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Nihilisme

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Deleted-1

Invité
Doctrine philosophique selon laquelle rien n'existe au sens absolu, négation de toute réalité substantielle, des valeurs morales, et de toute croyance suite à une prise de conscience de l'absurdité du monde tel qu'il est.

Négation des valeurs morales et sociales ainsi que de leur hiérarchie. Du point de vue de l'éthique, le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs, la valeur elle-même serait une notion inconsistante aussi bien du point de vue théorique que du point de vue pratique.

Disposition d'esprit caractérisée par le pessimisme et le désenchantement moral après désillusion.

ORIGINES (très simplifiées)

Déjà présent au temps de la Grèce antique, dans une certaine philosophie sceptique pour laquelle rien n'existerait, le nihilisme se retrouve dans chaque révolte lorsque des valeurs établies sont remises en cause, et que le pouvoir basé dessus s’en voit déstabilisé. Vis à vis de notre société occidentale et plus précisément en France, on citera le renversement des valeurs catholiques et monarchiques suite à l’éclairage de la philosophie des Lumières franco/allemande, favorisant notamment la Révolution Française, puis la séparation de l’Église et de l’État en 1905, et enfin l'achèvement de la déchristianisation avec Mai 68, destituant toute autorité patriarcale.
Le nihilisme issu de cette mort de Dieu et de la dévalorisation des valeurs transcendantales, affirmé par Nietzsche dès la fin du 19ème siècle, serait explicable du fait que les croyants eux-même y ont leur part de responsabilité. Effectivement, quand pendant des siècles ils n’ont cessé de dévaloriser le monde réel et naturel en y projetant toute leur valeur en Dieu, c’est lorsque la foi en la croyance d’un au-delà a reculé ou s’est éteinte, qu’il ne resta plus que ce monde dévalorisé, vidé de lui-même et de tout ce qui nous permettrait de l’appréhendé.

C'est donc en ayant déprécier et annihiler les valeurs supérieures que le christianisme se chargeait de véhiculer et transmettre au travers d'un social, qu'aujourd’hui les fins manquent, et que l’autorité n’est plus respectée quand le je-m’en-foutisme fait loi. Il n’est pas de réponse à la question du « à quoi bon ?», l’égoïsme est légitimé et les libertés individuelles priment sur l’intérêt collectif, d’où l’émergence d’une quasi religiosité économique au travers du capitalisme, puis du libéralisme se fichant toujours plus des questions sociales. Si nous sommes aujourd’hui en mesure de penser la mort de Dieu, ainsi que le développement du nihilisme par delà éthique et morale, les démocraties modernes se retrouvent face à un problème de taille à résoudre, à savoir celui de la refondation du pacte républicain, vecteur d'un nécessaire lien social pour fédérer les individus. Mais avant d’y revenir, intéressons-nous aux différents comportements nihilistes.


NIHILISME CONTEMPORAIN

Être nihiliste reviendrait à rechercher un plaisir vain et égoïste, en ne s’intéressant qu’à un nombre limité de choses matérielles au détriment de toutes les autres. Il s’agit de renier toute forme d’intérêt métaphysique, lié à l’esprit et la recherche des causes, des principes, des sens et des fins de l'existence. Ainsi pour le nihiliste, seul compte ce qui est physique et palpable, ce qu’il peut posséder ou aborder plus ou moins immédiatement, et sans effort particulier. C’est donc sans bornes ni règles, que le nihiliste évolue sans valeur supérieure ni idéal autre que le sien propre, mais aussi sans éthique ou morale pour se remettre en question ou se situer dans un ordre établi. Il cherche le plus souvent à satisfaire ses envies et besoins sans prendre en considération l’avis d’autrui, ou plus globalement l’environnement et la société dans lesquels il vit. Il ne se demande pas plus quelle est la portée de ses actes, dans quel schéma il inscrit sa destinée, et pourquoi il en est ainsi...

Égocentrique et narcissique affirmé mais ignoré, c’est avide de désir que le nihiliste s’accapare tout ce qui se plie à sa volonté d’avoir, et c’est en se fichant d’être, qu’il vit au travers du prisme de son égo, le faisant paraitre tel qu’il s’idéalise. Orgueilleux ou vaniteux, c’est focalisé sur mon moi et en s’octroyant tous les droits, et ce parfois sans respecter les lois, que le nihiliste politique conquiert le pouvoir, le nihiliste financier amasse de l’argent, le nihiliste drogué s’administre sa dose, et le nihiliste sexuel enchaine les conquêtes.
Le nihilisme se caractérise dans notre société postmoderne par un oubli de l'être, au profit d'un devenir et d’une volonté aussi insatiable qu’irrationnelle, d’avoir. Le nihilisme contemporain serait donc une réponse à une perte de fondements éthiques et moraux, une manière de vivre sans valeurs fondatrices de respectabilité humaine et sociale. Sans autorité politique et respect inconditionnel de l’être humain, il ne reste aux individus que la dissolution de leur souverainisme dans l’acceptation de l’absurdité de leurs existences respectives, et ce sans possible émancipation individuelle et collective. La société étant de plus en plus complexe, et les esprits de moins en moins éduqués à comprendre ses mécanismes et déterminismes, c’est face à l’angoisse de l’ignorance et les incompréhensions induites par les médias ne mettant pas les informations en perspective, que l’individu butte contre le réel en ne pouvant le saisir véritablement. Pour au final se replier dans une recherche de jouissance toujours plus immédiate, faute de savoir et pouvoir se rendre disponible pour reconnaitre ce qui le tourmente.

Le constat étant que sans appréhender ses tracas et autres ressentis intuitifs (dans le cas où ils ne seraient pas déniés), les conduites individualistes et addictives prédominent. Au delà du simple divertissement, la technologie offre la possibilité de vivre toujours plus en autarcie, grâce à la mise à disposition de divers services en ligne, ou de contacts sociaux virtuels répondant à tous nos besoins, des plus primaires aux plus inutiles. Ainsi le nihilisme est d’autant plus légitimé qu’il épouse une manière d'être libertaire voulue, à laquelle des offres marketings ont répondu, pour que toutes les envies, les désirs et les besoins puissent être assouvis. Et au final plus rien ne compte d’autre que la valeur marchande des biens proposés.


LES CINQ FORMES CLINIQUES DE NIHILISME

- Nihilisme passif (douleur, mélancolie, perte des valeurs, vide, ennui, relâchement, désintérêt et indifférence)

Le nihilisme passif s’apparente à une forme de déprime faisant suite à une désillusion profonde et immédiate. Émotionnellement l’esprit devient morne et plonge dans un vide sans grande conviction ni valeur. La lassitude et l’ennui éteignent les passions, et la démotivation gagne les corps en annihilant toute initiative de s’en sortir. L’individu s’identifie à un néant, à son vide intérieur, et devient toujours plus terne face à un avenir ne semblant jamais prometteur, comme il pense que le monde ne devrait pas être tel qu’il est, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas. Effectivement pour lui l’existence n’a pas de sens, mais il s’efforce en vain à en trouver un, dans le maigre espoir de se sortir de son état mélancolique continuel. Pour contrer son impuissance face à un monde absurde, le nihiliste consomme ce qui lui est proposé, pour de nouveau jouir, même si ce plaisir n’est que momentané et éphémère. Le summum de la passivité nihiliste étant le désir de non-désir, cet état de mort intérieure faisant que l’on trouve tout vain, au point de ne plus rien vouloir du tout.

- Nihilisme actif (culte de l’action pour l’action, pragmatisme élémentaire, cynisme, manipulation utilitaire, concupiscence)

Il provient toujours une fois l’illusion perdue, dans une réaction intense et tout aussi immédiate que la passivité, sauf qu’il ne s’agit plus d’éprouver, mais de se rebeller pour adopter de nouvelles valeurs en remplaçant celles perdues. Ne se laissant pas abattre par l’absurdité ambiante, l’individu invente de nouvelles valeurs à sa mesure et en vient à prôner l’action plutôt que la raison, parfois à un tel point qu’il agit pour agir sans plus de réflexion, retombant dans une absurdité qu’il fuyait initialement. C’est la forme de nihilisme la plus connue parce que la plus médiatisée, conduisant à la terreur, au terrorisme, ou à l’autodestruction. On la retrouve aussi bien dans le fait de brûler des voitures, que de protester nu en faisant beaucoup de bruit, de se radicaliser en faveur n’importe quelle idéologie, ou de fonder un parti politique soit disant anti-système. Autant d’agitation procure un soulagement face à la perte d’illusion, même si l’on y retrouve cet forme de plaisir momentané et éphémère, et qui ne peut s’inscrire dans un temps long. On notera que les périodes meurtrières de nihilisme actif sont toutes précédées par des moments de nihilisme passif.

- Nihilisme idéal (passion, sublimation, détachement, ascétisme libérateur)

Face au sentiment de néant, l’individu désespéré idéalise ce qui lui arrive pour ne plus le subir. Il transforme l’expérience angoissante du vide en une aspiration idéalisée. C’est la tentation nihiliste d’exister dans le culte du néant, sublimé par une volonté d’absolu, et que l’on retrouve dans la recherche de quiétisme, d’amour mystique, de quête gnostique ou de culte bouddhique.
Le bouddhisme par exemple, est un véritable culte du néant à des fins salvatrices lorsque le nirvana atteint, il libère de tous les tourments suscités par le désir, en vu de guérir de la souffrance et de délivrer de l’angoisse de mort. Il ouvre sur un état « d’éternelle absence lumineuse » ou de « vide rayonnant ». Au travers d’un idéal ascétique, il s’agit de se détacher du monde passionnel, de combattre la concupiscence en calmant les tentations de possession, et se séparer de son ego en répondant favorablement aux exigences de la doctrine suivie. L’idéal nourrit ainsi une puissante illusion, qui d’une part convainc de croire en sa propre puissance narcissique (force, unité, vitalité, volonté, enracinement, spiritualité, profondeur), et d’autre part protège de la souffrance, du désenchantement, et de la mort toujours.

- Nihilisme fervent (jouissance et insouciance)

Le nihilisme idéalisé est un nihilisme ascétique et fervent, reposant donc sur un culte du néant. Son objectif est d’embrasser la plénitude éternelle du rien et la complétude accomplie du vide dans un amour débordant, plutôt que d’en souffrir ou de s’en défendre. Cette ferveur amène le disciple à dépasser l’épreuve de désillusion, en se leurrant au travers d’une nouvelle illusion quasi mystique. Il est possible d’envisager que toutes formes de croyances ou ferveurs religieuses seraient fondées sur une part non négligeable de nihilisme, pour contrer une assise muette de destructivité. L’illusion dans la ferveur d'un idéal assure pureté, puissance et supériorité.

- Nihilisme culturel (intellectualisation, prise de recul)

Il s’agit de transformer l’annihilation en investissement culturel, en tentant de penser ce qui se déroule.


