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L'Histoire sans Fin - lecture psychédélique

Stylo 2.0

Holofractale de l'hypervérité
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11 Mai 2013
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Chers amis lecteurs,

Il m'a pris l'envie de rédiger une "fiche de lecture" sur ce livre, qui m'a été lu, et à mes frères, à voix haute, chapitre après chapitre, semaine après semaine, par mon père. Comme nous avont perdu le fil arrivés après la première moitié du bouquin, mon père a arrêté la lecture. Entraîné par la curiosité, je le poursuivais moi-même quelques temps plus tard. Il fut le premier roman digne de ce nom que je lu, après avoir dévoré tous les Club des cinqs et les Jojo Lapin de ma bibliothèque. Si je calcule bien, j'avais huit ans quand j'ai lu ce bouquin.

L'Histoire sans fin est un roman de Michael Ende (1929 - 1995) publié en 1979 en Allemagne, et en 1984 en France. Le livre fait presque 500 pages dans sa version poche, ce qui est déjà quelque chose pour un roman à l'origine écrit pour la jeunesse. Véritable monument, l'Histoire sans fin a marqué toute une génération, a été traduit dans des dizaines de langues, on en a fait un puis des films, et une série animée pour enfants. Seul le premier film est proche du livre, et est assez bon, encore qu'il ne traite que les deux cinquièmes de l'histoire, laissant de côté une large partie de l'intrigue, justement, celle qui m'intéresse le plus.

Ce qui suit dévoile de larges pan de l'intrigue. Si vous voulez lire ce bouquin, soyez prévenus. Ceci dit, je vais tâcher de faire planer du mystère sur certaines choses, si ça peut donner envie à ceux qui n'ont pas lu ce bouquin, tant mieux !


RÉSUMÉ

Le livre commence par une introduction qui présente le personnage principal, Bastien Balthazar Bux, un garçon solitaire et introverti de 10 ans, qui vit avec son père (sa mère est morte). Bastien vole un livre intitulé "L'Histoire sans Fin" dans une vieille librairie, pour aller le lire en cachette dans le grenier de son école. La suite de l'histoire est une mise en abîme : c'est le contenu du livre volé qui est présenté, écrit dans une couleur différente. Dans la version allemande, le livre est imprimé à l'encre rouge pour raconter l'histoire de Bastien, et passe à l'encre verte quand il reprend le contenu de "l'Histoire sans Fin", livre dans le livre. Dans la version poche, c'est imprimé en gras pour l'histoire de Bastien, et en regular pour la mise en abîme.

Ce livre dans le livre, l'Histoire sans Fin, raconte un pays imaginaire, appelé Pays Fantastique, peuplé d'êtres tout aussi fantastiques. L'intrigue se résume ainsi : le Pays fantastique est en danger, parce qu'il se fait envahir par des poches de vide, le Néant. Le Néant s'étends, et personne n'y peut rien. Évidemment, toutes les contrées envoient des émissaires à la capitale du Pays Fantastique, la Tour d'Ivoire, afin de signaler le problème. Le souci supplémentaire, c'est qu'à la Tour d'Ivoire, l'entité qui gouverne le Pays Fantastique, appelé la Petite Impératrice, est elle-même malade. Il y a donc un double problème. Pour trouver une solution, on envoie chercher un héros, qui s'avère être un garçon de douze ans, Atréju (prononcez Atréyou), et qui appartient à un peuple des plaines, chasseurs de buffles pourpres. Atréju se voit remettre Auryn, le symbole de la Petite Impératrice, et part sur son cheval Artax, pour aller chercher un remède qui pourra guérir la petite Impératrice, et donc (on l'espère) trouver une solution à ce problème du Néant qui est envahissant.

Jusque là, tout va bien. Bastien et nous autres lecteurs lisons l'histoire dans l'histoire. De temps en temps, l'auteur repasse à l'écriture en gras pour raconter comment Bastien se débrouille pour aménager sa lecture dans le grenier de son école. Il mange un bout, il allume des bougies, et puis on repasse à la lecture.

La quête d'Atréju est difficile, bon, ça c'est normal. Son cheval est mort, il se fait poursuivre par une grosse bête bien méchante, mais heureusement il s'est trouvé un copain, Fuchur le dragon de la Fortune, qui l'aide. Atréju trouve peu à peu des réponses : la Petite Impératrice a besoin d'un nouveau nom, et seul un enfant des hommes pourra le donner. Atréju a des infos mais il cherche encore. Lors d'une épreuve, Atréju doit passer au travers d'un miroir magique sensé refléter sa vraie nature. Et là, dedans, il voit Bastien.

What. The. Fuck. Bastien flippe. Le livre qu'il tient dans ses mains vient de le décrire lui. Et bientôt, le livre se met à lui raconter sa propre histoire. Le livre raconte ce que Bastien fait, en chaque instant. Et ça boucle, et ça boucle, et ça boucle. Bastien comprends qu'il ne peut pas sortir, aussi il donne à la Petite Impératrice son nouveau nom. Une raffale de vent passe.

