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Contemplation à haute dose - psilocybe cubensis 4 gr

L'huitrerampante

Glandeuse pinéale
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4 Juin 2016
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214
Contemplation à haute dose :
 
 
Set and setting :

            Depuis quelques années l’idée de prendre une dose plus conséquente que ce dont j’ai l’habitude en matière de psychédéliques me revient périodiquement à l’esprit.
J’ai donc eu largement le temps de peser le pour et le contre ainsi que le pourquoi du comment, je suis parfaitement conscient que c’est une expérience intrinsèquement plus risquée qu’avec des dosages plus faibles.
Je sens aussi que cette idée est arrivée à maturité. Je n’ai pas d’attente particulière, simplement l’envie de découvrir ce qu’il se passe à haut dosage. Je ne sais pas du tout où le trip va me mener.
La nouveauté, l’inconnu et la conscience du risque plus élevé qu’à l’ordinaire génère bien entendu une appréhension significative, si bien qu’entre le réveil et la prise je me vide trois fois les intestins…
 
           Je me sens bien dans ma vie, mon travail me plaît et m’apporte tout ce dont j’ai besoin matériellement. Ma vie amoureuse continue d’évoluer positivement chaque jour. Nous sommes tous les deux confinés dans l’appartement toulousain qu’on loue depuis le début de l’année. Il est lumineux, chaleureux et vraiment confortable à vivre, je m’y sens en sécurité et à l’aise pour ce genre d’expérience. Je préfère en général un cadre plus naturel pour consommer des psychédéliques mais comme - vu la dose - je m’attends à rester allongé la plupart du temps je me dit que ce n’est pas plus mal d’avoir un lit douillet et tout le confort moderne à ma disposition.
 
           Au début du mois d’octobre, l’oncle de Mymi chez qui nous étions de passage nous a généreusement offert une partie de sa récolte de champignon. Presque huit grammes de cubensis en poudre, conservés dans un tupperware opaque et au sec.
Dès le début du confinement l’idée d’en consommer une partie nous est venue. Nous avons plusieurs fois repoussé la prise car nous ne l’avons pas senti sur le moment.
Mais en ce mercredi 11 novembre, après en avoir parlé la veille, après un réveil matinal et un footing dans le brouillard garonnais, nous nous sentons plutôt motivés.
Mymi à du travail à effectuer, si bien que nous ne pourrons prendre les champignons que vers midi. Nous souhaitons éviter au maximum l’inconfort physique dû à un estomac plein et en même temps avec rien dans le ventre depuis la veille et une séance de sport on craint aussi qu’hypoglycémie légère et psilocybine ne fassent pas bon ménage, aussi optons-nous pour un bol de soupe de courge à 10h.
J’ai aussi prévenu mon frère de notre entreprise et lui ai dit que dans un souci de tranquillité on laisserait nos téléphones coupés. Ainsi dans l’éventualité regrettable ou quelqu’un chercherait pile ce jour-là à me joindre en urgence (pour le décès d’un proche, ou autre connerie du genre) il finirait bien par avoir mon frère qui lui dirait d’attendre jusqu’au lendemain.
 
            Mymi, qui a jusque-là pris des psychédéliques dans des environnements offrant la possibilité d’aller tranquillement dans un extérieur sympathique se demande si l’on risque de s’ennuyer. Je lui dis qu’effectivement il y a moins de choses à faire mais que justement vu la dose on risque de rester allongés la plupart du temps, il y a quand même la possibilité de tester le noir complet à tout moment et de prendre un bain chaud. Elle adore l’eau.
Notre chatte Mystique sera aussi présente pour nous apporter douceur, chaleur et ronronnements je l’espère, car elle ne nous a jamais vu prendre de psychédéliques. Elle est indifférente à l’éthanol mais était affolée quand nous avions pris de la MDMA.
 
Prise et décollage rapide :

            À 12h10 nous ingérons 2.5 gr pour elle et 4 gr pour moi de poudre de champignon. Ayant acquis récemment une balance au centigramme, pour la première fois je connais précisément la masse ingérée.
Manger les champis réduits en poudre n’est pas désagréable, le goût est bon, seul problème ça assèche la bouche et colle aux dents.
En attendant la monté on lance le dernier Assassin’s Creed, curieux de voir l’introduction. Le temps que le jeu soit lancé je sens déjà mon ventre fourmiller agréablement. L’ambiance sonore nous saisit. La première cinématique nous narre la création du monde selon la mythologie viking. Long passage dans le noir et le néant avant que le cri issu de la rencontre des flammes et de la glace n’engendre le premier géant Ymir. On apprend aussi que celui-ci est cruellement tué et que de ses os, son sang et son cerveau est créé le monde.
Nous trouvons tous les deux les récits mythologiques fascinant et en quelque sorte assez liés les uns aux autres.
 
            Quelques minutes après les choses commencent à devenir physiques pour nous deux et nous éteignons l’ordinateur. On sent nos corps lourds, rester debout requiert un effort indéniable. J’ai aussi un peu froid et je commence à trembler subtilement.
On part donc s’allonger dans notre lit, en caleçon pour moi, pyjama pour elle, bien au chaud sous la couette, je me sens instantanément là où il faut être et comme il faut être.
Je ne sais toujours pas à quoi m’attendre mais c’est déjà très intense dans ma tête. Il est à peine 12h30.
 
Lumière :
 
            Lors de mes lectures avant ce voyage j’ai été un peu déçu de ne pas vraiment trouver de trip report fourni et détaillé décrivant des consommations de 4gr et plus de psilos en particulier, et de haute dose de psyché en général.
J’ai compris pourquoi. L’expérience psychédélique est déjà d’une nature si personnelle - intime - et différente de la sobriété qu’elle relève systématiquement - au moins en partie - de l’ineffable. Mais là, l’intensité, la rapidité, la complexité et l’intrication totale de ce que l’on pense, voit, fait et vit sont telles qu’il est impossible de vraiment la dépeindre par le langage. Je ne me sens en tout cas capable que d’en restituer un croquis vague et flou.
 
            Assez vite un concept est venu à mon esprit et sera le fil angulaire des psylospirales de mon voyage. La contemplation. Alors que tout s’accélère dans ma tête, que les lumières deviennent intense - je suis ébloui par les flaques de soleil qui s’étalent sur les murs en bas, dans le salon - et que je me demande vaguement pourquoi je fais ça, je me dis : « maintenant que tu es là, profite, observe, contemple l’effet de ces champignons sur toi ».
Le mot résonne dans ma tête, sa définition se manifeste dans l’architecture vertigineuse qui se meut avec délicatesse devant mes yeux clos : quand on contemple il n’y a pas l’intention d’une action comme c’est le cas quand on observe, que l’on scrute ou que l’on inspecte. On reçoit et on accepte sans juger quand on contemple.
 