DEUX TENTATIONS NIHILISTES

Le nihiliste le plus passif pense que si la vie n’a pas de sens, elle ne vaut pas la peine d’être vécue. Mais sans pour autant sombrer dans une profonde dépression amenant à un possible suicide libérateur, l’individu compense sa souffrance due à l’absurdité du fait d’exister dans deux principales tentations :

Scepticisme sur fond de pessimisme

La première tentation est de nier l’existence de toute valeur absolue ou transcendante. Si rien n’a vraiment de sens, si aucune valeur ne semble universelle et indiscutable, si le sacré lui-même perd toute signification, l’individu fait preuve d’un relativisme où plus rien n’est absolument certain. En même temps tout se vaudrait, mais à un tel point que plus rien ne vaudrait quoi que ce soit. La principale revendication dans cette tentation, est l’affirmation du droit de l’expression la plus libre, aussi vaine soit-elle.

Divertissement et recherche de plaisir vain

Cette seconde tentation est très répandue dans notre société consumériste. Il s’agit d’oublier jusqu’à son existence même dans un enivrement addictif et quasi frénétique, en satisfaisant toutes ses envies et besoins pulsionnels primaires, pour parer à ses angoisses. Qu’importe le moyen où la passion excitée pour jouir, le nihiliste tire de sa pulsion de mort joie et satisfaction quand en représentant le Bien, il peut tuer le Mal dans une représentation manichéenne. Le problème n’étant pas de se faire plaisir, mais de ne reconnaitre uniquement son propre plaisir dans une recherche constante de consolation et d’oubli de soi, et ce au détriment d’un intérêt porté sur soi et le collectif. A faire de la jouissance une fin en soi, le nihiliste se perd dans un individualisme sacrificiel dont il aura de plus en plus de mal à se sortir, et ce d’autant plus qu’il se noiera dans des illusions lui masquant sa déprime, ses activités déprimantes, et un nouvel horizon plus épanouissant.


FAILLITE DE L’ÉTHIQUE SOCIALE

En ne remontant le temps que d’une cinquantaine d’années, on constate que dans un affaiblissement des valeurs républicaines, pendant la montée en puissance d’un capitalisme des plus libérales et la remise en cause totale des valeurs autoritaires (patriarcales et cléricales), ont prit part dans la société un individualisme égoïste ainsi qu’un hédonisme matériel. Sans respect d’une quelconque autorité faisant foi, avec l’avènement de la technologie pour chacun, et une idéologie omniprésente d’un capitaliste prônant le profit, le soucis de soi a légitimé une culture du narcissisme, dans laquelle les individus se complaisent dans leurs univers respectifs affichés aux yeux de tous (blogs, Facebook, etc). L’indifférence gagnant progressivement les esprits, c'est en se croyant de plus en plus libre de posséder ce qui leur est proposé, mais de moins en moins capable de se rendre compte de leur asservissement, que les individus perdent peu à peu le sens du civisme, de leur souverainisme, et de la citoyenneté.

Et sans prendre véritablement parti et sans réel dépassement de soi, aucun individualisme altruiste n’est possible. Le nihiliste passif se répand dans les classes pauvres et moyennes de la société, quand les politiciens et autres puissants s’activent dans l’ensemble à préserver leur statut et patrimoine avec un cynisme affiché. Les riches sont de plus en plus riche quand les pauvres sont de plus en plus pauvres, et le désintérêt grandissant du peuple pour une classe politique assumant le mensonge, la corruption et le mépris sous prétexte d’exprimer des droits universels et libertaires, gagne les individus qui s’abstiennent toujours plus de voter. Ou alors une majorité vote par contestation, ou pour l’image que reflète un candidat, et non pour ses idées, qui sont toujours présentées comme un contenu publicitaire, et de la manière la plus simpliste et caricaturale, pour être comprises le plus facilement.

Le discrédit généralisé est récupéré par les partis extrémistes, fondant leur propos sur l’absurdité que nous font vivre les partis modérés, qui entretiennent un état de décadence libérale derrière des masques de fausse morale traditionnelle et de bien-pensance répressive. Quand plus grand chose ne fait sens dans une société toujours plus complexe, que plus personne n’est légitime aux yeux de la majorité, et que la loi du marché domine, alors l’angoisse amenant à un repli sur soi narcissique grandit de génération en génération. Et il devient nécessaire de se demander comment nous avons pu en arriver à vivre dans une société caractérisée par le fait que les hommes œuvrant et échangeant ensembles, sont membres d’une collectivité dans laquelle il ne cherchent à travers cette appartenance, qu’à satisfaire leur intérêt particulier.

Éducation au sens large

Déjà au 19ème siècle, Nietzsche pointait du doigt l’éducation, considérée comme une véritable pédagogie de la décadence. Si l’éducation vise à l’amélioration de l’homme, à son perfectionnement moral, et à son accès à la liberté envisagée comme la capacité de maîtriser ses instincts et ses passions, en réalité derrière ce discours idéalisé s’opère une domestication de l’homme. A l’école l’enfant moyen n’apprend pas à penser par lui-même, à lire efficacement, ou à écrire correctement, quand à la maison la télé lui laboure le cerveau, si il ne se divertit pas d’une manière ludique et généralement peu constructive. La publicité est surabondante et les acteurs médiatiques banalisent des comportements narcissiques, l’éthique est ainsi piétinée quand la morale se voit délaissée ou récupérée par des communicants, justifiant les agissements frauduleux de quelques puissants.

L’homme perd ainsi petit à petit l’immense potentiel de son organe psychique, lui conférant de moins en moins de stabilité, d’équilibre et de pesanteur. L’homme urbanisé prend moins conscience de son environnement et de soi, il fait preuve de moins de raison en croyant paradoxalement avoir raison dans son ignorance, et la sagesse, la fidélité aux principes, ainsi que la morale, ne sont plus de mises puisque l’autorité est délégitimée. Aujourd’hui l’individu lambda désire vivre sans lest, ne pas se sentir reconnaissant ou de devoir répondre à un contrat éthique ou moral. C’est le point central de la compréhension de la nature du nihilisme, s’opérant à l’échelle d’une nation ou de l’individu. Le sentiment de continuité, de stabilité, d’équilibre, et de pesanteur de l’être se perdant dans des troubles narcissiques normalisés aux travers de médias ou autres divertissements.


RÉGRESSIONS ET NIHILISME

Le nihilisme latent ne serait que l’expression de notre capacité de régression. Si des études scientifiques montrent que le Qi des individus a augmenté depuis son invention il y a plus d’un siècle, les chiffres ne précisent pas que les individus ont juste appris à toujours mieux répondre aux questions du test, ce qui ne prouvent en rien qu’ils sont globalement plus intelligents. D’autres part, les résultats du test sont en baisse depuis quelques années dans certains pays, et d’autres études scientifiques ont montré que le niveau de réactivité des individus était plus élevé il y a 150 ans, alors qu’aujourd’hui dans notre monde de technologie hyper rapide, il serait tentant mais vain de penser le contraire.

D’autre part on observe une véritable régression de l’activité psychique collective, et un appauvrissement de la vie psychique individuelle. Effectivement il n’y a plus de vision collective comme chacun évolue dans son univers respectif, et la technologie apportant son content de divertissement, il n’est ainsi plus nécessaire de faire l’effort d’imaginer quoique ce soit pour animer et développer sa vie intérieure. Aussi la société imposant de vivre dans « l’urgence de la vie », un lien addictif s’établit entre le fait d’être constamment sollicité et de devoir répondre le plus vite possible, ceci nous amenant à évoluer dans l’urgence et l’intensité d’un stress permanent. Cet état angoissant nous confronte à l’épreuve intense du négatif, et oblige à réagir sur un mode régressif pour ne pas se déprimer devant notre incapacité à faire face à une telle demande. C’est ainsi que sans plus de réflexion nous répondons de manière immédiate, impulsive, et souvent d’une façon inadéquate. L’organisation sociale perd l’équilibre qu’elle avait réussi à établir entre l’idéal du moi (les valeurs positives auxquelles aspire le sujet) et le moi idéal (idéal de toute-puissance infantile), et au final ce déséquilibre régressif profite à narcissiser les individus en les isolant dans leur moi se croyant tout-puissant, faute d’un surmoi assurant une autorité suffisante et un cadre directif commun à tous.

Une fois l’individu aliéné dans ses désirs profonds, et sans modèle de vertu pour prendre du recul sur sa condition, l’irrespect devient permit et chacun en vient à se négliger comme si cela était normal, accepté, voire reconnu au nom du libertarisme. L’éducation transformant les natures passionnées et énergiques que sont les hommes en un véritable bétail laborieux et docile, est-il possible aujourd’hui que le peuple soumis retrouve sa souveraineté et refonde les bases d’une éthique sociale ? la loi régissant les instances et assurant un respect mutuel peut-elle être de nouveau appliquée, à l’égard des faibles comme des puissants ? et sans figure d’autorité respectable, est-il possible que la politique retrouve sa légitimité aux yeux du peuple ?


NIHILISME ET PERTE DU RESPECT INCONDITIONNEL

Le respect inconditionnel induit que l’individu se respecte en tant qu’être humain, indépendamment de ses qualités ou accomplissements. Cette forme d’estime de soi fonctionne en autonomie, selon que l’individu soit en accord avec une valeur qu’il s’est attribué, sans tenir compte du jugement d’autrui. Cette forme d’acceptation consciente et intégrale de soi apparaît être la plus fondamentale pour l’individu, car authentique et dénuée de toute notion de dépendance.

La société capitaliste ayant asservi les individus dans une forme d’esclavagisme moderne, ils sont devenus dépendant de biens matériels indispensables à leur survie dans la société. La technologie étant aujourd’hui indissociable de l’individu, et l’écart générationnel entre les personnes âgées et les plus jeunes est tel, que la transmission de valeurs permettant de comprendre la modernité à partir du passé pour s’y adapter, est impossible. Dans ce déclin de valeurs l’angoisse empêche l’individu d’agir, et dans une réaction à des peurs existentielles, le doute, le relativisme et le scepticisme s’installe dans les esprits. L’homme ne peut plus croire en son histoire comme elle est bafouée ou remise en cause selon les communicants, et il en vient à ne plus croire en la réalisation du souverain-bien, de la vertu et d’un possible bonheur. Il ne lui reste plus que l’absurdité présentée par les médias, et la question « à quoi bon être bon ? », si plus aucune valeur n'est respectée, si la justice est délaissé, et que l’homme dans son essence existentielle est abandonné aux lois d’un marché financier amoral et cynique ?

Dans ce cadre là à quoi bon refouler ses penchants les moins avouables et s’efforcer de dompter l’irascible animal sommeillant en nous..? autant se prélasser et en faire le moins possible vis à vis de soi-même et d’autrui, en se contentant du stricte nécessaire. Sans respect inconditionnel de sa personne, il n’est peu de raison qui résiste au fait de sombrer dans la dévalorisation vaniteuse d’autrui pour tenter de s’estimer assez pour croire que l'on vaut quelque chose. Et ce conditionnement est de plus en présent dans les cercles du pouvoir, comme sur le web ou dans les cours de récrées. Si l’estime de soi se mérite de plus en plus difficilement, le respect conditionnel du vaniteux narcissique affirmé est à la portée du premier venu, en laissant s’exprimer ses passions tristes et pulsion de mort à défaut d’avoir appris à éveiller ce qu’il y a de joyeux et bon chez lui.

