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1p-LSD - la forêt enchantée

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
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Un après-midi de printemps tardif… j’étais avec deux amis dans la petite maison de garde d’un bâtiment abandonné. Nous avions pour nous un immense terrain, couvert en grande partie de forêt, et parsemé d’anciennes habitations plus ou moins taguées. À mon avis, c’était l’endroit idéal pour renouer avec mon ami 1p-LSD, avec lequel j’étais un peu fâchée depuis mon dernier trip (à lire ici : http://www.psychonaut.fr/thread-31357.html  ).
Pan, le maître de maison, avait poliment refusé mon invitation au voyage ; mais No, plus curieux, accepta de m’accompagner. C’était sa première fois, et moi je voulais reprendre doucement, aussi j’ai rassemblé mes petits morceaux de cartons - résidus d’anciens trips - pour en faire deux minuscules tas dont chacun, approximativement, totaliserait 50 microgrammes de substance psychoactive.
On a trouvé une parfaite petite clairière, où quelques rochers moussus figuraient une table et des bancs pour fées et lutins. Le soleil faisait briller la pierre, quelques oiseaux chantaient. Quel endroit idéal pour triper ! ai-je pensé en dropant, et j’ai souhaité de toutes mes forces que : 1) No apprécie l’expérience ; 2) la présence d’un Pan complètement sobre ne gâche pas l’affaire ; 3) mes angoisses me laissent en paix ; 4) ah oui tiens, ne pas m’être trompée dans les dosages.

On avait de l’aquarelle, un petit carnet, et à trois on s’est embarqués dans un concours de dessin agrémenté d’un peu d’alcool. J’ai vite reconnu le bodyhigh mais, à ma grande déception, No ne sentait rien. Deux heures plus tard, j’étais juste assez défoncée pour m’inquiéter de l’image que je renvoyais, tandis que Pan haussait les sourcils l’air de dire : c’était bien la peine d’en faire toute une histoire. Pas de visu, pas d’euphorie, juste le soleil qui m’éblouit et de la confusion mentale : en effet, je me sens un peu conne. Je réfléchis : mes cartons commencent à être vieux, peut-être qu’ils sont éventés. Ou alors, la goutte n’était pas uniformément répartie et on est tombés sur des bouts où il n’y avait rien. Pas cool !
À H+3, mon trip est totalement neutre et je laisse mes deux amis pour aller faire pipi dans la forêt. Tout en marchant, je me répète que c’est pas grave, que l’expérience n’est pas négative en soi, mais rien à faire, je suis extrêmement frustrée, autant pour No que pour moi. Je fais mon affaire, je regarde autour de moi, et là, le choc.
Imaginez-vous au fond d’une petite ravine. Autour de vous, des arbres, des rochers, de la mousse. Rien de bien étonnant ! Mais pour moi, c’est comme si je venais de mettre des lunettes 3D. Les arbres sont immenses. La ravine est profonde. La nature palpite de vie. Je regarde partout, j’ouvre grand les yeux, j’essaye de prendre en moi toute cette force. Un plaisir de dingue me traverse. Je me mets à me caresser partout pour exprimer le courant vital qui menace de me submerger. Je ris, je me tire les cheveux, je me frotte les cuisses, je tourne sur moi-même. Putain ! Il aura fallu attendre trois heures, mais putain ! Qu’est-ce que c’est beau !


Putain ! J’en ai le vertige. Je fais quelques pas, et la nature m’engloutit. Je m’y perds complètement. Ces formes, ces couleurs. Cette perfection, ce miracle ! d’un tronc écroulé en travers de la ravine, sur lequel je marche en étendant les bras. Miracle de la mousse qui le colonise en rangs serrés de sangsues. Des polypores y ont poussé, peut-être même l’ont-ils tué, et je touche leur chair dure et violette de prédateurs. Cet arbre mort est la couche d’une vie vorace, belle et sans merci. Je prends conscience pour la première fois de la cruauté de la nature, de son absence totale de scrupules. Je prends conscience que mes principes ne pèsent pas lourd face au désir impérieux qu’a un champignon de vivre, dût-il pousser sur mes os.
Lorsque je me détache enfin de cet arbre mort, c’est au tour des arbres vivants de me faire tourner la tête. Il n’y a, autour de moi, plus aucun bruit humain. Je suis seule dans cette forêt où je me suis invitée, présomptueusement. Et je sens comme des regards sur moi ; non, ce n’est pas le bon mot – je sens une observation, je sens une indifférence aussi – je sens qu’on note ma présence, je sens aussi que je ne suis rien du tout. Je comprends que ce lieu n’est pas le mien. Que cette forêt n’est pas la mienne. Que je me suis imaginée, parce que je suis humaine, que j’avais ici un droit de passage, un droit imprescriptible de possession et d’exploitation. Un privilège tellement naturel que je n’en aurais même pas conscience, et dont le passeport serait mon corps même – ce corps humain qui veut tailler le monde à sa mesure. Et je mesure combien je me suis trompée. Les apparences tombent, je suis nue dans mon humilité et ma fragilité. Je ne suis qu’une espèce parmi d’infinités d’autres. Je ne suis pas plus ni moins évoluée, je vais dans un certain sens, c’est tout. Et ce sens n’est pas celui de cette forêt et de ses vrais possesseurs, les végétaux, animaux, minéraux, qui la peuplent et la construisent. Je ne suis qu’une étrangère, une invitée – qu’on accepte, mais une invitée quand même.