            Les yeux ouverts, les visuels sont assez typiques de ce que j’avais déjà pu vivre, couleurs intense, sentiment organique et aérien, paréidolies sur toutes surfaces, de la poutre au papier peint qui est pourtant simplement un blanc texturé, ma tendre décrit la coloration comme arc-en-ciel pastel, c’est on ne peut mieux trouvé.
 Les yeux fermés en revanche c’est d’une toute autre puissance, il n’y a plus de différence entre ce que je vois, ce que je pense et ce que je suis. Je contemple les rouages de l’univers, de ma conscience, de la création de l’univers par ma conscience et de la création de ma conscience par l’univers, tout cela bouge et tourne sous la forme de structures fractales tridimensionnelles, ces structures sont faites d’un entrelacs de lignes légèrement arrondies, vivement colorées mais très fines, elle se fondent presque dans le noir de la toile de fond.
 
           Nos corps se toucherons et s’entremêlerons dans des positions sans cesses changeantes au gré de nos étirements tout au long du voyage. Si Mymi ne sentira plus son corps presque tout le long de l’expérience, pour ma part je m’en désintéresse assez vite, je lui fais confiance, si la position devient désagréable je bouge un peu, je bois régulièrement aussi car ma gorge s’assèche souvent. Même les tremblements fort dont je suis pris ne me dérange pas plus que ça, je me sens vibrant d’énergie.
En descendant au salon pour observer un peu l’extérieur je m’aperçois pourtant qu’il m’est par exemple impossible de tenir un objet sans le faire bouger dans tous les sens. En passant aux toilettes je constate aussi qu’outre ma tête de perché bienheureux aux proportions grotesques, je vois ma peau comme couverte de boutons incarnats, c’est impressionnant mais je sais que j’ai simplement la peau sèche et que ma vision est décuplée.
J’aurais aussi en permanence des bourdonnements et sifflements plus ou moins mélodieux dans les oreilles.
Mais tous ces événements qui touchent à mon corps ne me gênent pas, je les contemple, je les accepte et je fais confiance à mon corps. Je me suis même surpris par moment d’être aussi sereinement détaché.
 
            À un moment Mymi me fait une grimace des plus improbables, j’éclate de rire. Qu’est-ce que c’est agréable de rire et de faire rire. Nous échangeons régulièrement sur notre vécu ou sur des questions plus philosophiques. Elle me demande si je préfère qu’elle me laisse tranquille, mais non, surtout pas, je veux qu’on se sente libre de parler comme de se taire.
Le temps ne nous préoccupe pas, il doit être 13h15.
Elle me demande si je pense que Mystique, pas le moindre du monde perturbé par notre état et qui ronronne comme une locomotive entre nous deux, à une âme. C’est curieux, à ce moment je garde mon esprit critique et ma réflexion qui est qu’il est difficile d’affirmer si quelque chose de non physique/matériel existe en nous et perdure par-delà le matériel. Pourtant, je sens comme une claire évidence que nous avons une âme. Il me semble logique qu’un animal qui reste structurellement assez proche de nous possède quelque chose d’équivalent, je suis plutôt en faveur de l’hypothèse d’un continuum du vivant, physique comme psychologique/psychique.
Tout absorbé à ces considérations je vois sur le papier peint deux corps humains, un homme et une femme qui s’enlacent en position debout. Je ressens un amour profond pour Mymi. Au vus de nos corps peu portés à l’action nous décidons en souriant un peu d’essayer de faire l’amour avec nos âmes. Allongés sur le côté, blottis, fronts collés et yeux fermés. Se matérialisent devant eux nos deux corps, lumineux, le sien plutôt violet et le mien plutôt vert et je les regarde s’unir pendant un temps qui me semble long. Nous nous sentons vraiment bien, amoureux.
Je m’étonne que mon esprit se représente l’âme comme ayant la forme d’un corps humain, cela semble plutôt logique pour Mymi, l’esprit se raccroche à ce qu’il connaît.
 
            Ce que je vis est intense, pourtant je ne m’attendais pas à garder autant de lucidité, de contact avec le réel, surtout les yeux ouverts. Quand je pense ça, je ressens comme un esprit farceur sur la gauche de mon esprit qui me suggère par la pensée d’avoir un peu d’humilité avec des phrases comme : « Attention, ne t’avise pas de te foutre de la gueule de ma toute puissance ou tu vas avoir des problèmes ». Je sens en même temps que c’est une part de moi qui s’amuse à se faire peur.
 
Obscurité :
 
            On décide de fermer les stores pour voir ce que ça fait d’être dans le noir. Il est 14h15.
Je plonge avec délice mon corps froid sous la couette, nous décidons de nous mettre nus, j’ai l’impression d’aller me coucher.
Que mes yeux soient fermés ou ouvert, le visuel qui m’enveloppe reste.
Je continue à voir la structure de l’univers et de ma conscience se déployer en une fabuleuse architecture, d’une simplicité évidente et pourtant d’une complexité infinie.
Je ressens aussi différentes parties de ma personnalité autour de cette architecture, en particulier certaines que j’ai depuis longtemps délaissé pour en cultiver d’autres, comme par exemple une part de moi assez méchante qui a envie d’insulter gratuitement ma copine et de l’enfoncer, une part violente, ma facette farceuse (qui n’est autre que l’esprit farceur qui me taquinait déjà tout à l’heure) et aussi des côtés plus sage, pleins d’humour à en pleurer de rire, etc.
Je ressens toutes ces facettes comme des individualités qui siègent autour de ma vision fractale de la fabrique de l’univers.
Je suis au début déçu que ces facettes négatives continuent d’exister en moi, mais au fond c’est logique, même si je prends le plus de soin possible à ne pas nourrir ma colère ou ma méchanceté, je garde à tout moment la possibilité d’être méchant ou en colère, peu importe qui l’on est, toutes les potentialités restent présentes à tout moment. J’en suis juste conscient d’une manière bien étrange à ce moment-là.
Je comprends alors assez bien les polythéismes, tant ces facettes de ma personnalité son assimilable à ce moment de l’expérience à des individualités propres, à des déités. Mon individualité est fragmentée et exposée devant mes yeux par la psilocybine, elle siège autour de l’univers en mouvement.
 Il est rassurant, tentant de vouloir dialoguer avec chacune de ces facettes pour essayer d’obtenir leurs faveurs et pardons en les considérant comme extérieures ou tout simplement pour avoir leurs conseils. L’on revient ensuite à la ‘’ normalité ‘’ en se disant que l’on a rencontré des esprits, plus ou moins bienveillant qui nous ont guidés.
Je ne sais si ces rencontres avec les esprits que l’on retrouve décrites dans nombre de rites traditionnels, et en particulier dans ceux qui impliquent des alcaloïdes psychotropes, ne sont pas en fait systématiquement des rencontres avec soi-même. Ce qui est sûr c’est que j’ai un regard nouveau sur la chose.
Quoiqu’il en soit, la présence de ces facettes était tellement palpable, imposante, que si je ne m’étais pas vu en train de les observer avec le recul vertigineux que je décrirais dans le paragraphe suivant, j’aurais vraiment pu croire à une rencontre avec des esprits " extérieurs ".
Sur le moment je ressens et vis plus que je ne conceptualise, tout cela fuse dans mon esprit.
 