Pour remédier à ce nihilisme passif auto-destructeur, le sentiment d’absurdité généralisé doit être appréhendé comme une expérience immédiate, et doit être réfléchie pour être transformé en un autre nihilisme plus enjoué, constructif et vitaliste. Si le nihilisme nous dévoile le néant, il ne faut alors ni en faire un culte en croyant s’y soustraire par une quelconque idéalisation idéologique, ni le combattre par une surenchère de violence. Pourquoi pas commencer par le comprendre, et réfléchir à des solutions probantes et adéquates pour remplir le vide de notre intériorité, et d'ainsi retrouver la force d’agir et non plus de réagir à des stimulus nous conditionnant à consommer, ou penser d’une certaine manière. Si le nihilisme peut être un fléau déprimant, il peut d’un autre côté nous dévoiler le néant au travers d’une reconnaissance de l’absence de valeurs essentielles, et nous permettre d’intellectualiser et conscientiser nos tourments, pour ainsi découvrir que ce qui avait été caché à l’humanité, que ce qu’elle se cachait à elle-même par vanité et par orgueil, c’était en fait sa capacité à surmonter ses propres peurs et sa propre flemme d'agir, au lieu de simplement réagir.

A mon sens nous avons besoin de retrouver une part de spiritualité perdue, je ne parle pas de refonder une religion transcendantale avec un fonctionnement vertical imposant son dictat, mais de redonner des valeurs sacrées à ce qui dépasse tous les individus, c’est à dire la nature et l’Éthique. Des valeurs d’immanence valorisant la nature et l’homme, permettrait de repositionner celui-ci à sa place dans le tout de notre environnement, c'est à dire dans la nature, et non au dessus des lois naturelles qui nous déterminent. Dans cette idée il s’agirait de redonner du crédit à l’homme et du sens à son existence au travers du lien social et du devoir, parce qu'il semble désormais primordial que l’homme se doit de protéger la terre sur laquelle il vit, au lieu de la détruire massivement comme c’est le cas...jamais nous n’avons atteint un tel degré de nihilisme en détruisant notre environnement, et ce malgré le fait que nous soyons conscients des risques majeurs encourus à l’échelle planétaire. Nous avons besoin de valeurs éthiques et morales, pour nous estimer inconditionnellement de part notre nature humaine, et non d'après nos constructions culturelles qui sont aujourd’hui viciées. Je prends le parti de lutter contre l’exclusion et les inégalités, de condamner l’asservissement et l’exploitation de l’homme par l’homme en ré-affirmant la valeur sacrée de celui-ci, pour le défendre là où il est menacé, mais aussi pour protéger la nature d'une économie avide de profit.
 

L'huitrerampante

Glandeuse pinéale
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Encore un bon article, cependant un point m'a fait tiquer, le fait que tu présentes le bouddhisme comme un culte nihiliste.
De ce que j'en ai compris, le bouddhisme n'est ni une philosophie/religion matérialiste, ni nihiliste, ce qu'il affirme c'est que rien n'a d'existence en soi et par soi (intrinsèque) mais que tout les phénomènes sont interdépendants, ils ne peuvent d'ailleurs exister que par cette interdépendance, ou en d'autre terme, rien n'a d'existence propre et tout existe relativement au reste. Appliqué à l'ego, cela donne: effectivement l'ego n'est pas une entité autonome, mais plutôt une étiquette. Le piège et de se croire être cette étiquette, démasquer l'illusion de l'ego ne veut pas dire le nier, mais plutôt comprendre qu'il n'a pas d'existence en soit et par conséquent de ne pas lui donner plus de valeur que ce qu'il n'en a.
Encore une fois c'est un cliché que de s'imaginer qu'une fois le nirvana atteint la personne reste dans une sorte de béatitude vide, bien au contraire, l'individu ayant atteint cet état aura une vision non-duelle de la réalité, et ayant compris et dépassé les causes de sa souffrance il sera à même d'aider les autres à faire de même.
Le but du bouddhisme est de comprendre les cause de la souffrance et de les éliminer, par l'application d'une méthode pratique, que chacun peut tester et éprouver par lui même.

Je ne cherche pas particulièrement à défendre le bouddhisme, c'est juste un courant de pensée qui m’intéresse beaucoup, et je ne l'ai pour l'instant pas encore pris en défaut. Je suis d'ailleurs conscient de bien mal l'expliquer et je te conseilles si jamais tu en as le temps de lire le "moine et le philosophe" de Mathieu RICARD qui est la confrontation d'un moine bouddhiste anciennement scientifique occidental et de son père, philosophe. Je le trouve particulièrement accessible à la "pensée occidentale" comme d'ailleurs la globalité de l'oeuvre de RICARD (pas le pastis hein ;) ! ).

Bon désolé pour cette petite digression sur le bouddhisme, mais bon ça rentre un peu dans le thème quand même.

Bonne soirée à toi.

Ps: J'aime vraiment ta conclusion !
 

Sandman

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J'ai de plus en plus l'impression d'un lien entre le nihilisme et la technologie omniprésente.

Je ne sais pas si c'est bien dans le sujet mais j'y trouve des liens alors je pose ici une courte vidéo d'Alain Damasio. Auteur français de romans de science fiction dont les propos font directement écho au thèmes de ses livres.

[video=youtube;cR0T5-a6YTc]
 
D

Deleted-1

Invité
Merci pour le com' !

A propos du bouddhisme, j'ai marqué que c'était un culte du néant, qui comme chaque religion pourrait être de base motivée par une dynamique de construction nihiliste, après la destruction de quelques valeurs. Après ce n'est ni bien ni mal, le nihilisme semble avoir toujours été présent dans nos manières d'être, et si il faut y apposer un jugement moral, je ne pense qu'il faille juger la doctrine en elle-même, mais la manière dont elle est appliquée. En gros le bouddhisme c'est le bouddhisme (ce n'est ni bien ni mal), par contre si tu te sers du bouddhisme dans une intention bonne ou mauvaise, là tu peux commencer à juger de si c'est bien ou mal (je dis ça pour distinguer la chose comme un étant (le bouddhisme), de ce qu'il en est fait (son application)).

Je me permet de souligner quelques points que tu as cité pour présenter le bouddhisme, et qui me font penser que c'est un culte du néant pouvant être assimilé à une forme de nihilisme :

De ce que j'en ai compris, le bouddhisme n'est ni une philosophie/religion matérialiste, ni nihiliste, ce qu'il affirme c'est que rien n'a d'existence en soi et par soi (intrinsèque) mais que tout les phénomènes sont interdépendants, ils ne peuvent d'ailleurs exister que par cette interdépendance, ou en d'autre terme, rien n'a d'existence propre et tout existe relativement au reste. Appliqué à l'ego, cela donne: effectivement l'ego n'est pas une entité autonome, mais plutôt une étiquette. Le piège et de se croire être cette étiquette, démasquer l'illusion de l'ego ne veut pas dire le nier, mais plutôt comprendre qu'il n'a pas d'existence en soit et par conséquent de ne pas lui donner plus de valeur que ce qu'il n'en a.

On retrouve bien la définition du nihilisme comme quoi rien n'existe au sens absolu, dans une négation de toute réalité substantielle. Avec en plus l'aspect relativiste de toutes les choses, quand le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs...en gros si tout est intrinsèque et interdépendant, aucune morale n'y serait applicable, et on retrouve là un relativisme typiquement nihiliste dans une absence ou remise en cause de valeur.

Et tu cites bien aussi le fait de démasquer l'illusion de l'ego, qui se rapporte à une forme de désillusion d'où suivra une tendance nihiliste (j'en reviens à la définition 3 : "Disposition d'esprit caractérisée par le pessimisme et le désenchantement moral après désillusion").

Je me dis qu'une fois l'illusion de l'ego démasqué, et lorsqu'au travers de l’enseignement bouddhiste on a comprit "qu'il n'a pas d'existence en soit et par conséquent de ne pas lui donner plus de valeur que ce qu'il n'en a", c'est là qu'arriverait la doctrine nihiliste bouddhiste post désillusion, comme quoi "rien n'a d'existence en soi et par soi (intrinsèque) mais que tout les phénomènes sont interdépendants, ils ne peuvent d'ailleurs exister que par cette interdépendance, ou en d'autre terme, rien n'a d'existence propre et tout existe relativement au reste." - En gros notre ego nous fait croire que nous sommes le monde, alors qu'en réalité nous sommes dans le monde. La désillusion advenant lorsque l'on comprend que notre subjectivité égotique n'est pas le monde, mais qu'elle fait partie d'un tout (ça serait alors une intellectualisation d'un nihilisme culturel si j'ai bien compris ?).

Si il y a bien une forme de nihilisme dans la doctrine bouddhiste, encore une fois ce n'est ni bien ni mal, perso j'en suis venu à me dire que le nihilisme est partout en chacun de nous, sous différentes formes, et qu'en fonction de l'utilisation que l'on en fait dans nos applications, on peut en venir à juger de si notre nihilisme nous est bon ou mauvais.
 

CastlesMadeOfSand

Holofractale de l'hypervérité
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15 Juin 2011
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Laura Zerty a dit:
- Nihilisme idéal (passion, sublimation, détachement, ascétisme libérateur)
[...] Il transforme l’expérience angoissante du vide en une aspiration idéalisée. C’est la tentation nihiliste d’exister dans le culte du néant, sublimé par une volonté d’absolu, et que l’on retrouve dans la recherche de [...] culte bouddhique.
Le Bouddha expliqua une fois à ses disciples la doctrine de cause à effet [...]. Il dit alors :
"O bhikkus, même cette vue qui est si pure et si claire, si vous y êtes liés, si vous la chérissez, si vous la gardez comme un trésor, si vous vous êtes attachés à elle, alors, vous ne comprenez pas que l'enseignement est semblable à un radeau qui est fait pour traverser, mais non pour s'y attacher."

Walpola Rahula - L'enseignement du Bouddha D'après les textes les plus anciens
=> Pas d'idéalisation de la doctrine : ce qui est transmis est un moyen de libération des conditionnements
(si le contenu est figé en dogme c'est une erreur qui va à l'encontre du but visé).


Laura Zerty a dit:
A propos du bouddhisme, j'ai marqué que c'était un culte du néant
Dire "il y a" c'est prendre les choses comme éternelles, dire "il n'y a pas" c'est ne voir que leur anéantissements. C'est pourquoi l'homme clairvoyant ne s'attachera ni à l'idée d'être ni à l'idée de non-être.
Nagarjuna - Stances du milieu par excellence traduit de l'original sanskrit, présenté et annoté par Guy Bugault
=> Pas d'attachement à l'idée de non-être, on est donc loin d'un culte du néant.


