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LA PARANOÏA 8 - LES PRINCIPAUX MÉCANISMES DE DÉFENSE

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Article précédent : L'égocentrisme chez le paranoiaque



LES PRINCIPAUX MÉCANISMES DE DÉFENSE OPÉRANT DANS LA STRUCTURE PARANOÏAQUE



Certaines définitions des mécanismes de défense sont en parties copiées/collées de cette source : https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2005-3-page-31.htm[/LEFT]



Avant d'aborder plus en détails les délires, je vous propose de revoir quelques mécanismes de défenses à partir desquels le délire paranoïaque se construit. Ils sont pour les principaux de type rationaliste, clivant, projectif et identificatoire.​


RATIONALISME ET DÉLIRES

Le rationalisme est constant dans l'esprit du paranoïaque, alimenté par des interprétations se trouvant des justifications dans des associations d'idées qui construisent le délire. Il se met en place un dogme argumenté par une avalanche d’arguments et un raisonnement assertif (croyance sincère et puérile en son affirmation), entièrement mis au service du postulat de départ. Les faits sont interprétés, les propos se tordent, pour donner une démonstration convaincante. Les thèmes sont le plus souvent idéologiques, mystiques, politiques et sociaux (revendication sociale, racisme, écologie) ou concernent la famille ou l’entourage (voisinage, proches, conjoint). Ces tendances rationalisantes sont souvent durables, et permettent l’éclosion du délire.​

Du rationalisme au délire​

Parfois le rationalisme se transforme en un délire car le dogme devient constant et inébranlable. Les délires vont et viennent, peuvent s’apaiser et reprendre spontanément, ou devenir chronique. L'âge moyen de leur survenue se situe vers 35/40 ans. Le délire est un délire en secteur, systématisé, vraisemblable et convaincant. Il s’alimente d’interprétations lorsque tels faits ou telles paroles prennent un sens évident pour le paranoïaque. Le délire s'alimente d’intuitions lorsque l'individu a le sentiment d'une idée immédiate venant confirmer son délire interprétatif.​

Le délirant accumule donc les faits et les preuves, rumine ses interprétations et croyances sans cesse, et nourrit des sentiments de haine contre les imposteurs ou les dénonciateurs de son délire. Il échafaude des plans pour les tromper, et se venger. Les passages à l’acte liés au délire peuvent prendre des formes diverses : procédure, agression jusqu’au meurtre, séparation d’avec le conjoint. Le passage à l’acte est l’application des idées délirantes et fait suite au sentiment d’une hostilité grandissante du monde, en particulier des persécuteurs.​

Délires et préjudices existentiels, les préoccupations et les thèmes délirants peuvent tous être rapportés à une blessure narcissique :​

- Les délires de revendication concernent les voisins, la famille, les entrepreneurs, les médecins, les employeurs. Ce délire peut prendre la forme d’une sinistrose (névrose consécutive à un sinistre). Après un accident, le paranoïaque peut réclamer des indemnités, une pension d'invalidité ou une rente. Il harcèle la sécurité sociale, les experts, le responsable de l'accident, les avocats, les médecins, en se faisant passer pour une victime. Dans le délire de persécution le malade est persuadé qu'un complot est dirigé contre lui. Toute parole ou acte extérieur est interprété en fonction de son délire victimisant, qui peut le mener à des actes violents médités ou impulsifs en représailles.​

- Le délire de jalousie concerne le conjoint ou une simple connaissance. Le paranoïaque pense que son conjoint le trompe, mais surtout qu’il est trompé. Chaque regard, parole, ou retard, est interprété comme la preuve de l’infidélité. C’est souvent le conjoint désespéré qui vient consulter. De son côté, le paranoïaque organise le délire en construisant une histoire dans laquelle il se dit courtisé (voir érotomanie).​

- D'autres délires organisés auront pour thème la politique, la religion, la justice. Les extrémismes politiques recrutent volontiers chez les paranoïaques. Dans le délire de préjudice, le paranoïaque ressent qu’il est lésé, en un sens existentiel. Il va s’employer à le montrer en recherchant des préjudices à toutes occasions, qu’ils soient concrets ou moraux. Dans le délire de grandeur méconnue, le paranoïaque sûr de sa valeur et de sa supériorité pense qu’il est dédaigné. Dans tous les cas, il ressent que son être et sa valeur sont fondamentalement attaqués, et tentera toute sa vie de palier sur le mode de la projection délirante sa blessure narcissique initiale.​


LE CLIVAGE - Coexistence, au sein du moi, de deux attitudes psychiques ne parvenant plus à tenir une ambivalence.

