autres dates), de façon assez improductive finalement, car ces attentes et cette débauche de moyens risquent de générer de la frustration là où des circonstances plus simples suffisent à amener de l’émerveillement.

Par curiosité, tu as ressenti de l’empathie dans quel sens ? Genre t’avais pitié ou tu relatais ?
 

Acacia

𝓥𝓪𝓹𝓸𝓾𝓻𝓸𝓾𝓼 𝓢𝓱𝓪𝓭𝓮𝓼蒸気の色合い
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Moi je fais souvent en sorte de passer des moments *expetionnels* pour diverses fetes, le nouvel an aussi .

Par contre, c'est à mon rythme, je ne m'impose aucune pression, c'est typiquement je fais particulièrement attention à ne pas surdoser ou faire de mélanges qui me sont inconnus pour ne pas gâcher la magie . En expérimentant divers dosages des prod que j'aime, je trouve les divers *sweet spot* et mélanges qui passent en fonction des effets recherchés.

Donc tout est planifié, et tout se passe à merveille. Et meme a la limite, si c'est pas assez fort, l'ambience de ces d moment va généralement suffire à me mettre dans une espèce de transe euphorique par contagion avec l'état de mes amis ce qui fait que je suis pas déçu .

Après je consomme principalement des psychédéliques, les stimulants et empathogènes semblent beaucoup plus difficiles à gérer de part leur coté compulsif, peut etre décéder des doses à l'avance et foutre le reste bien inaccessible et ... ça en sera d'autant plus magique que c'est une occasion spéciale et que ce n'est pas sur-dosé !
 
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