Laura Zerty a dit:
le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs...en gros si tout est intrinsèque et interdépendant, aucune morale n'y serait applicable, et on retrouve là un relativisme typiquement nihiliste dans une absence ou remise en cause de valeur.
S'abstenir du mal, cultiver le bien et purifier l'esprit : tel est l'enseignement des Bouddhas.
Bouddha - Dahammapada (Texte extrait du livre : Walpola Rahula - L'enseignement du Bouddha D'après les textes les plus ancien)
=> Compassion et Sagesse sont indissociables sur cette voie.
Il y a bien une éthique bouddhiste, fondée sur la non-violence et la bienveillance.
La discipline des corps, parole et esprit est décrite de façon claire et détaillée.




Bien sûr tu peux penser ce que tu veux du "Bouddhisme" et faire tous les raisonnements et projections que tu le souhaites sur le sujet.
Cela dit c'est une voie à pratiquer plutôt qu'une philosophie à disséquer.
Je ne pense pas que tu l'aies suffisamment pratiquée (ni même étudiée) pour la catégoriser de façon aussi forte, autant sur ses tenants ("véritable culte du néant") que sur ses aboutissements ("convainc de croire en sa propre puissance narcissique").
A mon avis tu décris de façon juste une dérive bouddhiste qui peut survenir chez les pratiquants, mais ce n'est pas la voie à proprement parler.

Si tu le souhaites c'est avec plaisir qu'on pourrait débattre sur le sujet (dans un nouveau topic, histoire de pas trop parasiter ta réflexion sur le nihilisme).

C'est cool de te voir sur le fofo en tous cas :)
 

L'huitrerampante

Glandeuse pinéale
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En effet, il y a un certain côté nihiliste au sens ou du point de vue de la réalité absolu rien n'a d'existence propre (tout est vacuité, ce qui n'est pas vide), et on touche la à un point délicat et subtil du bouddhisme, l'un des plus intéressant aussi, que je suis encore une fois bien incapable d'expliquer clairement, ne l'ayant pas parfaitement assimilé moi même.
Par contre cette négation n'abouti pas à "un relativisme typiquement nihiliste dans une absence ou remise en cause de valeur" dans le sens ou ce qui à de la valeur pour le bouddhisme c'est le résultat de nos actions, va-t-il amener à plus de souffrance ou de bonheur, pour soi et/ou autrui. Je pense alors que celui qui ne se serait pas vraiment libéré de la souffrance car n'en ayant pas compris les causes pourrait alors faire un mauvais usage du bouddhisme et on retombe sur ce que tu dit à la fin de ton premier paragraphe.

"En gros notre ego nous fait croire que nous sommes le monde, alors qu'en réalité nous sommes dans le monde. La désillusion advenant lorsque l'on comprend que notre subjectivité égotique n'est pas le monde, mais qu'elle fait partie d'un tout (ça serait alors une intellectualisation d'un nihilisme culturel si j'ai bien compris ?)" C'est bien ce que je comprends aussi, mais je ne vois pas en quoi cela est une intellectualisation de nihilisme culturel.

Je finis pour revenir à l'existence des choses avec cette citation de RICARD (oui encore lui mais c'est pour le moment ma seule référence sur le sujet) :
"Seul celui qui a atteint l'Eveil reconnait la nature ultime de l'objet: apparent mais dénué d'existence intrinsèque. La position finale du bouddhisme est celle la "voie du milieu": le monde n'est pas une projection de notre esprit, mais il n'est pas non plus totalement indépendant de notre esprit, car une réalité particulière, fixe, indépendante de tout concept, de toute intellection, de tout observateur n'a guère de sens. Il y a interdépendance. Ainsi le bouddhisme évite-t-il de tomber dans le nihilisme ou l'éternalisme. Les phénomènes surgissent d'un processus d'interdépendance de causes et de conditions, mais rien n'existe en soi ni par soi. Enfin la contemplation directe de la vérité absolue transcende tout concept intellectuel, toute dualité entre sujet et objet"

 
D

Deleted-1

Invité
On est dans le sujet donc autant rester sur ce topic :D

CastlesMadeOfSand a dit:
Le Bouddha expliqua une fois à ses disciples la doctrine de cause à effet [...]. Il dit alors :
"O bhikkus, même cette vue qui est si pure et si claire, si vous y êtes liés, si vous la chérissez, si vous la gardez comme un trésor, si vous vous êtes attachés à elle, alors, vous ne comprenez pas que l'enseignement est semblable à un radeau qui est fait pour traverser, mais non pour s'y attacher."

Walpola Rahula - L'enseignement du Bouddha D'après les textes les plus anciens
=> Pas d'idéalisation de la doctrine : ce qui est transmis est un moyen de libération des conditionnements (si le contenu est figé en dogme c'est une erreur qui va à l'encontre du but visé).

Vis à vis de l'application de la doctrine bouddhique, il faut voir si elle est idéalisée par ses pratiquants dans leur culte, et à ce niveau là on ne jugera plus du bouddhisme en lui-même, mais de la manière dont ses adeptes le pratiquent (que ça soit pour se libérer de leur conditionnement, ou pour gagner en estime de soi via une inflation narcissique au travers d'une idéalisation et ferveur de l'enseignement bouddhique (ce qui n'est pas un mal si ça permet de gagner en amour-propre), j'irai même plus loin en disant que pour arriver à se libérer de ses conditionnements dans un enseignement bouddhique, la phase narcissique est indispensable pour gagner une estime de soi inconditionnelle (et alors traverser la mer de l'esprit serein, sans s'attacher au voile de l'ego)).


CastlesMadeOfSand a dit:

Dire "il y a" c'est prendre les choses comme éternelles, dire "il n'y a pas" c'est ne voir que leur anéantissements. C'est pourquoi l'homme clairvoyant ne s'attachera ni à l'idée d'être ni à l'idée de non-être.
Nagarjuna - Stances du milieu par excellence traduit de l'original sanskrit, présenté et annoté par Guy Bugault
=> Pas d'attachement à l'idée de non-être, on est donc loin d'un culte du néant.

Et pas d'attachement à l'idée d'être, on est donc proche d'un culte du néant.

Quand je parle de nihilisme religieux au travers d'un culte du néant, je pense au fait qu'une fois la désillusion dépassée et que l'homme a entrevu ce qu'il perçoit être sa vérité, il s'est confronté au néant et cherche alors à construire une doctrine pour mieux l'éviter à l'avenir (et si c'est au travers d'un enseignement religieux vertueux, c'est que c'est un idéal à atteindre pour fuir le néant, d'où le fait que je parle de nihilisme idéalisé, avec une possible ferveur nihiliste en accompagnement).

Et cet idéal bouddhique se retrouverait dans l'enseignement que tu cites :

CastlesMadeOfSand a dit:

S'abstenir du mal, cultiver le bien et purifier l'esprit : tel est l'enseignement des Bouddhas.
Bouddha - Dahammapada (Texte extrait du livre : Walpola Rahula - L'enseignement du Bouddha D'après les textes les plus ancien)
=> Compassion et Sagesse sont indissociables sur cette voie.
Il y a bien une éthique bouddhiste, fondée sur la non-violence et la bienveillance.
La discipline des corps, parole et esprit est décrite de façon claire et détaillée.

Il me parait évident que le bouddhisme, comme toute religion, a pu fonder son enseignement éthique à partir d'une désillusion à propos de l'homme, et que l'éthique qu'il enseigne serait l'idéal qu'il propose d'atteindre à ses adeptes.

Le schéma que j'essayais d'expliquer dans mon précédent commentaire serait qu'en se rendant compte (via une désillusion) que l'homme se leurre quand il fait preuve d'ego, et qu'il peut en être malveillant, il serait alors bon de "S'abstenir du mal, cultiver le bien et purifier l'esprit".

Le bouddhisme ne serait donc pas le cliché occidental que de vivre complètement amorphe en croyant que rien n'existe, mais plutôt de ne pas donner plus d'importance aux choses qu'elles en ont, si elles sont... (à ce que j'ai pu en comprendre, je t'avoue que j'y connais pas grand chose).

M'enfin cela ne m'empêche pas de penser que le bouddhisme, et en général la religion, est un culte du néant, dans le sens où l'enseignement religieux viserait justement à se détourner du néant. En gros c'est comme vouloir le bien pour lutter contre le mal, sauf que le bouddhisme est allé plus loin en disant qu'il n'y a ni être, ni non-être ahah :D (je t'avoue que j'ai essayé d'être clairvoyant à propos de cette vision, mais j'ai un peu de mal à saisir le concept, chepa si c'est ça ce qu'on appelle le niveau zéro ? si c'est ce moment où l'on a réussi à faire assez abstraction de son égo pour qu'il n'y est plus ni étant ni néant, mais juste un devenir de soi ?)


L'huitrerampante a dit:
Je pense alors que celui qui ne se serait pas vraiment libéré de la souffrance car n'en ayant pas compris les causes pourrait alors faire un mauvais usage du bouddhisme et on retombe sur ce que tu dit à la fin de ton premier paragraphe.

C'est là l'intérêt de différencier les formes de nihilisme ! parce qu'effectivement dans la forme passive, t'en reste à souffrir en faisant preuve d'ego pour te dire que tu vas bien par exemple, et ça peut mener à toute sorte d'usage inadéquate à un éventuel meilleur-être.


L'huitrerampante a dit:

"En gros notre ego nous fait croire que nous sommes le monde, alors qu'en réalité nous sommes dans le monde. La désillusion advenant lorsque l'on comprend que notre subjectivité égotique n'est pas le monde, mais qu'elle fait partie d'un tout (ça serait alors une intellectualisation d'un nihilisme culturel si j'ai bien compris ?)" C'est bien ce que je comprends aussi, mais je ne vois pas en quoi cela est une intellectualisation de nihilisme culturel.

J'ai pensé ça dans le sens où la désillusion permet un certain recul sur une situation, qu'il est possible d'intellectualiser pour concevoir ce que l'on a perçu lors de la désillusion, et ce sur un plan culturel (sociologique ou philosophique par exemple). En gros dans l'exemple cité, l'individu croyait en son ego tout puissant, puis il a comprit qu'il se trompait, et en le pensant et le formulant il ferait preuve de nihilisme culturel (parce qu'il a perdu son illusion égotique)...mais chepa si il est juste de voir ou simplifier les choses comme ça je t'avoue :D


L'huitrerampante a dit:

"Seul celui qui a atteint l'Eveil reconnait la nature ultime de l'objet: apparent mais dénué d'existence intrinsèque. La position finale du bouddhisme est celle la "voie du milieu": le monde n'est pas une projection de notre esprit, mais il n'est pas non plus totalement indépendant de notre esprit, car une réalité particulière, fixe, indépendante de tout concept, de toute intellection, de tout observateur n'a guère de sens. Il y a interdépendance. Ainsi le bouddhisme évite-t-il de tomber dans le nihilisme ou l'éternalisme. Les phénomènes surgissent d'un processus d'interdépendance de causes et de conditions, mais rien n'existe en soi ni par soi. Enfin la contemplation directe de la vérité absolue transcende tout concept intellectuel, toute dualité entre sujet et objet"

C'est là que ça devient compliqué, quand il faut inscrire l'interprétation que l'on se fait de l'enseignement bouddhique dans une durée. Si l'idéal bouddhique permet d'éviter le nihilisme et l'éternalisme, pour en arriver à cet état "supérieur", il faut passer par plus d'un déconditionnement et perdre quelques valeurs en chemin...donc de désillusion en désillusion il est nécessaire de passer par des phases de nihilisme (par exemple de la passivité à l'action, pour se rendre compte que les deux sont vains, et donc idéaliser un état "supérieur", puis faire preuve de ferveur nihiliste pour possiblement gagner en nihilisme culturel quand l'on peut penser ce qui se déroule, et alors peut-être que tu seras l'homme le plus sage du monde selon la doctrine bouddhiste).

