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DXM et métabolisation (CYP2D6) : l'échelle des paliers est-elle si pertinente ?

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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27 Avr 2016
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Objet de ce topic : le rôle du polymorphisme de métabolisation dans les différences d'effets du DXM entre les individus.


Qu’est-ce que la métabolisation ?
Je vais la faire courte car j’y connais pas grand-chose.
Le métabolisme c’est l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l’intérieur d’un être vivant ; la métabolisation c’est ce qui arrive à une substance subissant ces réactions chimiques.
Quand la molécule de DXM arrive dans notre organisme, elle subit l’action de notre métabolisme, et passe par des réactions chimiques qui la transforment.
Cela se produit notamment dans le foie et l’appareil digestif, où le DXM est métabolisé, entre autres, en DXO par l’enzyme CYP2D6. Une enzyme c’est une protéine qui fait réactions chimiques. On dit donc que le DXO est un métabolite du DXM.

Qu’est-ce que le polymorphisme ?
Ça a plein de sens mais en ce qui concerne les enzyme, ça implique que tous les êtres humains ont un métabolisme différent. L’enzyme CYP2D6 est particulièrement touchée : il y a plus de 40 versions des gènes qui la codent, et dans les faits, environs 10 % de la population mondiale a un CYP2D6 de faible activité (voire inactif).
Le résultat, c’est que les médicaments censés être métabolisés par cette enzyme le sont plus lentement. La molécule ingérée reste plus longtemps dans le sang, s’accumule et peut causer des surdoses ; ses métabolites mettent du temps à apparaître et sont moins concentrés dans le sang.
Certains composés, tels que le pamplemousse blanc, le CBD ou la fluoxétine, peuvent jouer sur l’activité de cette enzyme et ainsi modifier les effets d’une substance.

Pourquoi c’est important / intéressant ?
Parce que les effets psychotropes du DXM dépendent grandement de sa métabolisation en DXO par le CYP2D6.
En effet, le DXM agit principalement sur la sérotonine et la noradrénaline (inhibiteur de recapture), tandis que DXO agit principalement sur les récepteurs NMDA (antagoniste), responsables de l’effet dissociatif. (Tous deux sont aussi des agonistes des récepteurs sigma.)
Leurs profils d’effets sont très différents. Donc, l’efficacité de la métabolisation du DXM en DXO, en jouant sur les quantités de chaque substance présente dans le sang à un moment, joue sur les effets ressentis par l’usager.
C’est pourquoi certaines personnes boivent du jus de pamplemousse blanc avant de prendre du DXM. En boostant l’activité de l’enzyme CYP2D6, cet agrume modifie le trip.

Si on continue à réfléchir, hypothèse :
- 10 % de la population a un CYP2D6 paresseux.
- le CYP2D6 joue un rôle dans les effets du DXM (en le transformant en DXO).
Donc, selon cette logique, 10 % de la population devrait avoir naturellement un ratio DXM/DXO différent de la norme, et donc des effets qui ne correspondent pas aux nombreux « guides du DXM » qui circulent sur Internet (notamment les échelles de dosage).




Vérification
J’ai trouvé une petite étude qui s’intéresse à cette question. J’en ai peut-être manqué de plus récentes et plus probantes : si vous en connaissez, n’hésitez pas à les signaler :)

Phenotypic differences in dextromethorphan metabolism
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2717511/

On part de la mention d’une étude précédente basée sur l’analyse des urines de 268 Suisses : le ratio de DXM/DXO y permettait de séparer les métaboliseurs lents (9%) des métaboliseurs rapides. En anglais, on dit PM (« poor metabolizer ») et EM (« extensive metabolizer »). Maheureusement cette étude-là n’a pas l’air facile d’accès (ça commence à faire vieux).

Buts de notre papier : produire des résulats supplémentaires à propos des différences de métabolisation (polymorphisme) du DXM dans la population. On va chercher à :
- quantifier la concentration dans le plasma (un composant du sang) de DXM, DXO et 3-hydroxymorphinane (je vais appeler ça le 3-MH dans le reste de ce post).
- quantifier la concentration dans les urines d’autres métabolites.

Ce papier est en fait une méta-étude, c’est-à-dire qu’il fonctionne non pas en produisant son propre protocole expérimental, mais en agrégeant les données d’expériences précédentes. Ici c’est une méta-étude de faible envergure, qui agrège trois petites études. Celles-ci quantifiaient les données ci-dessus à d’autres fins de recherche (telles que comparer la biodisponibilité de conditionnements différents). Ça fait un total de 44 personnes, ce qui n’est pas beaucoup mais si on considère les 268 personnes de l’étude citée au début, ça vaut le coup de s’y pencher.

Résultats :
Dans chaque groupe, ils ont trouvé une ou deux personnes qui avaient un haut taux de DXM et des bas taux de DXO et 3-HM si on les comparaient aux autres. Les auteurs qualifient ces résultats comme procédant d’une « distribution bimodale », c’est-à-dire que les stats révèlent deux grands groupes.
En accord avec les résultats des analyses d’urine, sur lesquels je vais pas m’étendre car c’était trop compliqué, ces personnes ont été identifiées comme étant des PM (métaboliseurs lents) en opposition aux EM (métaboliseurs rapides).
Sur cette échantillon de 44 personnes, l’indidence est de 9,1 %, ce qui est cohérent avec l’étude citée au début qui trouvait une incidence de 9 %.

Conclusion :
Un peu moins de 10 % de l'échantillon métabolise mal le DXM. En comparaison avec le groupe majoritaire, il a effectivement plus de DXM et moins de DXO dans le sang à un moment donné.
Pour la même quantité, la Cmax (le pic de concentration de la molécule dans le sang) de DXM est plus élevé, et celui de DXO moins élevé, chez les métaboliseurs lents que chez les métaboliseurs rapides.
C’est pas dit dans le papier, mais cela est forcément en rapport avec le polymorphisme du CYP2D6. Les papiers ultérieurs s’accordent d’ailleurs dessus.