Le clivage compartimente naturellement et constamment  « des états affectifs opposés et en échouant à intégrer les aspects positifs et négatifs de soi et des autres dans des images cohérentes. Les affects ambivalents ne pouvant être éprouvés simultanément, des représentations de soi et des autres et des attentes vis-à-vis de soi et des autres plus nuancées sont exclues de l’expérience émotionnelle. Les images de soi et d’objet tendent à alterner entre des pôles opposés : être exclusivement aimant, puissant, respectable, protecteur et bienveillant ou exclusivement mauvais, détestable, en colère, destructeur, rejetant et sans valeur » (DSM-IV). Le clivage traduit la division du soi et des objets en parties entièrement bonnes ou mauvaises et se manifeste par le renversement soudain et complet de tous les sentiments et conceptions concernant soi-même, ou une personne particulière. Comme référent d’objet sexualisé, l’autre est vu sous des jours très variables. Il est perçu comme étant tantôt très bon et idéal, tantôt entièrement mauvais. Il y a aussi une volonté d’omnipotence qui consiste à contrôler, manipuler, utiliser, le référent objectal. La relation est grevée par la jalousie. Dans les cas pathologiques se retrouvent des tendances narcissiques comme prendre les personnes pour des objets, et les intégrer à son service, dans un système que le paranoïaque dirige.​

- Le clivage (vertical) est associé au déni : quand il passe d’un état à un autre, le sujet dénie l’état antérieur. Quand il est sous l’emprise d’une image de soi et d’objet, les autres images de soi et d’objet sont déniées (cela le protège de ce qu'il ne veut pas voir par exemple).​
- Le clivage (horizontal) est associé au refoulement, en étant au centre de l’organisation défensive des états limites et des psychoses, comme l’est le refoulement pour les névroses. Dans l’état limite, le clivage protège le moi des conflits intrapsychiques en dissociant les représentations contradictoires de soi et des autres. Le clivage protège le sujet d’une ambivalence intense : « Aussi longtemps que ces états contradictoires du moi peuvent être maintenus séparés les uns des autres, l’angoisse liée à ces conflits est évitée ou contrôlée » (Kernberg).​

Clivage, dissociation et paranoïa​

Les difficultés surgissent à chaque phase d’individuation, de transformations génitale et hormonale, dans un retour du refoulé et une reviviscence d’angoisses passées. L’objet que le sujet n'arrive pas à appréhender est clivé en deux objets tout puissant, bon et mauvais, mais il y a une prévalence du mauvais objet. Le rapport à l’autre en tant que référent objectal est ainsi dominé par la crainte et la haine. Une réorganisation défensive se produit face à la résurgence d'angoisses latentes, et les mécanismes de défenses de type contrôle, rétention, désaffection, ritualisation, sont très puissants, édifiant un rempart contre l’angoisse archaïque. La mise à distance en vue d'une maîtrise de ses affects sert à contrer le manque de séparation d’avec l’autre. La tendance homosexuelle est forte, mais elle est toujours refoulée. Le rapport à l’autre n’est pas stabilisé, la culpabilité est omniprésente et le fantasme persécutif toujours prêt à surgir, donc la projection est grandement facilitée.​


LA PROJECTION - Localisation chez autrui, de manière inconsciente et pour s'en protéger, des idées, des affects perçus chez soi comme un danger.