En fait c'est compliqué de s'entendre si untel parle de ce qui est en mouvement, et qu'un autre évoque ce qui pourrait ou devrait être, je remarque souvent ça dans les discussions en général dans les approches et les points de vue différents selon les personnes. Pour ma part j'essaye de comprendre d'où viennent les tendances, comment elles opèrent au présent, et ensuite voir où elles mènent. Je dis ça pour différencier le fait de parler d'une application de l'enseignement bouddhique, qui sera forcément évolutive dans le temps, et le fait de se référer à la doctrine bouddhique, qui elle est fixe.
 

CastlesMadeOfSand

Holofractale de l'hypervérité
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Laura Zerty a dit:
j'irai même plus loin en disant que pour arriver à se libérer de ses conditionnements dans un enseignement bouddhique, la phase narcissique est indispensable pour gagner une estime de soi inconditionnelle (et alors traverser la mer de l'esprit serein, sans s'attacher au voile de l'ego)).
Libérer la croyance solide en un "je" intérieur, indépendant d'un monde qui serait extérieur, c'est libérer Narcisse.
L'idée c'est de revenir à une présence plus directe, allégée de l'attitude conflictuelle Moi VS le Monde.
Le jeu de l'estime de soi est de moins en moins problématique à mesure qu'on réalise qu'il est inutile de le prendre trop au sérieux.
Petit à petit je peux m'abandonner à l'expérience, avec une confiance simple en ce qui est vécu.

Laura Zerty a dit:
Et pas d'attachement à l'idée d'être, on est donc proche d'un culte du néant.
Pas s'attacher à ce qui est à droite c'est forcément s'attacher à ce qui est à gauche ?
Nope
Et pis s'attacher à l'idée d'être, c'est plutôt classique non ?
A mon avis l'attitude bouddhiste est carrément révolutionnaire !
Voici l'hypothèse de travail :
L'idée d'être intérieur, séparé, durable et indépendant du monde extérieur est une méprise.
On prend cette habitude de fonctionnement Moi VS le Monde comme une réalité évidente.

C'est problématique...
Pourquoi ?
Si je suis "séparé de", je suis forcément incomplet, et il semble que ce sentiment (souvent subtil) d'incomplétude soit indissociable de l'idée d'être intérieur.
Ensuite je vais réagir à ce qui est en face de moi, en fonction de mes ressentis (jugés intérieurs) :
- Je vais vouloir attraper et garder ce qui me plaît
- Je vais vouloir tenir à l'écart et rejeter ce qui ne me plaît pas
Et à partir de là c'est sûr que je vais en chier...
Pourquoi ?
Tout change et je ne pourrais jamais :
- Garder à tout jamais ce qui me plaît
- Eviter de façon définitive tout ce qui me rebute
Au contraire c'est souvent la double peine :
- J'ai tellement envie de chopper ce qui me plaît que j'ai tendance à me mettre des bâtons dans les roues
(stress qui me fait louper le coche, envie précise qui me fait passer à côté d'un truc agréable mais pas en accord avec mes attentes)
- J'ai tellement pas envie de vivre des trucs pénibles que je rumine des idées noires lorsque ça m'arrive ou que ça me pend au nez (et ça aide pas trop...)
Voilou voilou...
Non ?
^^

Donc l'hypothèse de travail c'est qu'il n'y a pas de réel soi.
Bien sûr il y a une impression, il est futile de la nier.
Un mirage est vraiment apparent, un rêve est vraiment vécu (toute image à ses mérites et ses limites).
Mais il n'y a aucune obligation de (pour)suivre ce jeu de l'esprit.
C'est une attitude, une réaction habituelle, qu'il est tout à fait possible de libérer, vu qu'elle n'existe pas de façon absolue ;)

Laura Zerty a dit:
M'enfin cela ne m'empêche pas de penser que le bouddhisme, et en général la religion, est un culte du néant, dans le sens où l'enseignement religieux viserait justement à se détourner du néant. En gros c'est comme vouloir le bien pour lutter contre le mal, sauf que le bouddhisme est allé plus loin en disant qu'il n'y a ni être, ni non-être ahah :D (je t'avoue que j'ai essayé d'être clairvoyant à propos de cette vision, mais j'ai un peu de mal à saisir le concept, chepa si c'est ça ce qu'on appelle le niveau zéro ? si c'est ce moment où l'on a réussi à faire assez abstraction de son égo pour qu'il n'y est plus ni étant ni néant, mais juste un devenir de soi ?)
juste une présence immédiate, claire et spacieuse (rien de miraculeux, c'est l'expérience de l'instant, en général on part dans des trips conceptuels à partir de là :p )

C'est plutôt bon signe que tu aies du mal à choper le concept...
... vu que c'est un concept qui a pour seul propos de se libérer des croyances conceptuelles.

Rien ne t'empêche de penser comme-ci ou comme-ça, c'est sûr !
L'esprit semble être libre au point de pouvoir croire dur comme fer des trucs aberrants : les noirs sont des sous-hommes, la terre est plate, au centre de l'univers, je suis séparé du monde extérieur et ce qu'il pourrait m'arriver de mieux c'est que chacun de mes désirs soit comblé instantanément :lol:
C'est un exemple pour dire à quel point j'estime que ta liberté de conception est... absolue (?), c'est pas pour dire que tu penses de la merde hein ^^
 
D

Deleted-1

Invité
CastlesMadeOfSand a dit:
Libérer la croyance solide en un "je" intérieur, indépendant d'un monde qui serait extérieur, c'est libérer Narcisse.
L'idée c'est de revenir à une présence plus directe, allégée de l'attitude conflictuelle Moi VS le Monde.
Le jeu de l'estime de soi est de moins en moins problématique à mesure qu'on réalise qu'il est inutile de le prendre trop au sérieux.
Petit à petit je peux m'abandonner à l'expérience, avec une confiance simple en ce qui est vécu.

Oui bien sur que de faire de son Moi une super star c'est libérer Narcisse, et c'est exactement ce vers quoi la société occidentale tend de plus en plus. Par contre je ne condamnerai pas totalement le "je", qui est selon moi essentiel à notre équilibre dans notre société toujours plus compétitive. Si il ne faut pas abuser du "moi je", il faut savoir en user quand nécessaire pour sa propre survie face à des individus qui s'en cache, et surtout ne pas tomber dans le piège de le prendre trop au sérieux comme tu le dis ! c'est l'aventure d'une vie, parce que pour s'individuer (et non s'individualiser), pendant toute l'enfance/adolescence et post adolescence, la confrontation à son Moi en l'incarnant de la manière la plus narcissique qui soit m'apparait comme indispensable pour, d'une part prendre confiance en soi en connaissant ses limites, et deuxièmement prendre conscience qu'atteindre ses limites renforce l'ego et rend désagréable et associable. Aussi en en tirant des conclusions de cette inflation égotique, il est possible de chercher justement à faire moins preuve d'ego pour "s'abandonner à l'expérience, avec une confiance simple en ce qui est vécu". Ce que je veux dire, c'est que pour en arriver à cet idéal de béatitude, il faut dépasser son ego en faisant preuve d'ego, pour se rendre compte de ce qu'est l'ego de manière expérimentale, avant de théoriser dessus pour mieux en sortir (sinon je ne vois pas comment on peut comprendre ce que c'est, et savoir qui l'on est vis à vis de ses défauts (puisque l'égo nous masque nos faiblesses, en le dépassant on devrait dépasser nos faiblesses normalement)).


CastlesMadeOfSand a dit:
Pas s'attacher à ce qui est à droite c'est forcément s'attacher à ce qui est à gauche ?
Nope
Et pis s'attacher à l'idée d'être, c'est plutôt classique non ?
A mon avis l'attitude bouddhiste est carrément révolutionnaire !
Voici l'hypothèse de travail :
L'idée d'être intérieur, séparé, durable et indépendant du monde extérieur est une méprise.
On prend cette habitude de fonctionnement Moi VS le Monde comme une réalité évidente.

C'est problématique...
Pourquoi ?
Si je suis "séparé de", je suis forcément incomplet, et il semble que ce sentiment (souvent subtil) d'incomplétude soit indissociable de l'idée d'être intérieur.
Ensuite je vais réagir à ce qui est en face de moi, en fonction de mes ressentis (jugés intérieurs) :
- Je vais vouloir attraper et garder ce qui me plaît
- Je vais vouloir tenir à l'écart et rejeter ce qui ne me plaît pas
Et à partir de là c'est sûr que je vais en chier...
Pourquoi ?
Tout change et je ne pourrais jamais :
- Garder à tout jamais ce qui me plaît
- Eviter de façon définitive tout ce qui me rebute
Au contraire c'est souvent la double peine :
- J'ai tellement envie de chopper ce qui me plaît que j'ai tendance à me mettre des bâtons dans les roues
(stress qui me fait louper le coche, envie précise qui me fait passer à côté d'un truc agréable mais pas en accord avec mes attentes)
- J'ai tellement pas envie de vivre des trucs pénibles que je rumine des idées noires lorsque ça m'arrive ou que ça me pend au nez (et ça aide pas trop...)
Voilou voilou...
Non ?
^^

Pas sur que l'attitude bouddhiste soit révolutionnaire, où alors en occident lorsque les classes moyennes l'ont redécouvert dans l'es années 60 pour fuir l'émergence d'une culture narcissique de plus en plus omniprésente. Enfin il y a tout un tas d'autres enseignements philosophiques ou autres doctrines religieuses qui peuvent t'amener à une forme de béatitude, en sortant de son Moi (Pascal disait déjà qu'il était haïssable au 17ème siècle par exemple, avec beaucoup d'autres penseurs, mais en général on préfère ne pas appliquer ce qu'on a tiré comme leçons des enseignements philosophiques ou religieux ahah).