           En parallèle des différentes pensées ou sensations que je peux avoir, tout en contemplant cette architecture mouvante, je me vois entrain de contempler et de penser à tout ça. Dès que je commence à l’analyser, je me vois en train d’analyser le moi qui se voit contempler ces fractales et ainsi de suite dans une mise en abîme vertigineuse. Un peu comme deux miroirs mis l’un au-dessus de l’autre projetteraient une infinité de reflets d’eux-mêmes.
En cet instant le terme " psylospirale ascendante à l’infinie " sonnait bien dans ma tête.
Cet effet a été récurrent et constituant d’une bonne partie du voyage.
Dès lors que je me prenais à analyser ce que je vivais - et j’analyse énormément - dès lors que je sortais de la contemplation, je me retrouvais happé un étage au-dessus à contempler ce moi s’analysant, et ainsi de suite, dans une récurrence qui me semblait potentiellement infinie. En revanche quand j’arrivais à garder un regard neutre et à laisser les choses/pensées/visuels aller à leur libre cours sans les analyser, sans y introduire mon jugement, je pouvais voir tout cela flotter, baigner dans un espace noir infini, c’était étrangement satisfaisant. Au bout d’un certain temps sans analyse, l’architecture s’est repliée sur elle-même formant comme une boîte aux parois percées de dentelles fractales et mouvantes, laissant voir les engrenages de la conscience continuer leur vie à l’intérieur. Bien sûr dès l’analyse revenue je (moi n+1) me voyais entrain de voir (moi n) cette boîte. Mon moi n, était alors vu dans une boîte identique à celle qu’il contemplait, le moi n+1 contemplant la nouvelle et en la voyant flotter dans le vide. Et ainsi de suite.
 C’était vertigineux. Un peu perturbant aussi, j’ai opté pour le moins d’analyse et le plus de contemplation. Je n’avais certainement pas mis tous ces mots bien faibles à ce moment du voyage, englobé que j’étais dans ces visions.
 
            La complexité et la subtilité des choses ne s’arrête pas là. En effet, sans que les phénomènes que je viens de décrire ne cessent, je pouvais aussi penser à des choses plus précises, un zoom s’opérait alors sur une partie donnée de la fractale, et je voyais plus en détail un concept.
Le plus souvent j’avais aussi les mots " too specific " qui s’imposaient à moi et je revenais donc à une contemplation plus globale, de ce que je peux me souvenir ces mots sont venu par exemple en pensant à mon travail, à des personnes en particulier, à savoir si j’allais retranscrire cette expérience etc…
En revanche quand ces deux mots ne surgissaient pas j’avais un accès détaillé et visuel du concept en question. L’exemple le plus frappant est celui sur la vérité.
Je me suis mis à penser à ce concept en commençant avec les états unis, où chaque candidat accuse l’autre de mensonge de manipulation, utilise la vérité (en tronquant souvent le réel et la vérité elle-même) pour servir ses intérêts. Avec fulgurance m’est aussi venu une rétrospective de la pandémie, sa gestion politique désastreuse, les mensonges et pirouettes à répétition du gouvernement (masque inutile au lieu de dire on n’a pas les stocks, puis masque utile…) mais aussi une vision du monde déformée par certains ‘’ chercheurs de vérité ‘’ au point de devenir une illusion séduisante ou nous ne serions que le jouet de forces occulte. Le rapport entre pouvoir et vérité était aussi étalé devant mon esprit. Je rappelle que toutes ces informations et chaînes conceptuelles défilaient très, très vite dans mon esprit.
Tout en affutant ma réflexion, le zoom sur la fractale se précisait pour au final me laisser devant un tableau immense, qui doit surement représenter ma vision profonde de ce qu’est la vérité (à noter que dans ce texte je n’utilise pas les possessifs de manière égoïste mais plutôt parce que je ne crois pas en une vision absolutiste des choses, ainsi je ne pense pas avoir vu La représentation de La vérité, pas plus que je ne pense que ma représentation soit la bonne, j’ai simplement vu une représentation qui est mienne et intime, comme je ne l’avais jamais vu et vécue avant).
Je voyais donc se déployer devant moi un immense cylindre de lumière qui jaillissais du sol, droit et aveuglant. Tout autour de lui, depuis sa base, s’enroulaient en spirale montante une dizaine d’énormes tentacules/racines. A mesure que ces tentacules gagnaient en hauteur ils s’affinaient. Les proportions de chacun des constituants étaient proprement titanesques, je me sentais si petit au pied de cette vision. Ce tableau était bien entendu mouvant, organique, triste et magnifique à la fois, une œuvre de maître.
Et surtout il n’était qu’une partie de la fractale-univers que je contemplais.
 
            Je n’irais pas plus en avant dans l’exercice descriptif de ces visions tant il est difficile, et tant il leur rend peu justice.
Ce qui est remarquable c’est tout ce qui a pu se dérouler simultanément devant mon esprit. Le sens profond aussi qu’il y avait dans ces visions et motifs, ce n’était pas que de " jolis visuels ", ils étaient aussi ce que je pensais et ce que j’étais.
 
            Pendant ce temps-là, Mymi palpait régulièrement différents endroits de mon corps, j’ai aussi un peu exploré le sien, c’était agréable doux et chaud, rassurant aussi à certains endroits, mais pour l’un comme pour l’autre l’essentiel de notre vécu était mental.
 
Eau et reste de la soirée:

            Après un certain temps nous décidons de revenir à la lumière, nous sommes satisfaits de cette expérience dans le noir. Il est presque 16h.
Elle me demande si je suis motivé à faire couler un bain. Je le sens bien, et sans difficulté particulière je vais à la salle de bain faire couler l’eau. Les motifs kaléidoscopiques dessinés par les jeux d’ombre et de lumière des mouvements de l’eau sont le pendant visuel du son produit par les tintements du jet qui tombe avec fracas dans la baignoire.
Assez vite Mymi se met dans le bain, je suis plus hésitant à aller dans l’eau. Elle commence à sentir un changement dans le trip, les choses se calment. C’est encore bien intense pour moi.
Je finis par la rejoindre, nous échangeons dans l’eau, je me sens profondément bien, chaudement enveloppé et ce même si je suis contorsionné, pas évident de tenir à deux dans une baignoire quand on est grands.
De retour dans le lit, Mymi se met à regarder une série sur son téléphone, elle n’a plus d’effet et n’a plus envie de rester à rien faire. Je suis encore bien touché par la psilocybine, même s’il est vrai que la descente s’amorce doucement.
Je continue à peu près sur la même lancée, j’ai aussi à ce moment-là des sortes de réminiscences de ce qu’étais ma pensée enfant. C’est assez dur à décrire.
Quand je pense à une personne, toute une série d’effet physique et de manifestations mentales s’enclenchent, un mélange de ressentis émotionnels et physiques et de pensées analytiques. Et bien à ce moment, en pensant à mon frère ou mon père par exemple, me revannais ce mélange de manifestations comme il était quand j’avais 5-6 ans je pense, étonnamment je ressentais ça principalement au niveau des joues. Un peu perturbant mais pas désagréable.
Mymi est régulièrement secouées de spasmes, elle apprécie le comique de sa série, je me plais à ressentir ces tremblements.
 