Maintenant, la grande question : quelle conséquence pour les consommateurs ? Mes hypothèses (mais c’est juste logique) :
1) Les métaboliseurs lents ont un trip différent : moins dissociant et plus sérotoninergique / noradrénergique.
2) Les métaboliseurs lents ont besoin de doses plus élevées pour atteindre les niveaux de dissociation des métaboliseurs rapides.
3) L’échelle des plateau n’est pas adaptée aux métaboliseurs lents. Les effets décrits ne correspondent pas vraiment aux leurs.
4) Cela peut mettre en danger les métaboliseurs lents qui, pour atteindre des niveaux de dissociation satisfaisants, risquent de prendre des doses entraînant des effets sérotoninergiques et noradrénergiques disproportionnés, avec les risques associés.
5) Il faut donc arrêter de présenter cette échelle comme une connaissance absolue et la ramener à son contexte : une échelle subjective, proposée par un petit groupe de pionniers du psychonautisme, probablement (statistiquement) appartenant au groupe phénotypique majoritaire.

J’ai pas d’étude fiable pour appuyer cette hypothèse, seulement cet intéressant petit papier qui, à défaut de prouver (l’échantillon est trop faible), donne quelques indices :

Psychotropic effects of dextromethorphan are altered by the CYP2D6 polymorphism: a pilot study
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9690700/

C’est une étude-pilote, censée préparer le chemin pour une recherche de plus grande evergure. J’ai pas trouvé de version accessible de l’article donc je vais juste traduire l’abstract :

« Le dextrométhorphane est un antitussif non opioïde métabolisé par le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) en un métabolite actif, le dextrorphane. Le CYP2D6 est exprimé de manière polymorphe chez les humains, 5 à 10 % des Caucasiens présentant une déficience pour la forme active de l'enzyme.
Dans une étude pilote, les auteurs ont étudié les effets pharmacologiques du dextrométhorphane chez des individus phénotypés et génotypés comme métaboliseurs extensifs (EMs, N = 4) et métaboliseurs pauvres (PMs, N = 2) des substrats du CYP2D6.
Les doses de dextrométhorphane ont varié de 0 à 6 mg/kg en fonction de la tolérance de chaque sujet. Tous les EM ont toléré 3 à 6 mg/kg de dextrométhorphane, tandis que les PM ont à peine toléré 3 mg/kg de dextrométhorphane et ont donc reçu des doses plus faibles.
Comme l'ont montré les études précédentes, la cinétique plasmatique montre de profondes différences dans le métabolisme du dextrométhorphane entre les EM et les PM.
Le dextrométhorphane a produit des effets objectifs et subjectifs qualitativement et quantitativement différents dans les deux groupes. Sur le plan objectif, les PM présentaient une plus grande déficience psychomotrice, mesurée par une tâche de suivi au moyen d'un joystick, que les EM sous 3 mg/kg de dextrométhorphane (performance moyenne +/- SE, 95+/-0,5 % pour les EM contre 86+/-6 % pour les PM ; p < 0,05).
À cette dose, les EM ont également signalé un potentiel d'abus plus important que les PM (p < 0,05), et les PM ont signalé une sédation et une dysphorie plus importantes que les EM (p < 0,01).
Ces données fournissent des preuves préliminaires que le dextrorphane contribue au risque d'abus de dextrométhorphane et que, par conséquent, les PM pourraient être moins susceptibles d'abuser du dextrométhorphane. »
 

ToToro

Holofractale de l'hypervérité
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Je pourrais rajouter que de tous les TR que j'ai lu, j'ai lu quelque personnes qui affirmaient que chez eux le DXM durait + de 10H, + la dosage était important + la durée était longue, jusqu'à + de 24h avec parfois 2 ou 3 jours d'after effect, avec des dosages qui tiennent pourtant du plateau 2 ou 3.

Quelques personnes qui avaient besoin de prendre des haut dosages pour avoir un trip (plateau 3 ou 4) mais ne parlaient pas d'effet beaucoup + long (je crois aussi me souvenir que l'effet était moins intéressant).

Et au moins une personne qui avec des dosages qui tiennent normalement du plateau 1 se tapait un gros trip d'1h30 / 2H très mindfuck puis plus rien (pour elle je pense qu'elle devait métaboliser très vite presque tout le DXM en DXO, faisant partie des rares qui ont plusieurs fois le gène qui code l'enzyme ; pour les 2 autres cas je m'avance pas).
 

Tridimensionnel

Holofractale de l'hypervérité
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J'ai trouvé une mention de ce phénomène dans un endroit où je ne m'y attendais pas !

Il y a cet article (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12042590/) qui en 2002 cherche à catégoriser les sites proposant des informations sur les drogues. Erowid et Lycaeum en font partie, c'est un peu alarmiste comme le veut l'époque, etc.
Le papier mentionne le site Third Plateau, dédié au DXM, qui est accessible par webarchive : http://web.archive.org/web/20050610020140/http://www.third-plateau.org/
Le site avait une page "CYP2d6 Deficiency: Information on CYP2d6 Deficiency", qui n'a plus l'air accessible, mais le papier la paraphrase : "explaining that patients with subnormal CYP2D6 enzyme activity may have more of a prolonged effect."

Il y a aussi ce titre d'article, dont le contenu n'est pas accessible malheureusement : "Dextromethorphan poisoning in an adolescent with genetic cytochrome P450 CYP2D6 deficiency."
 
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