Je suis retournée dans ces contes où la forêt est un autre monde, l’antithèse du village et de la civilisation. Elle n’est plus une exploitation de bois ou un lieu de promenade, mais une entité qu’on pénètre avec crainte et fascination. Et c’est ainsi que je commence mon exploration. C’est très grisant car j’ai peur de me perdre, je prends des points de repère comme : je continue dans l’axe de la ravine, jusqu’à cette souche qu’on dirait une gueule ; alors je suis attirée par ces deux arbres aux branches emmêlées, et en me retournant je vois encore la souche, c’est bon ; et ainsi de suite, de jalon en jalon je m’éloigne sans périr. Les reliefs sont accentués par la drogue, chaque creux devient une vallée, et les feuilles mortes qui tapissent le sol m’enlèvent sur une mer parfois agitée. Je me sens comme une gamine qui joue à chat, en sautant de pierre en pierre pour éviter les crocodiles. Tout prend des proportions magiques, je ne fais plus attention à mon âge, à ma dignité, à tout ce qui nous retient dans nos passions naturelles. Il n’y a pas d’affaire plus sérieuse que de sonder la forêt et la ressentir dans tout le corps, que ce soit par la peur ou le jeu.
Je titube et me cogne contre des arbres que je touche avec respect, épuisée d’émerveillement. Certains ont une peau lisse et grise, avec un ondoiement tellement parfait que j’ai envie de les mordre. D’autres sont craquelés comme des sorciers anciens. Leurs corps dégagent une sensualité si profonde qu’elle n’est pas exprimable par nos mots, calibrés pour une sexualité pornographique. Mais surtout, ils sont tous différents. Soient-ils côte-à-côte et de la même espèce, je ne pourrais les confondre, c’est tellement flagrant ! Comment décrire ces individualités ? Des humains peuvent avoir la même couleur de cheveux, d’yeux, de peau, et nous voilà déjà bien embêtés pour les décrire – ouhlala, il va falloir faire un effort et parler de forme de menton, de fossette – alors des arbres ! Je le sais, c’est tout. Ils sont différents.

Voilà en gros l’ensemble de mes impressions lors de cet étourdissant voyage. Je suis allée jusqu’à une grande allée centrale que j’ai suivie jusqu’à retrouver mes amis, qui n’avaient pas bougé. Et j’ai passé avec eux la fin de mon trip, avec la sensation d’un secret magnifique et inexprimable.

Le lendemain, j’ai refait avec eux le même trajet, et deux choses m’ont attristée : d’abord, mes sensations n’étaient plus les mêmes, bien sûr. J’étais à nouveau une humaine en ballade dans un petit bois monotone. Mais j’ai aussi été incapable de communiquer mon expérience à mes amis, de les intéresser à l’aventure passionnante que j’avais vécue en ces mêmes lieux. Ça m’a fait réfléchir sur l’incommunicabilité de nos « voyages ». Je n’en ai pas vraiment tiré de conclusion.
 

Biquette

Modo vache qui rend chèvre
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5 Fev 2013
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La Forêt ! C'est toujours elle qui me dit si ma présence est bienvenue ou non. Parfois les troncs se penchent vers moi, leurs chuchotis feuillus se faisant insistants voir menaçants, les noeuds des écorces appuient leurs regards sur ma nuque et le message est clair : je ne suis pas à ma place.
Et parfois la Forêt nous tend les branches, comme un aîné que l'on respecte, ou comme une amie d'enfance mutine qui nous offre l'espace du secret.