            Vers environ 17h je me sens vraiment presque revenus à la normale, nous parlons à nouveau un peu plus dans le détail de ce que nous avons pu vivre, notamment dans le noir. J’ai encore beaucoup de mal à mettre des mots dessus. Elle a pour sa part beaucoup vécu et voyagé dans le monde des contes.
Devant les fenêtres de l’appartement il y a un bout de toit en tuile peu incliné, nous descendons nous y mettre pour profiter des derniers rayons du soleil.
On boit un verre de jus de fruit, on se sent vraiment bien tous les deux, je suis un peu étonné qu’avec la quantité ingérée le voyage n’ait pas été plus long.
Le reste de la soirée se passe tranquillement et on s’endort vers 21h sans difficulté.
 
Conclusion :
 
            Dix jours plus tard, je dirais que ce trip ne m’a pas aussi fondamentalement changé que certains, je ne m’attendais pas particulièrement à ça, mais qui sait ce qui aurait pu se passer ?
Je suis vraiment content de l’avoir fait, non que j’en tire une quelconque satisfaction pour mon égo, mais l’idée me titillait depuis un moment et je suis content de ne pas m’être arrêté au " il y a trop de risques ". Attention je ne dis pas : il n’y en a pas faites-le car ça s’est très bien passé pour moi.
 
           L’Amicale parlait d’activité psychique extrême, j’ai au début été un peu rebuté par l’appellation puis je me suis souvenu que je pratique l’escalade qui est classé dans les sports extrêmes. Pratiquer des activités extrêmes n’implique pas forcément d’être un casse-cou ou un irréfléchi.
J’ai toujours abordé l’escalade avec grande prudence et je ne me suis jamais blessé, j’en connais qui avaient la même prudence et qui se sont fait mal voir très mal, d’autres en revanche abordent la chose de manière plus bourrine et s’en tirent très bien, statistiquement un peu moins quand même. Je peux dire la même chose des psychédéliques.
Et tout comme en escalade la voie sportive n’est pas mieux ou moins bien que la longue voie ou l’escalade naturelle (terrain d’aventure), on se prépare simplement de manière adaptée pour chaque cas, surtout si l’on découvre l’un de ces types de grimpe. Il en est de même pour le dosage d’un produit ou le fait de prendre un produit naturel ou synthétique, il n’y a pas de mieux ou de moins bien, il faut se préparer à chaque fois et connaître les risques associés à chaque pratique.
 
            Autre fait qui m’étonne quelque peu c’est que je ne m’attendais pas à n’avoir plus que quelques effets très résiduels seulement cinq heures après l’ingestion. J’imagine que mon estomac presque vide plus les champignons réduits en poudre ont permis une assimilation rapide et soudaine du produit. Je me dis que nos corps ayant moins de travail (notamment digestif) ceux-ci ont pu métaboliser plus rapidement et efficacement la psilocybine, mais je ne sais pas si cette hypothèse à une quelconque réalité pharmacocinétique.
Ne minimisant en rien l’intensité de ce que j’ai pu vivre, j’ai été étonné de rester autant lucide et quelque part ancré, surtout en ouvrant les yeux. Je sais bien que la psilocybine n’est pas délirogène mais une part de mon esprit pensait et pense toujours qu’a un certain dosage on est complètement dissout par le produit, sans frontières entre le moi et le reste. C’était quelque chose que j’appréhendais sûrement un peu mais que j’aurais été prêt à accepter.
Je me suis aussi demandé si les champignons n’avaient pas été éventés et un peu perdu en psilocybine avec le stockage, j’imagine que je ne saurais jamais et que de toute façon la concentration varie tellement d’une souche à l’autre, et surtout l’effet d’un trip varie tellement d’un voyage à l’autre que je trouve le lien dose-effet très ambigu à décrire et certainement pas rigide. D’où le fait que les dosages soient conseillés dans des fourchettes à chaque fois.
Je ne cherche pas particulièrement à vivre ça d’ailleurs. Quoiqu’il en soit et c’est à prendre avec d’infinies pincettes, je sens que ce voyage m’a rassuré sur la prise d’une dose plus haute, et tout en restant très lucide sur les risques je me dis que pourquoi pas un jour essayer quelque chose entre cinq et six grammes.
J’avais le préjugé qu’avec une dose forte on retirait moins de bénéfices et de souvenirs, pourtant je garde des impressions vivaces de cette expérience, et je sens qu’elle m’a fait avancer sur ma voie. Encore une fois et au risque d’être lourd, je juge cela comme étant très personnel et intime et je ne saurais encourager qui que ce soit à faire de même. Décider d’une telle prise devrait relever à mon sens exclusivement d’une réflexion et d’une discussion entre soi et soi-même, ainsi que d’une prise d’informations extérieures la plus rigoureuse et globale possible.
 
En une phrase : je ne m’attendais à rien et je n’ai pas été déçu.
 

Acacia

𝓥𝓪𝓹𝓸𝓾𝓻𝓸𝓾𝓼 𝓢𝓱𝓪𝓭𝓮𝓼蒸気の色合い
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5 254
Magnifique rien à dire e plus
 

amicale_du_pc

Holofractale de l'hypervérité
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3 Fev 2015
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7 792
[quote="L']
Contemplation à haute dose :
 
 
Set and setting :

            Depuis quelques années l’idée de prendre une dose plus conséquente que ce dont j’ai l’habitude en matière de psychédéliques me revient périodiquement à l’esprit.
J’ai donc eu largement le temps de peser le pour et le contre ainsi que le pourquoi du comment, je suis parfaitement conscient que c’est une expérience intrinsèquement plus risquée qu’avec des dosages plus faibles.
Je sens aussi que cette idée est arrivée à maturité. Je n’ai pas d’attente particulière, simplement l’envie de découvrir ce qu’il se passe à haut dosage. Je ne sais pas du tout où le trip va me mener.
La nouveauté, l’inconnu et la conscience du risque plus élevé qu’à l’ordinaire génère bien entendu une appréhension significative, si bien qu’entre le réveil et la prise je me vide trois fois les intestins…
 
           Je me sens bien dans ma vie, mon travail me plaît et m’apporte tout ce dont j’ai besoin matériellement. Ma vie amoureuse continue d’évoluer positivement chaque jour. Nous sommes tous les deux confinés dans l’appartement toulousain qu’on loue depuis le début de l’année. Il est lumineux, chaleureux et vraiment confortable à vivre, je m’y sens en sécurité et à l’aise pour ce genre d’expérience. Je préfère en général un cadre plus naturel pour consommer des psychédéliques mais comme - vu la dose - je m’attends à rester allongé la plupart du temps je me dit que ce n’est pas plus mal d’avoir un lit douillet et tout le confort moderne à ma disposition.
 