Pour ce qui est de se détacher de nos envies et besoins de possession, je te rejoins carrément, cela revient toujours à faire preuve d'ego quand on a aujourd'hui banaliser l'égocentrisme ainsi que les comportement orgueilleux et vaniteux. Je suis pour retrouver un Dieu dans la nature, pour l'immanence proposée par Spinoza, qui nous obligerait à faire abstraction de nos egos et nous fondre dans le Tout avec humilité (et une vraie humilité, pas la fausse pour faire genre qu'on est sage...). Après que l'on puisse y arriver avec un enseignement bouddhique, c'est cool aussi, comme quoi si la démarche est différente selon les continents et cultures, l'objectif de béatitude et de sérénité avec soi et le monde est le même :D


CastlesMadeOfSand a dit:
C'est un exemple pour dire à quel point j'estime que ta liberté de conception est... absolue (?), c'est pas pour dire que tu penses de la merde hein ^^

Si j'aspire à trouver une forme d'absolu dans le Tout environnant, ma conception de la liberté ne repose que sur le fait de me détacher de ce qui me conditionne depuis toujours (les déterminismes sociaux et culturels surtout), pour l'aspect naturel de ma personne, si par exemple j'ai un intellect qui ne s'arrête jamais, j'ai bien compris à force d'avoir essayé d'arrêter la petite voie dans ma tête à coup de drogue, qu'il fallait mieux l'accepter et composer avec. A ce niveau là ma liberté ne sera jamais absolue, parce que ma vie psychique est évolutive, et que si je me déconditionne aujourd'hui au travers de désillusion, je resterais pourtant toujours conditionné dans un devenir constant puisque changeant...à moins que j'arrive à atteindre le ni être ni non-être, mais à ce moment là je crois que je serais juste mort en étant retourné à la poussière d'atome qui m'avait initialement constitué.

Je vais essayer de me renseigner sur cette conception du ni être, ni non-être, et voir si il y a des liens entre bouddhisme et philosophie atomiste pré-socratique, là en parcourant une page wikipédia, j'ai vu qu'il y avait un courant atomiste en Inde, lié au bouddhisme et à l'indouisme, et peut-être que ça pourra nous éclairer sur cette clairvoyance bouddhiste qui irait au delà de l'éternalisme et du nihilisme !? (si c'est vraiment le cas je me convertis direct :mrgreen:)
 

Groovie

Holofractale de l'hypervérité
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Je ne suis pas assez intelligent ou compétent pour discuter de philosophie mais voici une vidéo que j'avais apprécié sur le sujet. C'est uplooadé par slate alors ça fait un peu peur au début mais vous allez voir c'est pas si mal

[video=youtube;ti9zdpLlXf0]
 
D

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Invité
Je t'avoue en anglais et sans sous-titre c'est chaud à comprendre vu les propos traités..

Si t'as le courage de résumer vite fait la vidéo c'est cool :D
 

L'huitrerampante

Glandeuse pinéale
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J'aime bien cette discussion, j'ai peu à y rajouter, si ce n'est que je pense que Spinoza est le philosophe occidental qui se rapproche le plus de la pensée bouddhiste. Et effectivement je reconnais aussi qu'il y a un objectif de sérénité et de béatitude commun, et que le bouddhisme est un moyen non exclusif d'y arriver. C'est d'ailleurs selon moi ce qui fait la grande force du bouddhisme, ce n'est pas un dogme, mais plutôt une manière de procéder pour arriver au bonheur, basé sur la pratique de la contemplation, et on peut l'appliquer et confronter les résultats de notre expérience avec ce qui est prévu par cette pratique, un peu comme pour une théorie scientifique. Il n'y a donc pas besoin de se convertir au bouddhisme pour en suivre la voie, d'ailleurs toute la dramaturgie religieuse (images du bouddha, mantras et prières, iconographie...) associée au bouddhisme n'est là que pour aider à progresser sur la voie, mais de manière ultime, il faut arriver à la dépasser pour pouvoir vivre dans l'expérience claire, lumineuse et non-duelle de l'instant.

Et le nihilisme dans tout ça ? euh oups! :sort de la conversation: :lol:
 

Biquette

Modo vache qui rend chèvre
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Un psychocouac sauvage apparaît ! Psychocouac sauvage utilise Citation d'Alan Watts !

The meaning of life is just to be alive. It is so plain and so obvious and so simple. And yet, everybody rushes around in a great panic as if it were necessary to achieve something beyond themselves.

C'est super efficace ! Nihilisme est K.O. ! Voulez-vous envoyer Positivisme à la place ?
 
D

Deleted-1

Invité
L'huitrerampante a dit:
J'aime bien cette discussion, j'ai peu à y rajouter, si ce n'est que je pense que Spinoza est le philosophe occidental qui se rapproche le plus de la pensée bouddhiste. Et effectivement je reconnais aussi qu'il y a un objectif de sérénité et de béatitude commun, et que le bouddhisme est un moyen non exclusif d'y arriver. C'est d'ailleurs selon moi ce qui fait la grande force du bouddhisme, ce n'est pas un dogme, mais plutôt une manière de procéder pour arriver au bonheur, basé sur la pratique de la contemplation, et on peut l'appliquer et confronter les résultats de notre expérience avec ce qui est prévu par cette pratique, un peu comme pour une théorie scientifique. Il n'y a donc pas besoin de se convertir au bouddhisme pour en suivre la voie, d'ailleurs toute la dramaturgie religieuse (images du bouddha, mantras et prières, iconographie...) associée au bouddhisme n'est là que pour aider à progresser sur la voie, mais de manière ultime, il faut arriver à la dépasser pour pouvoir vivre dans l'expérience claire, lumineuse et non-duelle de l'instant.

Et le nihilisme dans tout ça ? euh oups! :sort de la conversation: :lol:

Pour moi on reste dans le sujet en se rendant compte que les religions et la philosophie en général ont comme but commun de se sortir d'un nihilisme passif, au travers d'un nihilisme idéaliste et fervent pour les religions, et d'un nihilisme culturel pour la philosophie.

Sinon dans le sillon de Spinoza, Nietzsche a développé son concept de l’Éternel Retour sur des bases bouddhistes, dans l'idée de dépasser le nihilisme en général (comme le bouddhisme), ou tout du moins d'atteindre le stade ultime d'un nihilisme au dessus de tous les autres, qui consisterait à accepter l’entièreté de sa vie autant dans ses bons et mauvais aspects, et ce au point de souhaiter la revivre à l'infini.

@ Couac, on retrouve là aussi une pensée des plus vitalistes qui soit, englobant une positivité avérée pour s'émanciper de la panique observée par n'importe quel esprit se voulant libre ! bon par contre, le coup du "It is so plain and so obvious and so simple.", si c'est facile de dire ça, après faut voir ce qu'il en est en vrai dans la vie de tous les jours huhu..
 
D

Deleted-1

Invité
Je up le topic en proposant un montage de paragraphes tirés de cet article sur le nihilisme contemporain, et faisant des liens avec la société capitaliste dans laquelle nous vivons. Les auteurs y montrent comment le libéralisme détruit les institutions et cherche à créer des individus précaires, et séparés d'une collectivité où ensemble ils seraient forts de leur pouvoir commun.

Faute d’avoir philosophiquement construit, dans toutes ses implications, l’événement de l’effondrement de la transcendance, nous sommes aujourd’hui en train de payer un lourd tribut social et politique à cette perte.

On commence à comprendre et à faire les comptes de ce que la formidable amplification du modèle du marché est en train de radicalement changer en matière économique, politique et géo-stratégique. Mais on envisage plus difficilement ce qu’elle est en train de contribuer à redéfinir dans le domaine anthropologique. On le devrait cependant dans la mesure où le modèle du marché, par son dynamisme même, ne peut être voué à demeurer confiné à son territoire d’origine. Marcel Gauchet indique à cet égard que « c’est à une véritable intériorisation du modèle du marché que nous sommes en train d’assister à un événement aux conséquences anthropologiques incalculables, que l’on commence à peine à entrevoir ».

Ce qu’on sait déjà, c’est que le modèle marchand ne peut oeuvrer qu’à la désintégration de tout ce sur quoi peut venir achopper (butter) la course toujours élargie de la marchandise. C’est-à-dire les instances collectives telles que la famille, les syndicats, les collectifs supposés veiller à l’intérêt public, les associations environnementales, les formations politiques et culturelles, les peuples, leurs États-nations et même, au-delà, les croyances symboliques et les convictions morales. Mais ce modèle du marché est d’ores et déjà en passe d’étendre ses effets déstructurants beaucoup plus loin. Jusqu’où ? Jusqu’à une profonde redéfinition de la forme moderne du sujet, suspecte d’abriter deux instances fort gênantes pour lui : le libre arbitre critique (issu du kantisme dans les années 1800) et la culpabilité (mise aujour par Freud dans les années 1900).

On pourrait ainsi dire que l’extension du modèle du marché oblige à disposer d’individus libérés de la critique et de la névrose classique et définis par rien d’autre que des besoins consommatoires toujours élargis. Dès lors que ces freins sont levés, de nouveaux territoires sont en vue. À partir de la mise en veilleuse de ces deux caractéristiques du sujet moderne, l’individu peut en effet devenir lui-même un nouveau marché en soi. Et, de fait, il existe déjà un marché de l’identité personnelle avec des kits identitaires vantant et vendant quantité de looks et de paraîtres possibles. L’offensive va si loin qu’il existe déjà, de même, une marchandisation de l’identité sexuelle où chacun est de plus en plus invité et incité à choisir non pas tant son genre (ce qui est légitime pour
tout être parlant), mais aussi et surtout son sexe biologique.

Voici donc ce que nous avons à penser aujourd’hui : la possible altération par l’extension conquérante du modèle du marché de l’identité moderne (qu’on peut définir comme « critique et névrosée ») et la fabrique d’une nouvelle identité, disons « post-moderne », pour reprendre ce terme déjà un peu désuet, en tout cas une identité flexible, constamment adaptable aux flux tendus du marché.

Un vacillement de la forme sujet moderne.

Un des symptômes du vacillement en cours de la forme sujet moderne nous semble constitué par la montée chez les individus de la violence individuelle et par ses déchaînements dans l’espace public. On touche là un sujet délicat. Des groupes politiques se sont en effet plaints de l’exploitation de la violence faite au cours de la dernière campagne électorale pour les présidentielles en France.

On a tendance à se dire que la destruction des vieilles baudruches symboliques (la religion, le patriarcat, la famille, la nation) n’occasionne rien de plus qu’un dessillement certes spectaculaire et douloureux, mais salvateur du sujet, passant subitement de la modernité à la post-modernité. En somme, il ne faudrait pas confondre la fin de la transcendance et la fin du transcendantal.

Certes, nous n’avons plus de loi externe pour nous guider (et nous assujettir), mais ce serait l’occasion ou jamais de trouver ses propres lois internes. On sait d’ailleurs, depuis Rousseau au moins, que l’autonomie, comme son étymologie l’indique, ne signifie pas la fin de la loi, mais la recherche des lois qu’on pourrait se donner à soi-même. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Il n’y a pas de liberté sans lois. La liberté suit le sort des lois », disait ainsi Rousseau dans le Contrat social (livre I).
Nous nous trouverions donc devant une chance historique d’accès à l’autonomie. Si cela était vrai, encore faudrait-il savoir la saisir d’autant qu’elle est fort ardue à mettre en oeuvre. Le programme d’autonomie est en effet d’une totale exigence philosophique. Le problème serait plutôt de croire que la liberté découle automatiquement de la chute des idoles précipitée par l’extension du règne de la marchandise. Toute la question est donc là : avons-nous affaire à une inédite libération (que nous serions éventuellement incapables de saisir) ou sommes-nous entrés dans une nouvelle aliénation ?