La projection attribue « à tort à un autre ses propres sentiments, impulsions ou pensées inacceptables » (DSM-IV). Elle permet d’expulser de soi et de percevoir dans un autre ce que le sujet refuse de reconnaître en lui-même. Plus généralement, la projection peut concerner tout ce que notre esprit ressent comme douloureux ou déplaisant. Dans une première forme de projection, le sujet s’est complètement débarrassé de la pulsion ou de l’affect inacceptable ou désagréable qui ne sont plus ressentis. Freud a insisté à plusieurs reprises sur le caractère normal de la projection dont Joan Riviere a pu souligner l’usage général dans la vie quotidienne, sous forme de la tendance à dénoncer chez les autres ce que la personne essaie de nier en elle-même. Dans une autre forme de projection, la pulsion est toujours ressentie. Ainsi l’agressivité peut être projetée à l’extérieur mais être toujours éprouvée et mobilisée contre le danger perçu à l’extérieur. Joan Riviere a vu dans ce mécanisme « notre première mesure de sécurité » dont il est fait un usage « universel » pour se défendre des forces destructrices internes. Cette « agressivité première qui constitue un danger est expulsée et localisée ailleurs en tant que chose mauvaise ». « Ayant réussi dans notre esprit à localiser le danger à l’extérieur de nous et à le concentrer, nous procédons alors à une deuxième manœuvre projective, qui consiste à décharger les pulsions agressives en nous sous forme d’une attaque contre ce danger extérieur ».​

Projection de ses représentations et de ses pulsions indésirées sur l’objet qui devient persécuteur​

Le délire paranoïaque vient d’un fléchissement du principe de réalité en cédant place au principe de plaisir, mais surtout de l’importance des mécanismes projectifs, qui sont mis au service du délire. L’intuition de départ est constituée par des préoccupations affectives et morales du paranoïaque, et permettra d'élaborer le délire sur des interprétations allant dans le sens de son intuition. Le mécanisme projectif psychotique attribue à l’autre des points de vue agressifs, lorsque le paranoïaque pense "il ne m’aime pas, il veut me nuire". Le délire apporte néanmoins des bénéfices secondaires comme l'expression de ses pulsions agressives, qui trouvent enfin à s’exprimer (en soi et/ou sur autrui).​

La projection psychotique est un mécanisme défensif archaïque.​

Cette tendance active du sujet place donc immédiatement hors de lui, dans ce qu'il prend pour la réalité, ce qu'il ne veut pas voir en lui, ce qui lui appartient et qu’il ne peut reconnaître. Par ailleurs le mécanisme engendre une conviction absolue, en rapport à l'intensité de ses doutes et incertitudes. Dans la jalousie, c’est la tendance homosexuelle qui est projetée, alors que dans la persécution, c’est la tendance sadique. On voit que la fonction réalitaire n’est pas abolie, c’est la manière dont le moi l’utilise qui change : elle ne vient plus modifier en contrebalançant le fantasme, elle est mise à son service (la paranoïa comme entretient de ses fantasmes). Par ailleurs le jugement d’attribution défaille : la tendance issue du ça ne peut être reconnue et attribué à soi-même, si bien qu’elle est attribuée à ce qui est extérieur à soi (aux autres ou à la réalité en général). Le délire paranoïaque se construit au travers d'identifications, lorsque l’on se dit « Je suis un tel, ou comme cela », c'est à dire lorsque le sujet se croit être ainsi ou paraitre comme ceci. Mais parfois l’individu se confond dans autrui, en s’y projetant ou en projetant ce qu'il ne veut pas voir chez soi, dans une identification projective.​

Projection, morale et égocentrisme​

Les individus paranoïaques se laissant guider par leur inconscient, et naturellement projette sur autrui leur propre tort tout en prenant conscience de leur sentiment. Ils gardent en eux ce qu'ils jugent de bons, et évacuent tout ce qui est relatif au mal, à ce qu'ils ne veulent pas voir chez eux (sur le plan moral). Notre vanité nous masque notre réalité, mais parfois entre deux masques, entre deux illusions, l'hostilité que l'on constate chez autrui n'est que le reflet de ses propres ressentiments, amertumes et rancœurs. Entre ce qu'on éprouve vis à vis de soi d'une part, et d'autrui d'autre part, est parfois confus et l'on s'y perd dans des identifications projectives dont l'on est ni conscient ni maitre. On ne peut que se livrer à ses scénarios intérieurs, à ses rôles que nos nécessités et déterminismes nous tendent à jouer et reproduire malgré nous.​


L'IDENTIFICATION PROJECTIVE - Transposition de ses sentiments négatifs sur un tiers, au point de confondre ses propres affects avec les siens, ou des sentiments opposés.