           Au début du mois d’octobre, l’oncle de Mymi chez qui nous étions de passage nous a généreusement offert une partie de sa récolte de champignon. Presque huit grammes de cubensis en poudre, conservés dans un tupperware opaque et au sec.
Dès le début du confinement l’idée d’en consommer une partie nous est venue. Nous avons plusieurs fois repoussé la prise car nous ne l’avons pas senti sur le moment.
Mais en ce mercredi 11 novembre, après en avoir parlé la veille, après un réveil matinal et un footing dans le brouillard garonnais, nous nous sentons plutôt motivés.
Mymi à du travail à effectuer, si bien que nous ne pourrons prendre les champignons que vers midi. Nous souhaitons éviter au maximum l’inconfort physique dû à un estomac plein et en même temps avec rien dans le ventre depuis la veille et une séance de sport on craint aussi qu’hypoglycémie légère et psilocybine ne fassent pas bon ménage, aussi optons-nous pour un bol de soupe de courge à 10h.
J’ai aussi prévenu mon frère de notre entreprise et lui ai dit que dans un souci de tranquillité on laisserait nos téléphones coupés. Ainsi dans l’éventualité regrettable ou quelqu’un chercherait pile ce jour-là à me joindre en urgence (pour le décès d’un proche, ou autre connerie du genre) il finirait bien par avoir mon frère qui lui dirait d’attendre jusqu’au lendemain.
 
            Mymi, qui a jusque-là pris des psychédéliques dans des environnements offrant la possibilité d’aller tranquillement dans un extérieur sympathique se demande si l’on risque de s’ennuyer. Je lui dis qu’effectivement il y a moins de choses à faire mais que justement vu la dose on risque de rester allongés la plupart du temps, il y a quand même la possibilité de tester le noir complet à tout moment et de prendre un bain chaud. Elle adore l’eau.
Notre chatte Mystique sera aussi présente pour nous apporter douceur, chaleur et ronronnements je l’espère, car elle ne nous a jamais vu prendre de psychédéliques. Elle est indifférente à l’éthanol mais était affolée quand nous avions pris de la MDMA.
 
Prise et décollage rapide :

            À 12h10 nous ingérons 2.5 gr pour elle et 4 gr pour moi de poudre de champignon. Ayant acquis récemment une balance au centigramme, pour la première fois je connais précisément la masse ingérée.
Manger les champis réduits en poudre n’est pas désagréable, le goût est bon, seul problème ça assèche la bouche et colle aux dents.
En attendant la monté on lance le dernier Assassin’s Creed, curieux de voir l’introduction. Le temps que le jeu soit lancé je sens déjà mon ventre fourmiller agréablement. L’ambiance sonore nous saisit. La première cinématique nous narre la création du monde selon la mythologie viking. Long passage dans le noir et le néant avant que le cri issu de la rencontre des flammes et de la glace n’engendre le premier géant Ymir. On apprend aussi que celui-ci est cruellement tué et que de ses os, son sang et son cerveau est créé le monde.
Nous trouvons tous les deux les récits mythologiques fascinant et en quelque sorte assez liés les uns aux autres.
 
            Quelques minutes après les choses commencent à devenir physiques pour nous deux et nous éteignons l’ordinateur. On sent nos corps lourds, rester debout requiert un effort indéniable. J’ai aussi un peu froid et je commence à trembler subtilement.
On part donc s’allonger dans notre lit, en caleçon pour moi, pyjama pour elle, bien au chaud sous la couette, je me sens instantanément là où il faut être et comme il faut être.
Je ne sais toujours pas à quoi m’attendre mais c’est déjà très intense dans ma tête. Il est à peine 12h30.
 
Lumière :
 
            Lors de mes lectures avant ce voyage j’ai été un peu déçu de ne pas vraiment trouver de trip report fourni et détaillé décrivant des consommations de 4gr et plus de psilos en particulier, et de haute dose de psyché en général.
J’ai compris pourquoi. L’expérience psychédélique est déjà d’une nature si personnelle - intime - et différente de la sobriété qu’elle relève systématiquement - au moins en partie - de l’ineffable. Mais là, l’intensité, la rapidité, la complexité et l’intrication totale de ce que l’on pense, voit, fait et vit sont telles qu’il est impossible de vraiment la dépeindre par le langage. Je ne me sens en tout cas capable que d’en restituer un croquis vague et flou.
 
            Assez vite un concept est venu à mon esprit et sera le fil angulaire des psylospirales de mon voyage. La contemplation. Alors que tout s’accélère dans ma tête, que les lumières deviennent intense - je suis ébloui par les flaques de soleil qui s’étalent sur les murs en bas, dans le salon - et que je me demande vaguement pourquoi je fais ça, je me dis : « maintenant que tu es là, profite, observe, contemple l’effet de ces champignons sur toi ».
Le mot résonne dans ma tête, sa définition se manifeste dans l’architecture vertigineuse qui se meut avec délicatesse devant mes yeux clos : quand on contemple il n’y a pas l’intention d’une action comme c’est le cas quand on observe, que l’on scrute ou que l’on inspecte. On reçoit et on accepte sans juger quand on contemple.
 
            Les yeux ouverts, les visuels sont assez typiques de ce que j’avais déjà pu vivre, couleurs intense, sentiment organique et aérien, paréidolies sur toutes surfaces, de la poutre au papier peint qui est pourtant simplement un blanc texturé, ma tendre décrit la coloration comme arc-en-ciel pastel, c’est on ne peut mieux trouvé.
 Les yeux fermés en revanche c’est d’une toute autre puissance, il n’y a plus de différence entre ce que je vois, ce que je pense et ce que je suis. Je contemple les rouages de l’univers, de ma conscience, de la création de l’univers par ma conscience et de la création de ma conscience par l’univers, tout cela bouge et tourne sous la forme de structures fractales tridimensionnelles, ces structures sont faites d’un entrelacs de lignes légèrement arrondies, vivement colorées mais très fines, elle se fondent presque dans le noir de la toile de fond.
 
           Nos corps se toucherons et s’entremêlerons dans des positions sans cesses changeantes au gré de nos étirements tout au long du voyage. Si Mymi ne sentira plus son corps presque tout le long de l’expérience, pour ma part je m’en désintéresse assez vite, je lui fais confiance, si la position devient désagréable je bouge un peu, je bois régulièrement aussi car ma gorge s’assèche souvent. Même les tremblements fort dont je suis pris ne me dérange pas plus que ça, je me sens vibrant d’énergie.
En descendant au salon pour observer un peu l’extérieur je m’aperçois pourtant qu’il m’est par exemple impossible de tenir un objet sans le faire bouger dans tous les sens. En passant aux toilettes je constate aussi qu’outre ma tête de perché bienheureux aux proportions grotesques, je vois ma peau comme couverte de boutons incarnats, c’est impressionnant mais je sais que j’ai simplement la peau sèche et que ma vision est décuplée.
J’aurais aussi en permanence des bourdonnements et sifflements plus ou moins mélodieux dans les oreilles.
Mais tous ces événements qui touchent à mon corps ne me gênent pas, je les contemple, je les accepte et je fais confiance à mon corps. Je me suis même surpris par moment d’être aussi sereinement détaché.
 