C'est le livre dans le livre, désormais, qui raconte l'histoire de Bastien, qui se retrouve immergé dans le pays Fantastique, dont il ne reste plus rien à cause du Néant. La Petite Impératrice lui donne Auryn, son symbole et lui dit : "Chacun de tes désirs va se réaliser ici, et ces réalisations vont reconstruire le Pays Fantastique. Fais ce que tu veux."
Bastien a comme premier désir d'être beau, et il le devient. Il crée, par son imagination, une formidable forêt de lumière, qui pousse devant ses yeux. Il a ensuite le désir de prouver son endurance, aussitôt la forêt se réduit en désert qu'il doit traverser. Il rencontre un lion mortel à qui il résiste, et qui devient son ami. Graograman (c'est son nom) lui explique que les désirs de Bastien peuvent construire instantanément une réalité millénaire. Il suffit à Bastien d'imaginer une créature pour que celle-ci se mette à exister avec toute son histoire.
Les pouvoirs de Bastien sont illimités. Il retrouve Atréju et le dragon Fuchur, il est glorifié par tout le monde, il est le bienfaiteur du Pays Fantastique, doué de tous les pouvoirs, de toute la sagesse.

Puis, Bastien est pris au piège de ses rêves de grandeur. Il veut devenir l'empereur du Pays Fantastique, ce qui le dresse contre son ami Atréju et déclenche une guerre dans tout le Pays Fantastique. La Petite Impératrice est invisible. Bastien blesse Atréju à mort, puis s'enfuit, horrifié. Il est seul, dans le besoin, sans aucun but. Il se met à désirer des choses de plus en plus simples : faire partie d'un groupe, avoir une maman...
Bastien apprends lentement que chacun des désirs, en se réalisant, opère deux choses : le Pays Fantastique s'enrichit, mais Bastien perd les souvenirs qu'il a de son existence dans le monde des Hommes. Bastien est ainsi voué à perdre toute son identité, et se met à fliper sévère. Il doit trouver son désir ultime, celui qui le ramènera chez lui. Il finit par trouver, au fond d'une mine : Bastien trouve l'image de son propre père. Mais l'image se fait détruire, et Bastien perd tout.

Atréju, remis de ses blessures et chevauchant Fuchur, retrouve Bastien au moment où celui-ci a tout oublié, même son propre nom. Atréju offre son aide à Bastien, Bastien fait enfin preuve d'humilité. Les deux garçons se retrouvent projetés à la source de l'Eau de la Vie. Bastien n'a pas le droit de passer, mais Atréju se porte garant. Bastien a le droit de passer, plonge dans l'Eau de la Vie, retrouve son corps et ses souvenirs d'humains, et se retrouve projeté dans le grenier de l'école, de retour dans la réalité. Plein de joie d'être revenu, il retrouve son père, qui se faisait un sang d'encre pour lui. Père et fils se retrouvent dans la joie la plus complète, et sont prêt à redémarrer leur vie ensemble.


LECTURE PSYCHÉDÉLIQUE DU LIVRE

Psychédélique signifie : révélateur de l'âme.

Toute l'histoire de Bastien se laisse comprendre selon une grille de lecture symbolique et psychédélique.

C'est ce qui arrive à Bastien : son âme se révèle pendant sa lecture de l'Histoire sans Fin. L'environnement même dans lequel Atréju évolue est un reflet de la psyché de Bastien : un immense empire d'imagination qui se fait ronger par la tristesse.
Atréju, chargé de sauver le Pays Fantastique, est tout ce que Bastien n'est pas et désire être. Là où Bastien est empoté, sujet de moqueries, Atréju est un fier chasseur des plaines. L'amitié inébranlable d'Atréju avec le dragon est le lien fantasmé entre Bastien et son propre père.
Tout comme on prends une drogue pour passer de la réalité tangible à un monde de rêves, Bastien lit pour fuir la méchanceté de ses camarades et se réaliser lui-même.

Quand, aux deux cinquièmes du livre, Bastien se trouve forcé de plonger dans le livre, il est comme halluciné. Il lit sa propre histoire, comme quelqu'un sous LSD voit ses propres pensées. Il n'y a plus de différence entre l'intérieur et l'expérieur, toute l'histoire de Bastien résonne dans sa tête, le livre s'efface derrière l'expérience atroce qui confronte Bastien à sa propre réalité. La seule manière de briser la boucle est le cri d'amour qui consiste à donner un nom à la Petite Impératrice : "Enfant-Lune, j'arrive !"