L’identification projective est un « mécanisme par lequel, comme au cours de la projection, le sujet répond aux conflits émotionnels et aux stress internes ou externes en attribuant à tort à une autre personne ses propres sentiments, impulsions ou pensées inacceptables. Cependant, à la différence de la projection simple, le sujet ne désavoue pas entièrement ce qui est projeté. Il reste au contraire conscient de ses affects ou impulsions mais il les ressent comme des réactions légitimes aux attitudes de l’autre personne. Il n’est pas rare que le sujet induise chez l’autre les sentiments même qu’il lui avait faussement attribué, rendant difficile de clarifier qui a fait quoi à qui le premier » (DSM-IV). L’identification projective est difficile à repérer dans le fonctionnement relationnel du sujet à partir des informations subjectives et nécessairement biaisées qu’il en donne, quels que soient ses efforts de sincérité. Dans les cas de paranoïa, elle peut être inférée des observations des interactions en thérapies familiales où on la retrouve généralement dans les familles très perturbées. Le sujet s'identifie à des idéaux extériorisés dans des objets ou personnes, ayant une valeur affective et représentative (symbolique). Un peu comme le passionné investit de sa haine et de son amour l'objet unique de sa passion, on retrouve là le mécanisme de clivage, à partir de sentiments ambivalents.​

Deux types d’identification projective ont été décrits, l’identification projective concordante, où les mêmes affects sont éprouvés par le sujet et par l’autre, et l’identification projective complémentaire, où les sentiments éprouvés par le sujet et par l’autre sont opposés :​

- Dans l’identification projective concordante le sujet induit chez l’autre un affect semblable à celui qu’il veut désavouer. La projection de l’agressivité induit chez l’autre des sentiments agressifs et le fait ressentir comme menaçant et agressif. Le sujet se montre méfiant, dévalorisant et hostile envers autrui, et lui reproche de se conduire de façon rejetante, méprisante et agressive. Autrui peut alors se sentir victime d’une attaque injuste ou d’une tentative de manipulation en éprouvant des sentiments d’injustice, de colère et de révolte, qui le poussent à contre-attaquer et à rejeter le paranoïaque. Autrui peut autrement se sentir victime d’une tentative de contrôle sadique, d’une manipulation perverse pour le contraindre à perdre la maîtrise de lui-même et à se conduire d’une manière agressive. L’identification projective concordante peut aussi concerner les parties dévaluées, dépressives de soi, les désirs sexuels refusés ou les parties idéalisées de soi.​

- Dans l’identification projective complémentaire, les sentiments éprouvés par le sujet et l’autre ne sont pas identiques mais opposés. Ce mode d’identification projective permet d’éviter des sentiments pénibles comme : la faiblesse, la peur, la dépendance, l’envie, et de les remplacer par des sentiments contraires. La projection des aspects dévalués du sujet paranoïaque lui fait éprouver un sentiment de supériorité et de triomphe sur autrui qui se sent alors faible, incapable. D’autres formes d’identification projective complémentaires peuvent se produire comme la projection des aspects faibles et craintifs de soi sur l’autre, qui se dévalorise et se soumet alors que s’active chez le sujet l’identification à une image parentale sadique (on comprend que les sadiques se complaisent réciproquement à fréquenter des masos). Ce mécanisme paraît jouer un rôle majeur dans certaines situations de harcèlement. A l’inverse, la projection des parties sadiques de soi active chez le sujet des attitudes de soumission passives et masochistes, alors que l’autre est poussé à adopter un rôle sadique. Les sujets masochistes peuvent ainsi induire des attitudes sadiques chez autrui.​


LA PROJECTION DÉLIRANTE

La projection délirante est une projection avec rupture du contact avec la réalité. Elle peut être conçue comme le rejet à l’extérieur de parties d’objets clivés. La projection délirante peut rendre compte des hallucinations et des idées délirantes, présentent dans les cas de paranoïa par exemple. Dans les hallucinations auditives pénibles, les voix extériorisent les menacent et les attaques des mauvais objets persécuteurs. Les idées de persécutions qui sont les idées délirantes les plus fréquentes résultent de la projection. Le persécuteur du sujet résulte de l’expulsion dans le monde extérieur des mauvais objets internes qui sont projetés sur une personne ou sur un groupe de personne. Cette forme de projection se retrouve notamment dans les délires provoquées par quelques substances psychoactives.​




 
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