            À un moment Mymi me fait une grimace des plus improbables, j’éclate de rire. Qu’est-ce que c’est agréable de rire et de faire rire. Nous échangeons régulièrement sur notre vécu ou sur des questions plus philosophiques. Elle me demande si je préfère qu’elle me laisse tranquille, mais non, surtout pas, je veux qu’on se sente libre de parler comme de se taire.
Le temps ne nous préoccupe pas, il doit être 13h15.
Elle me demande si je pense que Mystique, pas le moindre du monde perturbé par notre état et qui ronronne comme une locomotive entre nous deux, à une âme. C’est curieux, à ce moment je garde mon esprit critique et ma réflexion qui est qu’il est difficile d’affirmer si quelque chose de non physique/matériel existe en nous et perdure par-delà le matériel. Pourtant, je sens comme une claire évidence que nous avons une âme. Il me semble logique qu’un animal qui reste structurellement assez proche de nous possède quelque chose d’équivalent, je suis plutôt en faveur de l’hypothèse d’un continuum du vivant, physique comme psychologique/psychique.
Tout absorbé à ces considérations je vois sur le papier peint deux corps humains, un homme et une femme qui s’enlacent en position debout. Je ressens un amour profond pour Mymi. Au vus de nos corps peu portés à l’action nous décidons en souriant un peu d’essayer de faire l’amour avec nos âmes. Allongés sur le côté, blottis, fronts collés et yeux fermés. Se matérialisent devant eux nos deux corps, lumineux, le sien plutôt violet et le mien plutôt vert et je les regarde s’unir pendant un temps qui me semble long. Nous nous sentons vraiment bien, amoureux.
Je m’étonne que mon esprit se représente l’âme comme ayant la forme d’un corps humain, cela semble plutôt logique pour Mymi, l’esprit se raccroche à ce qu’il connaît.
 
            Ce que je vis est intense, pourtant je ne m’attendais pas à garder autant de lucidité, de contact avec le réel, surtout les yeux ouverts. Quand je pense ça, je ressens comme un esprit farceur sur la gauche de mon esprit qui me suggère par la pensée d’avoir un peu d’humilité avec des phrases comme : « Attention, ne t’avise pas de te foutre de la gueule de ma toute puissance ou tu vas avoir des problèmes ». Je sens en même temps que c’est une part de moi qui s’amuse à se faire peur.
 
Obscurité :
 
            On décide de fermer les stores pour voir ce que ça fait d’être dans le noir. Il est 14h15.
Je plonge avec délice mon corps froid sous la couette, nous décidons de nous mettre nus, j’ai l’impression d’aller me coucher.
Que mes yeux soient fermés ou ouvert, le visuel qui m’enveloppe reste.
Je continue à voir la structure de l’univers et de ma conscience se déployer en une fabuleuse architecture, d’une simplicité évidente et pourtant d’une complexité infinie.
Je ressens aussi différentes parties de ma personnalité autour de cette architecture, en particulier certaines que j’ai depuis longtemps délaissé pour en cultiver d’autres, comme par exemple une part de moi assez méchante qui a envie d’insulter gratuitement ma copine et de l’enfoncer, une part violente, ma facette farceuse (qui n’est autre que l’esprit farceur qui me taquinait déjà tout à l’heure) et aussi des côtés plus sage, pleins d’humour à en pleurer de rire, etc.
Je ressens toutes ces facettes comme des individualités qui siègent autour de ma vision fractale de la fabrique de l’univers.
Je suis au début déçu que ces facettes négatives continuent d’exister en moi, mais au fond c’est logique, même si je prends le plus de soin possible à ne pas nourrir ma colère ou ma méchanceté, je garde à tout moment la possibilité d’être méchant ou en colère, peu importe qui l’on est, toutes les potentialités restent présentes à tout moment. J’en suis juste conscient d’une manière bien étrange à ce moment-là.
Je comprends alors assez bien les polythéismes, tant ces facettes de ma personnalité son assimilable à ce moment de l’expérience à des individualités propres, à des déités. Mon individualité est fragmentée et exposée devant mes yeux par la psilocybine, elle siège autour de l’univers en mouvement.
 Il est rassurant, tentant de vouloir dialoguer avec chacune de ces facettes pour essayer d’obtenir leurs faveurs et pardons en les considérant comme extérieures ou tout simplement pour avoir leurs conseils. L’on revient ensuite à la ‘’ normalité ‘’ en se disant que l’on a rencontré des esprits, plus ou moins bienveillant qui nous ont guidés.
Je ne sais si ces rencontres avec les esprits que l’on retrouve décrites dans nombre de rites traditionnels, et en particulier dans ceux qui impliquent des alcaloïdes psychotropes, ne sont pas en fait systématiquement des rencontres avec soi-même. Ce qui est sûr c’est que j’ai un regard nouveau sur la chose.
Quoiqu’il en soit, la présence de ces facettes était tellement palpable, imposante, que si je ne m’étais pas vu en train de les observer avec le recul vertigineux que je décrirais dans le paragraphe suivant, j’aurais vraiment pu croire à une rencontre avec des esprits " extérieurs ".
Sur le moment je ressens et vis plus que je ne conceptualise, tout cela fuse dans mon esprit.
 
           En parallèle des différentes pensées ou sensations que je peux avoir, tout en contemplant cette architecture mouvante, je me vois entrain de contempler et de penser à tout ça. Dès que je commence à l’analyser, je me vois en train d’analyser le moi qui se voit contempler ces fractales et ainsi de suite dans une mise en abîme vertigineuse. Un peu comme deux miroirs mis l’un au-dessus de l’autre projetteraient une infinité de reflets d’eux-mêmes.
En cet instant le terme " psylospirale ascendante à l’infinie " sonnait bien dans ma tête.
Cet effet a été récurrent et constituant d’une bonne partie du voyage.
Dès lors que je me prenais à analyser ce que je vivais - et j’analyse énormément - dès lors que je sortais de la contemplation, je me retrouvais happé un étage au-dessus à contempler ce moi s’analysant, et ainsi de suite, dans une récurrence qui me semblait potentiellement infinie. En revanche quand j’arrivais à garder un regard neutre et à laisser les choses/pensées/visuels aller à leur libre cours sans les analyser, sans y introduire mon jugement, je pouvais voir tout cela flotter, baigner dans un espace noir infini, c’était étrangement satisfaisant. Au bout d’un certain temps sans analyse, l’architecture s’est repliée sur elle-même formant comme une boîte aux parois percées de dentelles fractales et mouvantes, laissant voir les engrenages de la conscience continuer leur vie à l’intérieur. Bien sûr dès l’analyse revenue je (moi n+1) me voyais entrain de voir (moi n) cette boîte. Mon moi n, était alors vu dans une boîte identique à celle qu’il contemplait, le moi n+1 contemplant la nouvelle et en la voyant flotter dans le vide. Et ainsi de suite.
 C’était vertigineux. Un peu perturbant aussi, j’ai opté pour le moins d’analyse et le plus de contemplation. Je n’avais certainement pas mis tous ces mots bien faibles à ce moment du voyage, englobé que j’étais dans ces visions.
 