Une fois immergé dans le monde fantastique, Bastien découvre à quel point cette boucle toute psychédélique peut être magnifique si c'est lui qui décide d'en être la source. Tout ce qu'il désire est automatiquement créé. Il commence par se forger son propre corps, ses propres qualités, à sa guise. Alors qu'Atréju est un alter ego, miroir de ses qualités et défauts, le nouveau Bastien est entièrement neuf et parfait.
Autre règlement du monde où Bastien évolue : rien de nouveau n'est créé sans qu'autre chose ne meure. Bastien crée son propre monde en détruisant les souvenirs qu'il a de son enfance.
Bastien devient le centre de son univers. D'une façon logique, il se prends pour Dieu, et veut devenir Empereur, encourager vers cela par son anima, sa part de féminin, femme fatale et redoutable ( la sorcière Xayide). Seulement, la place d'Empereur n'est pas disponible. Bastien refuse d'admettre que son pouvoir vient de la Petite Impératrice (allégorie de la Fantaisie, véritable déesse du Pays Fantastique), et veut prendre sa place. Il fait ainsi preuve d'arrogance et va à la guerre, dans un délire de grandeur qui n'est pas sans rappeler celui des schizophènes. D'ailleurs, Bastien, après sa défaite, est amené à contempler de ses yeux ceux qui avant lui ont voulu faire comme lui : des fous, sans âme ni conscience.

Le sort s'abat sans pitié sur Bastien, qui se retrouve dans l'isolement le plus complet, et se rends compte qu'il ne vaut, en définitif, pas grand chose. Confronté à sa petitesse, Bastien cherche secours auprès de quelques grands archétypes : le groupe, la mère... Bastien cherche, avec opiniatreté, quel est son Désir ultime, celui qui pour se réaliser le fera sortir du Pays Fantastique. Arrivé à Yors Minourd, la mine des rêves, Bastien parcours le sous-sol du pays de l'imagination, fait de rêves oubliés. Il trouve l'image de son propre père. Bastien a déjà perdu le souvenir de son père, mais il sait qu'il a trouvé son désir le plus profond.

On en arrive au point culminant de l'aventure de Bastien. Il n'a plus de nom, et l'image de son père est brisée. Bastien est normalement perdu, sa personnalité s'est entièrement déconstruite. Son alter ego et de son père fantasmé (Atréju et Fuchur), cependant, arrivent à sa rescousse. Ce sont les meilleures parties de Bastien, qui lui appartiennent depuis longtemps, sans qu'il les ais créés par sa propre volonté. Atréju et Fuchur sont des morceaux de la psyché de Bastien, les seules qui aient survécu à la destruction de l'ancien Pays Fantastique, donc de l'ancienne psyché de Bastien. En tant que telles, elles ont le droit de se porter garantes pour faire rentrer Bastien dans les Eaux de la Vie, source même de la création, là où la Petite Impératrice elle-même n'a pas le droit de venir, là où l'amour de Dieu jaillit à torrents, et où Bastien vient boire avidement. Arrivé à la pleine réalisation de soi, Bastien est nu, déshabillé de son corps parfait, défait de sa vie imaginaire, de ses envies de grandeur. Il assume sa personne dans son entièreté, connaît son plus grand désir, et baigne dans l'amour infini de la création.

Bastien revient à la réalité, plein de félicité, d'énergie, de courage, d'énergie, et va trouver l'objet de son désir le plus cher : son père.


POUR CONCLURE

En ce qui me concerne, ouais, un bon bouquin, inspiré, initié. Une grande boucle psychédélique qui nous ramène à nous-même, en nous faisant voyager. Michael Ende témoigne des pouvoirs de l'imagination, de la beauté de la création, et de la source de vie à laquelle nous mène tout voyage vers nous-même.
Bref, un gros kif.

Ah, et le dernier Album de BlackStarrFinale s'intitule Auryn, et fait en entier référence au livre. Vraiment pas mal, cet album, de la bonne grosse Goa bien fat. Téléchargement libre.
BlackStarrFinale – AURYN - Free Download at Ektoplazm - Free Music Portal and Psytrance Netlabel
blackstarrfinale-auryn-300x300.jpg
 

Simba

Holofractale de l'hypervérité
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Toi,t'es quand-même très fou dans ton genre ^^

Sinon,j'ai toujours aimé l'histoire sans fin,le film,que j'ai vu des dizaines de fois quand j'étais gosse/ado.
D'ailleurs,je vois qu'ils n'ont pas respecté certains détails du livre,comme le nom du dragon par exemple(Falcor,dans le film). Bon,ce sont des détails...
Du coup,j'ai bien envie de lire le livre,pour connaitre l'histoire originale,au complet.

Là où je te trouve un peu "fou",c'est que t'as passé du temps à pondre ce texte,pour faire ressortir le côté psychédélique de cette oeuvre,alors qu'en fait,on pourrait le faire avec un nombre incalculable de bouquins (ou de films).
Au hasard,Le Seigneur des Anneaux... Et le reste de l'oeuvre de Tolkien,au passage. Bon,c'est vrai que certaines histoires s'y prêtent plus que d'autres mais quand-même,il y en a énormément!

Ceci dit,j'ai trouvé tes réflexions intéressantes. Ca se voit que t'as bloqué sur cette histoire un bon moment (en même temps,si elle a joué un rôle important dans ton enfance,comme pour moi,c'est un peu normal...).
 
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