Joli moment d'intimité que tu partages, merci ! Ca valait le coup de suivre le lapin blanc...
 

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
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Maintenant je vois une frontière très floue en expérience psychédélique et paganisme.
C'était la première fois que je sortais du champ humain pendant un trip, jusqu'ici j'avais toujours été dans des maisons ou des jardins. L'expérience était intense, ça me donne envie de pousser plus loin. Alors je me heurte toujours un peu au même problème : mon entourage n'est pas très lysergamidé, et ceux qui le pourraient n'ont pas trop d'attirance envers le merveilleux. Seule ? J'avoue, ça me fait un peu peur ! Le 1p m'a prise par surprise, et il me surprendra encore la prochaine fois. De toute façon, ça ne se passera pas comme je veux :)
 

Acacia

𝓥𝓪𝓹𝓸𝓾𝓻𝓸𝓾𝓼 𝓢𝓱𝓪𝓭𝓮𝓼蒸気の色合い
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25 Mai 2017
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Merci pour ce Trip report !
Je crois connais assez bien ce sentiment que tu décris au début du trip, on ressens bien le body load, on est bien face à des effets, mais on est incapable de savourer la "magie" du trip, c'est souvent là que des usagers se mettent à fumer et partent en bad, mais ce n'est pas le sujet . Ce que je trouve de mieux à faire dans cette situation, c'est soit de bouger, méditer ou engager une conversation, sous L j'ai le sentiment que la confusion est toujours proche de l'indécision : je ne sais pas quoi faire = je n'arrive pas à apprécier= je je suis confus= merde c'est relou ...

Aussi, je trouve la molécule pas toujours évidente à gérer seul, là pour le coup les boucles de pensées et petits délires sont légions et on a personne pour nous rassurer . Seul, a des doses avoisinant les 100microns, je finis souvent par me persuadé que les bruits extérieurs me sont adressées ou que mon intégrité physique est en danger pour une raison ou une autre, dans ces situations là, en groupe un simple regard bienveillant suffit à mettre un terme au délire .

C'est très intéressant ce que vous dites sur le paganisme, je n'ai encore pas vraiment eu l'occaz de m'acidifier en pleine nature un peu sauvage, je finis la plupart du temps dans une couette ou un plaid et je dirais que l'absence de réelle stimulation visuelle ou émotionnelle pour orienter mon trip me pousse dans des esthétiques très cosmiques avec un fort sentiment d'harmonie et d'amour pour le concept même de vie . Cela doit en effet être une profonde expérience que de vivre ça dans un environnement plus vivant concrètement parlant . Ca me fait penser qu'au pic de mes expériences, j'ai parfois le sentiment d'être une forme d'humain plus primitif,un humain dans toute son animalité, qui se contente de respirer, de ressentir et d'exister .
 

psaikooo

Neurotransmetteur
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6 Juin 2018
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36
Merci beaucoup pour ce rapport très détaillé ! C'est un grand plaisir pour moi de le lire. S'il vous plaît dites-nous plus d'expériences 1P-LSD ici dans le forum =)
 

diaphane

Elfe Mécanique
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5 Août 2022
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277
Superbe expérience. Merci.
Il y a en effet de très belles histoires sur ce forum !
C'est très beau et donc ... trop court.
Etrangement, ces moments que tu ne peux pas décrire avec des mots sont peut-être les plus fascinants.
C'est cela qui (me) touche beaucoup aussi dans certains récits d'EMI et que je retrouve dans ce TR.

Les commentaires en dessous sont aussi très intéressants.

C'est drôle que le trip commence au moment où tu te retrouves seule. Coïncidence ?

Question naïve, le fait de tripper avec un novice et un autre qui décide de rester spectateur pourrait-il avoir bloqué les choses ?

Ou bien est-ce d'avoir fait pipi qui a tout déclenché ?
 

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
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7 251
Question naïve, le fait de tripper avec un novice et un autre qui décide de rester spectateur pourrait-il avoir bloqué les choses ?

Il y a de ça, mais je pense que c'est aussi l'immobilité qui m'empêchait de me rendre compte de la perturbation de mes perceptions.

Ou bien est-ce d'avoir fait pipi qui a tout déclenché ?

Ça commence à faire longtemps, mais je me rappelle de cet instant où la forêt m'a submergée si fort que j'en ai eu besoin de me caresser partout, le pantalon encore sur les genoux  :p
Alors oui peut-être que la stimulation de cette partie du corps par la miction m'a fait quelque-chose xD
 
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