            La complexité et la subtilité des choses ne s’arrête pas là. En effet, sans que les phénomènes que je viens de décrire ne cessent, je pouvais aussi penser à des choses plus précises, un zoom s’opérait alors sur une partie donnée de la fractale, et je voyais plus en détail un concept.
Le plus souvent j’avais aussi les mots " too specific " qui s’imposaient à moi et je revenais donc à une contemplation plus globale, de ce que je peux me souvenir ces mots sont venu par exemple en pensant à mon travail, à des personnes en particulier, à savoir si j’allais retranscrire cette expérience etc…
En revanche quand ces deux mots ne surgissaient pas j’avais un accès détaillé et visuel du concept en question. L’exemple le plus frappant est celui sur la vérité.
Je me suis mis à penser à ce concept en commençant avec les états unis, où chaque candidat accuse l’autre de mensonge de manipulation, utilise la vérité (en tronquant souvent le réel et la vérité elle-même) pour servir ses intérêts. Avec fulgurance m’est aussi venu une rétrospective de la pandémie, sa gestion politique désastreuse, les mensonges et pirouettes à répétition du gouvernement (masque inutile au lieu de dire on n’a pas les stocks, puis masque utile…) mais aussi une vision du monde déformée par certains ‘’ chercheurs de vérité ‘’ au point de devenir une illusion séduisante ou nous ne serions que le jouet de forces occulte. Le rapport entre pouvoir et vérité était aussi étalé devant mon esprit. Je rappelle que toutes ces informations et chaînes conceptuelles défilaient très, très vite dans mon esprit.
Tout en affutant ma réflexion, le zoom sur la fractale se précisait pour au final me laisser devant un tableau immense, qui doit surement représenter ma vision profonde de ce qu’est la vérité (à noter que dans ce texte je n’utilise pas les possessifs de manière égoïste mais plutôt parce que je ne crois pas en une vision absolutiste des choses, ainsi je ne pense pas avoir vu La représentation de La vérité, pas plus que je ne pense que ma représentation soit la bonne, j’ai simplement vu une représentation qui est mienne et intime, comme je ne l’avais jamais vu et vécue avant).
Je voyais donc se déployer devant moi un immense cylindre de lumière qui jaillissais du sol, droit et aveuglant. Tout autour de lui, depuis sa base, s’enroulaient en spirale montante une dizaine d’énormes tentacules/racines. A mesure que ces tentacules gagnaient en hauteur ils s’affinaient. Les proportions de chacun des constituants étaient proprement titanesques, je me sentais si petit au pied de cette vision. Ce tableau était bien entendu mouvant, organique, triste et magnifique à la fois, une œuvre de maître.
Et surtout il n’était qu’une partie de la fractale-univers que je contemplais.
 
            Je n’irais pas plus en avant dans l’exercice descriptif de ces visions tant il est difficile, et tant il leur rend peu justice.
Ce qui est remarquable c’est tout ce qui a pu se dérouler simultanément devant mon esprit. Le sens profond aussi qu’il y avait dans ces visions et motifs, ce n’était pas que de " jolis visuels ", ils étaient aussi ce que je pensais et ce que j’étais.
 
            Pendant ce temps-là, Mymi palpait régulièrement différents endroits de mon corps, j’ai aussi un peu exploré le sien, c’était agréable doux et chaud, rassurant aussi à certains endroits, mais pour l’un comme pour l’autre l’essentiel de notre vécu était mental.
 
Eau et reste de la soirée:

            Après un certain temps nous décidons de revenir à la lumière, nous sommes satisfaits de cette expérience dans le noir. Il est presque 16h.
Elle me demande si je suis motivé à faire couler un bain. Je le sens bien, et sans difficulté particulière je vais à la salle de bain faire couler l’eau. Les motifs kaléidoscopiques dessinés par les jeux d’ombre et de lumière des mouvements de l’eau sont le pendant visuel du son produit par les tintements du jet qui tombe avec fracas dans la baignoire.
Assez vite Mymi se met dans le bain, je suis plus hésitant à aller dans l’eau. Elle commence à sentir un changement dans le trip, les choses se calment. C’est encore bien intense pour moi.
Je finis par la rejoindre, nous échangeons dans l’eau, je me sens profondément bien, chaudement enveloppé et ce même si je suis contorsionné, pas évident de tenir à deux dans une baignoire quand on est grands.
De retour dans le lit, Mymi se met à regarder une série sur son téléphone, elle n’a plus d’effet et n’a plus envie de rester à rien faire. Je suis encore bien touché par la psilocybine, même s’il est vrai que la descente s’amorce doucement.
Je continue à peu près sur la même lancée, j’ai aussi à ce moment-là des sortes de réminiscences de ce qu’étais ma pensée enfant. C’est assez dur à décrire.
Quand je pense à une personne, toute une série d’effet physique et de manifestations mentales s’enclenchent, un mélange de ressentis émotionnels et physiques et de pensées analytiques. Et bien à ce moment, en pensant à mon frère ou mon père par exemple, me revannais ce mélange de manifestations comme il était quand j’avais 5-6 ans je pense, étonnamment je ressentais ça principalement au niveau des joues. Un peu perturbant mais pas désagréable.
Mymi est régulièrement secouées de spasmes, elle apprécie le comique de sa série, je me plais à ressentir ces tremblements.
 
            Vers environ 17h je me sens vraiment presque revenus à la normale, nous parlons à nouveau un peu plus dans le détail de ce que nous avons pu vivre, notamment dans le noir. J’ai encore beaucoup de mal à mettre des mots dessus. Elle a pour sa part beaucoup vécu et voyagé dans le monde des contes.
Devant les fenêtres de l’appartement il y a un bout de toit en tuile peu incliné, nous descendons nous y mettre pour profiter des derniers rayons du soleil.
On boit un verre de jus de fruit, on se sent vraiment bien tous les deux, je suis un peu étonné qu’avec la quantité ingérée le voyage n’ait pas été plus long.
Le reste de la soirée se passe tranquillement et on s’endort vers 21h sans difficulté.
 