La domination

Pour répondre à la question de savoir ce qui amène nécessairement l’homme à la culture, on peut repartir d’un fait essentiel que Kant avait parfaitement repéré : « L’homme [contrairement à l’animal] n’a pas d’instinct : il faut qu’il se fasse à lui-même son plan de conduite. » En d’autres termes, on dirait aujourd’hui que l’homme est un néotène, que sa nature est inachevée. Il ne peut donc s’accomplir de par sa propre nature. Mieux : il doit en sortir pour se réaliser. En tant qu’être inachevé, il dépend d’un autre être susceptible de remédier à cet inachèvement. En tant qu’il se trouve contraint à la recherche de cet autre être, la première domination sous laquelle tombe l’homme est donc de nature ontologique. On peut l’exprimer autrement : sa simple nature ne saurait suffire à le faire vivre et il doit impérativement rencontrer le tout du langage et de la culture pour s’accomplir.

La grande fonction de l’idéologie : la domination sociopolitique se présente comme une réalité qui s’affirme en se dissimulant. En effet, la domination sociopolitique, c’est aussi bien l’ensemble des moyens par lesquels certains groupes d’individus exercent une emprise économique, politique et / ou culturelle sur d’autres groupes, que l’ensemble des moyens par lesquels ces groupes dominants dissimulent leurs intérêts particuliers en tentant de les faire passer pour des intérêts universels.

Une domination ontologique par le langage et une domination sociopolitique

L’erreur serait donc de confondre ces deux dominations. Or, c’est justement cette erreur que commettent ceux qui voient des faits de résistance à la domination sociopolitique dans les actes de ce qu’il faut bien appeler un nouveau nihilisme contemporain alors que ces actes ne font, en fait, que défaire la fonction symbolique. La violence nue, par exemple, ne peut en effet que casser le ressort le plus intime de l’humanité de l’homme. Ce serait un tragique contresens de croire que c’est en attentant à ce noyau premier d’humanité qu’on peut se défaire des dominations sociopolitiques.

Le modèle du marché et le nihilisme

En fait, si l’on attente à ce noyau premier d’humanité, c’est tout le contraire qui risque d’arriver. C’est la pire de toutes les dominations possibles à l’heure actuelle qui risque de triompher, celle-là même d’un modèle du marché complètement débridé, ayant échappé à tout contrôle. La très grande nouveauté du nouveau capitalisme par rapport aux dominations antérieures tient à ce que ces dernières fonctionnaient au contrôle, au renforcement et à la répression institutionnels, alors que le nouveau capitalisme fonctionne à la désinstitutionnalisation. Nous disons donc que tout ce qui soutient aujourd’hui la désinstitutionnalisation, de quelque bord politique que ce soit, ne peut que renforcer l’ultralibéralisme qui se présente en effet sous l’aspect paradoxal et hybride d’un anarcho-capitalisme.

Ce courant extrême du capitalisme a découvert et tente d’imposer une façon beaucoup moins contraignante et moins onéreuse d’assurer sa fortune : casser la domination première de façon à obtenir des sujets précaires, au lieu de continuer à renforcer la domination seconde qui produisait des sujets soumis. « Les seules contraintes justifiables sont celles des échanges marchands. » Le seul et unique impératif admissible est que les marchandises circulent de sorte que toute institution venant interposer, entre les individus et les marchandises, ses affaires culturelles et morales est désormais mal venue. C’est ainsi que le modèle du marché promeut aujourd’hui « un impératif de transgression des interdits » qui « confère à ce discours un parfum libertaire fondé sur l’extension indéfinie de la tolérance dans tous les domaines ». C’est pourquoi il promeut la désinstitutionnalisation et colporte un certain nihilisme : il faut non seulement « moins d’État », mais moins de tout ce qui pourrait entraver la circulation de la marchandise. Or, ce que produit immédiatement cette désinstitutionnalisation, c’est bien une désymbolisation des individus. La limite absolue de la désymbolisation, c’est que plus rien ne vienne assurer et assumer l’acheminement des sujets vers la fonction symbolique en charge du rapport et de la quête de sens. On n’y est jamais vraiment, mais enfin, quand le rapport de sens défaille, c’est toujours au détriment du propre de l’humanité, la discursivité, et au profit du rapport de forces.

Ce qui se trouve dans le collimateur du modèle du marché aujourd’hui, c’est ce noyau premier d’humanité : la dépendance symbolique de l’homme. Il n’est donc pas étonnant que notre espace social se trouve de plus en plus envahi par de la violence ordinaire, ponctuée par les moments de paroxysme de l’hyper-violence, accidents catastrophiques que les conditions ambiantes rendent désormais toujours possibles. Mais qu’entend-on, au juste, par « dé-symbolisation » ? D’abord et avant tout, le mot désigne une conséquence du pragmatisme ou plutôt du « réalisme » contemporain qui entend « dégraisser » les échanges fonctionnels de la surcharge symbolique qui les grèvent. La dé-symbolisation indique un processus visant à débarrasser l’échange concret de ce qui l’excède tout en l’instituant : son fondement. En effet, l’échange humain est serti dans un ensemble de règles dont le principe n’est pas réel, mais renvoie à des « valeurs » postulées. Ces valeurs relèvent d’une culture (dépositaire de principes moraux, de canons esthétiques, de modèles de vérité) et, comme telles, elles peuvent différer, voire s’opposer à d’autres valeurs. Or, le « nouvel esprit du capitalisme » poursuit un idéal de fluidité, de transparence, de circulation et de renouvellement qui ne peut s’accommoder du poids historique de ces valeurs culturelles. En ce sens, l’adjectif « libéral » désigne la condition d’un homme « libéré » de toute attache à des valeurs.

Tout ce qui se rapporte à la sphère transcendante des principes et des idéaux, n’étant pas convertible en marchandises ou en services, se voit désormais discrédité. Les valeurs (morales) n’ont pas de valeur (marchande). Ne valant rien, leur survie ne se justifie plus dans un univers devenu intégralement marchand. De plus, elles constituent une possibilité de résistance à la propagande publicitaire qui exige, pour être pleinement efficace, un esprit « libre » de toute retenue culturelle. La dé-symbolisation a donc un objectif : elle veut éradiquer, dans les échanges, la composante culturelle, toujours particulière. Cette dé-symbolisation en cours prend aujourd’hui trois formes : vénale, générationnelle et nihiliste.

La dé-symbolisation vénale

1er janvier 2002, avec l’apparition d’une monnaie sans adage, sans portrait de « grand homme », sans valeur culturelle proclamée. Il reste bien une face sur la menue monnaie, les pièces, mais sur les valeurs sérieuses, les billets, ayant valeur d’assignats (c’est-à-dire de gage sur les valeurs et les biens nationaux), il n’y a plus que des portes, des fenêtres et des ponts. Comme s’il fallait désymboliser une monnaie pour la rendre vraiment pratique.

C’est de ces caractéristiques éminemment symboliques que l’euro prétend s’affranchir. Équivalent universel sans fondement, pure contremarque sans origine pour des échanges absolument fonctionnels, l’euro est, si l’on peut dire, le symbole même de la désymbolisation, la réduction de toutes les valeurs à l’unique valeur bancaire. Il n’y a donc plus, avec l’euro, d’autre valeur que l’argent. Ce qui restait encore marqué du sceau du symbolique dans l’échange a disparu de la transaction. L’euro représente ainsi une sorte d’étape intermédiaire entre le monétaire fiduciaire ancien et l’électronique des cartes de crédit : avec la disparition complète de toute symbolisation dans le numéraire numérique, l’argent sera réduit au pur escompte des chiffres. C’est ainsi qu’au moment même où les Européens se préparaient dans l’effervescence au « passage à l’euro », leurs penseurs réunis à l’Unesco décrivaient l’inexorable « crépuscule des valeurs ».

Cette logique n’est pas sui generis, elle est directement induite par l’anthropologie néo-libérale qui réduit l’humanité à une collection d’individus calculateurs mus par leurs seuls intérêts rationnels, en concurrence sauvage les uns avec les autres. Ce qui n’a pas de fondement ne peut prétendre à la légitimité et la démonstration est faite que l’argent n’a plus de fondement ; à la lettre, il ne « représente » plus rien depuis que l’économie spéculative, celle par laquelle l’argent « fait des petits »

La dé-symbolisation générationnelle

Les « jeunes », notion floue et élastique, se voient doublement isolés dans le temps. Isolés chronologiquement par l’impossibilité de se projeter dans l’avenir et de se référer au passé : au no future des punks a répondu avec moins d’éclat un no past tacite. Isolés dans le présent même par l’impossibilité de considérer les aînés autrement que comme des égaux. L’ancienne relation verticale entre générations est devenue relation horizontale entre contemporains frappant ainsi d’obsolescence la différence symbolique.

Avec les vieux, les jeunes devraient trouver à qui parler, au double sens de s’entretenir et d’être contenus, voire rabroués. Les parents sont ceux qui disent « non », ceux qui initient et permettent un certain « travail du négatif » qui fait pièce aux fringales juvéniles de toute-puissance.

La dé-symbolisation nihiliste

« Avoir la haine » exprime une humeur, aussi impérieuse que vague, non une revendication sociale.

L’absence d’un véritable gouvernement, c’est-à-dire d’une institution dont le plan de définition est nécessairement extérieur aux intérêts économiques, abolit l’autorité tout en rendant la puissance occulte. L’affaiblissement de l’État n’annonce pas, loin de là, celui de la domination sociopolitique, mais le passage à une nouvelle forme de domination, sournoise et maligne, par laquelle le pouvoir véritable devient anonyme, informe et non localisable : « Nous sommes devant une tyrannie sans tyran. »
 

Xochipilli94

Holofractale de l'hypervérité
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J'apporte la pierre de l'illustre Voline à ton éditifice Laura :
Vouline a dit:
Le nihilisme.
Un malentendu fort répandu et profondément enraciné accompagne, en dehors de la Russie, ce mot né, il y a quelque soixante-quinze ans, dans la littérature russe et passé, sans être traduit, grâce à son origine latine, dans d’autres langues.
En France et ailleurs on entend généralement par "Nihilisme " une doctrine révolutionnaire politique et sociale, inventée en Russie, y ayant ou ayant eu de nombreux partisans organisés. On parle couramment d’un "parti nihiliste" et des "nihilistes", ses membres.
Tout cela n’est pas exact.