Conclusion :
 
            Dix jours plus tard, je dirais que ce trip ne m’a pas aussi fondamentalement changé que certains, je ne m’attendais pas particulièrement à ça, mais qui sait ce qui aurait pu se passer ?
Je suis vraiment content de l’avoir fait, non que j’en tire une quelconque satisfaction pour mon égo, mais l’idée me titillait depuis un moment et je suis content de ne pas m’être arrêté au " il y a trop de risques ". Attention je ne dis pas : il n’y en a pas faites-le car ça s’est très bien passé pour moi.
 
           L’Amicale parlait d’activité psychique extrême, j’ai au début été un peu rebuté par l’appellation puis je me suis souvenu que je pratique l’escalade qui est classé dans les sports extrêmes. Pratiquer des activités extrêmes n’implique pas forcément d’être un casse-cou ou un irréfléchi.
J’ai toujours abordé l’escalade avec grande prudence et je ne me suis jamais blessé, j’en connais qui avaient la même prudence et qui se sont fait mal voir très mal, d’autres en revanche abordent la chose de manière plus bourrine et s’en tirent très bien, statistiquement un peu moins quand même. Je peux dire la même chose des psychédéliques.
Et tout comme en escalade la voie sportive n’est pas mieux ou moins bien que la longue voie ou l’escalade naturelle (terrain d’aventure), on se prépare simplement de manière adaptée pour chaque cas, surtout si l’on découvre l’un de ces types de grimpe. Il en est de même pour le dosage d’un produit ou le fait de prendre un produit naturel ou synthétique, il n’y a pas de mieux ou de moins bien, il faut se préparer à chaque fois et connaître les risques associés à chaque pratique.
 
            Autre fait qui m’étonne quelque peu c’est que je ne m’attendais pas à n’avoir plus que quelques effets très résiduels seulement cinq heures après l’ingestion. J’imagine que mon estomac presque vide plus les champignons réduits en poudre ont permis une assimilation rapide et soudaine du produit. Je me dis que nos corps ayant moins de travail (notamment digestif) ceux-ci ont pu métaboliser plus rapidement et efficacement la psilocybine, mais je ne sais pas si cette hypothèse à une quelconque réalité pharmacocinétique.
Ne minimisant en rien l’intensité de ce que j’ai pu vivre, j’ai été étonné de rester autant lucide et quelque part ancré, surtout en ouvrant les yeux. Je sais bien que la psilocybine n’est pas délirogène mais une part de mon esprit pensait et pense toujours qu’a un certain dosage on est complètement dissout par le produit, sans frontières entre le moi et le reste. C’était quelque chose que j’appréhendais sûrement un peu mais que j’aurais été prêt à accepter.
Je me suis aussi demandé si les champignons n’avaient pas été éventés et un peu perdu en psilocybine avec le stockage, j’imagine que je ne saurais jamais et que de toute façon la concentration varie tellement d’une souche à l’autre, et surtout l’effet d’un trip varie tellement d’un voyage à l’autre que je trouve le lien dose-effet très ambigu à décrire et certainement pas rigide. D’où le fait que les dosages soient conseillés dans des fourchettes à chaque fois.
Je ne cherche pas particulièrement à vivre ça d’ailleurs. Quoiqu’il en soit et c’est à prendre avec d’infinies pincettes, je sens que ce voyage m’a rassuré sur la prise d’une dose plus haute, et tout en restant très lucide sur les risques je me dis que pourquoi pas un jour essayer quelque chose entre cinq et six grammes.
J’avais le préjugé qu’avec une dose forte on retirait moins de bénéfices et de souvenirs, pourtant je garde des impressions vivaces de cette expérience, et je sens qu’elle m’a fait avancer sur ma voie. Encore une fois et au risque d’être lourd, je juge cela comme étant très personnel et intime et je ne saurais encourager qui que ce soit à faire de même. Décider d’une telle prise devrait relever à mon sens exclusivement d’une réflexion et d’une discussion entre soi et soi-même, ainsi que d’une prise d’informations extérieures la plus rigoureuse et globale possible.
 
En une phrase : je ne m’attendais à rien et je n’ai pas été déçu.
[/quote]

si au moins "ça passe" lors des franchissements difficiles qui ne manqueront pas de jalonner un parcours alors on peut revenir à soi.
 

Trickster

Holofractale de l'hypervérité
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13 Oct 2015
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Oué vraiment bien écrit et décrit, on retrouve vraiment tous les éléments d'un bon trip typique aux champi, et effectivement c'est pas facile à exprimer !

surtout l’effet d’un trip varie tellement d’un voyage à l’autre que je trouve le lien dose-effet très ambigu à décrire et certainement pas rigide. D’où le fait que les dosages soient conseillés dans des fourchettes à chaque fois.
Je ne cherche pas particulièrement à vivre ça d’ailleurs. Quoiqu’il en soit et c’est à prendre avec d’infinies pincettes, je sens que ce voyage m’a rassuré sur la prise d’une dose plus haute, et tout en restant très lucide sur les risques je me dis que pourquoi pas un jour essayer quelque chose entre cinq et six grammes.

Tu feras évidemment ce que tu veux mais je pense qu'il vaut mieux se concentrer sur le SS que sur le dosage (même s'il a son importance évidemment), à partir des 4/5 g je trouve que ça fait vraiment "forcing" et que le ratio bénéfice/ risque est pas ouf.
J'ai vécu des trips bien plus "puissants", mindfuck ou juste intéressants avec 3g et un bon SS qu'en faisant le bourrin avec 6g, c'est que mon avis mais je trouve que c'est un peu dangereux de rentrer dans une logique "bon 4g ça passe, y'a quoi après ?" sans savoir réellement ce qu'on cherche, même si on voit clairement que tu sais ce que tu fais. Comme tu le dis chaque trip est unique et se fier à un dosage au gramme quand on parle de champi c'est souvent risqué !

Par exemple ça me parait bien plus compliqué de se laisser dissoudre par le produit comme tu dis quand on est accompagné, même si la relation est fusionnelle on qu'on se sent parfaitement à l'aise avec cette personne, inconsciemment il y a quand même une grosse différence entre faire ça avec quelqu'un qu'on aime et se retrouver vraiment seul avec soi même sans personne vers qui se tourner ou pour nous distraire.

Bref désolé pour le petit pavé à la base je voulais juste te dire que tu m'avais redonné envie de me relancer dans les champis, j'ai beau bien aimer les RC trypta les champis ça reste quand même assez exceptionnel :mrgreen:
 

L'huitrerampante

Glandeuse pinéale
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4 Juin 2016
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Effectivement Trickster je me sens vraiment en accord avec ta remarque. Et tout comme je n'étais pas sur de prendre un jour 4 - 5 gr je ne suis absolument pas sur d'essayer plus, par rapport à cette prise je me dis néanmoins que ça peut avoir de l'intérêt.
Et c'est encore plus sur que je ne me dis pas c'est passé à 4 ça passera avec 6 !
Je sais très bien que ça ne veut rien dire, je pourrais tout à fait très mal vivre du 1.5gr d'ailleurs suivant comment je fais ça.

Je me focalise de toute façon comme tu le suggères bien plus sur le SS que la dose.
 
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