Le terme nihilisme a été introduit dans la littérature et ensuite dans la langue russe par le célèbre romancier Ivan Tourguéneff (1818-1883), vers le milieu du siècle passé. Dans l’un de ses romans, Tourguéneff qualifia ainsi un courant d’idées - et non une doctrine – qui s’était manifesté parmi les jeunes intellectuels russes à la fin de l’année 1850. Le mot eut du succès et entra vite en circulation.
Ce courant d’idées avait un caractère essentiellement philosophique et surtout moral. Son champ d’influence resta toujours restreint, ne s’étant jamais étendu au delà de la couche intellectuelle. Son attitude fut toujours personnelle et pacifique, ce qui ne l’empêcha pas d’être animé d’un grand souffle de révolte individuelle et d’être guidé par un rêve de bonheur pour l’humanité entière.
Le mouvement qu’il avait provoqué (si l’on peut parler d’un mouvement) ne dépassa pas le domaine littéraire et celui des mœurs. D’ailleurs, tout autre mouvement était impossible sous le régime d’alors. Mais, dans ces deux domaines, il ne recula devant aucune des conclusions logiques que non seulement il formula, mais qu’il chercha à appliquer individuellement comme règles de conduite.
Dans ces limites, le mouvement ouvrit le chemin à une évolution spirituelle et morale qui amena la jeunesse russe à des conceptions générales très avancées et aboutit, entre autres, à cette émancipation de la femme cultivée, dont la Russie de la fin du XIXe siècle pouvait à juste titre être fière.

Tout en étant strictement philosophique et individuel, ce courant d’idées portait en lui, grâce à son esprit largement humain et émancipateur, le germe des conceptions sociales qui lui succédèrent et aboutirent à un véritable mouvement révolutionnaire, politique et social. Le "nihilisme " prépara le terrain à ce mouvement, apparu plus tard sous l’influence des idées répandues en Europe, et des événements extérieurs et intérieurs.
C’est avec ce mouvement postérieur, mené par des partis ou groupements organisés, ayant un programme d’action et un but concrets, que le courant "nihiliste" est, généralement, confondu hors la Russie. Mais c’est uniquement au courant d’idées précurseur que le qualificatif "nihiliste " doit être appliqué.
En tant que conception philosophique, le nihilisme avait pour base : d’une part, le matérialisme et, d’autre part, l’individualisme, dans leur acception la plus large, voire exagérée.
Force et Matière, le fameux ouvrage de Büchner (philosophe matérialiste allemand 1824-1899), paru à cette époque, fut traduit en russe, lithographié clandestinement et répandu, malgré les risques, avec un très grand succès, à des milliers d’exemplaires. Ce livre devint le véritable évangile de la jeunesse intellectuelle russe d’alors Les œuvres de Moleschott, de Ch. Darwin et de plusieurs auteurs matérialistes et naturalistes étrangers exercèrent également une très grande influence.
Le matérialisme fut accepté comme une vérité incontestable, absolue.
En tant que matérialistes, les nihilistes menèrent une guerre acharnée contre la religion et aussi contre tout ce qui échappe à la raison pure ou à l’épreuve positive, contre tout ce qui se trouve en dehors des réalités matérielles ou des valeurs immédiatement utiles, enfin contre tout ce qui appartient au domaine spirituel, sentimental idéaliste.
Ils méprisaient l’esthétique, la beauté, le confort, les jouissances spirituelles, l’amour sentimental, l’art de s’habiller, le désir de plaire, etc. Dans cet ordre d’idées, ils allèrent même jusqu’à renier totalement l’art comme une manifestation de l’idéalisme. Leur grand idéologue, le brillant publiciste Pissareff, mort accidentellement en pleine jeunesse, lança dans l’un de ses articles son fameux parallèle entre un ouvrier et un artiste. Il affirma, notamment, qu’un cordonnier quelconque était infiniment plus à estimer et à admirer que Raphaël, car le premier produisait des objets matériels et utiles tandis que les œuvres du second ne servaient à rien. Le même Pissareff s’acharnait dans ses écrits à détrôner, au point de vue matérialiste et utilitariste, le grand poète Pouchkine. -"La nature n’est pas un temple, mais un laboratoire, et l’homme s’y trouve pour travailler", dit le nihiliste Bazaroff dans le roman cité de Tourguéneff.
En parlant d’une "guerre acharnée" livrée par les nihilistes, il faut entendre par là une guerre littéraire et verbale, sans plus. Le nihilisme borna son activité à une propagande voilée de ses idées dans quelques revues et dans des cercles d’intellectuels. Cette propagande était déjà assez difficile car il fallait compter avec la censure et la police tzaristes qui sévissaient contre les "hérésies étrangères" et contre toute pensée indépendante. Les manifestations "extérieures" du nihilisme consistaient surtout en une façon extra-simple de s’habiller et en une manière dégagée de se comporter. Ainsi les femmes nihilistes portaient généralement les cheveux courts, chaussaient souvent leur nez de lunettes pour s’enlaidir et souligner leur mépris de la beauté et de la coquetterie, endossaient des vêtements grossiers par défi à la toilette et à la mode, empruntaient une démarche masculine et fumaient pour proclamer l’égalité des sexes et afficher leur dédain des règles de convenance. Ces quelques extravagances ne diminuaient en rien le fond sérieux du mouvement. L’impossibilité de tout autre genre d’ "extériorisation" les expliquait et les justifiait largement. Et quant au domaine des moeurs, les nihilistes y pratiquaient un rigorisme absolu.

Mais la base principale du nihilisme fut une sorte d’individualisme spécifique.
Surgi d’abord comme une réaction fort naturelle contre tout ce qui écrasait, en Russie de l’époque, la pensée libre et l’individu, cet individualisme finit par renier, au nom d’une absolue liberté individuelle, toutes les contraintes, toutes les obligations, toutes les entraves, toutes les traditions imposées à l’homme par la société, la famille, les coutumes, les moeurs, les croyances, les convenances établies, etc.
Emancipation complète de l’individu, homme ou femme, de tout ce qui pourrait attenter à sont indépendance ou à la liberté de sa pensée : telle fut l’idée fondamentale du nihilisme. Il défendait le droit sacré de l’individu à une liberté entière et à l’inviolabilité de son existence.
Le lecteur comprendra pourquoi on qualifie ce courant d’idée de nihilisme. On voulait dire par là que les partisans de cette idéologie n’admettaient rien (en latin : nihil ) de ce qui était naturel et sacré pour les autres : famille, société, religion, traditions, etc. A la question qu’on posait à un tel homme : "Qu’admettez-vous, qu’approuvez-vous de tout ce qui vous entoure et du milieu qui prétend avoir le droit et même le devoir d’exercer sur vous telle ou telle emprise?" L’homme répondait : "Rien! " (nihil ). Il était donc "nihiliste".
En dépit de son caractère essentiellement individuel et philosophique (il défendait la liberté de l’individu d’une façon abstraite plutôt que contre le despotisme régnant), le nihilisme, nous l’avons dit, prépara le terrain à 1a lutte contre l’obstacle réel et immédiat, pour l’émancipation concrète : politique, économique et sociale.
Mais il n’entreprit pas lui-même cette lutte. Il ne posa même pas la question . "Que faire pour libérer effectivement l’individu?" Il resta jusqu’au bout dans le domaine des discussions purement idéologiques et des réalisations purement morales, Cette autre question, celle de l’action immédiate pour l’émancipation, fut posée par la génération suivante, au cours des années 1870-1880. Ce fut alors que les premiers groupements révolutionnaires et socialistes se formèrent en Russie. L’action commença. Mais elle n’avait plus rien de commun avec le "nihilisme" d’autrefois. Et le mot luimême fut mis au rancart. Il resta dans la langue russe comme un terme purement historique, trace et souvenir d’un mouvement d’idées des années 1860-1870.
Le fait qu’à l’étranger on a l’habitude d’appeler "nihilisme" tout le mouvement révolutionnaire russe avant le "bolchevisme" et qu’on y parle d’un "parti nihiliste", est donc une erreur due à l’ignorance de la véritable histoire des mouvements révolutionnaires en Russie.

Le passage est issue du chapitre 1.2.4 de "La révolution inconnue" de Voline, militant anarchiste aux côtés de Makhno. Par ailleurs sachez que le chapitre qui suit cet extrait s'intitule "Le régime de la trique".

 
D

Deleted-1

Invité
Merci pour le texte !! la dernière partie montre bien l'aspect nihiliste dans lequel notre société perdure, comme quoi rien n'a plus d'importance que les libertés individuelles parce que toute institution et tous mœurs paraissent insensés quand on y regarde de plus près, et bien sur on ne fait pas grand chose à l'échelle de la civilisation pour changer nos habitudes et notre morale, donc on continue à s'enfoncer dans l’individualisme le plus égoïste qui soit..

Je propose cet interview d'Alain Badiou à propos du nihilisme contemporain, il explique très bien le phénomène en le rapportant à la politique libérale !

[video=youtube;dtPYzOnnqGQ]
 

Matrixsquare

Banni
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Bonjour,

Laura Zerty sujet super intéressant. Je n'ai pas pu tout lire. J'ai l'impression que c'est un raisonnement basé sur la loi de l'enthropie.
Cela me fait penser aussi à une autre loi mais impossible de retrouver le nom. Ah si: La dévolution
Bravo pour vos écrits (je vais tout lire plus tard). Mais pensez à ce qui vous qui vous éleve et non vous fait descendre; Et rien ne se perd vous le savez.
Nous créons notre propre réalité beaucoup en sont inconscients.

Paix, Amour, Unité <3

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D

Deleted-1

Invité
Matrixsquare a dit:
Bravo pour vos écrits (je vais tout lire plus tard). Mais pensez à ce qui vous qui vous éleve et non vous fait descendre; Et rien ne se perd vous le savez.

Yep, parce que tout se transforme !

J'ai sorti cette réplique à un examinateur lors de mon rattrapage de bac de chimie, et j'ai eu 0/20. J'ai compris ce qu'était une équation de réaction l'année suivante en redoublant..
 

Matrixsquare

Banni
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Laura zerty,

Si tu lui sors que tout est une vibration, absolument tout et que toute vibration est dans une densité qui correspond à ses longueurs d'onde et énergie transmuable et que ABSOLUMENT RIEN ne "disparait" donc ne vibre plus tu te retrouves hors sujet donc tu te prends zéro.
Moi en physique en voulant répondre à un problème j'ai avancé que de toute façon plus nous regardions loin plus nous regardions dans le temps et qu'il était donc impossible de regarder à 10 milliards d'années lumières car la lumière met le même temps pour arriver donc il faudrait avoir regardé 10 milliards d'années plus tôt pour voir ce que l'on voit. Il m'a mis HS sur cette partie.
Ils sont "DANS" leur matière sans tenir compte d'autres paramêtres et quand tu leur démontres qu'ils ont tord c'est HS direct.
Idem pour la phylosophie je me suis pris à la première interro un 1/20 car j'ai démoli le concept même de la philo.
Le prof m'a dit "C'est de la provocation"
Non, la vérité seulement la voient ceux qui sont super ouverts d'esprits.

Toi tu la perçois et essaye de l'interprêter et c'est très dur comme tu le fais.
Tout n'est qu'illusion et le matérialisme c'est le gros piège ainsi que l'égo dont normalement nous ne devions pas hériter.

Beaucoup ne peuvent passer outre ces 2 concepts c'est bien malheureux.

Et il faut comprendre cette vidéo (je l'ai faite il y a 8 mois mais j'ai raté la vocoder sur la voix on comprend très mal)

[video=youtube;O2b8dCSDnec]

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